L’épigénétique a-t-elle son mot à dire dans les débats philosophiques sur l’identité personnelle ?
Gaëlle Pontarotti, Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne/IHPST.
Introduction
Marqué par une forte polysémie, le terme identité peut désigner une relation entre deux objets, faire référence aux propriétés distinctives d’un individu ou indiquer la propriété particulière qui permet à ce dernier de rester le même en dépit des changements qui l’affectent. Dans l’Essai sur l’entendement humain (2001[1690]), Locke distingue la question de l’identité biologique[1] de celle de l’identité personnelle : la première se définit par une organisation stable (p.513) tandis que la seconde implique une conscience autorisant un être pensant à se percevoir comme identique au fil du temps (p. 521). Si la contribution de Locke suggère qu’identité biologique et identité personnelle apparaissent de prime abord comme deux notions radicalement distinctes, ces dernières seront inextricablement liées suite au développement de la biologie moléculaire, la génétique hier, l’épigénétique aujourd’hui.
Cet essai propose une analyse critique d’un mélange des genres contestable hier comme aujourd’hui. Après avoir rappelé comment la génétique moléculaire, en fondant un nouveau concept d’identité biologique, a permis aux sciences du vivant de s’immiscer durablement dans le débat philosophique relatif à l’identité des personnes, il s’agira plus particulièrement d’examiner une littérature sensationaliste qui s’appuie sur les récents travaux menés en épigénétique (moléculaire et comportementale) pour battre en brèche toute idée de déterminisme et de réductionnisme génétique des propriétés personnelles. Si certains auteurs présentent la discipline comme une science prométhéenne qui permettra bientôt à tout un chacun de réécrire les règles de son identité et de son destin, d’autres suggèrent plus prudemment que les marques épigénétiques, en médiatisant l’effet des circonstances sur les profils psychologiques et comportementaux, souligneraient le poids de l’acquis dans la constitution des propriétés individuelles.
La question sera alors de savoir si l’épigénétique, comme la génétique en son temps, n’est pas susceptible d’entrer par effraction dans des débats philosophiques où elle n’a pas de place légitime. Autrement dit, il s’agira de se demander dans quelle mesure les habits neufs de l’identité biologique, s’ils semblent délivrer tout un chacun d’un déterminisme génétique redoutable, pourraient fonder une nouvelle forme de réductionnisme d’autant plus pernicieuse qu’elle paraît conforme aux aspirations d’individus désireux d’échapper à un destin implacable dicté par quelques gènes. Dans ce contexte, il sera proposé de penser les rapports entre identité biologique (génétique et épigénétique) et identité personnelle non pas sur le modèle de la détermination, ou de la réduction, mais bien plutôt sur celui de l’analogie.
La génétique moléculaire, ou l’absorption de l’identité personnelle par l’identité biologique
Comme indiqué en introduction, identité biologique et identité personnelle sont de prime abord deux notions distinctes, deux notions ayant des significations différentes. Pourtant, la génétique moléculaire permet aux sciences du vivant de s’introduire durablement dans les débats philosophiques relatifs à l’identité des personnes en favorisant l’émergence d’un nouveau concept d’identité biologique. Cette intrusion est renforcée par la métaphore du programme génétique qui, malgré ses limites épistémologiques, enracine dès les années 1970 l’idée selon laquelle les gènes déterminent les caractéristiques innées et essentielles d’un individu jouissant du statut de personne, d’un être humain.
Du livre de la vie aux livres des vies individuelles
Pour mieux comprendre l’engouement que suscite aujourd’hui l’épigénétique, il convient de revenir sur l’extraordinaire séisme qu’a constitué l’avènement de la génétique moléculaire et plus particulièrement la découverte de la structure en double hélice de l’ADN au milieu du siècle dernier (Watson et Crick, 1953). Francis Crick pense alors avoir mis au jour « le secret de la vie », une vie qui s’écrit dans des séquences de nucléotides, autrement dit dans des gènes qui, depuis le cœur des cellules, codent des protéines et fabriquent, in fine, des organismes entiers[2].
Dans les années 1960 et 1970, la mise en évidence du code génétique confirme que le livre de la vie est désormais accessible aux biologistes[3]. Elle fait également apparaître la possibilité de décrypter le secret des vies individuelles, un secret qui serait consigné dans un assortiment unique de gènes hérités des parents. Étant propre à chaque individu[4], affichant une certaine stabilité et contenant un ensemble d’informations guidant le développement, cet assortiment se présente en effet comme le support d’une identité biologique désormais conçue en termes d’information, mais il apparaît aussi comme le dépositaire des propriétés intrinsèques de la personne en devenir.
