Marc Richir et les lectures hégeliennes
Etienne Besse
Cet article devait initialement paraitre le lundi 9 novembre. En raison du décès de Marc Richir ce jour, il a été décidé de différer la publication de cet article critique. Toutefois, il nous semble important de montrer que la pensée de Marc Richir est toujours présente, active, et qu’elle continue à animer les débats contemporains. Rendre hommage à un penseur, ce n’est pas seulement le pétrifier c’est aussi le confronter, l’interroger, le prolonger.
L’objet de notre propos est de répondre à un article de Marc Richir intitulé « Langage et langue philosophique dans le devenir chez Hegel (Science de la logique)[1]». Dans la mesure où nous nous sommes limités à la compréhension du texte hégélien auquel se réfère Marc Richir, notre réponse est modeste puisqu’elle ne fait que s’interroger sur la condition de la lecture hégélienne des passages convoqués par Marc Richir dont nous citons le cheminement. Nous n’entrerons pas dans une interprétation des motivations supposées de Marc Richir face à la pensée de Hegel. Mais afin d’évaluer la pertinence du commentaire qu’en propose Marc Richir, nous devrons mettre en lumière ce qu’implique une lecture du texte hégélien étant donné que la perspective de son article est le langage. A cet égard, nous reconnaissons être complètement tributaire des ouvrages de Jean-Luc Nancy, La remarque spéculative et L’inquiétude du négatif, où nous avons largement puisé nos sources pour comprendre les modes de lecture de la pensée de Hegel, pour la relire puis ici l’éprouver à partir des critiques de Marc Richir. Car en effet, au fil de son article, nous avons constaté que face à la Logique de Hegel, les problèmes ou interrogations que fait apparaître Marc Richir tiennent moins à la pertinence ou non des concepts hégéliens qu’à une certaine lecture de ceux-ci.
Nous souhaitons montrer à cette occasion que l’enjeu principal de la pensée de Hegel consiste essentiellement en un certain mode de lecture et nous tenterons de déterminer comment Marc Richir en prend acte dans son commentaire. Ce mode de lecture est, comme nous essayerons de l’analyser, constitutif de la plasticité de la pensée, c’est-à-dire du travail qui reçoit et donne forme simultanément comme exposition du système du Savoir Absolu. Ce n’est donc pas une simple participation extérieure à la langue qui écrit, ce n’est pas une simple répétition d’un effort subjectif face à un système constitué que cette plasticité hégélienne implique. Cette plasticité de la lecture comme de l’écriture s’inscrit au cœur des formes de la pensées qui « se font jour (heraus gesetzt sind) et sont déposées (niedergelegt) d’abord dans le langage de l’homme[2] », et ainsi, dès la lecture, les concepts hégélien seront à comprendre selon cette saisie qui conjointement donne forme à la pensée se saisissant elle-même pour s’exposer comme Système.
En cela Marc Richir se tient au cœur de ces enjeux en posant la question de la langue philosophique et du langage à partir de la pensée logique du devenir chez Hegel dans sa Logique de 1812[3]. Le problème est le suivant : si la pensée est pensée du concret, elle doit elle-même être concrète, elle doit s’exprimer concrètement, et exprimer le concret à même sa langue, exprimer ce « concrescere », cette croissance simultanée, donc le devenir non pas simplement comme langue logique philosophique figée dans sa saisie, mais le mouvement même du langage qui forme, donc se modèle et se dévelppe par une temporalisation conjointe de la pensée et du devenir qui doit alors s’exprimer concrètement. En effet Hegel dit en introduction de son Encyclopédie que « la pensée libre et vraie est en elle-même concrète, et ainsi elle est Idée, et, en son universalité totale, l’Idée ou l’absolu. La science de ce dernier est essentiellement système, parce que le vrai en tant que concret est seulement en tant qu’il se déploie en lui-même et se recueille et retient dans l’unité, c’est-à-dire en tant que totalité, et c’est seulement par la différenciation et la détermination de ses différences que peuvent exister la nécessité de ces dernières et la liberté du Tout[4]. »
Or, pour Marc Richir, cette pensée hégélienne du devenir en est précisément restée à une langue fixe et abstraite, et non un langage concrétisant sa manifestation. Et si elle prétend pourtant avoir exprimé dans la Logique une concrétisation, ce n’est qu’un mouvement d’autonomie « formel[5] » de la langue philosophique, un mouvement de transcendance qui s’autonomise dans une immanence factice, un « calme résultat[6] » stable. Selon Richir, Hegel n’a fait que faire jouer et mettre en scène une certaine « magie[7] » de la langue, exposant un système de l’identité mis en mouvement par des « tours de passe-passe[8] », de simples « revirements alternés sans fin[9] » « clignotants[10] » de la syntaxe et de la sémantique de la langue philosophique « sans justifications[11] » qui, loin de rendre la pensée du concret « auto-transparente[12] » en son langage, ne ferait chez Hegel que « l’enchaîner[13] » dans la langue philosophique, ne faisant jouer la pensée du devenir que par des « éclipses réciproques[14] » selon un simple et triste « théâtre d’ombre[15] » logique dans les clignotements d’une langue qui amorce et avorte indéfiniment la concrétisation, la « temporalisation[16] » du langage. Ce clignotement du devenir en concrétisation exposé par la Logique de Hegel comme indissociation de l’être et du néant témoigne en fin de compte, selon Richir, non pas d’une réelle identité, mais de « phase alternée[17] » où opère la « mystification[18] » dialectique de l’Aufhebung dont Hegel est lui-même « jusqu’à la fin la victime[19] » ; celle-ci ne relève pas du mouvement du devenir, mais elle n’est que le « clin d’oeil[20] » du « surgissement et de l’évanouissement[21] » que Hegel n’a fait que « condenser[22] » et « imploser[23] » dans une langue logique qui n’est que ce jeu d’alternance, et qui se « précipite à conclure[24] » en fin de compte sur une « calme[25] » fixité selon Richir. C’est pour avoir selon Richir pensé un concret dans l’abîme de l’Aufhebung que Hegel s’est éloigné du « familier[26] » – et de son propre aveu, loin « des concrétions sensibles[27] » – qu’il a été amené à construire une langue « trop exclusivement philosophique[28] » stabilisée en elle-même dans un système immanent à la langue qui n’est que l’ombre du langage.
Dans sa reprise de la Logique de 1812, Marc Richir reproche au fond à Hegel une pensée du devenir qui n’a jamais lieu stricto sensu et qui n’y arrive qu’abusivement par des artifices : dans le « vide de la langue[29] » que sa Logique assume pour penser le sens pur dans l’identité de l’être et du néant, Hegel ne fait qu’une « hyperbolique épochè[30] » du phénomène du langage, tout en le réutilisant subrepticement dans le cours de son exposition sur le développement logique, en faisant facticement réopérer dans sa langue les phases de temporalisation du langage comme alternance du surgissant et de l’évanouissant. Dans sa « meta-langue[31] » logique, Hegel n’a aperçu qu’en un « clin d’oeil[32] » la « matrice[33] » du langage et n’a fait que sauter « entre » être et néant « sans travailler[34] » ces relations ; mais il les a laissé « clignoter[35] », sans justifier ses recours factices à cet entre-deux matriciel, cette relation du langage. C’est là selon Richir, l’erreur de Hegel qui n’a jamais exprimé que des « lambeaux concrets[36] », au mieux des signaux clignotants de la langue singeant dans ses jeux la temporalisation, le devenir concret du langage. Le seul devenir qui a eu lieu chez Hegel, c’est en fait une « digestion[37] » factice du langage par la langue logique qui a refusé par son « abstraction[38] » le retour salvateur au « familier[39] » parce que précisément elle n’a pas réussi à digérer (mais « subrepticement[40] » réutilisé) ce qui la mettait elle-même en mouvement comme « imprépensable[41] ». Voilà donc au moins un acquis selon Marc Richir pour « retrouver le familier[42] » contre l’erreur de Hegel : bien malgré lui, son entreprise a mis en lumière dans le cours même de son exposition « l’imprépensable[43] », (issu du dernier Schelling), cette sorte de nécessaire présupposé du langage – ou de docte ignorance ? – dont l’activité « véritablement » philosophique est avide contre « l’abstraction[44] » hégélienne.
