Vers une nouvelle neuroesthétique élargie
Vers une nouvelle neuroesthétique élargie. Pour une approche neurobiologique incarnée et étendue de l’art liée aux nouvelles propriétés de la cognition et de l’œuvre
Alice Dupas, École Normale Supérieure de Lyon, IHRIM UMR 5317.
Dossier « Repenser l’interdisciplinarité entre esthétique et neurosciences cognitives », coordonné par Donna Jung et Bruno Trentini.
Résumé
D’une part, une théorie internaliste de l’art, d’après laquelle une œuvre en serait une à l’unique faveur de propriétés inscrites dans l’objet d’art, n’est plus soutenable aujourd’hui, ainsi que l’a prouvé l’art avant-gardiste largement dématérialisé du début du XXe siècle et l’art contemporain après lui. D’autre part, une théorie internaliste de l’esprit ne semble plus non plus soutenable si l’on suppose que l’on ne peut comprendre la vie de l’esprit sans référence à ce qui est extérieur au cerveau, à savoir le corps et le monde. C’est donc à une double approche externaliste de la cognition et de l’art que nous nous référons, laquelle permet de critiquer aussi bien la vision cérébrocentrée des neurosciences qui place l’ensemble des processus mentaux à l’intérieur du cerveau, que celle de la neuroesthétique traditionnelle qui pose que notre expérience esthétique est de part en part neuronale. Au travers de cette double critique, nous défendons l’idée qu’une nouvelle neuroesthétique, fondée sur la théorie externaliste de l’art et de l’esprit, est possible et souhaitable. Celle-ci prend la forme d’une approche neurobiologique incarnée et étendue de l’art.
Mots-clés: externalisme cognitif ; art avant-gardiste ; neuroesthétique élargie ; externalisme esthétique modéré ; psycho-histoire de l’art
Abstract
On the one hand, an internalist theory of art, according to which a work of art is such only because of the internal properties of the art object, is no longer sustainable today, as evidenced by the largely dematerialized avant-garde art of the early twentieth century and by contemporary art after it. On the other hand, an internalist theory of the mind no longer seems to be sustainable either if one assumes that it is not possible to understand how the mind works without reference to what is outside the brain, namely the body and the world. That is why we refer to a twofold externalist approach to cognition and art which allows to criticize both the neuroessentialist vision of neuroscience which suggests that all mental processes occur inside the brain, and that of traditional neuroaesthetics which states that our aesthetic experience is totally neuronal. Through this twofold critique, we argue that a new neuroaesthetic based on the externalist theory of art and mind is possible and desirable. It comes in the form of an embodied and extended neurobiological approach to art.
Keywords: Cognitive Externalism; Avant-garde Art; Extended Neuroaesthetics; Moderated Aesthetic Externalism; Psychohistory of Art
Introduction
L’hypothèse que nous défendons se déploie sur deux pans qui s’entrecroisent et se répondent : un pan épistémologique d’étude de la cognition et un pan esthétique d’étude de l’expérience esthétique et des propriétés de l’œuvre d’art. D’une part, nous pensons que l’étude de la cognition doit abandonner une vision internaliste qui voudrait que l’ensemble de nos processus et états mentaux se situent, de manière exclusive, dans notre cerveau. Et d’autre part, nous pensons que les propriétés de l’œuvre d’art – exemplifiées en priorité à l’aube du XXe siècle avec les formes artistiques avant-gardistes (ready-made, dadaïsme, minimalisme, performance, bad painting, nouveau réalisme, etc.) – ne se réduisent pas aux propriétés internes et visibles (beauté principalement) de l’objet-iconique, mais s’étendent au-delà de lui. L’avant-garde artistique s’est en effet placée en rupture directe avec l’esthétique traditionnelle qui recherchait au titre de ses caractéristiques fondamentales la beauté, l’émotion de plaisir ou encore la figuration, mais aussi avec un certain art moderne toujours à la recherche de beautés nouvelles et expressives (impressionnisme, fauvisme, art brut, surréalisme, primitivisme, etc.). En mettant l’accent sur l’innovation et le caractère inédit de ses œuvres, l’avant-garde a voulu placer le concept ou l’idée de l’œuvre au premier plan et a ainsi révélé la véritable nature de l’art, celle qui en fait une cosa mentale selon la belle formule de Léonard de Vinci.
À l’appui du premier pan de notre analyse, il s’agit de montrer qu’un modèle adéquat de la cognition doit relever d’une approche incarnée et étendue de celle-ci, qui réaffirme notamment l’importance du corps et de l’environnement physique, historique et culturel des sujets dans les processus cognitifs. Ce modèle adéquat relève donc d’une approche externaliste de la cognition selon laquelle les phénomènes mentaux ne sont pas confinés dans le crâne ou le cerveau mais adviennent aussi dans le corps et dans le monde. Au regard du second pan de notre analyse, il s’agit de noter que l’art du XXe siècle a engendré un changement de point de vue dans l’ontologie de l’art. Aussi sommes-nous passés à une approche elle-même externaliste des propriétés de l’œuvre qui suppose que ces mêmes propriétés sont d’ordre relationnel, à un niveau général, et que le regardeur fait partie intégrante des propriétés de l’œuvre d’art dans son acte cognitif, à un niveau plus resserré.
