Simondon et Bergson
Simondon et Bergson
Jean-Hugues Barthélémy est directeur du Centre international des études simondoniennes (CIDES) et chercheur associé HDR à l’université Paris-Nanterre.
Résumé
Aussi central, dans l’œuvre de Simondon, que le rapport à Norbert Wiener, celui à Henri Bergson se définit clairement comme un double rapport de filiation et de rupture, tant dans L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information que dans Du mode d’existence des objets techniques, les deux ouvrages majeurs où Simondon offre un au-delà proprement philosophique de la pensée bergsonienne du vivant en général, de l’humain en particulier et de la technique, mais aussi de l’ « intuition » comme méthode. Le présent article procède, sur tous ces points, à la synthèse de travaux exégétiques qui ont toujours placé le double rapport à Bergson au cœur même de l’invention théorique livrée par Simondon à Deleuze comme, aujourd’hui, à ceux qui veulent penser après Simondon et par-delà Deleuze.
Mots-clés : Coupure anthropologique – Intuition – Technique – Transduction – Vivant
Abstract
As central, in the work of Simondon, as the relationship to Norbert Wiener, that to Henri Bergson is clearly defined as a double relationship of filiation and rupture, both in Individuation in the Light of the Notions of Form and Information as in On the Mode of Existence of Technical Objects, the two major books where Simondon offers a proper philosophical beyond Bergsonian thinking of living being in general, of human being in particular and of technology, but also of ‘intuition’ as method. This article proceeds, on all these points, to the synthesis of exegetical works which have always placed the double relationship to Bergson at the very heart of the theoretical invention delivered by Simondon to Deleuze as, today, to those who want to think after Simondon and beyond Deleuze.
Keywords : Anthropological Cut – Intuition – Living Being – Technology – Transduction
Le rapport à Henri Bergson est incontestablement, avec celui à Norbert Wiener[1], le rapport qui traverse aussi bien L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information (ILFI) que Du mode d’existence des objets techniques (MEOT), c’est-à-dire en définitive le grand œuvre philosophique de Simondon en quoi consiste l’ensemble formé par ses deux thèses principale et complémentaire pour le doctorat d’État. Plus précisément, la confrontation aussi bien explicite qu’implicite à Bergson est centrale dans ILFI et encore présente dans MEOT, tandis que la confrontation aussi bien explicite qu’implicite à Wiener est centrale dans MEOT et déjà présente dans ILFI – où elle est renforcée par l’adjonction éditoriale de textes comme « Forme, information, potentiels » ou « Allagmatique ».
Depuis mon Penser l’individuation. Simondon et la philosophie de la nature[2], j’ai toujours insisté sur le fait que l’ontologie génétique proposée par ILFI, c’est-à-dire sa théorie générale de la genèse de toute chose – nommée par lui « individuation » et susceptible d’être « physique », « vitale » ou « transindividuelle » -, n’était pas seulement la réécriture, faite en termes de « phases » et de « régimes », de l’ontologie des « ordres » physique, biologique et « humain » offerte par Merleau-Ponty dans La structure du comportement. Elle était aussi, et peut-être d’abord, la réécriture de la cosmogénèse bergsonienne, encore trop vitaliste, à la lumière de l’épistémologie anti-substantialiste livrée aux philosophes par l’œuvre de Gaston Bachelard (sur le rapport de Simondon à Bachelard, voir ici même l’article « Simondon et Bachelard » de Vincent Bontems). Entre Bergson et Simondon, donc sur une lignée à laquelle Bachelard, lui, n’appartenait pas[3], il y avait Pierre Teilhard de Chardin, dont je disais en 2005 la nature très spécifique du rapport de son Simondon à son œuvre[4], et dont j’ai appris quelques années plus tard que Simondon, dans une conférence prononcée aux États-Unis, l’avait qualifié de philosophe français vivant le plus important. Cette importance accordée à Teilhard vient confirmer encore la centralité du rapport de Simondon à Bergson, source incontestable et incontestée de l’entreprise philosophique de Teilhard. On pourrait dire que Simondon est ainsi à la croisée de deux lignées de la philosophie française du 20e siècle : la lignée Bergson-Teilhard de Chardin-Simondon(-Deleuze) et la lignée (Brunschvicg-)Bachelard-Canguilhem-Foucault/Simondon[5], la pensée de la biologie et de la vie chez Canguilhem ayant elle-même offert certains aspects d’une difficile rencontre de l’ontologie vitaliste de Bergson avec l’épistémologie anti-substantialiste de Bachelard. Quant à Deleuze, placé par moi en fin de lignée et donc après Teilhard et Simondon, il doit aussi, bien sûr, directement à Bergson, même si l’on peut se demander dans quelle mesure sa (re)lecture très précoce de Simondon n’a pas participé à sa (re)lecture de Bergson et à sa pensée du « virtuel » (sur le rapport de Deleuze à Simondon, voir ici même l’article « Deleuze et Simondon » de Judith Michalet).