Est-ce que la lecture de Hegel par Marc Richir fait seulement justice au titre même de son article ? Si Marc Richir pose la question au début de sa présentation du système de Hegel, « est-ce que Hegel fait-il bien, accomplit-il bien ce qu’il dit qu’il fait, qu’il accomplit ?[45] », il faut pour cela avant tout se demander ce qu’est ce « dit » hégélien si singulier puisqu’il prétend penser identiquement l’être en ce qu’est la langue même concrètement, autrement dit, comment la syntaxe du texte hégélien détermine-t-elle absolument sa sémantique ? Est-ce une identité concrète ? Comment donc lire l’exposition hégélienne et qu’est-ce que cela implique ? Nous allons pour répondre à cela tenter d’articuler au maximum l’article de Marc Richir au texte hégélien lui-même en le citant fréquemment pour répondre directement aux perspectives et opinions de Marc Richir qui, disons le tout de suite, n’ont pris le texte hégélien que sous l’aspect de l’entendement sans prendre en compte sa forme dialectique et son rythme spéculatif : la conséquence, c’est que ce commentaire de Richir a manqué de rendre raison de la plasticité qui est l’enjeu majeur de la pensée hégélienne en son expression même pour comprendre sa syntaxe logique et toute la teneur de sa sémantique. « Un exposé plastique exige un sens lui aussi plastique d’accueil et de compréhension[46] » selon Hegel, et c’est à partir de cette exigence que nous devons évaluer le commentaire.
Mais n’anticipons pas plus avant sur le problème de la plasticité que nous retrouverons tout au long de notre réponse, et commençons par les dispositions minimales qu’exigent sa lecture.
Si pour Hegel « ce qui est bien connu est en général, pour cette raison qu’il est bien connu, non connu[47]», on constate lors d’un premier aperçu que cette attitude n’est pas partagée par la lecture richirienne qui parsème son article de « on le sait[48] », ou de « sans aucun doute[49] » sur la doctrine hégélienne témoignant par là d’une longue et profonde familiarité qu’il a bien voulu livrer en son commentaire : ainsi Marc Richir pourrait s’être lui-même pris au piège dans sa lecture en stabilisant dès le départ en langue philosophique le langage exposé par Hegel.
En effet, ce n’est manifestement pas « la présentation de l’agir de l’esprit, la connaissance des déterminations du penser qui se développe[50] » que Marc Richir a considéré dans sa reprise de la Logique de Hegel : aussi est-on d’emblée surpris par son choix assuré d’un commentaire prétendument « historico-philosophique[51] » de la Logique de l’être publiée pour la première fois par Hegel en 1812 alors que ce chapitre de l’être a été considérablement retravaillé par la suite dans la version de 1830. Marc Richir emprunte d’ailleurs à cette dernière pour expliquer certains passages (notamment la « visée », nous y reviendrons), ce qui peut poser problème pour un travail historique qui par ailleurs n’explique pas les évolutions que Hegel opéra dans ses explicitations ultimes. Peut-être était-il confortable d’utiliser un texte plus jeune, plus naïf dans ses formulations, quitte à en critiquer les insuffisances et les interpréter ensuite par une version plus mature[52] ?
Mais laissons là ces points de vue contingents dans l’élaboration de l’oeuvre de Hegel. Marc Richir ne fait pas que nous emmener au « théâtre d’ombre[53] » pour nous montrer dans son article les tours de « magie[54] » hégéliens, il nous promet d’en expliquer les mécanismes, de nous libérer de ces « mystifications[55] » de la langue philosophique (et nous indiquer à la fin la sortie qui nous fait retrouver le familier grâce à l’imprépensable). Voyons donc comment.
Selon Richir, après la Phénoménologie de l’Esprit, la pensée en mouvement chez Hegel « est censée livrer l’articulation matricielle de la méta-langue à travers laquelle la langue philosophique va pouvoir se redéployer à la fois dans sa syntaxe – l’agencement réglé des concepts – et dans sa sémantique – le sens strict, censé rigoureusement déterminé par l’agencement, de chacun de ses concepts [56]». Il faut bien comprendre que ce passage de la conscience de soi au Savoir Absolu qui expose déjà son parcourt même, fait que la syntaxe du concept n’est pas donnée, ou « agencée[57] » ou pré-réglée car « le « soi » chez Hegel n’a son concept que dans la syntaxe multiple et infinie de ces expressions : en soi, pour soi, à même soi, ou auprès de soi, chez soi, hors de soi. Soi est soi-même : la position de cette mêmeté engage celle d’une différence dont le mouvement seul pose la mêmeté. Soi, c’est comme soi, c’est-à-dire à la fois en tant que soi et semblable à soi. Pour être en vérité, et pour avoir ou pour faire sens, soi doit être tant que tel : et cela, il doit l’être en s’écartant de soi pour se poser semblable à ce qu’il est [58]». Le moment où le savoir s’expose de lui-même n’est pas une reprise du parcours de la conscience de soi (même s’il le présuppose en un sens très précis que nous verrons plus loin) selon ses propres règles syntaxiques, car la conscience de soi et son mouvement ne font pas émerger une « méta-langue » mais la langue même, qui est pénétrée alors non plus selon la séparation abstraite du sujet et de l’objet, mais cette relation même qui se manifeste alors d’elle-même : la langue du savoir absolu épuise donc toutes les significations sans pour autant former une meta-langue à réinvestir puisque c’est précisément ce mouvement d’épuisement qui investit le langage par le langage. « Le langage dit les choses, il ne dit pas lui-même, c’est-à-dire l’universel renvoi des différences par lequel la langue parle. Dire ce renvoi, ce serait dire le passage des déterminations les unes dans les autres, épuiser toutes les significations : ce qui est le propre de la pensée. La « langue » de la pensée est en effet l’épuisement de la signification déterminée. Elle est ainsi, identiquement, l’épuisement de l’extériorité du langage, et l’épuisement des déterminations séparées des choses : la langue de la pénétration dans la manifestation [59]».
Ce n’est donc pas une « réorganisation[60] » de la langue qu’effectue Hegel, mais le mouvement radical de sa présentation dans l’exposition développée du penser. Et ainsi, c’est moins une syntaxe qu’un effort de compréhension qui s’effectue dans la langue de Hegel. Ce n’est pas un travail « quintessencié[61] » de la signification, mais une considération de celle-ci qui n’obéit plus à la langue ordinaire de la représentation et à sa proposition fixe, même si elle lui fait droit dans sa présentation. En effet, ce penser en développement présente trois aspects dans la considération de l’exposition qui épuise l’extériorité du langage et des significations : premièrement, l’unité absolue de la pensée et de l’être a un aspect abstrait compris par l’entendement, deuxièmement dialectique, et troisièmement spéculatif. Ils ne sont qu’aspect de ce travail de la pensée, et non pas partie d’une « réorganisation[62] » ou phase de « digestion[63] » plus ou moins réussie qui parle une « langue philosophique pouvant tout penser, sans reste[64] » selon Richir[65].