La conception externaliste de la cognition que nous soutenons a des conséquences dans le champ des neurosciences qui a longtemps privilégié une conception internaliste de l’esprit. Combinée à la conception externaliste que nous proposons de l’art, cette conception a des répercussions dans le champ de la neuroesthétique. Elle permet, dans un premier temps, de s’opposer logiquement au projet de la première neuroesthétique qui recherche les constantes immuables des objets d’art d’un point de vue internaliste en se focalisant presque exclusivement sur la beauté. Mais elle autorise également, dans un second temps, à requestionner et à réhabiliter une certaine neuroesthétique, une neuroesthétique élargie qui s’échafaude sur une approche neurobiologique incarnée et étendue de l’art, laquelle suppose que pour en étudier la nature, il faut faire appel aux neurosciences, mais pas seulement.
I. L’approche externaliste qui élargit la cognition et les propriétés de l’œuvre d’art : une nécessité épistémologique et esthétique
I. 1. Pour une approche externaliste de la cognition
I. 1. a. L’esprit étendu : le renversement de la vision internaliste des processus mentaux
L’internalisme et sa théorie de l’identité du mental et du cérébral suppose que tous nos processus mentaux sont internes au cerveau et qu’il y a une ligne de partage indépassable entre l’esprit et le corps (hors cerveau) et entre l’esprit et le monde. L’esprit serait alors un homoncule cérébral cloisonné dans le crâne, qui n’a besoin ni du corps organique, ni du monde pour exister. D’ailleurs, Fodor nous met en garde de façon très explicite contre l’approche externaliste de la cognition dans les années 2000 : “Mind the gap. You’ll regret it if you don’t[1].”
À cette position internaliste s’oppose le paradigme externaliste qui décérébralise l’esprit et qui se définit, a minima, comme une théorie de l’inscription corporelle, mais surtout environnementale et culturelle des phénomènes mentaux. Il s’agit d’une manière générale de soutenir que l’esprit n’advient pas uniquement dans le cerveau, ni même dans le corps, mais qu’il s’étend à travers le monde dans une vision plus holistique : “Cognitive processes ain’t (all) in the head![2].”
Si l’on va davantage dans le détail, il est plusieurs formes d’externalisme qu’il faut dissocier. Le content externalism, semantic externalism ou taxonomic externalism soutient d’abord que le contenu mental est déterminé, de l’extérieur, par l’environnement physique[3] et/ou social[4] de l’individu en tant qu’un contenu de pensée doit détenir un aspect qui est irréductible à l’intériorité d’un esprit : l’aspect référentiel de même que la signification de l’eau (H2O) est déterminée, en partie, par l’environnement naturel ou social, le contenu des états mentaux à propos de l’eau est lui-même déterminé, en partie, par l’environnement extérieur. Un externalisme actif (active externalism, extended mind thesis) suggère quant à lui qu’il convient de penser ensemble la cognition, la perception et l’action sous la forme d’un couplage ou d’une « intégration mutuelle[5] ». Cette conception est plus radicale que l’externalisme de contenu dit passif qui ne détermine pas si l’externalité de contenu joue un rôle causal (la cognition fonctionne en tandem avec l’environnement mais lui reste extérieure en nature) ou constitutif (l’environnement fait partie constitutivement, en nature, de la cognition) dans la cognition. Selon l’externalisme actif, l’environnement que l’on perçoit et dans lequel on agit joue un rôle actif et constitutif dans l’élaboration et l’emploi de nos processus cognitifs. Ces derniers sont en ce sens dépendants des actions que l’on effectue dans le monde et de la manipulation de certains objets, comme lorsque l’on utilise un papier et un stylo ou une calculatrice pour effectuer des calculs complexes.
I. 1. b. L’exemple paradigmatique de la perception visuelle pour comprendre l’approche externaliste de la cognition
La position externaliste de la cognition est le plus souvent motivée par des considérations énactivistes[6] d’après lesquelles la perception est une activité qui implique des interactions avec les objets et les espaces extérieurs. Expliquons : la perception ne saurait être définie dans cette théorie comme une simple réaction, comme telle passive, à un stimulus environnemental. Le contenu perceptuel est énacté par l’exercice de nos capacités sensorimotrices, c’est-à-dire qu’il advient par notre contact direct et dynamique avec le monde ; « l’enjeu est bien de dynamiter la vision dualiste sur le monde et comment le monde agit sur nous[7] ». Comme le disent très bien Myin et Veldeman : “From the externalist position about the mind discussed here (…) visual perception is primarily an activity[8].” C’est donc la ligne de partage séparant l’expérience perceptuelle et l’environnement ou le contexte qui doit être abolie.
Pour Alva Noë par exemple – qui constitue une référence incontournable sur cette question –, la perception n’est pas un processus inférentiel interne à l’esprit, elle est le résultat d’une exploration corporelle dans le monde. Aussi notre stimulation perceptive – et sensorielle plus généralement – est-elle toujours liée à nos mouvements dans l’espace et donc à notre activité. C’est la raison pour laquelle Noë considère que la perception est un agir semblable au toucher : « Comme le contact, la vision est active[9] », explique-t-il. Pour l’auteur d’Action in perception, le contenu de la perception n’est pas semblable au contenu d’une image que l’on pourrait saisir d’un coup, au premier coup d’œil. A contrario, il se gagne graduellement via une exploration active et mobile. De cette manière, l’activité qui a lieu dans les représentations (internes) ne génère en rien l’expérience perceptive : “The outside world serves as its own, external, representation[10].” Cette précision, apportée par Noë et O’Regan dans un article collaboratif dédié à l’étude de l’approche sensorimotrice de la vision, nous apprend bien que la perception visuelle dépend de nos capacités à agir dans le monde.
