Les voies du paradoxe et autres essais – Recension
Quine, Les voies du paradoxe et autres essais, Paris, Vrin, 2011, 555 p. Introduction, traduction française et notes sous la direction de Serge Bozon et Sabine Plaud de W.V.O. Quine, The Ways of Paradox and other essays, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1976, 335 p.
La traduction en langue française de The Ways of Paradox, en tant qu’elle rend accessible au public francophone certains des articles les plus importants de Quine[1], doit être saluée comme une contribution importante à l’introduction de la pensée de l’auteur de “On What There Is” dans le paysage philosophique francophone. Elle fait suite et écho aux diverses traductions, rééditions[2] et commentaires[3] récemment consacrés à Quine.
Ce recueil, à l’instar de Theories and Things, n’a apparemment pas l’unité de From a Logical Point of View. La diversité et l’importance des thèmes en font, en ce sens, la richesse. Y sont notamment abordés[4] : le problème des fondements des mathématiques (essais 1 et 3), la conception de la logique et de l’ontologie chez Carnap (essais 11, 12, 19), le statut des modalités (essais 15 et 16), le problème des attributions d’attitudes propositionnelles et la distinction entre croyance de re et croyance de dicto (essai 17), le statut de la notation canonique et du critère d’engagement ontologique (essais 14, 18, 19, 22, 27). Pour autant, cette diversité de thèmes se laisse ordonner par l’unité d’un problème, à savoir : le problème du statut de la logique[5].
Dès « La vérité par convention » (1935), la critique de toute conception conventionnaliste de la vérité logique (conception que Quine voit à l’œuvre dans la Syntaxe logique du langage de Carnap) témoigne du souci précoce et urgent de clarifier ce statut. Que la logique soit vraie par convention, à savoir que le contenu de la logique puisse être stabilisé par une présentation axiomatique[6], signifie :
(i) que les vérités logiques doivent leur vérité à des conventions linguistiques qui assignent, conformément aux usages ordinaires, la valeur du vrai à des contextes, sélectionnés arbitrairement, dans lesquels seules les constantes logiques ont une occurrence essentielle et à partir desquels on générera l’ensemble des vérités logiques[7],
(ii) que les vérités logiques ne sont donc pas vraies en vertu d’un quelconque état du monde et, à ce titre, sont qualifiables d’analytiques.
Néanmoins, cet essai n’est pas l’expression « d’une hostilité initiale envers la doctrine de la vérité par convention mais [d’] une profonde réflexion sur les conséquences de cette doctrine »[8]. En ce sens, il y a continuité avec les conférences sur la Syntaxe Logique données par Quine à Harvard à la fin de l’année 1934 : l’ouverture de la première conférence, intitulée “The A Priori” exprime le souhait de « présenter la doctrine mentionnée [i.e. la doctrine selon laquelle la philosophie est syntaxe logique] sous une forme appropriée »[9]. Plusieurs raisons amènent Quine à tenter de rendre raison de cette doctrine.