Les biologistes empruntent alors la terminologie employée en informatique et s’inspirent du modèle des calculatrices électroniques pour répandre la métaphore du « programme génétique » (Mayr, 1961 ; Jacob, 1970 : 10, 17 ; Mayr, 1989 : 179). Ils désignent ainsi un ensemble d’instructions transmises par les parents lors de la conception et présidant au développement de l’individu. Offrant l’une des plus belles pages de l’histoire de la biologie sur ce thème, François Jacob soutient que « chaque œuf contient (…) dans les chromosomes reçus de ses parents, tout son propre avenir, les étapes de son développement, la forme et les propriétés de l’être qui en émergera » (1970 : 10). Il souligne que chaque individu peut être envisagé comme la réalisation d’un programme « prescrit par l’hérédité » (1970 : 10).
Grisé par la perspective d’un séquençage imminent de génomes entiers[5], le prix Nobel de chimie Walter Gilbert imagine quelques années plus tard la possibilité de scanner l’ensemble de l’information génétique d’une personne sur un support qui deviendrait le reflet de son identité. Il soutient qu’il sera bientôt possible de brandir un CD et de s’écrier : « Voici un être humain ; c’est moi ! » (1992 : 96). De ce point de vue, la solution au vieux problème du « connais-toi toi-même » de Socrate est aussi simple qu’un séquençage d’ADN. Le cinéma, qui se saisit de la question, contribue à véhiculer l’idée selon laquelle les cellules du nouveau-né recèlent un ensemble d’informations déterminant ses caractéristiques futures. Ainsi, le film de science fiction Bienvenue à Gattaca, critique a l’égard d’une société qui limiterait les opportunités des individus en fonction de leur patrimoine génétique, inclut une scène mémorable dans laquelle une équipe médicale scanne le génome d’un bébé afin de déterminer les propriétés de l’adulte qu’il est en puissance.
Les gènes comme dépositaires de propriétés innées et inébranlables
Le concept de programme génétique, dont les limites épistémologiques ont été rapidement relevées, a par la suite été fortement critiqué. Il est en effet très vite apparu que les gènes seuls ne sont pas aptes à fabriquer les traits d’un organisme (Oyama, 1985 ; Griffiths et Gray, 1994), qu’ils ne codent pas des traits, mais bien plutôt des normes de réaction[6], c’est-à-dire « des résultats développementaux différents dans différents environnements » (Lewontin, 2001 : 23), et qu’il est absurde de chercher à quantifier la part des gènes dans le développement des individuels dès lors que gènes et environnement interagissent de façon importante et unique dans la construction des phénotypes, des traits observables (Lewontin, 1974 ; 2001 : 17-18).
Pour autant, la génétique (classique puis moléculaire) a induit une association durable entre les gènes, ou le patrimoine génétique et le concept d’innéité (Pontarotti, 2015 :90)[7]. Les traits innés sont en effet souvent pensés comme résultant d’une « propension génétique » (Oyama, 2000) tandis que l’acquis désigne généralement l’environnement et les traces qu’il laisse chez un individu, c’est-à-dire sur ses traits physiques, sa psychologie et son comportement. Le généticien Axel Kahn établit ainsi une équivalence entre facteurs innés et facteurs génétiques, tandis qu’il associe les « paramètres acquis » à « l’empreinte laissée dans l’esprit par l’éducation, la culture et les épisodes de la vie » (Kahn, 2010 : 182).
Il est en outre généralement admis que les déterminants génétiques ont une ascendance sur les influences environnementales dans la construction des traits individuels. A l’heure d’introduire la notion de « programme génétique », le prix Nobel François Jacob soulignait déjà que si ce programme confère à l’organisme « le pouvoir d’acquérir un supplément d’information non innée », il fixe lui-même « son degré de souplesse et la gamme des variations possibles » (1970 : 18). Finalement, si la dichotomie inné/acquis est antérieure à l’avènement de la génétique moléculaire, la discipline lui aurait apporté une véritable justification scientifique.
La thèse selon laquelle les caractéristiques innées seraient déterminées par un ensemble de particules héréditaires trouverait selon Evelyn Fox Keller (2000 ; 21-22) ses racines dans les premières recherches consacrées à l’hérédité biologique, notamment dans les travaux de Francis Galton. Distinguant comme ses contemporains la nature, à savoir « tout ce qu’un homme apporte avec lui lorsqu’il vient au monde »et la nurture, c’est-à-dire «toutes les influences qui l’affectent après la naissance » (1874, 12), le naturaliste associe partiellement la première à des particules héréditaires imperméables aux effets de l’environnement (1876).
Les gènes comme dépositaires des propriétés essentielles
Enfin, l’ADN est parfois envisagé comme le substrat des propriétés essentielles d’un individu, des propriétés devant être distinguées de celles qui seront développées au fil d’une existence singulière et qui pourront dès lors être qualifiées d’accidentelles. Plus précisément, les gènes sont souvent dépeints comme les dépositaires d’une essence d’inspiration aristotélicienne, l’essence d’une chose étant pour Aristote ce « qui fait que la chose est ce qu’elle est » (Métaphysique, Z, III, 1028a) et s’exprimant en termes de quiddité ou encore de forme (Métaphysique, A, III, 983a).
