L’égalité démocratique et la prise en compte des genres
Le paternalisme comme menace de l’égalité démocratique.
Je voudrai maintenant défendre l’égalité démocratique contre une deuxième objection qui est son risque de paternalisme. Cette objection se présente sous la forme de deux sous-objections.
La première est que les politiques égalitaires rendent l’aide publique inconditionnelle aux mérites de l’individu, niant ainsi la valeur de tout effort. Je pense que cette objection à l’égalité démocratique va de pair avec la position essentialiste et en particulier avec les faiblesses qui lui sont liées. Cette objection dit que l’égalité démocratique permettrait aux individus de recevoir une aide de l’Etat sans que ceux-ci la méritent vraiment. L’idée qui sous-tend cette objection est que ces politiques d’aides publiques ne motiveraient pas les individus opprimés à rejeter la source de leur oppression. Mais je pense que cette idée assimile les bénéficiaires avec les stéréotypes que l’on a de ces personnes d’une façon un peu trop rapide, autrement dit que les femmes ne veulent pas avoir des emplois physiques et que les personnes pauvres sont paresseuses. De plus, je pense que l’égalité démocratique est hors de portée de cette objection parce qu’elle ne donne les moyens pour un accès effectif aux capacités nécessaires ; elle ne garantie pas directement les différentes fonctions dans la société. L’égalité démocratique donne donc uniquement les moyens pour postuler à certaines fonctions ; elle n’offre pas certaines fonctions à la personne sans conditions aucunes. Dans cette optique, nous pouvons dire que toute politique rattachée à la discrimination positive ne ferait pas partie du programme de l’égalité démocratique. Mais le budget et le nombre d’enseignants attribués aux écoles des ZEP seraient sans aucun doute significatifs.
La deuxième sous-objection liée à la question du paternalisme est que les personnes du gouvernement ou d’une quelconque administration d’Etat n’ont aucun droit à dire au reste de la société ce qui est le mieux pour eux. L’idée ici est que personne d’autre que l’individu en question ne sait ce qui est le mieux pour lui-même étant donné que cet individu est un être autonome. Nous nous sommes en partie penchés sur cette objection dans un article précédent, mais je voudrais cependant rajouter certains élements à la réponse déjà formulée. S’il est fort probable que personne d’autre que l’individu ne sait ce qui est bon pour lui, surtout lorsqu’il s’agit des questions qui concernent les choix de vie de chacun. Je voudrai cependant dire que même si nous pouvons reconnaître que certains choix ont plus de conséquences que d’autres, nous devons reconnaître que les individus sont libres de faire ces choix. Une femme qui décide de vivre selon le modèle patriarcal a tout autant de valeur morale qu’une femme vivant selon un modèle plus égalitaire. L’égalité démocratique laisse la place pour de tels choix parce que, comme je viens de le souligner, les politiques de l’égalité ne vont pas garantir des fonctions effectives, elle assurera seulement l’accès à ses fonctions. Cela a deux conséquences : tout d’abord cela permet à chacun de vivre la vie qu’il souhaite vivre et ensuite cela permet de ne pas condamner un individu qui fait le choix de ne pas vivre la vie qui est perçue comme étant la meilleure possible. Ainsi, l’égalité démocratique renforce l’égalité des possibilités offertes à tous les individus grâce à l’intervention de la loi mais cela n’oblige personne à adopter un certain rôle social. L’égalité démocratique laisse la responsabilité de l’analyse morale des rôles sociaux aux individus eux-mêmes et les respecte comme ayant une valeur morale égale.
En conclusion, je me suis employée dans cet article, ainsi que dans les deux précédents, à considérer les normes que le législateur devrait suivre pour mettre en place des lois efficaces en vue de réduire les injustices dans notre société. J’ai pu en conclure que la loi, pour atteindre un état d’égalité devait se baser sur une théorie de l’égalité démocratique étant donné que toute théorie différentialiste ne fait qu’impliquer que davantage d’inégalités.
Merci pour cet article très éclairant…