La théorie des « deux sciences »
Quelques remarques pour repenser la théorie des « deux sciences »
Fabrizio Carlino. Docteur en philosophie (Università del Salento/Paris IV Sorbonne), qualifié aux fonctions de maitre de conférences, Fabrizio Carlino est membre du Groupe de recherches matérialistes et du comité de rédaction des Cahiers du GRM.
Résumé
Entre la fin des années 1940 et le début des années 1950, de nombreux intellectuels français ont défendu l’opposition entre une « science bourgeoise » et une « science prolétarienne ». À l’origine du débat qui s’en est suivi, on trouve les théorisations que l’agronome soviétique Lyssenko avait tirées de certaines de ses expériences précédentes et qui ont fini par constituer une doctrine, connue sous le nom de lyssenkisme. C’est sur la base de ces théorisations qu’en 1948, en URSS, a été établi par décret la naissance d’une nouvelle biologie socialiste, qui s’opposerait à la génétique classique, bourgeoise. Le lyssenkisme, considéré depuis comme une aberration dans l’histoire des sciences, est devenu le symbole de l’emprise de la politique sur la recherche scientifique. Mais l’ampleur qu’a prise l’affaire Lyssenko en France ne peut être comprise que dans la continuité du débat sur le rapport entre sciences, histoire et politique tel qu’il avait été posé à partir des années 1930 et qui s’est poursuivi bien au-delà des années 1950. Cet article vise à suggérer quelques pistes de recherche pour rattacher les présupposés théoriques de la déclinaison française de la théorie des « deux sciences » à la problématique de l’historicité de la rationalité scientifique propre à la tradition de l’épistémologie historique.
Mots-clés
Jean-Toussaint Desanti, lyssenkisme, épistémologie historique, science prolétarienne, deux sciences
Introduction
En 1948, l’Académie des sciences agricoles de l’URSS décréta que les théories développées à partir des expériences de l’agronome Trofim Lyssenko, niant l’existence des gênes et des chromosomes, avaient donné naissance à une nouvelle biologie, la biologie prolétarienne. Toute recherche scientifique s’inscrivant dans le sillage de la génétique classique fut déclarée bourgeoise et de nombreux biologistes furent pourchassés. Le lyssenkisme, faisant référence à l’ensemble des théories défendues par Trofim Lyssenko et notamment à l’hérédité des caractères acquis, devint aussi par extension le nom de l’imposition d’une pseudoscience par décret, et donc du contrôle politique sur la recherche scientifique. Aujourd’hui encore, le lyssenkisme est évoqué comme modèle pour qualifier de pseudoscientifiques des théories rejetées qui relèveraient d’une emprise politique[1], mais aussi comme précurseur de récentes hypothèses scientifiques sur l’épigénétique[2].
L’ampleur particulière que l’affaire Lyssenko prit en France, après la publication des actes de l’Académie des sciences, fut surtout liée au débat sur ce qui a été appelé la théorie des « deux sciences »[3]. Sous la forme de l’opposition entre « science bourgeoise » et « science prolétarienne », cette théorie visait à fournir la base à la fois épistémologique et politique pour l’élaboration d’une défense qui se voulait scientifique du lyssenkisme soviétique. Cependant, des études récentes ont mis en évidence que l’expression « science prolétarienne » n’apparait pas dans les écrits de Trofim Lyssenko et de Joseph Staline[4] ; en effet, depuis la critique de Vladimir Ilitch Lénine à Alexandre Bogdanov, les soviétiques parlent plutôt d’une « science pure » opposée à la « science bourgeoise »[5]. C’était un collaborateur de Joseph Staline, Andreï Jdanov, qui avait établi entre 1946 et 1948 les principes de la division du monde[6], jusque dans le domaine de la culture, en deux camps opposés, celui capitaliste et celui socialiste, ouvrant ainsi la voie à l’élargissement de l’opposition frontale au domaine de la science. L’adhésion des intellectuels communistes au lyssenkisme passe donc par la doctrine jdanovienne de l’opposition entre le camp socialiste et le camp capitaliste. En France, cette adhésion semble donc présenter un caractère contradictoire, dans la mesure où la défense de l’application du jdanovisme à la science se fait en ayant recours à une expression bogdanovienne, « science prolétarienne », déjà remise en question par la doctrine soviétique elle-même.
Cette reformulation n’est pas uniquement terminologique : elle correspond à une véritable réélaboration conceptuelle, et confirme l’originalité, remarquée depuis longtemps par plusieurs auteurs, de la réception française du lyssenkisme. Plus particulièrement, à travers l’analyse de ce qui a été défini comme « épistémologie stalinienne »[7], on a pu montrer assez aisément que le cadre conceptuel sous-jacent à cette version de l’opposition entre les « deux sciences » trouve son origine moins dans le relativisme bogdanovien, qui en situant la science dans la superstructure la réduit à une idéologie, que dans la tradition rationaliste du matérialisme français, qui ne peut renoncer à l’universalité et à l’objectivité des sciences[8]. D’ailleurs, cette traduction transformant en profondeur la doctrine soviétique, fait partie d’une stratégie de déclinaison nationale du canon stalinien – soutenue tant par le PCF que par les organes soviétiques chargés de gérer les relations avec les partis communistes[9] – qui a ses racines dans les années 1930 et qui se cristallise dans la fondation de la revue La Pensée, où le marxisme est défini comme « rationalisme moderne »[10], point culminant d’un mouvement linéaire et progressif qui de René Descartes amène jusqu’à Joseph Staline. Pourtant, la reprise de la formule bogdanovienne nous signale l’existence d’un mouvement contraire, faisant référence à une autre posture, toujours française, celle de l’épistémologie historique, qui avait déjà rencontré le marxisme dans les années 1930, avec les scientifiques du Cercle de la Russie Neuve, et le rencontrera encore dans les années 1960, avec Louis Althusser[11].