Le double rapport de filiation et de rupture développé par Simondon à l’égard de Bergson a permis ces dernières années, au sein de la communauté philosophique bergsonienne, l’émergence de travaux ayant pour objectif explicite de prolonger l’effort simondonien de création conceptuelle en l’appliquant à des questions qui étaient déjà celles de Bergson, mais que le vitalisme bergsonien ne permettait pas de traiter d’une façon qui soit compatible jusqu’au bout avec la physique contemporaine. La grande force de Simondon est en effet d’avoir compris en quoi la physique contemporaine – la mécanique einsteinienne et, plus encore, la thermodynamique et la physique quantique – offrait à l’ontologie philosophique des schèmes de pensée permettant une subversion réelle, et donc post-bergsonienne, des oppositions ou alternatives classiques de la tradition philosophique occidentale, telles les alternatives mécanisme/vitalisme et déterminisme/indéterminisme.
Ainsi par exemple, en physique quantique les « quantons » ne sont ni à proprement parler des corpuscules ni à proprement parler des ondes[6], et c’est pourquoi ils manifestent à la fois des propriétés corpusculaires et des propriétés ondulatoires, étant ainsi théorisables selon deux modes respectivement probabilitaire et non-probabilitaire. La première conséquence, du point de vue de la différence avec Bergson, est que Simondon verra dans le « potentiel quantique » un état de l’être correspondant à ce qu’il nomme du « plus qu’un », c’est-à-dire du « préindividuel » sursaturé d’où procèderait ainsi tout processus d’ « individuation » et donc, chez Simondon, tout processus de genèse physique, biologique et psycho-sociale : ici, nulle tentation d’un vitalisme qui irait jusqu’à déclarer, comme le faisait Bergson et d’une façon qui voisinait même avec le spiritualisme, que « c’est la conscience, ou mieux la supra-conscience, qui est à l’origine de la vie »[7]. L’origine de la vie est « pré-physique et pré-vitale », dit Simondon, mais cela ne signifie pas qu’elle serait spirituelle puisqu’elle n’est pas encore individuée et que la dualité onde-corpuscule seule nous en donne une idée approchée.
Bergson avait certes compris que, contrairement à ce que soutenait une tradition philosophique dominante, l’évolution de la vie biologique implique que cette dernière soit porteuse non seulement de la conscience du monde ou conscience d’objet – celle-là même que Descartes allait jusqu’à refuser aux animaux –, mais aussi de la conscience de soi ou conscience réflexive – par laquelle Kant et ses successeurs plus contemporains, eux, prétendaient distinguer l’homme de l’animal[8]. En ce point, donc, Bergson s’était singularisé par sa capacité à intégrer rapidement – davantage que bien des philosophes contemporains, en tout cas – la pensée évolutionniste[9]. D’où sa revendication d’un « évolutionnisme vrai ». Mais – et cette revendication même en constitue l’indice en ce qu’elle prétend aussi discuter-dépasser le discours scientifique – la pensée bergsonienne de l’« élan vital » présentait encore bien des aspects problématiques du point de vue de ce à quoi nous ouvrait le progrès scientifique en termes de compréhension du monde. La tentation spiritualiste inhérente au vitalisme bergsonien en est un premier exemple aux yeux de Simondon, mais elle n’est pas le seul exemple. À cette tentation s’ajoute en effet chez Bergson, et de façon du reste très cohérente, l’idée que même si « la conscience est coextensive à la vie »[10] et se complexifie jusqu’à l’homme au lieu d’apparaître avec lui, ce dernier marquerait malgré tout une rupture au sein de cette continuité évolutive : « avec l’homme seulement, un saut brusque s’accomplit »[11]. La raison en serait que la conscience morale constituerait une « différence de nature » qui « sépare l’homme du reste de l’animalité »[12].