Mais « seul le langage, en s’exposant de lui-même comme le rapport et la séparation infinis, expose aussi cet être-de-soi-hors-de-soi-dans-l’autre qui est la manifestation. En un sens, le langage est la manifestation : il pose la chose hors de soi. Il manifeste la manifestation. Mais il la manifeste comme autre que lui-même. Ainsi, en un autre sens, le langage nomme tout et ne manifeste rien. Il indique en nommant, et dans l’insignifiance des noms, que la manifestation est sa vérité et sa limite[66]. »
A travers ses déterminations et comme détermination que la langue fixe, la langue que parle Hegel se présente donc dans ce mouvement de séparation du rapport s’exposant lui-même. En tant que détermination, ce mouvement est commencement, commencement « abstrait », parce qu’il apparaît séparé dans les déterminations de la langue pure du logique ; et cette langue apparaît de prime abord comme séparatrice, selon l’aspect entendu de la représentation. Cet aspect distingue dans la forme de la proposition le sujet du prédicat par la séparation de la copule. Mais la proposition en tant que forme de pensée doit être saisie en son mouvement où le sujet passe dans son prédicat dialectiquement généré et manifesté comme expression spéculative de l’unité. « Immédiateté et médiation sont des déterminations de pensée ; l’entendement les établit comme séparées mais l’autre aspect est le négatif, l’acte de montrer qu’elles ne sont pas quelque chose d’aussi figé, mais quelque chose de fini, qui passe, une confusion des déterminations d’entendement. Le troisième aspect est l’aspect spéculatif ou positivement rationnel. C’est l’acte de saisir ensemble les déterminations en leur unité, en leur inséparabilité.[67] »
Ce n’est pas une mystérieuse nouvelle langue que propose Hegel, ni même une méta-langue qui réinvestit le langage, mais l’effort même de la pensée dans le langage selon qu’une pensée exprime représentativement, dialectiquement ou spéculativement sa/la manifestation et exprime absolument sa plasticité. La difficulté c’est que Hegel fait droit à tous ces aspects dans la considération du Savoir, précisément parce que le savoir se sait absolument et que sous la forme propostionnelle se joue le travail de la pensée qui se remodèle et reçoit son acte de saisie sous la détermination qu’elle forme : c’est la tension et l’effort patient de l’Aufhebung. « La figure concrète, en se mouvant elle-même, fait d’elle une déterminité simple, et par là s’élève à la forme logique et est dans son essentialité ; son existence concrète n’est que ce mouvement et est immédiatement existence logique. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire de plaquer de l’extérieur le formalisme sur le contenu concret ; ce dernier est en lui-même le passage dans le premier, lequel cependant cesse d’être ce formalisme extérieur, parce que la forme est le devenir natif <Einheimisch> du contenu concret proprement dit.
Cette nature de la méthode scientifique, savoir, d’une part qu’elle n’est pas séparée du contenu, d’autre part qu’elle se détermine par soi-même son propre rythme, a son exposition propre, comme nous l’avons déjà rappelé, dans la philosophie spéculative.[68] »
Ces aspects sont les modalisations de l’acte de la pensée qui apparaissaient déjà dans le mouvement de la conscience de soi comme on l’a vu plus haut ; et absolument parlant, ces modalités s’exposent en système. On ne peut échapper à l’aspect représentatif de l’entendement de part la fixité propositionnelle, et c’est pourquoi Hegel prépare longuement le terrain de la langue de l’exposition logique dans ses préfaces, son introduction, le concept préliminaire ou l’aperçu général par anticipation : ce n’est pas pour disposer des garde-fous extérieurs et partir dans une extase systématique d’hybris[69] conceptuelle qu’il aurait justifié par avance que Hegel effectue ces anticipations ; mais c’est pour préparer la langue au langage dialectique et spéculatif du penser, c’est-à-dire travailler la « façon dont on saisit » et concrétise par-là la pensée en son exposition : « ce n’est pas la faute de l’ob-jet de la logique si elle doit être dépourvue de teneur, mais seulement de la façon dont ce même objet se trouve saisi [70]», et force est de constater que la façon dont Marc Richir a lu et exposé la Logique de Hegel dans son article est intrinsèquement dépourvue de teneur et ne peut donc lire Hegel que relativement, sous le régime de la représentation d’entendement. La lecture de la première version de la Logique de l’être en 1812 ne peut pas être une lecture purement représentative prise dans les fixes oppositions de la conscience subjective, Hegel le dit nettement : « le savoir absolu est la vérité de toutes les manières d’être de la conscience […] La science pure présuppose donc la libération par rapport à l’opposition de la conscience. Elle contient la pensée dans la mesure où elle est tout aussi bien la Chose en soi-même, ou la Chose en soi-même dans la mesure où elle est tout aussi bien la pensée pure. Ou le concept de la science est que la vérité serait la pure autoconscience et aurait la figure du Soi, ce qui veut dire que ce qui est en soi est le concept, et le concept ce qui est en soi[71] ».
Encore une fois, il s’agit bien de manière d’être, pas de manière de percevoir ou de point de vue, d’opinion car ceux-ci sont encore tributaires de l’opposition abstraite de la forme même de la proposition d’entendement. Penser est donc avec Hegel un effort qui passe et travaille la langue elle-même pour qu’elle ne tombe pas dans ses abstractions représentatives mais les considère absolument, et c’est ce qui s’effectue dans l’exposition logique dans l’identité de la pensée et de l’être, c’est-à-dire pas simplement selon un jeu magique d’entendement qui sépare et abstrait ses déterminations, mais dialectiquement et spéculativement encore une fois. Aussi la forme de la proposition doit-elle être pensée non plus dans sa simple présentation représentée, ou sa simple dialectique paradoxale, mais précisément spéculativement et « l’unique chose pour gagner le procès scientifique est la connaissance de la proposition logique que le négatif est tout aussi bien positif, ou que ce qui se contredit ne se résout pas en zéro, dans le néant abstrait, mais essentiellement dans la seule négation de son contenu particulier, ou qu’une telle négation n’est pas toute négation, mais négation de la Chose déterminée qui se résout, du coup négation déterminée, que donc dans le résultat est contenu essentiellement ce dont il résulte ; – ce qui à proprement parler est une tautologie, car autrement il serait un immédiat, non un résultat. En tant que ce qui résulte, la négation, est négation déterminée, elle a un contenu[72]. »
Ce processus exprime à même la forme propositionnelle le travail du négatif qui forme la saisie qui oppose, distingue et modèle ce qui scinde la détermination comme saisie qui reçoit immédiatement cette négation, qui par-là même est un contenu qui se-saisit lui-même.
Tout au long de son article, Marc Richir assimile la Logique de l’être de Hegel à une forme subjective de l’aperception simplement radicalisée de la Critique de la Raison pure, sans qu’à aucun moment il n’en explique la reprise avec le texte kantien ni n’en indique la nécessité dans le texte de Hegel. Mais avant de passer à la manière caractéristique et unilatérale dont Richir a considéré seulement représentativement la Logique de l’être de Hegel, il faut insister sur le fait que l’effort, le travail et l’épuisement qu’effectue Hegel est à même le langage une véritable praxis du sens qui fait que le mot est, en tant que tel, simple ombre ou « grisaille sur grisaille[73] », parce que ce qui est explicité c’est le mouvement même du penser en son rythme spéculatif. « Pour cette raison, le discours de la philosophie ne peut être que le discours de la négativité pour elle-même. Il ne cesse pas d’énoncer la négation de la détermination. Toute sa syntaxe est l’amplification indéfinie de la proposition : A = non-A et Je= non-Je. Toute sa sémantique consiste à relever chaque signification de A et de Je dans une autre, puis dans la négation de toute signification.