Sans prétendre développer cette hypothèse, qui pour être vérifiée nécessite une étude bien plus ample, j’entends suggérer par la suite que le choix de qualifier la science de « prolétarienne » plutôt que de « pure » est le symptôme d’une conception du caractère politique de la science qui n’est pas totalement assimilable au lyssenkisme soviétique, mais pas non plus à l’universalisme du rationalisme français. Pour être comprise, cette conception doit être mise en relation plus précisément avec l’affirmation de l’impureté constitutive des sciences qui caractérise une certaine tendance épistémologique, visant à l’historisation radicale des mécanismes de la production de connaissances[12]. Autrement dit, sans vouloir nier le rôle crucial joué dans la théorie des « deux sciences » par l’idée que le prolétariat soit le sujet transcendantal, il est possible aussi de repérer certains effets de la transposition, dans le cadre du matérialisme historique, de l’idée, provenant de l’épistémologie française, d’un a priori historique.
Si le caractère radicalement historique de la raison scientifique s’associe à la conception de l’histoire comme histoire des luttes de classes, il s’ensuit que, dans le mode de production capitaliste, la science est traversée par l’antagonisme entre bourgeoisie et prolétariat. Ce déplacement de la détermination politique des sciences dans le fond impur de la rationalité scientifique s’exprime dans la tentative de penser l’action de la lutte des classes à l’intérieur de la pratique scientifique, ce qui présuppose un mécanisme d’intériorisation de ce qui est extérieur aux sciences, la politique, dans les sciences elles-mêmes. La démarcation entre science et non-science serait alors à la fois interne et externe aux sciences. Cette action de la politique à l’intérieur des sciences sera bientôt reniée par les partisans mêmes du lyssenkisme : ils justifieront leur adhésion par une disjonction entre leur choix de camp politique et leurs convictions scientifiques, contribuant ainsi à la méconnaissance de ce lien possible avec la tradition de l’épistémologie historique.
I. L’évolution du lyssenkisme soviétique : de l’agronomie à l’épistémologie
Il est utile de rappeler rapidement les étapes qui ont conduit à ce détournement des enjeux initiaux, en essayant de mettre en évidence la spécificité de la théorisation, de la part des communistes français, de l’opposition entre les deux sciences par rapport au lyssenkisme soviétique[13].
En 1947, la conférence des partis communistes à Szklarska-Poréba, en Pologne, marque la naissance du Kominform[14] et la définition de la doctrine jdanovienne des « deux camps », c’est-à-dire de l’idée que, dans une logique de guerre, rien n’échappe à l’opposition entre bourgeoisie et prolétariat. Entre 1945 et 1947, Roger Garaudy et Laurent Casanova, les deux représentants majeurs de la ligne théorique du PCF, exhortaient à plusieurs reprises, dans leurs interventions, les « spécialistes et intellectuels communistes à militer en tant que tels, et non seulement comme citoyens »[15]. Leur but était de sceller la pratique scientifique et l’engagement politique, suivant un processus déjà amorcé par le Cercle de la Russie neuve au cours des années 1930. C’est dans cette tendance, je crois, qu’il faut chercher la raison de l’ampleur que l’affaire Lyssenko a pris en France, c’est-à-dire dans la tendance à concevoir l’adhésion au communisme comme inscrite dans la logique même de la rationalité scientifique. En effet, c’est à un groupe de scientifiques, réunis dans la Commission scientifique du Cercle de la Russie neuve, qu’on doit en France l’introduction d’un marxisme philosophique. Et le fait que ces scientifiques ont pu aussi aisément concevoir la nature politique de leur travail de spécialiste, est sans doute lié à la tradition française d’une approche historicisante de l’épistémologie. C’est en tout cas en croisant une certaine épistémologie historique que l’affaire Lyssenko se transforme, en France, en un débat sur la légitimité de la théorie des « deux sciences ».
Dans ce contexte, c’est Laurent Casanova qui a proposé la conceptualisation d’un rapport d’opposition entre science prolétarienne et science bourgeoise, en février 1949[16]. Quelques mois plus tard, Jean-Toussaint Desanti rédige un article programmatique, dont le titre est justement « Science bourgeoise et science prolétarienne »[17], qui devient le manifeste de l’« épistémologie stalinienne »[18].