Simondon veut échapper à ce type de coupure « Homme » / « animal » – laquelle, toutefois, reste seulement résiduelle chez Bergson puisque l’idée de « reste de l’animalité » fait bien malgré tout de l’homme un animal -, et il fait le geste singulier de nommer « anthropologie » la tentation de prêter à l’homme une essence qui le distinguerait et le séparerait du reste du vivant, telle la conscience morale selon Bergson : « Par elle-même, écrit Simondon, la notion d’anthropologie comporte déjà l’affirmation implicite de la spécificité de l’Homme, séparé du vital. Or, il est bien certain que l’on ne peut faire sortir l’homme du vital, si l’on retranche du vital l’Homme »[13]. La majuscule à « Homme » vient ici clairement qualifier les pensées de la coupure anthropologique, dans la mesure où elle s’oppose à la minuscule de l’« homme » que l’on doit « faire sortir du vital ». Mais la formule prise dans son ensemble n’en reste pas moins étrange, car circulaire en apparence : n’est-il pas évident voire même tautologique que si l’on sépare l’homme du reste du vivant, on ne pourra faire sortir l’humain du vital ? En réalité, cette circularité vise à suggérer ceci : c’est parce que l’homme doit se comprendre comme un vivant que réciproquement la vie doit se comprendre comme potentiellement porteuse d’un devenir psycho-social. C’est en quoi la pensée simondonienne du vivant ne prend sens qu’à la lumière de son combat central contre la « coupure anthropologique » des philosophes, la pensée de Bergson constituant pour sa part une transition entre la tradition philosophique occidentale et Simondon – grand précurseur de la brûlante « question animale » qui est la nôtre aujourd’hui. Le mécanisme, appliqué au vivant, servait les intérêts d’un anthropocentrisme qui était premier, et qu’il s’agit de combattre en redonnant au vivant sa capacité à engendrer l’homme et sa spiritualité. Non d’ailleurs que le texte de Simondon soit toujours conforme à cette visée : Simondon ne bénéficiait pas encore des avancées éthologiques qui sont notre privilège, même s’il avait déjà conscience que l’éthologie était un domaine d’investigation primordial pour le penseur.
Venons-en donc à d’autres aspects de la confrontation à Bergson. Ce dernier offre à Simondon l’idée d’une pensée philosophique qui serait fondée sur l’« intuition ». Mais la théorie simondonienne de l’intuition philosophique diffère de la théorie bergsonienne de l’intuition philosophique :
a/ Comme Bergson, certes, Simondon entend penser un devenir qui ne se laisse pas ob-jectiver parce qu’il est ce dont procède le sujet lui-même pensant. La philosophie de la nature qui pense ce devenir est alors une « ontologie » génétique – ou « ontogenèse » – qui permet de refuser, dit à plusieurs reprises Simondon, une classification des êtres en genres qui ne correspond pas à leur genèse, mais à une connaissance prise après la genèse, fondement de toute scolastique à ses yeux. Ici Bergson est bien une source, lui qui, à l’instar des phénoménologues, tentait prioritairement de subvertir les alternatives classiques, en donnant pour tâche au philosophe de penser la « durée », c’est-à-dire le devenir constitutif de l’essence de la conscience elle-même, ainsi que le « principe d’individuation » au nom duquel il faut justement surmonter le découpage du réel en « genres et espèces » auquel procède l’« intelligence ». Il s’agissait en effet pour Bergson de renverser les alternatives classiques, et notamment celle opposant mécanisme et finalisme, en subvertissant l’opposition sujet/objet qui fait leur sol par le moyen de l’intuition du tout conçu comme devenir : « La philosophie ne peut être qu’un effort pour se fondre à nouveau dans le tout. L’intelligence, se résorbant dans son principe, revivra à rebours sa propre genèse[14]. » Le « bergsonisme » de Simondon est d’autant plus net ici que ce dernier donnera raison à Bergson contre Husserl en ce qui concerne le moyen de réaliser le dépassement des alternatives classiques : ce moyen est la « réduction » au devenir, et non celle à l’intention[n]alité[15].