Ainsi peut-on arguer de ce que le recours à la convention linguistique pour rendre compte du statut de la logique permet de dépasser les apories psychologistes (empiriste et kantienne) tout en respectant le cahier des charges d’un empirisme logique anti-frégéen[10]. Plus encore, qu’une multiplicité d’axiomatiques générant la même classe de vérités logiques soit possible[11], en tant que cela engage des considérations pragmatiques de commodité et de simplicité, vient court-circuiter l’idée même qu’avérer le statut de vérité logique d’une phrase consisterait à alléguer un fait (structure de l’esprit ou domaine d’idéalités) en vertu duquel le statut de cette vérité logique deviendrait transparent parce que justifié[12]. L’idée même d’une justification de la logique par le recours à des considérations d’ordre métaphysique ou psychologique est évacuée : on ne réfère plus l’analyticité de la logique à un a priori ayant « le caractère de la nécessité interne »[13] mais, à l’inverse, moyennant l’abandon du synthétique a priori, « l’a priori est confiné à l’analytique »[14]. Cependant, pourrait-on pondérer, loin s’en faut que toute question de justification de la logique soit évacuée : celle-ci serait plutôt posée à nouveaux frais. Quine trouverait en Carnap la possibilité de « donner des réponses non-métaphysiques aux questions portant sur “la source de la validité” de certains de nos jugements »[15] : dès lors ce qui compterait comme « une justification authentiquement non métaphysique des phrases auxquelles nous tenons fermement »[16] tiendrait tout entier dans la dimension pragmatique du choix et de l’arbitraire présent dans le conventionnalisme. Pour autant, il nous semble que c’est sous-estimer un thème frégéen dont Quine hérite via Carnap et Wittgenstein, à savoir celui de la fin de non-recevoir adressée à toute tentative de justification de la logique. Citons les Grundgesetze der Arithmetik de Frege :
A la question de savoir pourquoi et de quel droit nous reconnaissons une loi logique comme vraie, la logique ne peut répondre qu’en la ramenant à une autre loi logique. Là où cela n’est pas possible, la logique doit laisser la question sans réponse [muss sie die Antwort schuldig bleiben].[17]
Expliquer pourquoi une loi logique est vraie, i.e. fournir une justification des lois logiques d’un point extra-logique, est une entreprise vaine pour Frege : cela trahit un point de vue psychologiste sur la logique, in fine autoréfutatoire. Le « logocentrisme » frégéen consiste en la mise au jour ce point[18]. Or, le Principe de Tolérance (ou principe de conventionnalité) énoncé par Carnap au § 17 de la Syntaxe Logique[19] est une manière, moyennant le passage de l’universalisme logocentrique frégéen au pluralisme logocentrique, d’hériter du point mis au jour par Frege :
Carnap croit qu’il n’y a pas d’appel à quelque chose extérieur à un langage qui rende ce langage avec sa relation de conséquence correct. Il n’y a aucune question de justification à soulever eu égard au choix d’un langage car toute question de justification présuppose qu’une relation de conséquence soit en place. En logique, il n’y a pas de morale.[20]
Quine cherche à rendre raison du noyau de vérité frégéen (i.e. le logocentrisme) présent dans le propos de Carnap : en effet, le conventionnalisme « a l’importance de nous rendre apte à poursuivre l’entreprise de fondation des mathématiques et la logique de la science sans rencontrer de questions extralogiques quant à la source de la validité de nos jugements a priori »[21].
En un sens, c’est au nom de cet aperçu frégéen qu’est administrée la critique de la conception conventionnaliste de la logique[22]. Le problème tient à ce que les conventions à partir et au moyen (axiomes et règles d’inférence ou de substitution) desquelles on prétend générer des vérités logiques doivent être en nombre limité, explicites, primitives et générales. Or, pour appliquer ces conventions aux cas particuliers, une médiation est requise. Ainsi, à considérer la logique comme une affaire de convention, il devient nécessaire d’introduire des conventions supplémentaires réglant l’application des conventions primitives au cas particulier, ce réquisit devant être réitéré à chaque introduction d’une nouvelle convention. De la sorte, on aboutit à une régression à l’infini, symptôme de l’inanité de la prétention conventionnaliste à générer seule les vérités logiques et à rendre compte de ce qu’est une conséquence logique. Positivement, « si la logique doit procéder médiatement de conventions, on a besoin de la logique pour inférer la logique à partir de conventions »[23] : la logique est présupposée dans l’activité même d’établir des conventions et ne saurait donc être fondée par et sur, des conventions[24]. Par là même, Quine retourne le geste du conventionnaliste contre lui-même : être conséquent pour le conventionnaliste, c’est abandonner l’idée qu’en logique, les conventions puissent avoir un rôle constitutif et fondationnel[25]. Ainsi l’axiomatisation en logique n’a qu’une pertinence postfondationnelle[26], à savoir pédagogique et ingénierique. Lui accorder une pertinence fondationnelle est l’effet d’une « confusion des niveaux » (dans laquelle il est possible de voir la rémanence d’une forme de psychologisme) s’exprimant dans la projection fallacieuse de la conventionnalité comme trait caractérisant l’acte de sélectionner arbitrairement des vérités logiques à titre de point de départ à partir desquelles générer le reste des vérités logiques sur les vérités logiques elles-mêmes[27].