À l’origine de cette histoire, Trofim Lyssenko est un technicien agricole soviétique. Son nom commence à circuler, en 1926, grâce au succès de ses expériences sur des cultures hivernales de certaines variétés de céréales. Il ne s’agit à cette époque que de la redécouverte d’une technique en réalité déjà connue mais pas encore suffisamment exploitée, dite de la vernalisation, appliquée avec profit notamment au blé, dans le but d’en accroître les rendements. Or, pendant l’hiver 1927-1928, à la veille donc du lancement du premier plan quinquennal et, ensuite, de la collectivisation des campagnes, l’Union soviétique est confrontée à une grave crise agricole et l’Ukraine en particulier subit des fortes pertes de grains, d’où l’intérêt croissant pour les techniques de Trofim Lyssenko. Mais dans cette phase, l’État soviétique a tendance à encourager toutes les recherches qui sont susceptibles d’accroitre les rendements agricoles – y compris les recherches génétiques, et il est essentiel de retenir que celles-ci ne sont pas encore opposées aux recherches de Trofim Lyssenko. Bien que largement diffusées, en 1929 les techniques de Trofim Lyssenko ne convainquent pas la commission de scientifiques réunis pour juger de leur validité. En fait, dans la période suivante, entre 1929 et 1935, Trofim Lyssenko et ses disciples travaillent en marge de l’agronomie scientifique privilégiée par le régime soviétique – c’est le génétiste Nikolaï Vavilov qui est au pouvoir dans l’Académie. Lyssenko amorce alors dans cette même période un travail de systématisation de ses techniques en une théorie du développement des organismes vivants, et pas seulement des végétaux qui étaient l’objet de ses expériences, et il parvient à tirer de cette systématisation des considérations sur la théorie de l’hérédité. Il s’appuie alors sur l’œuvre d’un arboriculteur, Ivan Mitchourine, mort en 1935, et dont la théorie, dite « biologie mitchourienne », s’opposait sur des points essentiels à la génétique de Gregor Mendel.
À cette époque encore, les techniques de Trofim Lyssenko, par-delà ses ébauches de théorisation, font preuve d’une certaine efficacité concrète, tout en demeurant aux marges du débat académique. Ce n’est qu’en 1935 que Trofim Lyssenko reçoit l’appui de philosophes, et ils entreprennent de démontrer que la « biologie mitchourinienne » est compatible avec les thèses du marxisme-léninisme, en ce qu’elle soutient l’hérédité des caractères acquis, et donc l’influence du milieu, sur les végétaux aussi bien que sur les êtres humains ; tandis que les thèses de Gregor Mendel, en ce qu’elles justifieraient le déterminisme génétique, sont qualifiées d’idéalistes et de métaphysiques. Après la guerre, cette systématisation donne de plus en plus lieu à des applications, lesquelles, contrairement aux premières découvertes de Trofim Lyssenko, ne sont pas le fruit de la pratique expérimentale mais d’inductions à partir de la théorie, et conduiront à des échecs retentissants.
Pendant toute cette période, et jusqu’en 1948, aucune décision définitive n’est prise. Aussi, les débats autour des applications et des théorisations de Trofim Lyssenko peuvent se poursuivre ainsi que la lutte entre les deux partis, celui des mitchouriens et celui des mendeliens – ces derniers, les partisans de la génétique, peuvent même garder leur hégémonie au sein de l’université et dans les laboratoires de recherche. Il faut attendre 1948, et la victoire des lyssenkistes, pour que l’enseignement de la génétique soit interdit. C’est à ce moment-là que cette histoire devient l’affaire Lyssenko, dont l’épicentre est la France, mais la question épistémologique n’est posée que l’année suivante. En effet, le premier article en France, paru dans la revue Les Lettres françaises, en août 1948, se limite à annoncer « un grand événement scientifique », c’est-à-dire que « l’hérédité n’est pas commandée par de mystérieux facteurs »[19]. Alors que la réception initiale, en 1948, est centrée sur la biologie, en 1949 on assiste à la transition du lyssenkisme du discours biologique au discours des « deux sciences » : ce que les intellectuels communistes français retiennent du lyssenkisme ne tient pas tant aux positions sur la transmission des caractères acquis, qu’à la nature de la science, notamment à ses liens à l’égard de la pratique sociale ou de l’idéologie[20].
On peut en conclure que la théorie des « deux sciences » est un produit français qui présente des caractères nouveaux par rapport au lyssenkisme soviétique. Cette originalité s’explique bien sûr, comme certaines études l’ont montré, par la difficulté rencontrée par le PCF pour trouver des biologistes communistes prêts à défendre d’un point de vue scientifique les thèses de Trofim Lyssenko sur l’hérédité des caractères acquis[21]. La défense de la science soviétique, ne pouvant se faire uniquement sur le terrain proprement scientifique, se déplace alors sur le terrain épistémologique. Par ce déplacement de la dimension expérimentale à une dimension théorique, l’affaire Lyssenko se lie en France à une tradition épistémologique nationale, dont certains caractères sont enracinés dans une expérience précédente, celle de l’introduction du matérialisme dialectique en France pendant les années 1930, qui avait déjà vu la jonction entre science et marxisme par le biais d’une conception historique de la théorie de la connaissance.
II. La science comme instrument ou la politique dans la science
Différents auteurs peuvent être liés à l’épistémologie historique française, d’Auguste Comte à Louis Althusser et Michel Foucault, en passant par Gaston Bachelard, Georges Canguilhem et Jean Cavaillès[22]. Dans cette tradition vaste et hétérogène, dont la définition est évidemment floue et problématique, ce qui nous intéresse est la tentative consistant à lier deux pôles, à savoir à penser d’une part le caractère historique de la connaissance scientifique, et d’autre part le transcendantal, qui dans la mesure où il tient aux fondements du savoir, fait référence à une rationalité des connaissances dont la valeur est envisagée comme universelle. Les auteurs pouvant être rattachés à cette tradition épistémologique française, chacun à leur manière, historicisent la raison, tout en gardant sa valeur de norme rationnelle. Autrement dit, la science est constitutivement impure, puisqu’elle tient dans sa constitution même à quelque chose qui est extérieur à la raison (l’histoire, la biologie, la politique, la technique), mais cette impureté n’implique pas une négation des caractères de rationalité, d’objectivité et d’universalité de la pensée scientifique[23].