C’est aussi la raison pour laquelle la philosophie se sait « grise » en tant que discours du concept, au sens ordinaire du terme : au sens de la « notion » ou de la « catégorie », c’est-à-dire dans le moment ou dans la fonction seulement théorique, où le concept absolu – la conception ou la saisie, la pénétration – se pose en se distinguant du savoir qui n’est que savoir. Le discours est toujours « ombre grise » et « brouillard sans vie ». Cela ne signifie pas que l’on puisse faire l’économie de l’ombre grise, où la pensée se pose comme telle, et expose son enjeu. Mais cela signifie que l’enjeu ultime est aussi bien, pour la philosophie, de se savoir et de se poser elle-même comme négation de soi : elle n’est encore rien de plus que le discours – comme tel, séparé et abstrait – du sens qui s’expose en elle comme négation du discours et comme passage à l’acte, à la praxis du sens[74]. »
Il ne s’agit donc pas d’une « forme (syntaxique) hyperdense de la référence (sémantique) en général, c’est-à-dire l’aperception pure, sans intuition, de la langue [75]» comme le perçoit Marc Richir, car il n’y a pas de passage du sujet au prédicat mais une pénétration de son unité en tant que rythme spéculatif qui s’expose mais ne s’entend plus, ne se re-présente plus : « La forme de la proposition, c’est l’apparition du sens déterminé, ou l’accent, qui différencie le substrat dont elle est remplie ; mais le fait que le prédicat exprime la substance, et que le sujet tombe lui-même dans l’universel, constitue l’unité dans laquelle cet accent s’évanouit jusqu’à n’être plus entendu[76] ». Et Hegel dans sa Logique de 1812 marque clairement la différence de considération du devenir dans sa remarque entre la représentation kantienne (notamment l’exemple fameux des cents Thalers que Hegel rejoue férocement) et la proposition spéculative du devenir qui est à penser et exprimer selon le rythme spéculatif qui fait disparaitre l’accent, la différence apparemment déterminée de l’être et du néant dans l’unité du devenir. Richir s’accroche à une pensée représentative du devenir qui ne pense pas l’être à fond mais « vise [77]» unilatéralement un « être-là[78] », alors qu’il suffit là-dessus de lire fidèlement ce qu’engage Hegel dès sa Logique de 1812 :
« Le penser, ou plutôt le représenter, qui n’a en vue qu’un être déterminé ou l’être-là en qui tombe la diversité réelle de l’être et du néant, est à renvoyer au commencement de la science pure qu’a fait Parménide (…) Mais pour en revenir au point-capital, est à rappeler qu’exprimer le résultat, tel qu’il se dégage de la considération de l’être et du néant, par la proposition : être et néant est une-seule et même-chose, est imparfait. L’accent est mis en effet de façon privilégiée sur l’être-une-seule-et-même-chose, et le sens semble être par conséquent qu’est niée la différence qui pourtant immédiatement se rencontre dans la proposition elle-même ; car la proposition exprime les deux déterminations, être et néant, les contient comme différentes. – En même temps on ne peut être d’avis qu’il faut en faire abstraction et que l’on ne doive maintenir que l’unité. Ce sens se donnerait lui-même pour unilatéral, puisque ce dont on doit abstraire est tout aussi bien présent-là dans la proposition. – Dans la mesure où la proposition : être et néant est la même-chose, énonce l’identité de ces déterminations, mais en fait les contient tout aussi bien comme différentes, elle se contredit elle-même et se résout. Est donc ici posée une proposition qui considérée de plus près, a le mouvement de disparaitre par elle-même. Par-là arrive en elle ce qui doit constituer son contenu proprement dit, à savoir le devenir[79]. »
Ici ne s’est donc pas joué une magie, un « passe-passe[80] » du paraitre ou disparaitre phénoménal de l’étant, de l’être-là mais au sein de la saisie, sous la forme ordinaire de la proposition, s’effectue le passage de son accent, du mètre qui rythmait la représentation de sa saisie qui modifie alors le sens de sa détermination. Et dans le mouvement de la pensée, l’accent devient, se développe et parait dans la différence de la forme dialectique et disparait expressivement par l’unité de la pensée spéculative.
Richir finit par confondre la différence « d’accent » avec ce que Hegel considère comme insuffisant dans une simple considération de l’être comme « visée » : « Ne reste que la visée, même si elle est « à vide », visée (aperception) de l’immédiat comme être brut, dans le premier cas, donc visée indifférenciée qui ne voit rien, parce que rien n’est déterminé, et dès lors visée vide dans le second cas, aperception vide du néant parce que le néant n’est ici envisagée par Hegel que comme le néant de toute détermination, ou si l’on veut, à la manière de Heidegger, comme néant de tout étant[81] »
Cela ne vaut que sous l’aspect unilatéral, selon une considération de l’entendement comme mentionné plus haut. Richir maintient, comprend et reconduit tout à cette considération de l’être dans le régime représentatif et finit par attribuer au spéculatif ce qui l’en distingue. Aussi est-on surpris de voir Richir passer ce passage essentiel dans l’exposition du devenir de la Logique de 1812, pour citer un fragment de la remarque de la Logique de 1830, en la faisant passer pour une considération dialectique et spéculative, alors que Hegel dit clairement qu’il s’agit là encore du représentatif, de l’entendement. Ce qui est ineffable comme « visée » ne l’est que pour l’entendement, qui reste dans l’indicible ou le clignotement sourd de sa considération de la proposition spéculative. Il suffisait pourtant de loyalement citer la première remarque du §88 de l’Encyclopédie de 1830 pour ne pas tomber dans la falsification de la lecture de Hegel : « La proposition « être et néant sont la même chose » apparait pour la représentation, ou l’entendement, comme une proposition si paradoxale que peut être elle ne la tient pas pour sérieusement pensée. En réalité, elle fait partie aussi de ce qu’il y a de plus dur dans ce que la pensée exige d’elle-même, car être et néant sont l’opposition dans toute son immédiateté, c’est-à-dire sans que dans l’un d’eux ait déjà été posée une détermination qui contiendrait sa relation à l’autre. – Mais ils contiennent cette détermination, comme cela est montré dans le paragraphe précédent, la détermination qui justement est la même dans les deux. La déduction de leur unité est, dans cette mesure, entièrement analytique (…) Mais tout aussi juste qu’est l’unité de l’être et du néant, il l’est également qu’ils sont absolument divers, ici, ne s’est pas encore déterminée, car précisément l’être et le néant sont encore l’immédiat, – elle est, telle qu’elle est en eux, ce qui est ineffable, ce qui est simplement visé [82] .»
S’il y a « ineffable » dans le devenir, c’est que sa considération est attendue, dans l’ordre de la représentation, comme donnée à entendre par anticipation selon une pure considération « visée », extérieure à elle-même, donc une attente vide et sans pensée, et non une pénétration plastique du penser dont l’effectivité concrète ne « s’entend » plus dans cette unité qui exprime et fait disparaitre en même temps tout « accent » de sa différenciation.
