Les droits sociaux des femmes et des hommes
Nolwenn Picoche
Les dimensions du genre dans les Etats-providence.
Pour comparer les États-providence la solution la plus simple serait d’utiliser les cadres du rapport entre femmes et hommes. Cependant Diane Sainsbury rejette cette approche car elle comporte de nombreuses insuffisances. La seconde méthode veut créer de nouveaux modèles tandis que la troisième cherche à intégrer le genre dans les cadres analytiques existants. La démarche de l’auteur consiste avant tout à se détacher des typologies dominantes pour trouver des dimensions qui ont été oubliées ou marginalisées auparavant.
Cette méthode s’appuie sur des « types idéaux » qui sont des « variations entre les droits sociaux des femmes et des hommes »[1]. Ces types idéaux permettent de travailler sur les systèmes sociaux des pays mais ne correspondent pas à l’identique à ce qui peut être observé dans la réalité. Ils servent à établir un modèle mais les différences entres les pays ne ressemblent pas nécessairement à la logique de ces modèles. Le but de Diane Sainsbury est de montrer les similitudes et les différences entre les États-providence et de dégager les implications de cette étude pour l’intégration du genre dans l’analyse des États-providence.
Présentation de la méthode utilisée
Tout commence par une analyse de la critique féministe des théories dominantes sur la politique sociale. Avec cette démarche de type exploratoire, l’objectif de Diane Sainsbury est de déterminer la pertinence des cadres analytiques existants et de mettre en évidence leurs éventuelles différences ou insuffisances pour améliorer les modèles. L’étude de la critique féministe lui donne un cadre pour analyser les politiques publiques des quatre États-providences retenus.
a) La critique féministe [2]
Les recherches antérieures sur les systèmes sociaux ne prennent pas en compte la différence de genre. La critique féministe souligne les lacunes de ces modèles traditionnels qui mettent l’accent sur les processus économiques et la variable classe sociale. Les féministes ont préféré s’intéresser aux relations entre la famille, l’État et le marché. Elles ont mis en évidence « l’influence de l’idéologie familiale sur la structure des politiques sociales et sur la reproduction de la division sociale du travail entre les sexes »[3] avec d’une part « l’homme chef de famille » et de l’autre la femme dispensatrice de soins. Pour introduire le genre dans un modèle d’analyse il faut conceptualiser les allocations sociales en termes de mélange public/privé. C’est pourquoi il ne suffit pas d’élargir les modèles dominants mais il faut trouver d’autres modèles.
b) La problématique du genre dans les dimensions de variation [4]
Diane Sainsbury explique ses deux modèles de « types idéaux » dans un tableau[5] reproduit page suivante. Dans le modèle « l’homme chef de famille », la division du travail selon le genre structure les pratiques dans la famille, la législation sociale, les lois sur le travail et le système fiscal. Les droits des femmes découlent uniquement de leur statut d’épouse. Il n’y a pas de droit individuel. La frontière entre privé et public est stricte. Seuls les hommes sont encouragés à travailler. Dans le modèle individualiste, chacun est responsable de son entretien et contribue financièrement au ménage. La délimitation entre privé et public est plus souple. La politique de l’emploi est orientée vers les deux sexes. L’avantage de cette méthode est qu’elle permet d’analyser les politiques publiques de tous les pays dans le temps et d’examiner l’interaction entre les dimensions de cette analyse et celles des études traditionnelles.
Dimension |
Modèle de « l’homme chef de famille » |
Modèle individualiste |
Idéologie familiale |
Division stricte du travail
Mari = apport financier Femme = soins |
Rôles partagés
Mari = apport financier/ soins Femme = soins / apport financier |
Droit aux allocations |
Différencié dans le couple | Uniforme |
Fondement du droit aux allocations |
Chef de famille salarié | Autre |
Bénéficiaire des prestations |
Chef de famille | Autre |
Unité de prestations |
Ménage ou famille | Individu |
Unité de cotisations |
Ménage | Individu |
Taxation |
Imposition conjointe
Déductions pour les personnes à charge |
Imposition séparée
Déductions fiscales égales |
Politique d’emplois et de salaires |
Priorité aux hommes | Orientée vers les deux sexes |
Sphère des soins |
Essentiellement privée | Important engagement de l’État |
Travail des soins |
Non rémunéré | Composante de rémunération |
[1] Sainsbury Diane, « Les droit sociaux des femmes et des hommes, Les dimensions du genre dans les États-providence », dans Genre et politique, Paris, Gallimard, « Folio Essais », 2000, page 234.
[2] Page 235.
[3] Page 237.
[4] Page 238.
[5] Page 239.