Par exemple, on peut affirmer que pour Louis Althusser, aussi bien que pour Auguste Comte, les sciences sont des pratiques au même titre que n’importe quelle pratique constituant l’ensemble du processus de la société, et cependant elles gardent un effet spécifique, à savoir le fait de produire des connaissances vérifiées à travers des procédures de vérification, et cet effet constitue une norme de rationalité ne pouvant être réduite aux contextes sociologiques et pragmatiques. Le point d’équilibre entre les deux pôles par lesquels on peut caractériser l’épistémologie française consiste donc en ceci, que la raison est interrogée dans son universalité, qui est constitutivement en excès par rapport à son origine factuelle, et que cet excès est le produit, le résultat d’une histoire que les sciences mettent de côté dans leur déroulement, mais qui continue à les traverser et à les travailler de l’intérieur. Cela revient à défendre l’autonomie de la pratique scientifique et l’intériorité de ses critères[24], tout en reconnaissant son mouvement incessant de démarcation par rapport à l’extrascientifique (sous forme par exemple d’idéologie).
Les points clés de cette présentation de l’épistémologie française – à savoir l’impureté de la rationalité, l’unité d’historicité et l’universalité des procédures et des connaissances scientifiques, une certaine conception de l’autonomie impliquant l’action, à l’intérieur de la science, de ce qui lui est extérieur – semblent bien correspondre aux questions théoriques soulevées par le débat en France sur le lyssenkisme.
Plusieurs dynamiques font obstacle à la reconnaissance de cette correspondance. En ce qui concerne la méconnaissance de cette idée d’une intériorité de la politique aux sciences, dont on peut repérer quelques traces dans la théorie des « deux sciences », elle est liée à la disjonction entre valeur scientifique – qui est bientôt reniée – et valeur politique de la prise de position au sujet du lyssenkisme. À trois ans de l’éclatement de l’affaire Lyssenko, les partisans de la théorie des « deux sciences » commençaient déjà à remettre en cause la portée théorique de leurs thèses[25], réduites à une prise de parti entendue comme obéissance au Parti. Desanti, dans une interview, a affirmé que « la conclusion que le “Parti” attendait du philosophe », à propos du lyssenkisme, « était seulement politique : montrer qu’il n’y a pas contradiction entre le caractère “de classe” déterminant le mode de développement de l’activité scientifique en URSS et le caractère objectif et universel des lois de la science »[26], ce qui revenait à nier précisément cette imbrication entre science et politique qui était à la base de la réélaboration française du lyssenkisme.
Jean-Toussaint Desanti a en effet bientôt rejeté les arguments qu’il avait défendus sous couvert d’une obligation, à laquelle seraient soumis tous ceux qui voulaient rester fidèles à l’esprit de parti, à pratiquer ce qu’on appelait la double vérité : une vérité vraie, dont on était intimement persuadé en tant que spécialiste, scientifique ou philosophe, et une vérité pour le parti, qu’on était obligé de soutenir publiquement[27]. Les questions théoriques soulevées par l’affaire Lyssenko ne pouvaient donc pas être prises au sérieux d’un point de vue épistémologique. Il n’est pas étonnant que le représentant de l’épistémologie historique qui aurait pu reconnaitre un intérêt théorique dans le lyssenkisme français, à savoir Louis Althusser, portait un jugement très critique à l’égard de la notion de science prolétarienne. Son élève Dominique Lecourt, dans son ouvrage consacré à l’affaire Lyssenko, préfacé par Louis Althusser, tout en reconnaissant la nécessité de développer une lecture marxiste de l’affaire Lyssenko, soutenait que la théorie des « deux sciences » n’était qu’une dérive particulièrement délirante du diamat, la forme que le matérialisme dialectique avait pris dans la systématisation stalinienne[28]. Dans cette perspective, le lyssenkisme apparaissait entièrement cohérent avec le diamat, celui-ci s’appuyant sur l’élargissement des lois de la dialectique de l’histoire à la nature. Ainsi, le lyssenkisme semblait représenter une variante de la version ontologique du marxisme[29], à savoir d’une philosophie dans laquelle le mouvement de pensée était immédiatement mouvement de l’être.
Mais il faut prendre en compte aussi une raison théorique de fond qui semble nier toute continuité entre la théorie des « deux sciences » et l’épistémologie historique française, à savoir la réduction de la science à idéologie que l’opposition entre science bourgeoise et science prolétarienne semble présupposer.
En effet, apparemment, la thèse sur laquelle se fonde la transformation du lyssenkisme en théorie des « deux sciences » affirme que la science n’est rien d’autre qu’une superstructure idéologique, soit une « idéologie historiquement relative », titre d’un article fondateur de Jean-Toussaint Desanti[30]. Comme nous l’avons dit, l’origine de cette idéologisation de la science remonte à Alexandre Bogdanov. Dans un texte de 1918 il écrit que « la science peut être bourgeoise ou prolétarienne par sa “nature” même, notamment par son origine, ses conceptions, ses méthodes d’étude et d’exposition »[31]. Suite à la critique de Vladimir Ilitch Lénine, cette opposition fut remplacée par celle entre la science bourgeoise et la « science pure ». En reprenant trente ans après une expression, « science prolétarienne », abandonnée par les soviétiques, les partisans français du lyssenkisme semblent donc exprimer la volonté de se rattacher à l’idée bogdanovienne selon laquelle l’opposition serait entre deux instances placées sur le même plan, idéologique, ayant la même valeur de véridiction. La différence entre ces deux instances dériverait de leur direction politique, c’est-à-dire de la classe qui les dirige suivant des intérêts opposés.