I. 2. Pour une approche externaliste des propriétés de l’œuvre d’art
I. 2.a. Les nouvelles propriétés élargies de l’œuvre d’art au xxe siècle : une approche contextualiste et historiciste
En sortant massivement du régime représentationnel et des limites matérielles délimitées dans l’esthétique traditionnelle apparue au XVIIIe siècle[11] (fondée sur la mimésis, la beauté, l’émotion de plaisir, ou encore la représentation), une grande partie de l’art du XXe siècle – l’art avant-gardiste de la période moderne et l’art néo-avant-gardiste de la période contemporaine – se définit largement d’après son contexte de réalisation aussi bien que d’après les intentions de l’artiste qui lui ont donné vie. En étant aussi bien, et parfois avant tout, une idée ou un concept, l’œuvre d’art depuis la rupture artistique impulsée au tournant du XXe siècle a « cessé d’être considérée comme figée dans le temps et l’espace[12] » : œuvre et contexte ne font désormais plus qu’un. Comme le dit en effet Jean-Marie Schaeffer : « Si l’essence de l’art ne réside pas dans des qualités esthétiques et donc perceptuelles, mais dans la structure intentionnelle, l’identité de l’œuvre d’art est toujours éminemment historique, puisqu’elle dépend des spécificités culturelles de l’époque où elle est créée[13]. »
Certes tout l’art du XXe siècle ne propose-t-il pas des œuvres dématérialisées et/ou désesthétisées, mais ces dernières ont contribué à profondément renouveler la nature de l’art en étant le socle originaire et logique des théories et pratiques qui vont leur succéder dans le temps. Il s’ensuit que l’œuvre d’art ne s’appréhende plus seulement, ontologiquement, comme un artefact dont les propriétés seraient internes à l’objet (théorie internaliste des propriétés de l’œuvre d’art). Elle n’est pas une pure entité présente ici et maintenant, elle s’inscrit dans un processus génétique complexe dans lequel interviennent notamment l’intention de l’artiste, son contexte culturel et historique et son lieu de production. Nous voyons donc que l’art avant-gardiste élargit les propriétés de l’œuvre, autant que son contexte ; « celui-ci englobe les actions, les objets, les théories, les propositions et les attitudes quotidiennes de l’artiste » ainsi que le souligne Luciano Vinhosa qui propose désormais de « penser l’œuvre dans son sens élargi[14] ». C’est particulièrement le cas de l’Art Conceptuel des années 1960 qui se pense en termes de procédures ou d’attitudes, mais encore de tout un pan de l’art depuis l’époque moderne qui a suivi la percée conceptuelle de Duchamp. L’urinoir renversé muséifié de l’artiste témoigne de façon emblématique du processus d’élargissement de l’œuvre d’art et de l’incorporation du contexte dans les ingrédients déterminants de l’œuvre. Et en effet, comme l’indiquent Myin et Veldeman : “Marcel Duchamp’s Fountain, his famous urinal on a pedestal is to be appreciated as making a point, rather than having aesthetic merit as a physical object. This performative aspect of art is of primordial importance to art, and cries out for an externalist understandind[15].”
L’ensemble de ces considérations nous pousse à considérer ces propriétés externes et relationnelles comme étant désormais constitutives de l’œuvre d’art, comme participant fondamentalement de leur identité. Aussi proposons-nous une approche externaliste des propriétés de l’œuvre d’art : si les propriétés intentionnelles et contextuelles de l’œuvre sont externes à l’œuvre(-objet) en un sens littéral, elles sont intrinsèques à l’œuvre (d’art) au sens métaphorique du terme.
I. 2. b. L’expérience esthétique intellective du spectateur face aux nouvelles propriétés de l’œuvre d’art
Nous avons vu que l’œuvre d’art s’apparentait notamment à un objet esthétique intentionnel. A minima, l’intention se définit comme ce que quelqu’un vise ou a visé. Ainsi, pour saisir l’intention sous-jacente à l’œuvre, il faut que le spectateur y soit attentif, soit vigilant et soucieux de retrouver ce qui a été visé par l’artiste. Le fonctionnement d’une œuvre d’art « est toujours en partie attentionnel, c’est-à-dire dépend du type d’attention que lui porte son récepteur[16] ». Ce qui distingue l’œuvre d’art de tout autre objet, c’est donc qu’elle a pour intention d’être artistiquement reçue, c’est-à-dire sur un mode attentionnel qui suppose la focalisation de l’activité mentale autour d’un objet artistique. La reconstruction mentale de l’intention de l’artiste suppose effectivement que le spectateur fasse intervenir tout un faisceau de connaissances, ainsi qu’un effort poussé de compréhension. Autrement dit, un objet ne saurait être artistique, a minima, s’il n’était pas d’abord l’objet d’une intention, celle de l’artiste, laquelle doit ensuite être identifiée par le spectateur dans sa posture attentionnelle[17]. Cette attitude heuristique de concentration et de sélection des informations est requise au premier chef face aux œuvres avant-gardistes, ces œuvres qui parfois ne présentent plus rien d’additionnel par rapport à ce que la vie industrielle nous offre : ready-mades[18], divers objets qui occupent notre vie quotidienne dans le cubisme ou le pop art, hyperréalisme, etc. Et en effet, face à des œuvres d’art qui, de plus en plus, dissimulent leur objet et leur signification, sont nécessairement sollicités des spectateurs attentifs, rigoureux, curieux et parfois même patients.