Hegel l’explique dans la remarque suivante : « Lorsque en général quelque chose de concret est substitué subrepticement à l’être et au néant, il arrive à l’absence de pensée ce qui lui est habituel, c’est-à-dire de recevoir dans la représentation et de viser en ses paroles quelque chose de tout autre que ce dont il est question, et ici il est question simplement de l’être et du néant abstrait[83]. » Il est plus que surprenant de lire ensuite sous la plume de Richir « la différence de l’être et du néant est bien dans la visée de la langue et dans l’inquiétude hyperbolique de son inanité onto-logique, et cette différence lui échappe, du moins au moment de l’exposition[84] », alors que Hegel mentionne cette visée non pas dans l’exposition mais dans une remarque sur la considération de cette exposition par l’entendement. Cette visée n’est pas issue d’un « agencement mis en place par Hegel[85] », mais issue de l’entendement même qui ne peut pénétrer le devenir et se tient toujours dans la représentation, au-delà du penser.
La « figure « logique » de la visée[86] » n’est pas le « devenir », parce que la visée ne réalise rien, ne concrétise rien mais en reste aux variations de sa diversité embryonnaire. C’est là ce qui a d’ailleurs provoqué la rupture avec Schelling, notamment lorsque Hegel écrivit dans sa Préface à la Phénoménologie de l’Esprit : « – La chose même en effet, n’est pas épuisée dans la fin qu’elle vise, mais dans le développement progressif de sa réalisation, pas plus que le résultat n’est le tout effectif : il l’est conjointement à son devenir ; la fin pour soi est l’universel non vivant, de même que la tendance n’est que la pure poussée encore privée de son effectivité, et que le résultat nu est le cadavre qui a laissé cette tendance derrière lui. – De la même façon la diversité est bien plutôt la limite de la chose ; elle est là où la chose cesse, ou encore, elle est ce que celle-ci n’est pas. C’est pourquoi toute cette peine qu’on se donne avec la fin visée ou les résultats, ainsi qu’avec les divergences et les appréciations de l’un ou l’autre, est un travail plus aisé, peut-être, que ce qu’elle semble. Au lieu de s’attacher à la chose, cette façon de procéder, en effet, est toujours au-delà d’elle, au lieu d’y séjourner et de s’oublier en elle, ce genre de savoir saisit toujours autre chose, et demeure bien plutôt chez soi qu’il n’est auprès de la chose et ne s’adonne à elle. – Le plus facile, s’agissant de ce qui a une teneur et une consistance pure et solide, c’est de juger ; il est déjà plus difficile de comprendre ; et le plus difficile est de réunir jugement et compréhension, d’en produire l’exposition[87]. »
Ce n’est que pour l’entendement que la « différence entre l’être et la néant est indicible[88] », puisqu’elle n’apparait que dans sa disparition, dans « l’écart rythmique entre le mètre et l’accent[89] » et ne pénètre pas cet écart spéculativement mais seulement dans ses visées vides et muettes, l’attente représentative, qui soustrait tout au plus ou met entre parenthèse deux déterminations en opposition alternée[90].
Le devenir de la Logique de l’être n’est pas une « épochè [91]» extérieure comme le voudrait Richir, elle est au contraire la pénétration du concept en rapport avec lui-même : ce n’est pas le vide de la visée ou le « sans rapport » d’une « aperception sans intuititivité[92] » qui est présente dans l’être de la Logique, mais bien l’immédiat qui se nie dans son passage à l’autre, et se détermine comme fini, s’épuise à même sa détermination. En ce sens cette finitude est à considérer comme entendue puisqu’elle « se pose » comme limite, ou qualité, mais le processus qui la constitue selon le devenir est spéculativement celui qui concrétise sa teneur et sa plasticité. Hegel ne « trouve[93] » pas ce « mouvement » dans « l’entendement » pour « l’utiliser subrepticement [94]» pour la « langue » du concept, car l’entendement ne fait qu’aliéner en détermination et ne fait que trouver. Au contraire, toute l’exposition spéculative, fait à la fois droit à la proposition d’entendement comme accent différenciant le sujet-prédicat, mais la fluidifie dans la forme dialectique jusqu’à l’unité du concept : et ce mouvement est ce que Hegel appelle dans la lecture de l’exposition, la plasticité. « Nous voyons la raison <Grund> du reproche tout à fait déterminé que l’on adresse souvent aux écrits philosophiques, selon lequel la plupart d’entre eux doivent d’abord faire l’objet d’une lecture répétée <wiederholt gelesen werden>, avant de pouvoir être compris, – un reproche qui doit contenir quelque chose d’excessif et d’ultime, en sorte que, s’il est fondé <gegründet>, il ne permette plus aucune réplique < Gegenrede>. Ce que l’on a dit plus haut permet d’éclairer la chose. La proposition <Satz> philosophique, parce qu’elle est proposition, éveille l’opinion <Meinung> du rapport ordinaire entre le sujet et le prédicat, et de l’allure habituelle du savoir. Cette allure et son opinion sont détruites par le contenu philosophique de la proposition ; l’opinion fait l’expérience d’être opinée autrement qu’elle ne l’opinait ; et cette correction de son opinion contraint le savoir à revenir sur la proposition, et à la saisir <fassen> maintenant autrement. (…) Un mode détruit l’autre, et seule parviendra à l’être plastique <plastisch> l’exposition <Exposition> philosophique qui exclura rigoureusement le genre du rapport ordinaire entre les parties d’une proposition (…) Que la forme <Form> de la proposition soit relevée, cela ne doit pas seulement se produire sur un mode immédiat, pas seulement grâce au seul contenu de la proposition. Mais ce mouvement opposé doit être exprimé <ausgesprochen> ; (…) il est seul le spéculatif effectif, et seule son expression est la présentation <Darstellung> spéculative [95] .»
A aucun moment Marc Richir ne mentionne dans sa lecture cette nécessaire plasticité de l’expression spéculative, aussi n’est-on pas particulièrement étonné lorsque Richir s’interroge : « Hegel écrit : « Les deux < surgissement et évanouissement> sont le même, devenir, et aussi, en tant que ces deux directions ainsi différentes, ils se pénètrent et se paralysent réciproquement. » (WdL, 92-93)
Nous interrompons la citation pour demander : pourquoi ? Pourquoi, en effet, dès lors que rien ne paraît plus susceptible d’arrêter, en lui-même, le clignotement du surgissement et de l’évanouissement, l’aperception pure en son clignotement étant le phénomène, en même temps que l’illusion transcendantale de la pensée pure (cette illusion transcendantale en tant que phénomène). Car il faut bien comprendre, contrairement à ce que Hegel laisse entendre ici, que le surgissement et l’évanouissement ne sont pas, pour ainsi dire « simultanés », mais se répondent en écho[96] ».
Cette « paralysie[97] » apparente dans le devenir et le développement de la pensée pénétrant la chose même se pénétrant dans sa propre négativité, n’est pas une « illusion transcendantale[98] », mais ce que Hegel appelle précisément le « blocage de l’exposition » spéculative : celle-ci intervient lorsque la plasticité de la syntaxe de la proposition comprend son sens sous différents modes dont l’exposition doit rendre compte, selon que le sens est saisi par le concept ou dans la forme de la proposition comme simple entente du prédicat ou de l’accident. C’est l’entendement et sa saisie qui – dans son insuffisance plastique – ne saisit pas le rythme spéculatif tout en y participant dans l’accent même du sens qui, on l’a vu plus haut, simultanément différencie ou unifie dans sa disparition sujet et prédicat dans la proposition logique. En interrogeant ainsi cette paralysie et en l’interprétant comme « illusion transcendantale[99] », Marc Richir ne fait que témoigner un peu plus encore de son incapacité spéculative. Voici comment Hegel la décrit : « Il y a une difficulté qu’il faudrait éviter, et qui est produite par le mélange du mode spéculatif et du mode raisonnant, lorsque ce qui est dit du sujet a tantôt la signification de son concept, mais tantôt aussi uniquement celle de son prédicat ou de son accident. – Chacun des modes perturbe l’autre et inversement < ou « en écho[100] » si l’on veut utiliser l’élégante entente richirienne>, et la seule exposition philosophique qui parviendrait à être plastique serait celle qui exclurait enfin rigoureusement le type de rapport ordinaire qui régit les parties d’une proposition.