b/ Mais contrairement à Bergson, Simondon ne condamne pas le concept comme fondé sur un langage trop général et incapable de dire l’individualité des choses : il le relativise bien plutôt comme incapable de dire le préindividuel. C’est pourquoi la pensée de Simondon se fonde sur un « réalisme des relations » qui n’a pas été pensé par Bergson mais par Bachelard. À cette différence entre les deux penseurs se rattache la façon dont Simondon repense l’intuition comme « transduction » mentale. Expliquons ce point. La notion de transduction désigne d’abord, chez Simondon, l’opération proprement ontogénétique de propagation d’une structuration par déphasage à partir d’un centre, telle la cristallisation ou formation du cristal, qui en fournit l’« image la plus simple » et le paradigme. Mais la notion de transduction est aussi celle par laquelle Simondon dira la spécificité de sa démarche : la connaissance de l’individuation des êtres est elle-même une individuation de la connaissance. La transduction, en effet, est non seulement « physique, biologique » ou « sociale » – ce qui indique au passage son auto-complexification -, mais aussi « mentale »[16]. Et ceci ne désigne pas seulement, ni même vraiment, le fait qu’il y aurait une individuation psychique avant l’individuation sociale – Simondon parlera davantage d’« individualisation » psychique. La transduction est bien plutôt « mentale » en ce que les opérations mentales classiques de déduction ou d’induction ne peuvent permettre de penser l’individuation, seule une transduction mentale le permettant : « Dans le domaine du savoir, elle [la transduction] définit la véritable démarche de l’invention, qui n’est ni inductive ni déductive, mais transductive […]. Cette démarche consiste à suivre l’être dans sa genèse, à accomplir la genèse de la pensée en même temps que s’accomplit la genèse de l’objet »[17]. Or, cette démarche intellectuelle se veut une réhabilitation de l’analogie dans sa différence d’avec les métaphores bergsoniennes. Seule l’analogie permet de penser l’identité dans la différence entre les régimes physique, biologique et psycho-social d’individuation, et toutes les analogies entre ces régimes auront par ailleurs pour sol méthodologique une analogie réflexive entre la genèse des êtres et la pensée même de cette genèse : « L’analogie entre deux êtres au moyen de la pensée ne se légitime que si la pensée soutient un rapport analogique avec le schème opératoire de chacun des êtres représentés »[18]. Parler de « schème opératoire », c’est faire entendre que l’analogie réflexive ne peut être un sol pour les analogies entre les êtres que si toutes ces analogies se font entre des opérations plutôt qu’entre des structures. L’« analogie valide », explique Simondon, n’est donc ni rapport d’identité ni même, inversement, simple identité de rapports structuraux – vague « ressemblance » –, mais identité de rapports opératoires. Si donc « la transduction n’est pas seulement démarche de l’esprit », si « elle est aussi intuition »[19], il reste que d’une part cette intuition est réflexive, d’autre part elle est indissociable d’une théorie de l’analogie qui distingue celle-ci de la métaphore comme de la ressemblance structurale.