Lorsque François Jacob soutient que chaque œuf contient dans les chromosomes reçus de ses parents « la forme et les propriétés de l’être qui en émergera » (1970; 10), il suggère clairement que le patrimoine génétique recèle quelque chose d’essentiel. Cependant, c’est le biologiste et historien des sciences Ernst Mayr qui affirmera avec le plus de force que la biologie moderne a reformulé la notion aristotélicienne de forme en termes de programme génétique (1989 ; 146)[8]. L’idée d’un programme génétique préexistant au développement rappellerait en outre la distinction d’Aristote entre forme et matière : la première serait fournie par les gènes, tandis que la seconde serait livrée par l’environnement (Gray, 1992 ; 167). Enfin, l’analogie entre « génétique » et « essentiel » est tellement implantée auprès du grand public que l’ADN fait désormais figure de métaphore pour désigner les propriétés fondamentales des personnes physiques et morales, des propriétés à la fois singulières et inébranlables. Par exemple, tandis que le président d’une école d’ingénieurs souligne que la recherche appliquée est dans l’ADN de l’établissement qu’il dirige[9], Nicolas Sarkozy, président du nouveau parti politique les Républicains, souligne que le fait même d’être républicain se trouve dans « l’ADN la plus intime » de sa formation[10]. On peut également évoquer le cas du PDG de la Société générale qui n’hésite pas à évoquer l’ADN de sa société[11] ou encore une campagne promotionnelle de la Schneider Electric qui souligne que l’efficacité énergétique se situe dans son ADN.
En définitive, alors qu’identité personnelle et identité biologique apparaissent a priori comme des notions distinctes, le concept d’identité biologique façonné par la génétique moléculaire a permis aux sciences du vivant d’absorber partiellement la question de l’identité personnelle. Dans ce contexte, les propriétés essentielles d’une personne sont en effet déterminées par son identité biologique, c’est-à-dire principalement causées par l’information codée dans ses gènes. Elles apparaissent en outre comme réduites à cette information, qui en constitue une forme de traduction, de reflet.
L’épigénétique : vers un nouveau rapport entre identité biologique et identité personnelle ?
Le champ émergent de l’épigénétique pourrait cependant modifier nos conceptions sur l’identité biologique et sur ses rapports avec l’identité personnelle. Étudiant des marques moléculaires qui régulent et contrôlent l’expression des gènes, la discipline pourrait en effet constituer une science prométhéenne[12] qui permettrait à chaque être humain de se soustraire à tout déterminisme biologique, de se libérer de sa condition génétique originelle. Mettant en lumière la dialectique qui se joue entre biologie et circonstances dans le développement, l’épigénétique soulignerait en outre le poids de l’acquis dans la construction des propriétés personnelles.
Qu’est-ce que l’épigénétique ?
Le terme épigénétique renvoie stricto sensu à tout élément se situant au-dessus ou au-delà des gènes. Faisant écho à la théorie de l’épigenèse qui affirme, contre le préformationnisme, que l’individu n’est pas contenu tout entier dans les semences parentales, mais se voit progressivement construit au cours du développement (Mayr, 1989: 156)[13], il est employé par Waddington (1942) pour désigner l’étude des mécanismes grâce auxquels un ensemble de gènes (génotype) produit des résultats développementaux observables (phénotype). Dans ce cadre, l’épigénétique est liée à la question de la différenciation cellulaire, et cherche à expliquer comment des cellules contenant le même génome peuvent se diversifier dans les tissus biologiques.
Le terme acquiert toutefois un nouveau sens dans les années 1970. Suite aux travaux pionniers de Robin Holliday et d’Arthur Riggs, il renvoie à l’étude des modifications de la chromatine[14] qui contrôlent l’activité des gènes (Morange, 2005 : 368). Aujourd’hui, l’épigénétique désigne donc principalement l’étude de marques moléculaires qui altèrent l’expression des gènes sans modifier la séquence d’ADN et qui sont maintenues lors des divisions cellulaires[15](Holliday 2006 : 78 ; Bossdorf et al., 2008). La plus célèbre de ces marques est la méthylation de l’ADN, dont le principal effet est d’inhiber l’expression génétique (Rapp et Wendel, 2005; Morgan et Whitelaw, 2008 ; Champagne, 2010). Les mutations épigénétiques sont dites sensibles à l’environnement (Rapp et Wendel, 2005 ; Morange, 2005 ; Richards, Bossdorf et Pigliucci, 2010) et peuvent être transmises sur plusieurs générations malgré leur caractère réversible (Jablonka et Raz,2009 ; Riddihough et Zahn, 2010). Les mécanismes responsables de cette transmission restent toutefois souvent méconnus (Holeski et al., 2012 ; Morgan et Whitelaw, 2008).