En fait, la pensée non spéculative a également un droit qui est le sien et qui est valable, mais qui n’est pas pris en compte dans le mode de la proposition spéculative. L’abolition de la forme de la proposition ne doit pas seulement se produire sur un mode immédiat, par le seul fait du contenu de la proposition. Mais il faut que ce mouvement contraire soit énoncé <nous y voilà!> ; il faut qu’il ne soit pas seulement ce blocage interne, mais que ce retour du concept en soi soit exposé. Ce mouvement qui constitue ce qui autrefois était censé être le travail de la preuve, est le mouvement dialectique de la proposition elle-même. Ce mouvement seul est le spéculatif effectif, et seule son expression est exposition spéculative. En tant que proposition, le spéculatif n’est que le blocage interne et le retour non existant de l’essence en soi. C’est pourquoi nous nous voyons souvent renvoyé par des dissertations philosophiques à cette intuition intérieure, et dispensé par-là de la présentation du mouvement dialectique de la proposition que nous demandions. – C’est la proposition qui doit exprimer ce qu’est le vrai, mais essentiellement le vrai est sujet ; et étant sujet, il n’est que le mouvement dialectique, cette marche qui s’auto-engendre, s’emmène plus loin et revient en soi[101]. »
Ce n’est donc que témoigner d’une méconnaissance de l’exposition hégélienne que de lui reprocher de « revenir » à certain mode que Richir comprend comme « langue philosophique [102]», alors que ceux-ci apparaissent inévitablement à même la forme de la proposition (donc pas seulement comme unité du concept dont le rythme spéculatif et la forme dialectique font disparaitre la différence accentuée du sujet et prédicat comme nous l’avons vu plus haut), c’est au contraire l’activité « plastique » de la pensée même que Hegel travaille et expose en toute sa teneur. C’est le sens «concret » du Système du Savoir Absolu. La plasticité est cette croissance de la pensée qui se forme et donne forme simultanément à ses formes propositionnelles de saisie ; elle ne peut donc être fixe puisqu’elle a une part destructive des termes sujet-copule-prédicat qui se superposent en déterminations, moments et aspects dans l’exposition hégélienne. En rester à l’aspect déterminé (vide ou plein), c’est nécessairement trahir la plasticité dans une abstraction qui s’en tient fixement à un terme et reconduit tout à celui-ci. En manquant l’exigence plastique on ne peut même pas approcher le processus dialectique des formes propositionnelles présentées par Hegel et encore moins produire et délivrer le système spéculatif, ni même apercevoir ce qu’il y a de philosophique dans le texte de Hegel, car selon lui « l’exposition philosophique obtiendra une valeur plastique seulement quand elle exclura rigoureusement le genre de relation ordinaire entre les parties d’une proposition [103]. »
Si l’on reprend le cours des citations de la Logique dans l’article, on voit pourquoi Richir ne peut comprendre ce blocage spéculatif sinon seulement comme une « alternance[104] » de considération de l’entendement seul avec ses déterminations contradictoires de l’être et du néant, de visées qui se figent dans « deux unités[105] » « saisies tous les deux » et clignotent pourtant mystérieusement dans leurs sauts. Marc Richir refuse de prendre en compte ce qu’est l’exposition spéculative de tous les modes du développement du penser, il reste sourd à ce qu’il a lui-même cité, « mais le viser est une forme du subjectif, qui ne relève pas de cette suite (Reihe) de l’exposition (Darstellung)[106] » et retraduit tout le reste dans ce que Hegel précisément dépasse. Richir maintient le viser unilatéral jusqu’à l’incompréhension du clignotement d’entendement et dans de vagues épochè, sans comprendre le rythme inquiet de l’exposition du penser se pénétrant, de l’expression vivante du développement spéculatif en sa « pulsation[107]. »
Dans ce mode de lecture, on ne peut que rester face à un « théâtre », car effectivement c’est bien là le théâtre de l’entendement comme celui décrit dans la Phénoménologie de l’Esprit où « il se révèle que, derrière le prétendu rideau censé recouvrir l’intérieur, il n’y a rien à voir si nous, nous n’allons pas nous-mêmes nous mettre par derrière, tout autant pour que l’on voie que pour que, derrière, il y ait quelque chose qui puisse être vu. Mais il se dégage en même temps, que l’on ne peut pas sans tenir compte de toutes les circonstances requises, directement, aller par derrière ; car un tel savoir, celui de ce qu’est la vérité de la représentation du phénomène et de son intérieur, est lui-même seulement le résultat d’un mouvement circonstancié faisant que ces modes de la conscience que sont la visée comme telle mienne, la perception et l’entendement disparaissent[108] », et c’est cette « disparition » en « modes » et « moments » qui « identiquement » se maintiennent, se « posent » comme pro-position dans la forme de la manifestation de la Pensée se pénétrant comme mouvement de révélation que Richir ignore complètement et retraduit confortablement en « substitution[109]. »
La force « magique » sur laquelle Richir ne cesse d’ironiser, n’est en fait que sa propre position de lecteur-commentateur illusionniste car celle-ci n’est que celle de l’entendement crispé sur des formes propositionnelles unilatérales dont la lecture reste prisonnière et ignore ainsi toute plasticité ; et de ce point de vue, nous avouons que l’article de Richir aura poussé les effets de cette entente abstraite jusqu’à ses plus spectaculaires effets sans craindre la caricature représentative. Mais ceux-ci n’ont rien à voir avec la pensée spéculative de Hegel, ils sont issus de troubles reprises phénoménologico-cartésiennes sans valeur pour l’interprétation – et dont nous n’avons pas à juger des conséquences mentionnées plus haut – car elle n’a pas fait l’effort de s’investir dans une lecture seulement sérieuse de Hegel ; cet article témoigne précisément d’un manque d’effort « digne », seul acte authentique du philosopher. « Dans la pensée réside immédiatement la liberté, parce qu’elle est l’activité de l’universalité, un se-rapporter-à-soi en cela abstrait un être-chez soi dépourvu de détermination selon la subjectivité, et qui selon le contenu, est en même temps seulement dans la Chose et ses déterminations. Si donc il est question d’humilité ou modestie et d’orgueil, relativement à l’acte de philosopher, et si l’humilité ou modestie consister à ne rien attribuer de particulier, en fait de propriété et d’activité, à sa subjectivité propre, l’acte de philosopher sera pour le moins à déclarer exempt d’orgueil, en tant que la pensée, suivant le contenu, n’est vraie que dans la mesure où elle est plongée dans la Chose, et, suivant la forme, n’est pas un être ou agir particulier du sujet, mais précisément ceci, à savoir que la conscience se comporte comme Moi abstrait, comme libérée de toute particularité appartenant à des propriétés, états, etc. donnés par ailleurs, et n’accomplit que l’universel, dans lequel elle est identique à toutes les conscience individuelles. – Si Aristote invite à se maintenir digne d’un tel comportement, la dignité que se donne la conscience consiste précisément à laisser se dissiper l’opinion et l’avis particuliers et à laisser régner la Chose en soi-même [110]. »