Cette conception instrumentale de la science est bien présente aussi dans le lyssenkisme : dans cette perspective, l’hérédité des caractères acquis ferait partie de la science prolétarienne dans la mesure où elle confirmerait la possibilité de développer l’homme nouveau, alors que la génétique mendélienne serait bourgeoise dans la mesure où elle servirait des propos racistes. En 1949, Jean-Toussaint Desanti écrit que « lorsque les communistes formulent l’opposition des deux sciences, ils invitent à accomplir un choix », c’est-à-dire à « choisir entre une science criminelle qui prépare le massacre atomique et la science joyeuse qui peuple les déserts »[32]. Les deux sciences diffèrent donc non par leur procédure de vérification ou par la véridicité des connaissances produites, mais plutôt par leur efficacité politique.
Rien ne semble plus éloigné de l’épistémologie historique telle que nous l’avons comprise, et pourtant, on peut concevoir une autre façon de comprendre la contradiction entre les deux sciences : la science bourgeoise serait une idéologie, alors que la science prolétarienne serait la nouvelle science. Il n’y aurait donc qu’une science, celle de la classe ascendante, alors que l’autre ne serait qu’une fausse science. D’ailleurs, quelques lignes avant le passage cité, où l’adhésion à la science prolétarienne semblait réduite à un choix politique, Jean-Toussaint Desanti affirme l’unité de la science : « Lorsque le parti bolchevik formule l’opposition des deux sciences, il sauve la science véritable des mains qui la menacent »[33].
En ouverture de l’article « Science bourgeoise et science prolétarienne », reprenant presque à la lettre le texte de Andreï Jdanov sur les deux camps, il écrit : « Deux mondes s’opposent aujourd’hui. L’un, détruit par ses contradictions, meurt sous les coups du prolétariat. L’autre naît et se développe. Or l’opposition de la société bourgeoise et de la société socialiste n’est pas seulement économique, politique ou juridique. Elle concerne toutes les formes de l’activité humaine, qui, dans la réalité, sont inséparables : elle affecte la morale, la culture. Faut-il s’étonner si cette opposition domine aussi la science ? »[34] Jusqu’ici, Jean-Toussaint Desanti semble adhérer totalement à la première conception de l’opposition, celle qui réduit les deux sciences à la superstructure idéologique ; et il est naturellement bien conscient que son affirmation risque de remettre en cause l’objectivité et l’unité de la science. Mais il tente de rétablir un point d’équilibre entre la nature politique de la science et son objectivité et son unité dans un autre passage : « Qu’il y ait une science bourgeoise et une science prolétarienne fondamentalement contradictoires, cela veut dire avant tout que la science est elle aussi affaire de lutte de classes, affaire de parti. (…) Si la science est œuvre de classe, comment comprendre alors l’objectivité de son contenu ? Comment comprendre l’unité, certaine, de son développement ? »[35]
Il répond à cette question en ayant recours au principe de l’unité de la pratique et de la théorie, et surtout de la définition léninienne de la science comme processus de transformation de la chose en soi en chose pour nous : « La science est le fruit du travail humain, et dans ce travail l’homme détermine la nature telle qu’elle est en elle-même », d’où le fait que la transformation de la nature au moyen des outils, par laquelle l’homme apprend à dominer la nature, puisqu’elle « s’exerce dans le travail », est « le fruit de la société tout entière : dans la manière dont elle s’exerce se reflète l’état des forces productives qui soutiennent tout l’édifice social ; se reflètent donc aussi les intérêts de la classe dont l’activité sociale porte en avant les forces productives et soutient la forme d’organisation du travail ». Par conséquent, soutient Jean-Toussaint Desanti :
le contenu de la science doit retenir l’unité dialectique des deux termes de cette transformation : le travail humain d’un côté, la nature de l’autre. Cette unité est proprement ce que Lénine appelle « la chose pour nous », ou, en d’autres termes, le secteur déjà dominé par la pratique humaine. Cette relation dialectique doit aussi se retrouver dans le développement de la science. Ce développement a toujours un contenu social : comme tel il est toujours relatif à l’état des forces productives, toujours lié aux luttes de classes (souvent par des liens éloignés), toujours expressif des intérêts et de la conscience d’une classe. Mais ce développement exprime par là même le degré de maîtrise et de domination qu’une société donnée a réalisé sur la nature, il contient donc et utilise, même lorsqu’il l’élargit, le secteur déjà dominé de la nature. Par là s’explique que la science soit une dans son développement et cependant liée d’un lien nécessaire aux luttes de classes ; par là s’explique que le contenu de la science soit objectif et cependant exprime le point de vue de la classe dominante ou ascendante.[36]
Il est essentiel, dans la lecture de ce passage, de ne pas céder à la tentation de voir dans ce lien – entre classe universelle et science unitaire et objective – la dialectique fondamentale de l’argumentation de Jean-Toussaint Desanti. Selon cette dialectique, il semblerait que si la science bourgeoise n’est pas une science – ce qui assure que la science soit une – c’est que la société bourgeoise a déjà été dépassée par la nouvelle société ; cette nouvelle société, parce qu’elle est le produit de la classe universelle, n’est plus traversée par la lutte de classe, et pour cette raison la science elle-même devient enfin science pure. C’est là le sens de l’expression « le cogito est prolétarien » que Pierre Kahn a forgée pour expliquer ce qui serait, selon sa lecture, l’essence de l’épistémologie stalinienne : le fondement universel de la connaissance appartient à la classe universelle, le prolétariat étant en même temps le « sujet transcendantal »[37].