Enfin, je ne saurais clore ce rapide tour d’horizon sans signaler que dans sa pensée de la technique, où ce qui est nommé « intuition » ne correspond pas à ce que Bergson entendait par là[20], Simondon se démarque toutefois d’abord et à la fois de Marx et de Heidegger d’une façon qui, une fois encore, se laisse comprendre comme un prolongement-dépassement de Bergson. Ce dernier écrivait en effet : « La mystique appelle la mécanique. […] La mécanique exigerait une mystique[21]». Si l’on veut bien tenir compte du fait que Bergson lui-même donne pour sens à ces formules célèbres l’idée, exprimée par lui deux pages auparavant, que le « mysticisme vrai » consiste en une fraternité universelle favorisée par l’« empire » technique « sur les choses » – justifiant pour lui la « parenté » entre les deux « tendances » au machinisme et à la démocratie –, on accédera alors à la relecture en vertu de laquelle Simondon, ici encore, hérite de Bergson pour aller plus loin. Car dès ILFI, ouvrage dont la thématique du « transindividuel » – ou psycho-social – portait en son sein celle de la « spiritualité », se dessinait l’idée de normativité technique proprement développée par MEOT: le second chapitre de la très copieuse « Note complémentaire… », en lequel s’opère la transition proprement dite entre ILFI et MEOT, s’ouvre en affirmant que « l’activité technique » peut « être considérée comme une introductrice à la véritable raison sociale, et comme une initiatrice au sens de la liberté de l’individu »[22].
Le prolongement-dépassement de Bergson par Simondon consiste dès lors à passer du couple « empire sur les choses / fraternité » au couple « concrétisation technique / transindividualité », par le biais d’une radicalisationde la non-anthropologie bergsonienne. Simondon renforce la pensée non anthropologique de l’homme – déjà relativement présente chez Bergson, ainsi qu’on l’a précédemment vu – par une pensée non anthropologique de la technique, ce qui permet de modifier l’idée d’« empire sur les choses ». En effet, le processus de « concrétisation technique » pensé dans MEOT est tel que l’invention technique, par son devenir comme par les contraintes proprement techniques qui pèsent sur elle, déborde en fait les usages qui l’avaient motivée au départ.
Cette pensée non anthropologique de la technique dévoile le devenir technique comme conduisant à un âge de l’information où la connaissance scientifique désintéressée est pourtant techniquement conditionnée. Par là même, on se retourne cette fois contre l’idée bergsonienne d’une technique « pragmatique » qui ferait de la science elle-même un type de connaissance dirigé vers l’action. Par là aussi, on passe de l’idée de « fraternité » à celle de « transindividualité », dont les modèles sont en effet chez Simondon la connaissance scientifique collective mais aussi l’invention technique, dans leur convergence contemporaine. Cette convergence entre connaissance scientifique et invention technique est caractéristique du processus que Simondon nomme la « naturalisation » des objets techniques, ces derniers intégrant dans leur fonctionnement de plus en plus de lois naturelles connues et maîtrisées.
[1] Sur le rapport de Simondon à Wiener, voir les pages 144-153 de mon Simondon, Paris, Les Belles Lettres, 2016 [2014].
[2] Jean-Hugues Barthélémy, Penser l’individuation. Simondon et la philosophie de la nature, Paris, L’Harmattan, 2005.
[3] Voir Barthélémy, « D’une rencontre fertile de Bergson et Bachelard : l’ontologie génétique de Simondon », in F. Worms & J-J. Wunenburger (dir.), Bachelard et Bergson : continuité et discontinuité, Paris, P.U.F., 2008.
[4] Voir Barthélémy, Penser l’individuation. Simondon et la philosophie de la nature, op. cit., pp. 37-43.
[5] Sur ces deux lignées comme sur la lignée phénoménologique française qui prend ses sources en Allemagne chez Husserl et Heidegger, voir Barthélémy, « De la “chose-mouvement” aux ordres de grandeur : le rôle de la physique contemporaine dans l’anti-substantialisme ontologique de Bachelard, Merleau-Ponty et Simondon », in G. Hieronimus & J. Lamy (dir.), Imagination et mouvement. Autour de Bachelard et de Merleau-Ponty, éditions E.M.E., 2011.