La relation esthétique que l’art avant-gardiste implique délimite ainsi une conduite ou une posture pour le spectateur qui s’oppose à une attitude purement affective ; l’expérience esthétique s’apparente à une conduite de type cognitif et épistémique plus qu’à une attitude désintéressée et contemplative. Parce qu’il interprète et décrypte le message de l’œuvre qu’il a sous les yeux, le spectateur active donc ses facultés intellectuelles supérieures de raisonnement, d’interprétation, de mémoire sélective, de compréhension ou encore, disions-nous, d’attention. Il est effectivement invité à s’investir dans son expérience artistique, à faire une véritable expérimentation de l’œuvre en faisant intervenir sa réflexion et en mobilisant ses connaissances. C’est d’ailleurs dans cette perspective que Couchot a pu rapprocher les conduites esthétiques des conduites scientifiques : il s’agit de montrer que si l’on se place, non du point de vue des valeurs, mais de celui des démarches, ces deux formes de conduites « sont corrélées à des processus cognitifs mus, dans les deux cas, par une attention dirigée vers le monde[19] » qui oblige le sujet à faire intervenir ses facultés cognitives et épistémiques de haut niveau. Ainsi, et comme le mettent au jour Myin et Veldeman : “According to the contextualist, what makes something an artwork is not its intrinsic properties but how it relates to a loosely characterized institution or a historically defined socio-cultural practice, which requires the relevant background knowledge on the part of the receiver[20].” Dire cela, c’est donc défendre une fois de plus une approche externaliste des propriétés de l’œuvre d’art qui n’inclut plus seulement les intentions de l’artiste et le contexte de l’œuvre, mais aussi l’expérience esthétique attentionnelle et cognitive du spectateur. Mais c’est encore lancer un appel pour une approche scientifique et peut-être même neuroscientifique de cette expérience esthétique cognitivée.
II. La confrontation de la double approche externaliste avec le(s) projet(s) de la neuroesthétique
II. 1. La remise en cause d’une certaine neuroesthétique au regard des nouvelles propriétés reconnues à l’œuvre d’art et à la cognition
II. 1. a. Vers une remise en question du projet originel de la neuroesthétique
Mettre en lumière la nature cognitive de l’art semble rendre légitime un appel à la science, et en particulier aux neurosciences cognitives, qui peuvent du reste tout à fait s’appliquer au matériau artistique. Cette association entre l’art et la cognition a entraîné la naissance d’une discipline fondamentalement hybride et novatrice, la neuroesthétique, qui s’apparente à une extension du domaine neurophysiologique au domaine artistique et qui est outillée par les techniques des neurosciences, notamment l’imagerie fonctionnelle.
Née dans les années 1990 sur les bases de la psychologie expérimentale proposée par Berlyne et Fechner dans la seconde moitié du XIXe siècle, la neuroesthétique cherche à connaître les fondements neurobiologiques et les corrélats neuronaux qui sont impliqués dans l’expérience esthétique. Cette approche expérimentale de l’art fondée par Zeki et Ramachandran convoque ainsi les neurosciences pour explorer les ressorts objectifs et universels du processus artistique dans le cerveau, depuis la création jusqu’à la réception.
Mais c’est précisément parce qu’elle recherche les fondements universels de l’expérience esthétique que la neuroesthétique des débuts nous paraît négliger périlleusement le caractère contextuel et étendu que nous avons reconnu à la fois à la cognition (aux processus mentaux) et aux œuvres d’art. La neuroesthétique d’un Zeki, d’un Hirstein ou d’un Ramachandran aurait ainsi le tort de couper à la fois l’œuvre d’art de son histoire (contextualism) et le spectateur de son vécu (embodied and extended cognition). Dans les mots probants de Tallis par exemple : “Paintings are treated in neuroaesthetics as mere isolated stimuli or sets of stimuli (…). The works and our experiences of them are divorced from their cultural context, and from the viewer’s individual history[21].” Et Pierce et al. d’ajouter quelques années plus tard : “Neuroaesthetics has sometimes been criticized precisely for treating the object and the person out of their context[22].” Et en effet, la neuroesthétique traditionnelle considère que le cerveau, cet organe qui fait jouer l’activité neuronale, est le seul instigateur de la production et surtout de l’appréciation de l’expérience esthétique, sans que ne soient convoqués le reste du corps, ni même le vécu ou l’environnement physique et social du sujet. Toutefois, nous pensons que ces éléments « intrinsèquement situés dans l’espace et dans le temps historiques[23] », tout autant que les processus sensorimoteurs et émotionnels prenant place dans le corps, sont inséparables d’une bonne compréhension et caractérisation de l’expérience esthétique. De facto, s’il ne fait aucun doute que le cerveau détient un rôle majeur à jouer dans l’expérience esthétique, il convient malgré tout de souligner que pour comprendre ledit processus et ne négliger aucun aspect de la situation esthétique, il faut considérer d’autres attributs qui s’étendent au-delà du cerveau.