III. L’épistémologie historique et les deux sciences
C’est précisément sur ce point que Jean-Toussaint Desanti prend ses distances par rapport à la doctrine soviétique, pour se rattacher plutôt à la tradition de l’épistémologie historique[38]. Nous pouvons ainsi mieux comprendre le choix des lyssenkistes français de rejeter l’expression courante « science pure » pour conceptualiser l’opposition entre la science soviétique et la science bourgeoise. Ce que Jean-Toussaint Desanti, en particulier, a dû avoir du mal à accepter, c’était l’idée de pureté de la science prolétarienne. Si la doctrine soviétique, en remplaçant « science pure » par « science prolétarienne », tend à la restauration de la neutralité des sciences, dans la mesure où le prolétariat qui tend à l’abolition des classes est porteur d’une science qui tend à l’abolition de toute contradiction théorique, la version française de la théorie des « deux sciences » tient plutôt à garder jusqu’au bout le caractère historique et donc politique des régimes de scientificité, en excluant par principe toute possibilité d’une pureté à venir. Si Jean-Toussaint Desanti avait ramené la science à la superstructure, ce n’était pas pour adhérer au relativisme bogdanovien selon lequel toute science est idéologie, mais plutôt pour souligner son impureté indépassable, qui touche la science bourgeoise aussi bien que la science prolétarienne. Cette impureté dérive du caractère radicalement historique des procédés de la connaissance scientifique, qui fait que le politique n’est pas une instance externe mais interne à la science.
À ce propos, il est intéressant de remarquer que ni la lecture de Pierre Kahn, ni celle de Dominique Lecourt, qui se jouent sur la dialectique entre externe et interne, n’arrivent à saisir cette action de l’extrascientifique à l’intérieur du scientifique et les deux proposent une critique de l’emprise de l’extrascientifique sur le scientifique. Plus particulièrement, à propos de l’antipositivisme de la doctrine de « deux sciences », Pierre Kahn affirme que
là où la tradition analytique et positiviste de l’épistémologie contemporaine cherche un critère interne de démarcation (…) notre épistémologie “stalinienne” en propose un externe : ce qui permet de séparer la science de la non-science, c’est la référence à une classe sociale et à ses organisations politiques produisant, quasi naturellement, comme une conscience de soi : la méta-science matérialiste dialectique. C’est de cette classe sociale, et de cette organisation, qu’est le Parti, qu’il faut parler pour parler vrai[39].
De la même façon, selon Dominique Lecourt, le « délire » du lyssenkisme consistait dans le fait que la science serait saisie par autre chose qu’elle-même, notamment par l’économie qui lui serait externe[40]. Louis Althusser lui-même n’a pas reconnu cette présence de l’extrascientifique dans le scientifique comme présupposé du discours de Jean-Toussaint Desanti, en raison probablement d’une opposition principalement idéologique au lyssenkisme. On peut cependant avancer l’hypothèse que Louis Althusser a proposé la même question en réarticulant le rapport entre les deux sciences comme rapport entre science et idéologie. En effet, on peut cerner deux articulations fondamentales du rapport science / idéologie chez Louis Althusser : l’une consiste à penser l’idéologie comme l’autre de la science ; l’autre consiste à penser l’idéologie comme forme d’existence de la théorie[41]. Dans le premier cas, l’idéologie est saisie comme externe aux sciences : cette extériorité est évidemment ce sur quoi s’appuie le rejet althussérien de la théorie des « deux sciences », qui dérive pour l’essentiel, comme pour Dominique Lecourt, de la critique du contrôle externe sur des critères qui sont censés être internes. Le risque ici consiste à faire de la science une instance pure et éternelle, à l’abri de la lutte des classes. La deuxième définition, qui me parait être la plus propre à Louis Althusser, ne fait que déplacer l’extérieur à l’intérieur des sciences. Cette définition de l’idéologie comme forme d’existence de la théorie se reflète aussi, par exemple, dans la théorie de la philosophie comme lutte des classes dans la théorie[42], ou encore dans l’idée que la philosophie représente la politique dans les sciences et la science dans la politique[43]. En effet, toutes ces formules peuvent être comprises comme autant de déclinaisons du refus de la dialectique externe / interne, afin de penser l’impureté des sciences, la présence d’un noyau non purement rationnel à l’intérieur des sciences, sans renoncer pour cela à l’autonomie des sciences. Or, si l’instance idéologique cesse d’être externe pour devenir interne aux sciences, évidemment il n’y plus de raisons pour nier l’autonomie : la science est en elle-même, dans son fonctionnement interne, politique. Et puisque ce politique n’est rien d’autre que la lutte des classes, il s’ensuit que les sciences sont essentiellement affectées par un caractère de classe. Ce caractère de classe, dans la mesure où il est interne aux sciences, comporte une démarcation entre sciences bourgeoises et sciences prolétariennes, tout en interdisant la possibilité même que cette démarcation soit faite par l’extérieur de la pratique scientifique. C’est en ce sens donc que les sciences dépendent de la lutte des classes tout en gardant leur autonomie.
Mais, nous l’avons vu, en dépit de son héritage et des interprétations de ses opposants, l’intérêt du lyssenkisme français tient précisément au fait d’avoir tenté de penser l’externe à l’intérieur même de la rationalité des sciences. Par cette opération, Jean-Toussaint Desanti, et avec lui les partisans de la théorie des « deux sciences », montrent un lien avec l’épistémologie historique dont pourtant, de manière paradoxale, Dominique Lecourt prétendait s’inspirer. Dans cette perspective, les critères de scientificité s’appuient sur un concept de prolétariat qui est conçu moins comme sujet transcendantal, que comme représentation d’un transcendantal historique.