Les mutations épigénétiques peuvent être à l’origine d’altérations phénotypiques significatives telles qu’un changement de symétrie chez la linaire commune (Cubas et al., 1999), une modification de la couleur du pelage chez la souris (Morgan et Whitelaw, 2008) ou encore l’apparition d’un mécanisme de défense contre des pathogènes et des prédateurs chez le radis sauvage (Holeski et al., 2012). Elles sont parfois liées à des pathologies comme le cancer (Jirtle, 1999 ; Sainani, 2010 ;Miller, 2010) ou corrélées à des traits comportementaux (Champagne, 2008 ; Champagne, 2010). Ainsi, plusieurs études suggèrent que la récurrence transgénérationnelle de certains comportements maternels chez le rat est corrélée avec la reconstruction de patrons de méthylation de gènes qui codent des récepteurs hormonaux ; elles suggèrent plus précisément que les rates élevées par des mères attentionnées (qui lèchent et cajolent leurs petits) choient leurs portées lorsqu’elles deviennent mères à leur tour, tandis que les rates ayant manqué de soins négligent leur descendance (Weaver et al., 2004 ; Champagne, 2008 ; Champagne, 2010).
L’épigénétique : une science prométhéenne ?
Les caractéristiques et les effets des marques épigénétiques invitent certains auteurs à présenter l’épigénétique comme une science prométhéenne qui permettrait à tout un chacun de s’affranchir de la tyrannie de ses gènes. Dans un article tonitruant paru dans le magazine Discover et intitulé «l’ADN n’est pas votre destin : La nouvelle science de l’épigénétique » (2006), Ethan Watters soutient ainsi que « les découvertes en épigénétique réécrivent les règles de la maladie, de l’hérédité et de l’identité » (nous soulignons). Il ajoute que tandis que « nous acceptons communément l’idée qu’à travers notre ADN nous sommes destinés à avoir des morphologies, des personnalités et des maladies particulières », les recherches en épigénétique « ébranlent les certitudes modernes concernant la génétique et l’identité ». Enfin, il cite le professeur Randy Jirtle pour qui « l’épigénétique introduit le concept de libre arbitre dans nos idées sur la génétique ».
L’article intitulé « Pourquoi votre ADN n’est pas votre destin » qui est publié quelques années plus tard dans le célèbre magazine Time (Cloud, 2010) et la conférence « ADN et destin ; notre génome flexible »[16] qui réunit en 2013 plusieurs spécialistes de renom dans le cadre du World science festival se situent manifestement dans la même veine argumentative. En choisissant un titre accrocheur, les organisateurs de la conférence susmentionnée souhaitent clairement faire allusion à la promesse du contrôle imminent d’un ADN dans lequel seraient inscrites les destinées individuelles. Dès l’introduction du programme, ils soulignent que nos certitudes concernant la façon dont « nos gènes dictent strictement nos personnalités, apparences et maladies » pourraient être sérieusement remises en cause par l’épigénétique.
Offrant des clés pour comprendre les règles de l’expression génétique, la discipline offrirait finalement « un nouveau regard sur le livre de la vie » (Sainani, 2010). L’illustration de l’article que Kristin Sainani consacre à l’épigénome[17] est plus qu’évocatrice à cet égard : il suggère que si les pionniers de la génétique moléculaire avaient bien décrypté le message inscrit dans le noyau des cellules, ils ignoraient que certaines de ses parties sont écrites en gras et que cette typographie, qui peut varier au gré des circonstances, a le pouvoir de le modifier. Dans ce contexte, il paraît illusoire de chercher à décrypter les propriétés de l’adulte dans les cellules du nourrisson.
L’épigénétique, ou la part de l’acquis dans la constitution de l’identité
Se gardant d’adopter le ton libérateur, voire prophétique, des contributions mentionnées au paragraphe précédent, plusieurs scientifiques examinent la façon dont l’épigénétique renouvelle les termes des discussions sur l’inné et l’acquis. Ils suggèrent notamment que les marques épigénétiques, en jetant un pont entre gènes et environnement (Sainani, 2010), permettraient de trouver un «terrain d’entente moléculaire» dans un vieux débat (Buchen, 2010).
Envisagées comme les traces corporelles des expériences sociales et environnementales (Champagne, 2010), les marques épigénétiques se présenteraient comme la traduction biologique d’éléments généralement classés dans la catégorie de l’acquis. Elles donneraient plus particulièrement de la chair à l’idée selon laquelle l’acquis est une empreinte laissée par les épisodes de la vie. En médiatisant à long terme l’effet des circonstances sur le développement et les comportements (Champagne, 2010; Buchen, 2010 ; Miller, 2010), ces traces permettraient en définitive de prendre la mesure du poids de l’acquis dans la construction des propriétés personnelles.