II. 1. b. La beauté, si chère à la première neuroesthétique, peut-elle être encore un critère définitoire dans l’art contemporain ?
La neuroesthétique telle que la proposent ses pionniers est avant tout l’étude des bases neurales de la perception de la beauté dans l’art, particulièrement dans les systèmes cérébraux de la mémoire, des émotions et de la récompense. Au début de leur article « Neural Correlates of Beauty », Zeki et Kawabata expliquent la procédure de ce programme : “We have used the technique of functional MRI to address the question of whether there are brain areas that are specifically engaged when subjects view paintings that they consider to be beautiful, regardless of the category of painting[24].” En suivant cette démarche empirique, la neuroesthétique s’interroge sur la possibilité de l’existence d’un fondement objectif et biologique de l’expérience de la beauté dans l’art et postule l’existence d’objets qui seraient intrinsèquement esthétiques. Or, outre les questions rebattues par les opposants de la neuroesthétique concernant la légitimité ou non d’universaliser l’expérience du beau, une autre question relative à l’histoire ou à l’évolution même de l’art peut être posée : quid de la viabilité d’une telle étude universalisante de l’expérience esthétique face à des œuvres d’art avant-gardistes et contemporaines qui n’ont parfois plus rien de beau tant elles recherchent « l’indifférence esthétique[25] » prônée initialement par Duchamp ?
Si beaucoup d’œuvres d’art du XXe siècle ont perdu le critère de la beauté et celui de l’émotion de plaisir qui lui est corrélé pour se laisser saisir dans une définition relationnelle, c’est tout le projet de la neuroesthétique des années 1990 et 2000 qui doit être remis en cause. Autrement dit, le changement de paradigme dans l’art, soutenu par le renversement massif de la beauté, obligerait à un changement de paradigme en neurosciences dans le domaine esthétique. Nous pensons qu’un programme de neuroesthétique qui se veut cohérent et actualisé doit, a minima, incorporer à son étude les systèmes émotionnels outrepassant le seul plaisir. Et pour cause, les réponses cognitives aux œuvres d’art ne sont plus nécessairement hédoniques et il n’existe pas d’objets eux-mêmes intrinsèquement esthétiques, beaux et plaisants. Pour le dire encore autrement, c’est toute l’esthétique expérimentale et hédoniste fechnérienne du XIXe siècle – qui n’avait de sens qu’eu égard au concept de plaisir – qui doit être dépassée.
II.2. Une jonction salutaire entre la neuroesthétique et une approche doublement externalisée (dans le corps et dans le monde) de l’œuvre d’art
II. 2. a. Une approche neurobiologique incarnée du processus artistique
C’est avec le recul très net du paradigme cognitiviste (qui pensait la cognition comme un dispositif de traitement séquentiel de l’information semblable au fonctionnement d’un ordinateur) à partir des années 1980-1990, que le rapport de la psychologie avec l’art a lui-même évolué : il est devenu aujourd’hui récurrent d’asserter que de même que la cognition ne saurait se ramener à de froids calculs opérant de manière abstraite, « la création ne saurait se réduire à une forme d’intelligence calculante opérant sur des symboles prédéfinis[26] ». Mais ce rapprochement fructueux de l’esthétique avec les neurosciences, lequel provient plus largement du tournant neurocognitif qui a traversé l’ensemble des sciences de la cognition, s’est ensuite lui-même vu critiqué sur certains points. Les soupçons d’une embodied aesthetics vont avant tout à l’encontre d’une neuroesthétique qui se concentre sur des facteurs purement neuronaux.
Dans la remise en question progressive du caractère désincarné du processus esthétique, l’idée d’une incarnation du processus a pris elle-même plusieurs sens liés peu ou prou à la prise en considération, puis à la remise en question des conséquences théoriques du tournant neurocognitif. En un premier sens, l’incarnation renvoie à l’ancrage neurobiologique de l’expérience esthétique. Lorsqu’elle fait cas de ce premier sens, la neuroesthétique a donc pour tâche de chercher les corrélats neuronaux de ladite expérience. Toutefois, en un second sens, l’incarnation renvoie non plus seulement au cerveau physique, mais au reste du corps biologique, à l’organisme en son entier. À l’appui de cette nouvelle acception, il revient à une certaine neuroesthétique d’étendre son étude au corps organique du sujet porteur de l’expérience esthétique. Et en effet : “It is people, not their brains, that make and enjoy art. You are not your brain, you are a living human being[27]” s’exclame à juste titre Alva Noë. Une telle approche s’oppose non seulement au caractère modulariste et localiste que l’on pourrait octroyer à la neuroesthétique traditionnelle (réductionniste et modulariste), en tant qu’elle isole des aires du cerveaux, mais aussi à l’idée, somme toute plus généreuse, que ce serait tout le cerveau (mais seulement lui) qui serait convoqué dans notre expérience de l’œuvre, comme dans un réductionnisme amodulariste supposant que la compétence esthétique sollicite des fonctions cognitives préexistantes qui, en synergie, peuvent produire une réponse esthétique[28]. L’idée générale, dans les deux cas, reste de dire que seuls des modules, assurant une certaine fonction cérébrale et localisés dans le cerveau, entrent en jeu dans l’expérience esthétique. Le point de vue, à la fois différent et supplémentaire, qu’apporte notre conception est qu’il faut penser un rapport de codétermination du cerveau et du corps qui agissent dans une totalité indivisible au cœur du processus artistique. L’expérience esthétique, toute cognitive qu’elle soit, n’est pas pour autant entièrement celle du système nerveux, elle convoque plus largement le corps. L’expérience perceptuelle d’une œuvre suppose son exploration motrice et dynamique, des émotions corporelles, l’excitation des sensations.