*
Afin de compléter les réflexions et interprétations sur ces textes fondamentaux de la Logique de Hegel, nous proposons quelques extraits de La remarque spéculative de Jean-Luc Nancy ; ce texte n’étant hélas plus édité, nous avons l’occasion ici d’en partager les passages capitaux :
« ..Évanouis, ou plus précisément évanouissants, l’être et le néant s’énoncent désormais (et c’est le 2ème moment du devenir) comme des relevés (aufgehobene) c’est-à-dire comme des moments : « Ils s’effondrent de leur auto-suffisance d’abord représentée, jusqu’à des moments, encore différenciés, mais en même temps relevés » Moment est donc le nom du différent dont la différence est déjà supprimée, ou plutôt s’est déjà supprimée. Aufheben est le nom de la suppression des états qui se relèvent en moments, et l’aufheben en moments dit la différence dont la simple position – dont le concept – restait, comme telle, à jamais indicible. Ainsi peut-on comprendre que la différence supprimée est en même temps conservée. » (p 54)
« Aufheben a pris la relève d’une fonction impossible : la détermination. » (p55)
« Relève du devenir, où l’évanouissement de la différence se produit, de lui-même, comme « l’évanouissement du devenir ou évanouissement de l’évanouissement lui-même », mouvement qui, bien entendu, ne constitue pas un retour à la détermination (du) vide du néant, mais qui engendre au contraire le passage à l’être-là (Dasein) – ou, plus justement, qui produit l’être-déjà-passé dans l’être-là. Ici encore, l’impeccable précision du calcul textuel ne se dément pas : d’une part, en effet, l’aufheben, en tant que suppression de la différence est bien supprimé et l’on revient à la différence (d’où l’on n’était jamais, sinon abstraitement, parti) laquelle se pose maintenant comme l’unilatéralité des moments ; mais le moment n’est autre que l’aufgehoben, le supprimé comme tel, si l’on ose dire (Hegel, précisément, et à juste titre, ne l’ose pas : le relevé n’a d’autre « identité » que celle que lui confère le passage par la relève) ; d’autre part, donc, l’aufheben n’est pas supprimé, et devient au contraire la puissance qui règle le passage, un passage dont on voit qu’il est désormais, déjà, passage à l’instance ou au moment suivant – passage déjà accompli, dans ce chapitre, au changement suivant. Ce double jeu de l’aufheben se règle à son tour sur une différence infiniment petite : le texte écrit « évanouissement de l’évanouissement » et non « aufheben de l’aufheben », c’est-à-dire, ni « suppression de la suppression » ni « relève de la relève » (ce qui supposerait quelques concepts construits de la relève) ; le texte passe très précisément entre les deux. Ce qui implique deux choses au moins : tout d’abord, l’aufheben ne se recouvre pas, ne se referme pas sur soi ; et évite ainsi, d’une manière supplémentaire, de se (laisser) identifier ; ensuite, l’aufheben se préserve, s’emporte hors de soi, glisse à la suite du texte, intact, et pour ainsi dire ni supprimé ni conservé, par le seul et peut être minime écart d’un mot, d’un autre mot qui se glisse, un instant, à sa place : verschwinden pour aufheben. Dans l’évanouissement du verschwinden s’évanouit l’ultime possibilité de déterminer le concept d’Aufhebung – se présentant ou se glissant en revanche, préservé, la possibilité et le pouvoir du verbe aufheben. » (p57-58)
[1] Marc Richir, Langage et langue philosophique dans le devenir chez Hegel (Science de la logique) »,in Le transcendantal et la spéculatif dans l’idéalisme allemand, J. Ch. Goddard, Paris, Vrin, Collection « Problèmes et Controverses », 1999, pp173-189. On peut le trouver en ligne à cette adresse : http://www.laphenomenologierichirienne.org/Marc_Richir/Articles_de_MC_files/99%3A142%20Langage%20et%20langue%20philosophique%20dans%20le%20devenir%20chez%20Hegel.pdf
[2] Hegel, Science de la logique 1831, Préface, p 14 cité par Catherine Malabou, l’Avenir de Hegel, plasticité, temporalité, dialectique, page 227, Paris, Vrin, collection « Temps moderne », 1996.
[3] « Langage et langue philosophique dans le devenir chez Hegel (Science de la logique) ». Nous utiliserons l’abréviation LLP pour nous y référer ensuite.
[4] Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques en abrégé, introduction §14, p102 trad Bourgeois, Paris, Vrin, 2012.
[5] LLP, p174.
[6] LLP, p186.
[7] LLP, p176, p177, p180, p184, p187, p187.
[8] LLP, p187.
[9] LLP, p185.
[10] LLP, p178, p179, p180, p181, p182, p184, p185, p186, p187, p188, p189.
[11] LLP, p186.
[12] LLP, p174.
[13] LLP, p178, p188.
[14] LLP, p178.
[15] LLP, p187, p189.
[16] LLP, p186.
[17] LLP, p186.
[18] LLP, p 187.
[19] LLP, p187.
[20] LLP, p186, p187, p188.
[21] LLP, p184, p187, p188.
[22] LLP, p188.
[23] LLP, p178, p182.
[24] LLP, p187.
[25] LLP, p186.
[26] LLP, p189.
[27] LLP, p173.
[28] LLP, p189.
[29] LLP, p187.
[30] LLP, p181.
[31] LLP, p175.
[32] Id.
[33] LLP, p177.
[34] LLP, p186.
[35] Id.
[36] LLP, p188, p189.
[37] LLP, p176.
[38] LLP, p178.
[39] Id.
[40] LLP, p185.
[41] LLP, p188, p189.
[42] Id.
[43] Nous renvoyons ici pour Schelling aux « Recherches philosophiques sur l’essence de la liberté humaine et les sujets qui s’y rattachent », 359-360, page 146 in Oeuvres métaphysiques, Galliamard, NRF, traduction Courtine et Martineau ; et pour Marc Richir au commentaire de Florian Forestier : « La structure même du champ phénoménal, conçu à son niveau le plus originaire, implique en lui une sorte d’imprépensable. Dès qu’on pose le « mouvement » du schématisme, il faut, pour en saisir la concrétude, poser du même coup ce en quoi ou de quoi il se fait, le non-créé qui habite originairement le schématisme, même si cet élément est, en soi, absolument impensable. » (Cf. « La pensée de Marc Richir et les enjeux saillants de l’espace philosophique contemporain : « réel », « contingence », « sens » consultable ici : http://www.revistadefilosofia.org/47-05.pdf) et son ouvrage, Le réel et le transcendantal dans la phénoménologie de Marc Richir, page 178, consultable ici : http://www.springer.com/gb/book/9783319100258
[44] LLP, p178.
[45] LLP, p177.
[46] Hegel, Science de la logique 1831, préface. Traduction Catherine Malabou, Philosophie n°29, hiver 1991, pages13-26 ; page24
[47] Hegel, Phénoménologie de l’esprit, Préface, §31, tr. fr. B. Bourgeois, Vrin, 2006, p. 79.
[48] LLP, p173, p177.
[49] LLP, p187.
[50] Hegel, Leçons sur la logique, 1831, §86, p99, Paris, Vrin, traduction Buée, Wittmann.
[51] LLP, p174.
[52] Dans l’introduction à sa Logique de 1812, Hegel admet lui-même : « je reconnais que la méthode que j’ai suivie dans ce système de la logique – ou plutôt que ce système suit en lui-même – est susceptible encore de beaucoup de perfectionnements » Logique 1812, L’être, p23, traduction Jarczyc et Labarrière, Paris, Kimé, 2007.
[53] LLP, p187.
[54] LLP, p178, p179, p180, p181, p182, p184, p185, p186, p187, p188, p189.