Conclusion
En conclusion, je dirais qu’aujourd’hui une relecture de ces textes lyssenkistes nous interdit de les réduire à la simple obéissance à l’esprit de parti. Jean-Toussaint Desanti lui-même intègre à son discours des préoccupations épistémologiques qui sont étrangères à la doctrine jdanovienne des deux camps ; le rapport qu’il essaie de penser entre la science et la politique n’est pas du tout un rapport de direction, car sa question fondamentale n’est pas « qui dirige le processus de production scientifique ? »[44], mais plutôt, me semble-t-il : comment penser la science comme pratique dont le caractère de classe serait donné dans le mouvement même de sa production ?
[1] Voir Michael D. Gordin, “How Lysenkoism Became Pseudoscience: Dobzhansky to Velikovsky”, Journal of the History of Biology, 45 (3), 2012.
[2] Voir Loren Graham, Lysenko’s Ghost: Epigenetics and Russia. Harvard University Press, 2016.
[3] L’opposition entre deux sciences, l’une bourgeoise et l’autre prolétarienne, est formulée en France dès les années 1930 dans des milieux savants (voir par ex. Annick Ohayon « Entre Pavlov, Freud et Janet, itinéraire d’un gentilhomme russe émigré en France : Wladimir Drabovitch (1885-1943) », Bulletin de psychologie 2012/5, no 521), puis défendue ouvertement par le PCF et des intellectuels communistes suite à l’éclatement de l’affaire Lyssenko, en 1948, mais l’expression « théorie des deux sciences » est communément utilisée pour indiquer le lyssenkisme en France à partir de la publication de l’ouvrage de Dominique Lecourt, Lyssenko. Histoire réelle d’une science prolétarienne, Paris, Maspero, 1974.
[4] Trofim Lyssenko et Joseph Staline lui-même qualifient la science opposée à la science bourgeoise de « socialiste » ou de « soviétique » (voir Deniz Uztopal, « La réception en France du lyssenkisme, les scientifiques communistes français et la conceptualisation de la “science prolétarienne” (1948-1956) », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 122, 2014, p. 121-141).
[5] Alexandre Bogdanov, Culture prolétarienne, no 2, 1918, in La science, l’art et la classe ouvrière, Paris, Maspero, 1977.
[6] Notamment dans son Rapport lors de la création du Kominform (Sur la situation internationale, septembre 1947), et dans une série de conférences sur la littérature, la philosophie et la musique (voir Gérard Bras, « Science bourgeoise/science prolétarienne », in Georges Labica (dir.), Dictionnaire critique du marxisme, Paris, PUF, 1999, p. 1044.
[7] Pierre Kahn, « L’épistémologie stalinienne », in Georges Labica (dir.), De Marx au marxisme, Paris, CNRS éditions, 1986.
[8] Voir Mauro Ceruti, Il materialismo dialettico e la scienza negli anni ‘30, in Storia del marxismo, vol. III, t. 2, Turin, Einaudi ; cf. aussi Pierre Kahn, « L’épistémologie stalinienne », art. cit.
[9] Tels que le VOKS, la « Société pan-soviétique pour les relations culturelles à l’étranger » (voir Isabelle Gouarné, L’introduction du marxisme en France. Philosoviétisme et sciences humaines (1920-1939), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013).
[10] Fondée en 1939 sous la direction de Paul Langevin et Georges Cogniot, La Pensée, organe théorique du PCF, avait pour sous-titre « revue du rationalisme moderne ».
[11] Sur le marxisme français des années 1930, je me permets de renvoyer à ma thèse : Fabrizio Carlino, Scienza e ideologia « à la lumière du marxisme ». Il contributo del Cercle de la Russie neuve nel processo di elaborazione e attivazione del materialismo dialettico in Francia, Paris IV, 2014 ; voir aussi « Sur l’introduction du matérialisme dialectique en France : le programme du cercle de la Russie neuve dans le processus de formation du “rationalisme moderne” », Actuel Marx, 2015/1 (no 57) ; pour une mise en relation entre l’épistémologie althussérienne et celle subjacente aux travaux du Cercle de la Russie neuve, voir « Lectures de Hegel “à la lumière du marxisme” et genèse de la “coupure épistémologique” », Cahiers du GRM, 8, 2015, mis en ligne le 30 décembre 2015 (http://journals.openedition.org/grm/740).
[12] Pour la caractérisation de la tradition de l’épistémologie historique française, je ferai référence à la lecture de Alberto Gualandi et Andrea Cavazzini, dans L’epistemologia francese e il problema del « trascendentale storico », Macerata, Quodlibet, 2006.
[13] Pour cette reconstruction historique, je m’appuie surtout sur les études suivantes : Yann Kindo, « L’affaire Lyssenko, ou la pseudo-science au pouvoir », Contretemps, avril 2009 (http://www.contretemps.eu/interventions/affaire-lyssenko-pseudo-science-pouvoir) ; Pierre Kahn, « L’épistémologie stalinienne »,art. cit. ; Deniz Uztopal, « La réception en France du lyssenkisme, les scientifiques communistes français et la conceptualisation de la “science prolétarienne” (1948-1956) », art. cit. ; Dominique Lecourt, Lyssenko. Histoire réelle d’une science prolétarienne, op. cit. ; Dan et Joël Kotek, L’Affaire Lyssenko, Bruxelles, Complexe, 1986.