II. 2. b. Intégrer le contextualisme et l’historicisme des philosophes et historiens de l’art au projet scientifique de la neuroesthétique
Mais au-delà d’une esthétique incarnée (embodied aesthetics), c’est une esthétique étendue qui nous paraît salutaire à plus d’un titre. Dans le cas de l’extended aesthetics, le processus créatif s’étend littéralement dans l’environnement extérieur qui n’est pas seulement, par conséquent, au service dudit processus (dépendance causale), mais qui le construit (rapport constitutif). La critique philosophique de la première neuroesthétique se poursuit et porte donc, en partie, sur l’universalisme sans nuance de cette tradition neuroscientifique qui ne se laisse pas atteindre par les réalités contextuelles et historiques.
L’extended aesthetics assume une position externaliste qui renvoie à la fois au caractère étendu de l’expérience esthétique et au caractère étendu de l’œuvre d’art. Le mouvement d’ouverture des propriétés de l’esthétique permis par cette approche est donc double : d’une part, il s’agit de dire, comme nous l’avons fait plus haut, que les attributs de l’œuvre d’art s’étendent au-delà de l’œuvre-objet, et d’autre part, il s’agit de montrer que l’expérience esthétique ne se situe pas uniquement dans le crâne, mais qu’elle s’étend dans le corps et dans le monde. Alva Noë résume parfaitement bien cette double idée en ne manquant pas de critiquer le modèle classique de la neuroesthétique : “Neuroaesthetics gets it wrong at both ends. A work of art is not merely a thing, and the source of an artwork’s value is not merely its effect on the nervous system[29].”
Il existe, dans le champ esthétique et scientifique faisant cas du changement de paradigme qu’ont connu les arts du XXe siècle, une approche fondamentalement pluridisciplinaire qui s’apparente à un externalisme modéré, lequel soutient que les objets acquièrent leur statut ou valeur artistique à partir de facteurs historiques et contextuels, ainsi que nous le postulions avec notre définition relationnelle de l’art, mais en outre à partir de propriétés internes à l’œuvre-objet qu’une perception active est en mesure de saisir. Ces outils sont, explique Bullot, les « contingences historiques et sociétales dans les contextes artistiques (les mondes de l’art)[30] » ; ce sont donc les connaissances contextuelles des œuvres d’art : époque, lieu, biographie de l’artiste, contexte socio-culturel, contexte politique, etc.
Le constat sur lequel s’appuie cette théorie psycho-historique de l’art est le suivant : “(…) studies of art appreciation lack explanatory power if they use simplified stimuli that are disconnected from an art-historical context[31] .” En considérant que l’œuvre d’art est un artefact historiquement situé, l’on ne saurait l’étudier indépendamment de sa situation historico-culturelle, laquelle comprend notamment les agents intentionnels et attentionnels qui l’entourent (artistes et spectateurs.). Toutefois, il ne faut pas penser que les œuvres d’art sont entièrement déterminées par leur contexte (théorie purement contextualiste ou historiciste de l’art qui ne dit plus rien du contenu spécifique et immanent des œuvres d’art) ; elles le sont aussi par des propriétés internes et perceptuelles que la neuroesthétique est en mesure d’examiner sur le plan neurobiologique, et qui n’entre d’ailleurs pas en contradiction avec une approche embodied et extended de la cognition et de l’art qui place, nous l’avons vu en particulier avec Alva Noë, l’expérience perceptuelle au centre de sa théorie. Il nous faut rappeler que l’œuvre d’art est en effet un objet qui se saisit dans un acte perceptif et attentionnel direct avant d’être un artefact historiquement situé et porteur d’un sens à interpréter eu égard à « l’histoire causale qui a conduit à sa production et à sa transmission[32] ».
Cela nous renseigne également sur la nature de l’art cognitif : si l’art cognitif se saisit dans une définition relationnelle qui place les intentions de l’artiste, l’attention sélective du spectateur, et le contexte de l’œuvre au cœur de son essence, il ne saurait échapper à toute approche formelle qui fait de la perception un élément fondateur de sa doctrine.
II. 2. c. Les avantages de cette théorie sur le plan conceptuel et scientifique
Pour l’ensemble des raisons évoquées, nous pensons que pour fonder une esthétique cognitive qui soit non seulement cohérente mais complète de surcroît, il faut faire intervenir bien d’autres éléments que les seuls systèmes cognitifs internes (au cerveau) dans l’analyse de l’expérience esthétique. La psychologie cognitive et la philosophie cognitive sont d’ailleurs parfois restées critiques vis-à-vis de la neuroesthétique classique en raison de ses dérives réductionnistes. L’accusation principale à son encontre tient à son caractère limitant, elle est neuro-essentialiste. Il n’est pas question de dire qu’une approche neurologique appliquée à l’art est inopérante ou totalement fausse, mais plutôt qu’elle ne peut, seule, rendre compte du phénomène esthétique en son entier. Il paraît en cela légitime, et c’est sur ce point que la philosophie est essentielle, de se demander si une totale naturalisation de l’esthétique – qui ferait d’elle un pur chapitre de la psychologie cognitive, voire l’apanage des neurosciences – est souhaitable[33]. Peut-on procéder à un parfait « gommage des frontières[34] » à la Quine (qui souhaitait naturaliser in toto l’épistémologie) entre l’art et les neurosciences ?