Cette critique est conséquente avec ce que Quine énoncera dans la préface de Logique élémentaire (1941) :
La méthode fondamentale repose sur la transformation progressive des expressions en d’autres expressions équivalentes, plutôt que sur des chaînes de déduction. La méthode générale est plus parente de la pratique algébrique de la substitution des identiques que de la pratique du géomètre qui consiste à déduire des théorèmes à partir d’axiomes[28].
Conformément à la revendication par Quine d’une position d’immanence (expression de la prise en compte du logocentrisme), seule une présentation de la validité en termes de substitution (moyennant les deux notions de vocabulaire logique, c’est-à-dire de grammaire logique, et de vérité[29]) permet (i) de générer l’ensemble des schémas valides, (ii) de ne pas soustraire à la preuve certaines expressions (les axiomes impliquent mais ne sont pas impliqués). La notion de conséquence logique, dont Quine rend compte par le concept d’implication, est alors obtenue sans recours à la méthode axiomatique, l’implication étant définie comme la validité du conditionnel[30].
Au total, l’argumentaire de Quine est paradigmatique et de The Ways of Paradox (dont la publication des textes court de 1934 à 1974) et de sa position de Janus philosophique. D’un côté, il peut être considéré comme héritant Russell et de Frege notamment via C. I. Lewis, Wittgenstein et Carnap. Il hérite en effet d’un certain nombre de problématiques liées au logicisme et à l’universalisme logique : à titre d’exemples, il radicalise la méthode des descriptions, fait valoir l’antipsychologisme frégéen et sa contrepartie en l’espèce du principe contextuel et du primat du vrai (avec les problèmes que nous suggérons que cela pose), promeut l’idée d’un schème conceptuel de premier ordre universellement applicable. D’un autre côté – ouvrant la voie à de nombreux développements philosophiques ultérieurs –, il s’attèle à la destruction d’un certain nombre d’argumentaires et au dépassement de problèmes ayant trait aux conceptions de l’objectivité de Frege et Russell. Il en va ainsi (i) de la critique radicale adressée à l’atomisme logique (concomitante de celle de Wittgenstein) et à la conception de l’analyse logique et du lien entre ontologie et logique qui en sont solidaires, (ii) du refus de faire dépendre l’applicabilité de la logique d’une provision de contenus idéaux universellement partagés, et, par là même, (iii) du refus de l’alternative stricte et exclusive entre universalisme logique et pluralisme logique. Ce dernier point est capital. En effet, chez Frege comme chez Russell, la contrepartie du non-sens à vouloir justifier la logique se monnaie par ce qu’on a pu appeler l’aporie logocentrique [logocentric predicament] :
La tentative de formuler les fondements de la logique est rendue ardue par une aporie « logocentrique » […]. Pour pouvoir rendre compte de la logique, nous devons présupposer et employer la logique[31].
Qu’on ne puisse justifier la logique, faute d’un discours qui ne nous y inscrive pas d’emblée, que la logique ne soit pas un point de vue mais l’unique manière d’avoir un point de vue ou encore l’absence même de point de vue, rend difficile, pour ces philosophes, de rendre compte d’un certain nombre de leurs propres concepts. Ainsi en va-t-il de la distinction frégéenne entre concept et objet. Puisqu’il n’y a pas de point de vue externe sur la segmentation logique en vertu duquel la distinction entre concept et objet puisse être exprimé dans la langue naturelle, Frege ne peut qu’en appeler à une rencontre des esprits : on proposera des élucidations permettant au lecteur, supposant qu’il est de bonne volonté, de rencontrer Frege à mi-chemin dans son entrée dans le langage qu’est la logique[32]. Refusant le sens qu’il y a à dire de la logique qu’elle est unique (l’unicité de la logique étant l’envers de l’universalisme logique) tout en reconnaissant l’immanence de tout discours à un schème conceptuel, souvent qualifié de “parochial” (nouvelle forme de logocentrisme), Quine rencontre un problème analogue au moment crucial de l’application du critère d’engagement ontologique. Une détermination des engagements ontologiques d’un discours requiert préalablement sa paraphrase dans la notation canonique. En l’absence d’une justification au sens fort du statut canonique et catégoriel de la quantification, on ne peut s’en remettre qu’à un accord des esprits, risquant toujours un refus, formulé par autrui, de voir son discours ainsi enrégimenté[33]. On peut alors faire l’hypothèse que le naturalisme constitue pour Quine une voie de sortie hors de ces problèmes : une tentative pour donner sens à nos pratiques et normes cognitives sans pour autant retomber dans le mythe d’un point de vue transcendant[34].