[14] Bureau d’information des partis communistes et ouvriers, chargé du contrôle dans le domaine de la culture et de l’idéologie.
[15] Pierre Kahn, « L’épistémologie stalinienne », art. cit., p. 141.
[16] Laurent Casanova (dir.), Responsabilités de l’intellectuel communiste, Paris, Éditions de la Nouvelle Critique, 1949.
[17] Jean-Toussaint Desanti, « Science bourgeoise et science prolétarienne », Nouvelle Critique, juillet-août 1949.
[18] Pierre Kahn, « L’épistémologie stalinienne », art. cit.
[19] Jean Champenois, « L’hérédité n’est pas commandée par de mystérieux facteurs. Le savant soviétique Lyssenko porte un coup droit aux théories antidarwiniennes », Les Lettres françaises, 26 août 1948.
[20] Voir Pierre Kahn, « L’épistémologie stalinienne »,art. cit.
[21] Voir Deniz Uztopal, « La réception en France du lyssenkisme, les scientifiques communistes français et la conceptualisation de la “science prolétarienne” (1948-1956) », art. cit.
[22] Voir Jean-François Braunstein, Iván Moya Diez et Matteo Vagelli (dir.), L’épistémologie historique. Histoire et méthodes, Paris, La Sorbonne, 2019 ; Jean-François Braunstein (éd.), L’histoire des sciences : méthodes, styles et controverses, Paris, Vrin, 2008 ; Dominique Lecourt, Pour une critique de l’épistémologie : Bachelard, Canguilhem, Foucault, Paris, Maspero, 1972.
[23] Pour cette interprétation de l’épistémologie historique, ainsi que pour le lien avec Auguste Comte, voir Alberto Gualandi et Andrea Cavazzini, L’epistemologia francese e il problema del « trascendentale storico », op. cit.
[24] Sur cette interprétation du rapport entre science et politique dans l’œuvre d’Althusser, voir Andrea Cavazzini, « Louis Althusser. Dall’epistemologia storica all’archeologia del sapere », in Maria Turchetto (dir.), Rileggere il Capitale. La lezione di Louis Althusser, coll. Althusseriana, Quaderni 2, première partie, Milan, Mimesis, 2007, p. 61-79.
[25] Voir par exemple Laurent Casanova, « À propos de la science », Nouvelle Critique, no 30, novembre 1951.
[26] Cité dans Maurice Caveing, « Introduction » à Jean-Toussaint Desanti, Une pensée captive, Paris, PUF, 2008, p. 28-29.
[27] Voir Dominique Desanti, Jean-Toussaint Desanti, R.-P. Droit, La liberté nous aime encore, Paris, Odile Jacob, 2001.
[28] Notamment dans la célèbre synthèse de Joseph Staline dans Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique, in Histoire du Parti communiste (bolchévique) de l’URSS, Moscou, 1938.
[29] Louis Althusser, « Introduction » à Dominique Lecourt, Lyssenko. Histoire réelle d’une science prolétarienne, op.cit., en particulier p. 12-17.
[30] Jean-Toussaint Desanti, « La science, idéologie historiquement relative », in Gérard Vassails, Jean-Toussaint Desanti, Raymond Guyot, Laurent Casanova, Science bourgeoise et science prolétarienne, Paris, Éditions de La Nouvelle Critique, 1950.
[31] Alexandre Bogdanov, Culture prolétarienne, op. cit.
[32] Jean-Toussaint Desanti, « La science, idéologie historiquement relative », art. cit., p. 14.
[33] Ibid.
[34] Jean-Toussaint Desanti, « Science bourgeoise et science prolétarienne », art. cit.
[35] Jean-Toussaint Desanti« La science, idéologie historiquement relative », in Science bourgeoise et science prolétarienne, op. cit., p. 10.
[36] Ibid., p. 12.
[37] Pierre Kahn, « L’épistémologie stalinienne », art. cit., p. 147.
[38] Pierre Cassou-Noguès a récemment proposé une confrontation entre le concept de « problème épistémologique » chez Jean-Toussaint Desanti et celui de « coupure épistémologique » chez Louis Althusser. Sans faire référence aux écrits de la période lyssenkiste, il a suggéré ainsi une continuité entre le champ problématique de l’épistémologie historique (qu’il fait remonter à Léon Brunschvicg en passant par Gaston Bachelard et Jean Cavaillès) et Jean-Toussaint Desanti, une continuité que la référence de ce dernier à la phénoménologie husserlienne semblerait interdire (voir Pierre Cassou-Noguès, « Problèmes ou coupures épistémologiques. Desanti et Althusser dans l’épistémologie en France », dans Dominique Pradelle, François-David Sebbah, Penser avec Desanti, Mauzevin, T.E.R., 2010, p. 174 sq.).
[39] Pierre Kahn, « L’épistémologie stalinienne », art. cit. p. 147.
[40] Dominique Lecourt, Lyssenko. Histoire réelle d’une science prolétarienne, op.cit.
[41] Voir Louis Althusser, « Notes sur les Thèses sur Feuerbach », Magazine Littéraire, n. 324, 1994.
[42] Voir Louis Althusser, Réponse à John Lewis, Paris, Maspero, 1973.
[43] Voir Louis Althusser, Lénine et la philosophie, Paris, La Découverte, 1982.
[44] Voir « La compagnie d’Althusser », in Alain Badiou, Sylvain Lazarus (dir.), Cahiers Yenan, no 4, La situation actuelle sur le front de la philosophie, Paris, Maspero, 1977.