Nous ne le pensons guère. Pourtant, une neuroesthétique qui ne met pas de côté les ressources du corps et qui est ouverte aux propriétés externes et constitutives des œuvres d’art (histoire, contexte, intentions de l’artiste, attention du destinataire), doit continuer de servir la naturalisation de l’esthétique et le développement des recherches expérimentales chez les sujets, car ce sont des points centraux dès lors que nous parlons de l’art et de l’expérience esthétique en termes cognitifs. La neuroesthétique détient l’avantage majeur et incontournable de s’intéresser scientifiquement et expérimentalement aux processus cognitifs qui sont en jeu lorsqu’un individu aborde une œuvre d’art. Elle ne se contente pas, en effet, des théories philosophiques qui abordent la question des facultés impliquées dans le processus cognitif d’un point de vue purement conceptuel et abstrait ; elle passe au niveau pratique pour explorer ce que se joue biologiquement dans le processus créatif et nous renseigne ainsi efficacement sur la nature des fonctions cognitives à l’œuvre dans ledit processus.
Ainsi, pour résumer cette conception et en reprenant les mots bien choisis de Myin et Veldeman, nous pouvons dire que :
It is our contention that there is some partial truth in both opposite positions. Traditional aestheticism acknowledges the constitutive role of perceptual experience in art but ignores the historical and socio-cultural dimensions of art that are indispensable for its full appreciation. Contextualism, on the other hand, foregrounds these background dimensions at the expense of attention to the visual properties of artworks[35].
Si les propriétés d’une œuvre ne se limitent pas à l’objet d’art, une neuroesthétique performante devra prendre en compte les outils de l’histoire de l’art. Si la cognition ne se limite pas à ce qui se passe dans le cerveau, alors une neuroesthétique performante devra collaborer avec l’embodied et l’extended cognitions qui collaborent elles-mêmes avec les neurosciences sans s’y restreindre. Le tout est donc de proposer une étude de l’art qui ne soit pas purement neuro, mais qui soit aussi biologique, culturelle et historique, car il ne sera jamais possible d’expliquer la réussite d’un danseur ou d’un plasticien en utilisant l’électromyographie et il sera toujours vain et inopérant philosophiquement de vouloir traiter une peinture comme si elle était un simple ensemble de stimuli.
Conclusion
Le nouveau paradigme de l’art impulsé par l’art avant-gardiste, lequel renverse les codes prescrits par l’esthétique traditionnelle au XVIIIe siècle, redéfinit les propriétés de l’œuvre d’art en faisant parfois sortir l’œuvre de son support matériel. Désormais, le contexte de l’œuvre, les intentions de l’artiste ou encore l’attention cognitive du spectateur vont constituer des propriétés ontologiques pour l’œuvre élargie. Mais cet externalisme en matière d’œuvre d’art (pan esthétique) n’est pas sans rappeler ce qui se produit à plus grande échelle dans la cognition elle-même (pan épistémologique). Nous pensons qu’une approche de l’esprit étendu, qui élargit les facultés cognitives au corps et à ce qui se situe dans le monde et dans l’histoire d’un point de vue externaliste et contextualiste, est en mesure de rendre compte de façon à la fois plus fine et plus juste de ce qui relève du mental.
Le premier long moment de conceptualisation que nous avons réservé aux deux pans spécifiés nous aura permis de mieux comprendre les enjeux du renouvellement d’une discipline que nous considérons centrale dès lors que nous parlons du processus esthétique en termes cognitifs : la neuroesthétique. Désormais, de même que les propriétés de la cognition et de l’art doivent être étendues ou externalisées (dans le corps et dans le monde), la neuroesthétique qui est chargée d’étudier l’art et de rendre compte de sa pleine nature, ne peut plus se cantonner à une étude neurologique du processus artistique. Aussi doit-on procéder à une extension de la discipline et considérer une neuroesthétique elle-même élargie qui prend en compte le corps du spectateur dans son expérience esthétique, mais aussi son inscription dans un contexte, une histoire, et plus largement l’inscription de l’œuvre d’art dans toute l’histoire de l’art. C’est en ce sens bien spécifique que nous avons parlé d’une approche neurobiologique incarnée et étendue de l’art.
[1]Jerry Fodor, “Where is my mind”, London Review of Books, 31(3), 2009, p. 13-15.
[2]Andy Clark & David Chalmers, “The Extended Mind”, Analysis, 58(1), 1998, p. 7-19.
[3]Hilary Putnan, “The meaning of ‘meaning’”, Minnesota Studies in the Philosophy of science, 17, 1975, p. 131-193.
[4]Tyler Burge, “Individualism and the Mental”, Midwest Studies in Philosophy, 4(1), 1979, p. 73-121.