[55] LLP, p187.
[56] LLP p176.
[57] L’agencement s’il a lieu dans la logique de Hegel est complètement extérieur au concept, et Marc Richir pouvait rendre en cela justice à Hegel en n’utilisant pas ce terme s’il avait tenu compte de l’introduction : « je rappelle que les divisions et titres des livres, sections et chapitres qui se rencontrent dans le traité qui suit de la Logique elle-même, comme aussi, d’une certaine manière, les indications qui y sont liées, sont faits en vue d’un aperçu préliminaire, et n’ont à proprement parler qu’une valeur historiale. Ils n’appartiennent pas au contenu et corps de la science elle-même, mais sont des agencements de la réflexion extérieure qui a déjà parcouru le tout de l’élaboration… » Logique 1812, Introduction, op. cit., p23.
[58] Jean-Luc Nancy, Hegel, l’inquiétude du négatif, Paris, Hachette, 2005, p63.
[59] Jean-Luc Nancy, Hegel, l’inquiétude du négatif , op. cit., p51.
[60] LLP, p176.
[61] LLP, p176.
[62] LLP, p176.
[63] LLP, p176.
[64] LLP, p188.
[65] De ce point de vue, la pensée du vieux Schelling est plus satisfaisante pour Richir, puisqu’elle ne pense plus rien absolument, montre ses insuffisances au début, les variétés diverses de son décours et les visées seulement possibles de son mouvement qui n’atteint plus aucune effectivité : « La raison atteint ce qui peut être ou sera, si la puissance est pensée comme se mouvant, mais seulement et de nouveau comme possibilité. Les choses ne sont que les possibilités particulières démontrées dans la puissance infinie, c’est-à-dire universelle » (Schelling, Philosophie de la révélation, I, leçon IV, p86 trad Marquet et Courtine) On reconnaitra contre Hegel avec Richir la modestie du propos schellinien puisqu’il ne prétend même pas à la « familiarité », ni même aux « Wesen », ni même des « étants et non-étants » (LLP, pp188-189).
[66] Jean-Luc Nancy, Hegel, l’inquiétude du négatif, op. cit., p51-52.
[67] Hegel, Leçons sur la logique, 1831, §86, p99 Vrin traduction Buée, Wittmann. D’un point de vue d’historien on pourrait dire que cette citation de 1831 n’a rien à voir avec le contexte hégélien de 1812 que Marc Richir propose. Il n’en est rien puisque dès 1808 Hegel enseignait la même chose : « Ce qui se situe au simple niveau de l’entendement ne considère les concepts que dans leur ferme déterminité et différence les uns par rapport aux autres ; le dialectique les montre dans leur passage à autre chose et dans leur dissolution ; le spéculatif, ou rationnel saisit leur unité dans leur opposition, c’est-à-dire ce qui est le positif dans leur dissolution et leur passage à autre chose. » (Hegel, Propédeutique philosophique, 3è cours, 2è subdivision, Logique §12, p132 Denoël Gonthier médiation)
[68] Hegel, Phénoménologie de l’Esprit, Préface, LXX, trad. Lefbvre, Paris, Aubier , p65.
[69] LLP, p174, p189.
[70] Hegel, Logique, l’être, op. cit., version 1812, introduction, 19sq, p17
[71] Hegel, Logique, l’être, op. cit.,version 1812, introduction, 21sq, p18. Et dans la Phénoménologie de l’Esprit, Hegel exprime la même chose quant à la pensée : « Etre à soi objet non comme Je abstrait, mais comme Je qui en même temps a la signification de l’être en soi, ou se comporter à l’égard de l’essence objective de telle sorte qu’elle ait la signification de l’être pour soi de la conscience pour laquelle elle est, voilà ce qui s’appelle penser »(PhG GW 9 116/27 ; 2291/1 et folio 202/6).
[72] Hegel, Logique, l’être, op. cit., version 1812, introduction, 25sq, p23.
[73] Hegel, Principe de la philosophie du droit, Préface,traduction Kaan, Paris, Gallimard, NRF, 1940, p 45.
[74] Jean-Luc Nancy, Hegel, l’inquiétude du négatif, op. cit., p79-80.
[75] LLP, p179.
[76] Hegel, Phénoménologie de l’Esprit, Préface, LXXVII, op. cit., p69.
[77] LLP, p 181.
[78] LLP, p176, p180.
[79] Hegel, Logique 1812, 49, op. cit., p67.
[80] LLP, p187.
[81] LLP, p181.
[82] Hegel, Encyclopédie, §88, remarque 1, op. cit., p174-175.
[83] Ibid., remarque 2, p176.
[84] LLP, p182.
[85] LLP, p182.
[86] LLP, p182, nous modifions ici en italique la citation de Richir.
[87] Hegel, Phénoménologie de l’Esprit, Préface, V, op. cit., p29.
[88] LLP, p183.
[89] Hegel, Phénoménologie de l’Esprit, Préface, LXXVII, op. cit., p69.
[90] Hegel explique évidemment dans le contexte de l’esprit un certain caractère matriciel si l’on veut qui s’opère dans les formes de la pensée, notamment lorsqu’il est question de la mémoire dont l’opération mécanise les déterminations hors significations dans ses récitations, mais par-là même témoigne de la fluidité du savoir se dessaisissant plastiquement dans son expression (Cf. Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques en abrégé, op. cit., §463, p503-505.)
[91] LLP, p186.
[92] LLP, p179.
[93] LLP, p182.
[94] LLp, p185.
[95] Hegel, Phénoménologie de l’Esprit, Préface, p52-53 édition Hoffmeister, traduction J-L Nancy, in La Remarque spéculative
[96] LLP, p184.
[97] LLP, p184, p185.
[98] LLP, p184.
[99] LLP, p184.
[100] LLP, p184.
[101] Hegel, Phénoménologie de l’Esprit, Préface, LXXX et LXXXI, op. cit., p70-71.
[102] Richir cite et commente ceci dans son article : « Hegel enchaine : « Mais le devenir s’enferme (zusammengehen) pareillement en unité au repos (ruhige Einheit) » (ibid.). Pourquoi cela ? Parce que Hegel revient, et sans aucunement justifier ce retour, à la langue philosophique. » LLP, p185
[103] Hegel, Phénoménologie de l’Esprit, Préface, op. cit., 39-41, p55.
[104] LLP, p185, p186.
[105] LLP, p183.
[106] LLP, p181.
[107] « Le devenir est l’expression vraie du résultat de l’être et du néant, en tant qu’il est leur unité ; il n’est pas seulement, l’unité de l’être et du néant, mais il est en lui-même l’Unruhe (l’inquiétude, le non-repos) » (Hegel, Encyclopédie des sciences, op. cit., §88, remarque 4, p177.)
« Le maintenant, en tant qu’il est, a disparu, il est l’acte de se nier, c’est une intuition abstraite du devenir. L’intuition la plus haute est la vitalité ; la vie est ce procès, et celui-ci, en tant que tel, mis en évidence pour soi, est la pulsation du sang ; l’esprit est cette inquiétude, cette pure vitalité en soi-même ; dans le changement, il y a aussi du devenir, si ce n’est qu’est déjà présent-là un contenu plus concret » (Hegel, Leçons sur la logique, 1831, op. cit., A, §87 104-105, p105).
[108] Hegel, Phénoménologie de l’Esprit, op. cit., (h 99-100), p 190.
[109] LLP, p186, p187.
[110] Hegel, Encyclopédie des sciences philosophique en abrégé, op. cit., Concept préliminaire, §23, p114.