[6] Voir sur ce point Jean-Marc Lévy-Leblond & Françoise Balibar, Quantique. Rudiments, Paris, Masson, 1997, ainsi que Lévy-Leblond, « Neither Waves, nor Particles, but Quantons », Nature n°334, pp. 19-20, 1998. En accord avec Lévy-Leblond, je ne dis pas « mécanique quantique » mais « physique quantique » – ou même « la quantique », expression qu’il reprend au physicien-philosophe argentin Mario Bunge -, du fait des spécificités de cette physique. Voir aussi Barthélémy, La Société de l’invention. Pour une architectonique philosophique de l’âge écologique, Paris, Éditions Matériologiques, 2018, § 16.
[7] Bergson, L’évolution créatrice, Paris, P.U.F., 1983 [1907], p. 261.
[8] Voir par exemple le célèbre §1 de l’Anthropologie du point de vue pragmatique de Kant.
[9] Que la biologie actuelle, ou plutôt certains de ses représentants et interprètes, prétende(nt) ensuite réduire la conscience vitale à son substrat physico-chimique, c’est là une autre question, que j’ai traitée, contre le naturalisme réductionniste et en compagnie de Darwin puis du primatologue et éthologue Frans de Waal, dans le premier chapitre de La Société de l’invention (op. cit.). Par « naturalisme » il faut entendre ici, non pas l’idée légitime d’une continuité entre nature et culture, mais la prétention à réduire le psychisme animal et humain à son substrat physico-chimique sous prétexte qu’il n’existe pas d’« entités surnaturelles » – telle l’âme séparée du corps. Dans La Société de l’invention, je soutiens pour ma part un émergentisme anti-substantialiste qui refuse à la fois le réductionnisme et le substantialisme des « entités surnaturelles ».
[10] Bergson, « La conscience et la vie », in L’Énergie spirituelle, Paris, P.U.F., 1996 [1919], p. 13.
[11] Ibid., p. 20.
[12] Bergson, L’évolution créatrice, op. cit., pp. 263 et 267.
[13] Simondon, L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information, Grenoble, Éditions Jérôme Millon, 2005, p. 297. Noté désormais ILFI.
[14] Bergson, L’évolution créatrice, op. cit, p. 193.
[15] Dans « Bergson se faisant », Merleau-Ponty, autre source de Simondon, se montrait séduit par cette voie bergsonienne qu’il caractérisait ainsi : « L’intuition de ma durée est l’apprentissage d’une manière générale de voir, le principe d’une sorte de “réduction” bergsonienne qui reconsidère toutes choses sub specie durationis – et ce qu’on appelle sujet, et ce qu’on appelle objet » (Signes, Paris, Gallimard, 1960, p. 232 ; souligné par l’auteur).
[16] Simondon, ILFI, p. 32.
[17] Ibid., pp. 33-34 (souligné par l’auteur).
[18] Ibid., p. 563 (souligné par l’auteur). Il s’agit du texte « Théorie de l’acte analogique », qui est contenu dans les « Suppléments » à ILFI, mais étrangement absent de la table des matières de l’édition de 2005.
[19] Ibid., p. 3.
[20] Voir MEOT, pp. 233-239. Ainsi que cela a été annoncé à propos d’ILFI déjà, si la caractérisation faite dans MEOT de l’intuition – par rapport à l’« idée » et au « concept » – reconduit bien Simondon à Bergson, elle précise toutefois la nature transductive et donc analogique de l’intuition comprise comme mode – paradoxal – de réflexivité. En fait, ce que Simondon nomme « idée » (MEOT, p. 236), pour la distinguer de l’intuition, correspond à l’intuition bergsonienne en tant que « coïncidence » avec un Tout dont la nature diffère de celle de la matière. Voir sur ce point mes explications dans Penser la connaissance et la technique après Simondon, Paris, L’Harmattan, 2005, pp. 93-95.
[21] Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, Paris, P.U.F., 1984 [1932], p. 330.
[22] Simondon, ILFI, p. 511.