L’épigénétique comportementale, qui connaît actuellement une véritable « révolution » (Miller, 2010), étudie précisément la façon dont les expériences sociales et environnementales sont « incorporées » à travers des marques épigénétiques avant de venir influencer le profil psychologique et comportemental des individus. Pionniers de la discipline, Meaney et Szyf considèrent que « l’épigénétique pourrait expliquer comment des expériences intervenant dans la petite enfance laissent des marques indélébiles dans le cerveau et influencent à la fois le comportement et la santé physique plus tard dans la vie » (Miller, 2010). Selon le docteur Darlene Francis, les travaux menés dans ce champ de recherche effervescent permettraient « à ceux qui sont convaincus que les forces sociales contribuent énormément aux risques et aux vulnérabilités de formuler des arguments plus efficaces » (Miller, 2010).
De ce point de vue, l’épigénétique pourrait offrir un fondement scientifique à la thèse de l’interpénétration des déterminants biologiques et sociaux dans les trajectoires individuelles et transgénérationnelles[18], une thèse jadis illustrée par Zola à travers la saga des Rougon Macquart, que le romancier décrit comme l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire. On trouve d’ailleurs dans la littérature l’idée selon laquelle l’épigénétique pourrait mettre en évidence les mécanismes grâce auxquels une partie de notre identité est façonnée par les expériences de nos parents. La récente contribution du professeur Romain Barrès, intitulée « Tournant en biologie : je suis le vécu de mes ancêtres » (2015), est à cet égard tout à fait significative.
La fin du déterminisme biologique des propriétés personnelles ?
En suggérant que les vicissitudes de l’existence laissent des traces qui modifient l’expression des gènes et partant, les propriétés qu’ils déterminent, l’épigénétique inviterait finalement à repenser la nature d’une identité biologique conçue en termes d’informations[19], encouragerait à reconsidérer les rapports entre identité biologique et expériences dans la constitution des propriétés personnelles, et pousserait à disqualifier toute idée de détermination biologique de l’identité des personnes.
L’identité biologique dynamique esquissée par les recherches en épigénétique n’est plus associée à un donné rigide et immuable, à un ensemble d’instructions développementales figées lors de la conception. Elle apparaît plutôt comme un mixte d’information innée (reçue lors de la formation du zygote) et acquise au cours du développement, comme un résultat développemental. Cette identité doit dès lors être définie au crépuscule d’une existence et présente en cela des aspects sartriens (Sartre, 1996). En effet, une analogie peut être établie entre l’identité d’un être humain dans la pensée existentialiste athée de Sartre et l’identité biologique dessinée par les données de l’épigénétique moléculaire dès lors que pour le philosophe, l’essence du premier, qui n’est que la somme des actions qu’il aura menées au cours de son existence (Sartre, 1996 : 51)[20], n’est définie qu’au terme d’une vie.
Par ailleurs, tandis qu’à l’ère du tout génétique, les propriétés essentielles d’une personne étaient principalement déterminées par l’information génétique, l’épigénétique suggère que les expériences individuelles peuvent modeler cette information qui, dans sa version modifiée, viendra façonner un nouvel ensemble de propriétés personnelles, et ainsi de suite selon une dynamique qui n’est pas figée au début du développement. Aussi l’épigénétique inviterait-elle à mieux envisager la dialectique qui se joue entre un matériau biologique plastique et des expériences diverses dans la constitution de nos identités.
Finalement, la participation des marques épigénétiques à la constitution des propriétés biologiques et personnelles pourrait ouvrir un espace de liberté plutôt réconfortant (Watters, 2006 ; Barrès, 2015). La perspective interactionniste décrite ci-dessus paraît en effet conforme aux aspirations d’individus désireux d’échapper à ce qui est parfois présenté comme un fatum génétique. En effet, si les marques épigénétiques semblent matérialiser une forme de déterminisme environnemental et social, leur caractère labile et réversible leur ôte tout caractère implacable. Bref, les découvertes réalisées en épigénétique permettraient de réfuter la thèse selon laquelle nos constituants biologiques déterminent ou causent de façon rigide ce que nous sommes. Elles disqualifieraient tout déterminisme biologique des propriétés personnelles.
Les habits neufs de l’identité biologique et la nouvelle tentation du réductionnisme
La question est toutefois plus généralement de savoir si l’épigénétique a quelque chose à nous apprendre sur ce que nous sommes. Alors que certains rappellent la fragilité des données produites dans ce domaine (Miller, 2010), il s’agira dans les lignes qui suivent de montrer que les arguments mobilisés par ceux qui suggèrent que l’épigénétique nous éclaire sur nos identités resteraient discutables dans un contexte scientifique ayant atteint une certaine maturité. En effet, ces arguments reposent non seulement sur une vision surannée du pouvoir des gènes dans la construction des propriétés personnelles, mais ils trahissent également une confusion illégitime entre deux niveaux d’analyse distincts – le niveau moléculaire et le niveau psychologique – et fondent en cela une nouvelle forme de réductionnisme. Bref, si certaines des analyses évoquées suggèrent que l’épigénétique détruit toute idée de déterminisme biologique, elles maintiennent une perspective réductionniste déjà présente dans le cadre de la génétique moléculaire.