L’ambivalence constitutive de la posture de Quine explique alors sans doute sa présence diffuse (parfois quasi spectrale) et persistante dans le paysage philosophique contemporain. Qu’on pense à ses continuateurs[35] ou à ses critiques[36], l’œuvre de Quine a participé, avec celles de quelques autres, à fixer l’agenda philosophique à venir. Pour autant, le « négativisme logique » dont a pu être crédité Quine et dont on considère parfois qu’il est son seul héritage ne nous paraît être que la contrepartie du geste par lequel on abstrait des thèses d’un système privant celles-ci des raisons la soutenant. Comme le dit Quine dans Word and Object (§ 43) : “Whistling in the dark is not the method of true philosophy”. Aussi, pour cette raison, nous pouvons nous réjouir de la parution de cette traduction qui fournit l’occasion de (re-)découvrir la philosophie de Quine. Peut-être est-il alors possible de dire de Quine ce que Foucault, dans L’ordre du discours, disait de Hegel :
[E]chapper réellement à Hegel suppose d’apprécier exactement ce qu’il en coûte de se détacher de lui; cela suppose de savoir jusqu’où Hegel, insidieusement peut-être, s’est approché de nous; cela suppose de savoir, dans ce qui nous permet de penser contre Hegel, ce qui est encore hégélien; et de mesurer en quoi notre recours contre lui est encore peut-être une ruse qu’il nous oppose et au terme de laquelle il nous attend, immobile et ailleurs[37].
Henri Wagner (Université Bordeaux 3 Michel de Montaigne, Centre de recherche SPH EA 4574)
[1] Notamment « La vérité par convention », « Carnap et la vérité logique », « M. Strawson sur la théorie logique », « Trois degrés d’implication dans la modalité » et « Quantificateurs et attitudes propositionnelles ».
Je tiens à remercier Timur Uçan et Jean Beligot pour leurs remarques scrupuleuses sur la version finale de ce texte.
[2] Mentionnons la traduction de From a Logical Point of View (trad. sous la direction de S. Laugier, Du point de vue logique, neufs essais logico-philosophiques, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 2003), les rééditions des traductions de Ontological Relativity and Other Essays et de Philosophy of Logic (Paris, Flammarion, Département Aubier, 2008).
[3] Par exemple : le commentaire de Word and Objet par F. Rivenc (Lecture de Quine, College Publications, Cahiers de Logique et d’Epistémologie, vol. 4, 2008) ou encore le volume collectif intitulé Quine. Logique et ontologie (Editions de l’Eclat, collectif dir. par J.-M. Monnoyer, 2006).
[4] L’introduction de S. Plaud et S. Bozon revient notamment sur le débat avec Carnap, la conception quinienne de l’ontologie, la critique des modalités et le statut des attitudes propositionnelles.
[5] Nous nous rallions ici à la critique par S. Laugier du morcellement de la philosophie de Quine en une liste de thèses n’ayant au mieux que l’unité d’un agrégat (cf. l’avant-propos de L’anthropologie logique de Quine. L’apprentissage de l’obvie, Paris, Vrin, 1992). Outre la monographie de Hookway mentionnée par S. Laugier, tombent selon nous sous le coup de cette critique les travaux de P. Gochet (Quine en perspective, Flammarion, 1978 et Ascent to Truth. A Critical Examination of Quine’s Philosophy, Philosophia Verlag München Wien, 1986) ainsi que le récent commentaire de Peter Hylton (Quine, Routledge, New York and London, 2007).