[5]Pierre Steiner, « Introduction cognitivisme et sciences cognitives », Labyrinthe, 20, 2005, p. 13-39.
[6]L’énaction est un « concept inventé par Francisco Varela pour désigner une vision subjective du monde, non linéaire, sensorielle et motrice » (François Lejeune, « Corps-à-corps œuvre-public. Approche esthésique d’une installation », Bruno Trentini (dir.), Revue Proteus, no 4, la place de l’esthétique en philosophie de l’art, 2012, p. 19.)
[7]Pascal Pique, « Vers un nouvel espace mental », Mario Borillo (dir.), Dans l’atelier de l’art : Expériences cognitives, Champ Vallon, 2017, p. 205-217.
[8]Erik Myin et Johan Veldeman, “Externalism, mind and arts”, Riccardo Manzotti, Situated aesthetics : Art beyond the skin, Exeter, Imprint Academic, 2011, p. 27-61.
[9]Alva Noë, Action in perception, Cambridge, The MIT Press, 2004, p. 73.
[10]Kevin O’Regan et Alva Noë, “A Sensorimotor account of vision and visual consciousness”, Behavioral and Brain Sciences, 24-5, 2001, p. 939-973.
[11]On considère que l’esthétique comme discipline autonome est née sous la plume de Baumgarten dans son Aesthetica en 1750.
[12]Catherine Millet, Textes sur l’art conceptuel, Daniel Templon, 1972, p. 35.
[13]Jean-Marie Schaeffer, Préface, A. Danto, La Transfiguration du banal, Seuil, 1989, p. 16-17.
[14]Luciano Vinhosa, « Penser l’œuvre dans son sens élargi », B. Lafargue, L’Esthétique aujourd’hui ? Figures de l’art no 1, 2006, p. 171-190.
[15]Erik Myin & Johan Veldeman, “Externalism, mind, and arts”, op. cit., p. 52.
[16]Gérard Genette, L’Œuvre de l’art, Paris, Seuil, 2010, p. 231.
[17]Nous suivons ici la pensée de Genette dans L’Œuvre de l’art, Deuxième partie, 16 « L’attention esthétique », p. 412-416. Le tort de Genette est de penser l’attention en termes aspectuels et appréciatifs. Ce faisant, il lie son concept d’attention esthétique au jugement esthétique kantien.
[18]Riout dit par exemple que « le ready-made mise sur l’efficace de l’intentionnalité » (Qu’est-ce que l’art moderne ?, Paris, Gallimard, 2000, p. 178).
[19]Edmond Couchot, La Nature de l’art. Ce que les sciences cognitives nous révèlent sur le plaisir esthétique, Paris, Hermann, 2012, p. 266.
[20]Erik Myin & Johan Veldeman, “Externalism, mind, and arts”, op. cit., p. 58.
[21]Raymond Tallis, “The limitations of a neurological approach to art”, The Lancet, 372-9632, 2008, p. 19-20.
[22]MT Pierce et al., “Neuroaesthetics : The cognitive neuroscience of aesthetic experience”, Perspectives on Psychological Science 11-2, 2016, p. 1-30.
[23]Fernando Vidal, « La neuroesthétique, un esthétisme scientiste », La Revue des Sciences Humaines, 2011, p. 2-25.
[24]Semir Zeki S. et Hideaki Kawabata, “Neural Correlates of Beauty”, Journal of Neurophysiology, 91, 2004, p. 1699-1705.
[25]Marcel Duchamp, Duchamp du signe, écrits réunis par M. Sanouillet, Paris, Flammarion, 1975.
[26]Edmond Couchot, « Percept vs Concept. Une approche cognitive de l’art et de l’esthétique », Revue Proteus, no 4, op. cit., p. 4-12.
[27]Alva Noë, “Art and the limits of neuroscience”, Opinionator, The New York Times, 4, 2001.
[28]Sur ce sujet, voir Jérôme Dokic, « L’architecture cognitive du sens esthétique », in Mario Borillo, Dans l’atelier de l’art : Expériences cognitives, op. cit., p. 49-60.
[29]Alva Noë, Strange Tools. Art and Human Nature, Hill and Wang, 2015, p. 98.
[30]Nicolas J. Bullot, « La théorie psycho-historique de l’appréciation artistique et la naturalisation de l’esthétique », J. Morizot, Naturaliser l’esthétique ? Questions et enjeux d’un programme philosophique, Presses Universitaires de Rennes, 2014, p. 77.
[31]Nicolas J. Bullot & Rolf Reber, “The artful mind meets art history : toward a psycho-historical framework for the science of art appreciation”, Behavioral and Brain Sciences, 36, 2013, p. 133.
[32]Nicolas J. Bullot, « La théorie psycho-historique de l’appréciation artistique et la naturalisation de l’esthétique », op. cit., p. 81.
[33]Pour cette raison, John Hyman affirme par exemple que : “In neuroscience, and in psychology in general, philosphy is unavoidable” (John Hyman, “Art and Neuroscience”, Roman Frigg et Matthew C. Hunter (dir.), Beyond mimesis and convention, Boston studies in the philosophy of science, 262, 2010, p. 261).
[34]Quine, Relativité de l’ontologie et autres essais, Paris, Aubier-Montaigne, 1977, p. 104.
[35]Erik Myin & Johan Veldeman, “Externalism, mind, and arts”, op. cit., p. 55-56.