De l’obsolescence de la thèse du destin génétique
Si l’on en croit le titre accrocheur de l’article paru dans le magazine Discover – « L’ADN n’est pas votre destin : La nouvelle science de l’épigénétique » – ainsi que celui de la conférence s’étant tenue dans le cadre du World science festival – « ADN et destin ; notre génome flexible» – les chercheurs en épigénétique étudieraient des marques moléculaires qui nous permettront très prochainement de nous affranchir de notre destin génétique. Or cette analyse repose sur une vision caricaturale de l’action des gènes dans la construction de nos divers traits.
Il n’est en réalité plus un scientifique pour soutenir que les gènes écrivent des destinées individuelles ou constituent le reflet des identités personnelles. Michel Morange rappelle à cet égard que « la notion de programme génétique ne subsiste plus aujourd’hui que sous la forme d’une vague métaphore » (2005 : 369), tandis qu’Axel Kahn insiste sur le fait que « la vision des gènes commandant le destin des êtres est ridicule et fausse », avant de souligner l’absurdité d’un raisonnement par trop simpliste qui tenterait d’établir « un lien direct et quasi mécanique entre un gène et des comportements sociaux » (2010 : 180-181).
Les gènes fonctionnent dans le cadre de réseaux complexes dont les dynamiques sont particulièrement difficiles à décrypter. Les cas où quelques gènes bien identifiés sont systématiquement corrélés à des résultats phénotypiques sont très rares, et concernent généralement des pathologies graves comme la chorée de Huntington. On parle alors de « mutations à pénétrances totales » (Kahn, 2010 : 185). Enfin, il est désormais admis que les gènes ne codent généralement pas directement des traits, mais bien plus modestement des protéines. Autrement dit, l’information génétique ne concerne que des séquences d’acides aminés (Godfrey-Smith, 2000 ; Griffiths, 2001).
Dans ce contexte, d’aucuns peuvent bien annoncer avec fracas que l’ADN n’est pas notre destin ! Un lecteur avisé serait tenté de leur répondre qu’il n’y a là rien de nouveau et que la thèse du déterminisme génétique a été réfutée bien avant l’essor de l’épigénétique moléculaire. Cependant, l’objectif de certaines contributions n’est sans doute pas d’établir un rapport circonstancié des connaissances scientifiques, mais bien plutôt de réveiller de vieux fantasmes en formulant une promesse de libération imminente. Sans doute les auteurs concernés jouent-ils avec le « parfum d’hérésie » qui, d’après Michel Morange, contribue régulièrement à l’attractivité de l’épigénétique (2005 :368).
Épigénétique et identité personnelle : les habits neufs du réductionnisme biologique
Si les analyses établissant un lien entre épigénétique et identité personnelle arrivent un peu tard pour pourfendre la thèse du destin génétique, elles flirtent en outre manifestement avec un réductionnisme contre lequel elles prétendent se dresser. En philosophie des sciences, le réductionnisme implique une traduction des concepts d’un niveau d’analyse à l’autre (p. ex. physique et biologique), ainsi que la possibilité d’établir des ponts entre les lois en vigueur dans les deux niveaux étudiés (Nagel, 1961). La question est alors de savoir si les analyses qui mêlent épigénétique et identité du sujet, du « je » (Watters, 2006 ; Barres, 2015), ne réduisent pas de façon problématique les expériences d’un individu et les effets qu’elles ont sur ce dernier à leur traduction biologique.
Un détour par l’analyse de Locke (2001) suffit à mettre en évidence le caractère illégitime de toute interpénétration des concepts d’identité biologique et d’identité personnelle, quel que soit le visage de la première. L’identité biologique dessinée par l’épigénétique et l’identité personnelle conceptualisée par Locke présentent certes quelque similitude : tandis que les traces épigénétiques renvoient partiellement à une mémoire moléculaire, l’identité personnelle est fondée pour Locke sur une mémoire psychologique qui jette un pont entre le passé et le présent d’un individu et qui s’étend « aussi loin que peut remonter la conscience dans ses pensées ou dans ses actes passés » (2001 ; 522-523). Cependant, on trouve dans cette dernière définition les indices d’une différence radicale entre identité biologique et identité personnelle. La mémoire psychologique (ensemble de représentations mentales) et la conscience réflexive qui constituent pour le philosophe les fondements de l’identité personnelle sont en effet envisagées en philosophie des sciences comme des propriétés émergentes dont on ne peut rendre compte à l’aide des concepts mobilisés en biologie. Autrement dit, la pensée qui résulte de l’activité des neurones est traditionnellement conçue comme une propriété qui n’a pas d’équivalent au niveau moléculaire ou cellulaire ; une propriété dont le vocabulaire de la biologie moléculaire ne permet pas de rendre compte[21]. Bref, on ne saurait décrire, à partir de l’observation de patrons de méthylation, le moindre contenu mental, la moindre représentation inscrite dans le réseau des états mentaux qui constituent une mémoire psychologique. On ne saurait par exemple traduire en termes moléculaires les représentations laissées par l’esprit dans l’éduction.