[6] Quand bien même Frege peut être considéré comme le premier à présenter un système formel (cf. J. Van Heijenoort, “Logic as calculus and Logic as language”, Synthese 17 (1967), Reidel Publishing Co., Dordrecht-Holland,p. 324) et, en ce sens, à présenter la logique axiomatiquement (cf. Quine, Mathematical Logic, Cambridge, Harvard University Press, revised ed. 1951, p. 88), il n’adhère pas à l’acception contemporaine de la méthode axiomatique selon laquelle un axiome est relatif au système considéré.
[7] Cf. Notamment le début de la section II, p. 172-176.
[8] H. Putnam, “Convention: a theme in philosophy”, in Realism and Reason, Cambridge University Press, 1983, p. 172-173.
[9] Dear Carnap, Dear Van: The Quine-Carnap Correspondence and Related Work, edited and with an introduction by R. Creath, University of California Press, 1990, p. 47. Dans la recension que Quine consacre à la Syntaxe Logique (The Philosophical Review, Vol. 44, No. 4., Jul., 1935, pp. 394-397), il caractérise la syntaxe comme « l’étude des manipulations conventionnelles des signes ».
[10] Tel que le suggère Putnam dans “Convention”, p. 170-172.
[11] « La vérité par convention », p. 172-173; Dear Carnap, Dear Van, p. 52-53.
[12] Cf. Gary Hardcastle, “Quine’s 1934 ‘Lectures on Carnap’”, inédit (http://philsci-archive.pitt.edu/2908/1/QLOC06.pdf) p. 5.
[13] Dear Carnap, Dear Van, p. 47 et 64; « La vérité par convention », p. 193. Quine cite ici la première introduction de la Critique de la raison pure (KRV, A 2).
[14] Dear Carnap, Dear Van, p. 66. Sur le passage de Kant à Carnap, voir également, dans Les voies du paradoxe, l’ouverture de « Carnap et la vérité logique », p. 202-204. Sur la coextensivité de l’a priori et de l’analytique, Quine cite alors un passage de Mind and the World-Order de C. I. Lewis, ouvrage qui servait de base au cours sur Kant dispensé par Lewis à Harvard et dont Quine fut auditeur.
[15] Hylton, Peter, “‘The Defensible Province of Philosophy’: Quine’s 1934 Lectures On Carnap,” in Floyd, J. and Shieh, S. (eds.), Future Pasts: The Analytic Tradition in Twentieth-Century Philosophy, Oxford: Oxford University Press, 2001, p. 263.
[16] G. Hardcastle “Quine’s 1934 ‘Lectures on Carnap’”, p. 25.
[17] Grundgesetze der Arithmetik vol. I, Georg Olms Verlag, Hildesheim éd., 1962, Vorwort, xvii. Sur le concept de « logocentrisme », cf. les travaux de T. Ricketts.
[18] « Je considère comme le signe certain d’une erreur que la logique ait besoin de métaphysique et de psychologie – des sciences qui requièrent leurs propres principes logiques. Dans ce cas alors, où est le sol premier sur lequel tout repose ? Ou bien est-ce comme Münchhausen qui s’extirpait hors du marécage en se tirant par ses propres cheveux ? », Grundgesetze, Vorwort, xix. Sur le concept de « logocentrisme », cf. les travaux de T. Ricketts.
[19] « Ce n’est pas notre affaire d’établir des interdictions mais d’arriver à des conventions […]. En logique, il n’y a pas de morale ; chacun est libre de construire sa propre logique, i.e. sa propre forme de langage, comme il le souhaite. Tout ce qui est exigé est que, s’il souhaite en discuter, il doit énoncer clairement ses méthodes et fournir des règles syntaxiques plutôt que des arguments philosophiques », The Logical Syntaxe of Language, London, Routledge and Kegan Paul, 1937, p. 51-52.
[20] “Carnap’s Principle of Tolerance, Empiricism and Conventionalism”. in Reading Putnam, ed. by P. Clarke and B. Hale, Basil Blackwell Ltd 1994, p. 183.
[21] Dear Carnap, Dear Van, p. 66. Nos italiques. In fine, Quine refusera le Principe de Tolérance et ce qui, chez Carnap, en est solidaire, i.e. à la fois la distinction analytique/synthétique et la conception de la logique comme formelle au sens de vide de tout contenu.
[22] « La vérité par convention », p. 194-199. Son argument peut être considéré comme une version du paradoxe de Lewis Carroll. Cf. notamment, P. Engel, La norme du vrai, NRF Gallimard, 1989, p. 330-331 et S. Laugier, L’anthropologie logique de Quine, p. 164-170.
[23] « La vérité par convention », p. 196.
[24] Putnam, “Convention”, p. 172.
[25] Cf. la mise au point éclairante de S. Laugier dans L’anthropologie logique de Quine, p. 166 et sq.
[26] Sur ce concept, cf. Méthodes de logique, trad. par M. Clavelin à partir de la 3ième édition révisée (Holt, Rinehart and Winston, Inc., 1972), Paris, Armand Colin, 1973, Chapitre 13 : Axiomes.
[27] « Carnap et la vérité logique », p. 215, 218-220, 233 et « Les deux dogmes de l’empirisme » dans Du point de vue logique, p.68. Cette critique de Quine nous semble extrêmement proche des §§ 104-108 des Recherches Philosophiques de Wittgenstein ; cf. notamment le § 104 : « Nous prédiquons de la chose ce qui réside dans le mode de représentation ».
[28] Logique élémentaire, trad. française (modifiée) et notes par J. Largeault et B. Saint-Sernin, Paris, Armand Colin, 1972 ; réédition, Paris, Vrin, 2006, Préface à l’édition de 1941, p. 22. Que ce soit dans Logique élémentaire ou dans Méthodes de Logique, la méthode et la présentation, non axiomatique, repose sur les procédés comme la substitution, le remplacement, la transformation, la mise en forme normale (conjonctive ou disjonctive) ou encore la mise en forme prénexe.
[29] Cf. Dans ce volume, « M. Strawson sur la théorie logique », p. 254.
[30] Sur tout cela, cf. notamment le chapitre 7 de Méthodes de logique. Pour autant, suivant en cela Frege, Quine définit la logique en rapport à la vérité et, seulement de manière dérivée, en rapport à la conséquence logique. Cf. notamment l’ouverture de Philosophie de la logique, les introductions de Méthodes de logique et de Logique élémentaire. Ceci, évidemment, ne manque pas de poser problème (en l’espèce, notamment, d’un retour d’une forme de psychologisme et, pour certains, d’une perte de l’objet propre de la logique, i.e. la notion de conséquence logique).
[31] H. M. Sheffer, “Review of Principia Mathematica, Volume I, second edition”, Isis, vol. 8 (Feb. 1926), p. 228. Cf. T. Ricketts, “Frege, The Tractatus, and the Logocentric Predicament”, Noûs, Vol. 19, No. 1, 1985 A. P. A. Western Division Meetings. (Mar., 1985), p. 3. Il est à noter que Quine suivit le cours de logique assuré par Sheffer à Harvard.
[32] Cf. « Concept et objet », dans Ecrits logiques et philosophiques, trad. par C. Imbert, Paris, Seuil, 1970, p. 128 et 140-141 et J. Van Heijenoort, “Logic as calculus and Logic as language”, p. 326.
[33] Cf. Notamment, Word and Object, MIT Press, Cambridge (Mass.), 1961, p. 242-243 et D’un point de vue logique, « La logique et la réification des universaux », p. 153.
[34] Cf. J. Floyd, “The Fact of Judgment. The Kantian Response to the Humean Condition”, in From Kant to Davidson. Philosophy and the idea of the transcendantal, ed. Jeff Malpas, Routledge, 2003, p. 40-43.
[35] Aussi divers que D. Davidson, D. Dennett ou W. Goldfarb.
[36] Parmi lesquels figurent H. Putnam, D. Kaplan, C. Travis, J. McDowell, les exégètes reconduisant l’ Aufbau de Carnap de Hume et Russell à son terreau kantien ou encore les lecteurs de “On Denoting” comme P. Hylton.
[37] L’ordre du discours, Nrf Gallimard, 1971, p. 75.