Finalement, si les habits neufs de l’identité biologique semblent nous délivrer d’un déterminisme effrayant, ils paraissent également en mesure de fonder un nouveau type de réductionnisme d’autant plus pernicieux qu’il paraît conforme aux aspirations d’individus désireux d’échapper à un destin génétique implacable. Certaines marques épigénétiques peuvent certes être corrélées à des expériences individuelles ou à des schémas comportementaux singuliers (Champagne, 2010). Pour autant, l’épigénétique ne semble pas en mesure de nous apprendre quoi que ce soit sur notre identité personnelle, du moins si l’on admet que cette dernière est avant tout une affaire de psychologie, de conscience réflexive et de représentations mentales. Aujourd’hui comme hier, la tentation paraît grande de chercher des réponses à la question de savoir qui nous sommes dans des constituants moléculaires accessibles aux scientifiques. Aujourd’hui comme hier, l’analyse philosophique invite à relever le caractère illégitime d’une telle entreprise.
L’épigénétique et l’identité personnelle : une analogie
Est-ce à dire que l’épigénétique n’a rien à nous apprendre sur la question de l’identité ? Si l’épigénétique est peu éclairante sur la question de l’identité personnelle, elle peut sans doute aider à repenser la question de l’identité à diverses échelles biologiques. Dans cette perspective, le labex Who am I a inscrit dans son programme de recherche des questions sur la participation des mécanismes épigénétiques au maintien des identités cellulaires[22]. Par ailleurs, les travaux conduits en épigénétique semblent de nature à nous renseigner sur les dynamiques moléculaires impliquées dans les mécanismes responsables de la construction d’une image cohérente de soi (Calvanese, Lara et Fraga, 2012). Il s’agirait dans ce cadre d’étudier les modifications épigénétiques qui altèrent les capacités cognitives permettant à un individu de s’identifier comme tel et de penser son identité propre.
Enfin, il reste possible de concevoir les rapports entre identité biologique et identité personnelle sur le modèle de l’analogie. Ces rapports pourraient ressembler à ceux établis entre évolution biologique et évolution culturelle. Dans ce domaine, deux stratégies sont envisageables : considérer, à l’instar des partisans de la sociobiologie, que les gènes déterminent la culture et, pour reprendre la célèbre expression de Wilson (1978), la tiennent « en laisse » ; ou soutenir que le changement culturel peut être modélisé comme un processus d’évolution biologique darwinien (Boyd et Richerson, 2005 : 4). Dans le cas de l’identité, il serait opportun de considérer, non pas la façon dont la biologie détermine les propriétés personnelles, mais la façon dont les nouvelles perspectives sur l’identité biologique fournissent un modèle pour penser la dynamique à l’œuvre dans la constitution de l’identité des personnes. Dans la continuité des contributions venues de la microbiologie, qui nous apprennent que le microbiome[23] change en permanence et que 90% des cellules de notre organisme sont des bactéries (Gilbert, Sapp et Tauber, 2012), les recherches conduites en épigénétique étayent en effet la thèse d’une identité biologique dynamique, marquée par la diversification et la singularisation croissantes[24]. De ce point de vue, elles offrent un modèle d’identité dynamique qui peut être appliqué à plusieurs niveaux d’analyse parmi lesquels figure celui de la personne.
Conclusion
Cet essai a permis de souligner que les travaux conduits en épigénétique, plus que de nous apprendre quelque chose sur nous-mêmes, sont susceptibles de réveiller de vieux fantasmes fondés sur une vision obsolète de l’action des gènes et sur une confusion illégitime entre deux niveaux d’analyse distincts : le niveau moléculaire et le niveau psychologique. Il a également permis d’insister sur le fait que l’introduction du discours biologique dans le débat relatif à l’identité personnelle pourrait être particulièrement insidieuse à l’ère de l’épigénétique, dès lors que la discipline semble faire la part belle aux circonstances dans la détermination des traits individuels. Dans ce contexte, il convient d’adopter la plus grande prudence à l’heure d’évaluer les implications philosophiques des recherches en épigénétique, sachant que ces dernières en sont à un stade précoce et que les mécanismes qu’elles étudient suscitent encore de nombreuses questions.
Enfin, si cet essai évoque principalement l’échelle de temps ontogénétique, les recherches conduites en épigénétique encouragent certains auteurs à annoncer la réhabilitation des thèses lamarckiennes. La perspective d’une transmission transgénérationnelle de marques épigénétiques survenant au cours du développement les conduit en effet à évoquer le retour de la thèse de l’hérédité des caractères acquis (Jablonka et Lamb, 2005), attribuée à Lamarck (1809), mais également défendue par Darwin (1868). Surgit alors l’idée que nos expériences pourraient modifier non seulement nos trajectoires individuelles, mais également celles des générations futures (Watters, 2006 ; Cloud, 2010 ; Barrès, 2015). Ici encore, l’aspect hérétique de l’épigénétique présentera un fort pouvoir de séduction. Ici encore, le fantasme devra être distingué de la réalité[25].
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Notes :
[1] Locke évoque l’identité des « créatures vivantes » (2001, p. 514). La biologie n’apparaît comme science qu’en 1802, suite aux travaux de Lamarck et de Treviranus.
[2] Il est cependant difficile, voire impossible, d’établir une équivalence entre les gènes moléculaires (portions d’ADN) et les gènes mendéliens (unités fonctionnelles corrélées à des traits) (Gayon, 2004).
[3] Pour une étude complète de la métaphore du livre de la vie dans le contexte de la génétique moléculaire, voir l’ouvrage deLily E. Kay (2000), Who wrote the book of life ? A history of the genetic code.
[4] A l’exception des jumeaux homozygotes (issus du même œuf).
[5] Le génome désigne l’ensemble de l’information génétique contenue dans l’ADN (Alberts et al., 2012 : 5).
[6] La paternité du concept de norme de réaction est attribuée à Woltereck (1909). Ce dernier l’aurait utilisé pour rendre compte de la variation morphologique observée chez des clones de Daphnia longispina et de Hyalodaphnia cucullata. Le concept de norme de réaction est proche de celui de plasticité phénotypique, qui renvoie aujourd’hui généralement à la capacité d’un génotype donné de produire plusieurs phénotypes dans des environnements différents (Pigliucci, Murren, et Schlichting, 2006)
[7] La traduction biologique du concept d’innéité a également été formulée en termes d’adaptation, d’universalité, de fixité développementale. Pour un aperçu complet, voir Mameli et Bateson (2006).
[8] Les gènes, qui semblent contenir des informations déterminant les propriétés essentiellesde l’individu, ont parfois été présentés comme les dépositaires désignés de la forme aristotélicienne. Cependant, cette dernière renvoie plutôt aux caractéristiques de l’espèce dans la philosophie du Stagirite (Aristote, Génération des animaux, Livre IV, 3 768a).
[9] Entretien avec Alain Schmitt, président de l’école des Mines d’Albi, le monde.fr, 25 avril 2016.
[10] Discours de clôture du congrès fondateur des Républicains, 30 mai 2015.
[11] Entretien avec Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale, Challenges.fr, 25 juin 2014.
[12] Dans la mythologie grecque, Prométhée vole le feu aux dieux pour permettre aux hommes de survivre dans un environnement hostile et les libère ainsi de leur fragilité originelle.
[13] La controverse entre épigenèse et préformation fait rage aux XVIIe et XVIIIe siècles. Cependant, l’idée d’une construction progressive des êtres vivants a été abordée par Aristote dès l’Antiquité. Dans son traité De la génération des animaux, Aristote écrit : « Toutes les parties [du corps] ont d’abord leurs contours esquissés. Puis elles reçoivent leurs couleurs, leurs qualités de mollesse ou de dureté, absolument comme si elles étaient l’œuvre d’un peintre qui serait la nature. En effet, les peintres tracent une esquisse avec des lignes avant d’appliquer les couleurs sur leur tableau. » (Livre II, chap. 6, 743 b, pp. 80 de l’éd. Les Belles Lettres, trad. Louis, Paris, 1961)
[14] Complexe d’ADN, d’ARN et de protéines se situant dans le noyau des cellules.
[15] Mitose et méiose.
[16] « Destiny and DNA: Our Pliable Genome » http://www.worldsciencefestival.com/2013/10/destiny_and_dna_our_pliable_genome/
[17] Ensemble des marques moléculaires modifiant l’expression des gènes.
[18] Les marques épigénétiques peuvent se transmettre d’une génération à l’autre.
[19] Il existe d’autres types d’identité biologique – notamment l’identité immunitaire ou nerveuse –, mais une analyse exhaustive de ces catégories dépasse la portée de cet article.
[20] Un homme n’est « rien d’autre que l’ensemble de ses actes, l’ensemble de sa vie » (Sartre, 1996 : 51).
[21] L’émergence est un concept classique de philosophie des sciences. Il renvoie au fait que le tout est plus que la somme de ses parties, ou, plus précisément, que les propriétés observées à un certain niveau d’analyse (un tout) n’existent pas au niveau inférieur (des parties). Par exemple les membranes sont semi-perméables alors que les molécules qui les constituent ne possèdent pas cette propriété individuellement (Gilbert et Sarkar 2000 : 2).
[22] http://www.labex-whoami.org/index.php/fr/presentation/l-identite.
[23] Ensemble des microorganismes vivant avec nous et l’information génétique qu’ils contiennent.
[24] Les jumeaux homozygotes ont des épigénomes différents (modifications de la chromatine altérant l’expression des gènes).
[25] L’auteure remercie vivement les deux évaluateurs anonymes qui ont contribué a l’amélioration de cet article.