La relation empathique homme/robot: normale ou pathologique?
Emmanuel Petit. Professeur d’Université. Université de Bordeaux, GREThA
Résumé
Les êtres humains entretiennent avec les robots une relation empathique « anthropomorphique » au sens où ils leur attribuent des caractéristiques humaines particulières. Les robots sont en particulier capables de simuler de façon crédible des sentiments et des émotions. Lorsqu’ils ne nous ressemblent pas sur le plan morphologique (comme c’est le cas par d’un doudou pour un enfant), nous pouvons facilement nouer une relation empathique bénéfique et harmonieuse avec eux. Lorsque cependant les robots nous ressemblent trop (comme c’est le cas pour un humanoïde), la relation se transforme et peut devenir répulsive ou « pathologique » : c’est ce que préfigure la « vallée de l’étrange » décrite par Masahiro Mori. La relation empathique entre l’homme et le robot est ambivalente et changeante. La question que nous posons dans cet article est donc de savoir comment nous projetons via l’empathie des émotions sur des robots qui ne sont pas eux-mêmes dotés d’émotions. Nous rappelons tout d’abord la nature et la spécificité de l’empathie humaine. Nous montrons ensuite la nature potentiellement « pathologique » de la relation empathique « anthropomorphique » qui existe entre l’homme et le robot. Nous examinons enfin le moment de « rupture » (au sein de la vallée de l’étrange) qui caractérise cette relation empathique (du normal au pathologique) et qui renvoie, in fine, à notre sentiment d’humanité.
Mots-clefs
Empathie – Robot – Vallée de l’étrange – Anthropomorphisme – Rupture – Humanité
Abstract
Human beings have an “anthropomorphic” empathic relationship with robots in the sense that they attribute particular human characteristics to them. In particular, robots are capable of credibly simulating feelings and emotions. When they do not morphologically resemble us (such as a cuddly toy for a child), we can easily establish a good and harmonious empathic relationship with them. When, however, robots resemble us too much (as is the case with a humanoid), the relationship is transformed and can become repulsive or “pathological”: this is what the “uncanny valley” described by Masahiro Mori foreshadows. The empathic relationship between humans and robots is ambiguous and erratic. The question we ask in this article is therefore to know how we project through empathy emotions on robots that are not themselves endowed with emotions. We first recall the nature and specificity of human empathy. We then show the potentially “pathological” nature of the “anthropomorphic” empathic relationship that exists between man and robot. Finally, we examine the moment of “disruption” (within the uncanny valley) that characterizes this empathic relationship (from the normal to the pathological) and which ultimately refers to our sense of humanity.
Keywords
Empathy – Robot – Uncanny Valley – Anthropomorphism – Disruption – Humanity
Introduction
Dans son sens le plus courant, et le plus contemporain, l’empathie – davantage qu’une émotion – est le processus par lequel nous sommes capables de « nous mettre à la place d’autrui ». Depuis la découverte des « neurones miroirs[1] » dans le courant des années 1990, l’empathie a suscité un extraordinaire engouement dans la société contemporaine. Nous serions rentrés, selon Jeremy Rifkin, dans la « civilisation de l’empathie[2] » ; nous connaîtrions, d’après le primatologue Frans de Waal, l’« Âge de l’empathie[3] ». Notre aptitude à l’empathie, c’est-à-dire notre capacité à « prendre en compte » à distance la situation d’autrui, qu’il soit humain, animal ou même végétal, est aujourd’hui étudiée dans les différents champs de la connaissance – psychologie, biologie, neurologie, anthropologie, philosophie, etc. L’empathie est plébiscitée notamment pour ses vertus coopératives ou altruistes[4]. Elle constitue une aptitude particulière qui s’étend naturellement à l’humain mais qui s’observe également chez les animaux (notamment les chimpanzés, les dauphins ou les éléphants)[5].
Que peut signifier, cependant, pour un humain, être en empathie avec un objet inanimé, un avatar, une machine virtuelle, artificielle, qui, par définition, n’éprouve rien ? Les robots en particulier peuvent simuler et feindre des émotions, les exprimer, parfois les détecter, et naturellement en provoquer chez ceux ou celles avec lesquels ils sont en interaction[6]. En revanche, contrairement aux célèbres « Réplicants » décrits par l’auteur américain Philip K. Dick[7] et rendus très populaires par le film de Ridley Scott, Blade Runner[8], les humanoïdes ne peuvent être émus, souffrir ou aimer, être joyeux, nourrir de l’espoir ou de l’inquiétude[9]. Si, dès lors, un processus d’empathie avec les robots est possible[10], c’est probablement parce que nous leur attribuons, via l’imagination, des caractéristiques anthropomorphiques spécifiques. La question est donc bien de savoir pourquoi et comment nous projetons des émotions sur des êtres non-vivants ou des êtres qui ne sont pas dotés eux-mêmes d’émotions.
Davantage, comme l’a suggéré très tôt Masahiro Mori, la relation empathique que nous entretenons avec les objets de la robotique peut parfois sembler bien « étrange », allant de la simple attirance à une brutale et soudaine répulsion[11]. De « normale », la relation empathique homme/robot deviendrait, sans explication apparente, « pathologique ». Ceci questionne la nature du processus empathique et en particulier le phénomène de « rupture » qui intervient au cœur même de ce processus.
Dans cet article, nous cherchons à comprendre la nature « normale » ou « pathologique » de la relation empathique que l’homme entretient avec le robot. Dans un premier temps, nous rappelons la signification et l’origine (esthétique) de la notion d’empathie. Nous montrons ensuite la nature potentiellement « pathologique » de la relation empathique « anthropomorphique » qui existe entre l’homme et le robot. Nous examinons enfin le moment de « rupture » qui caractérise cette relation (du normal au pathologique) en prenant appui sur la « vallée de l’étrange » identifiée par Masahiro Mori.
I. Nature et origine de l’empathie
Pour désigner l’empathie, les anglophones utilisent joliment l’expression « se mettre dans les chaussures d’autrui » (« to put oneself in someone else’s shoes »). Depuis l’Antiquité, les hommes ont été intrigués par ce phénomène apparemment insaisissable dans lequel quelque chose d’indicible et de sensible se transmet, se communique entre des êtres à leur corps défendant. Chez les auteurs grecs, le terme d’« empatheia » a pour origine le mot « empathès » qui signifie « affecté », « maladif », « qui se passionne », qui est « exposé aux passions ». Dans les Problèmes, attribués à Aristote, le terme d’ « empatheia » n’est en fait pas utilisé pour désigner cette forme de « communication intérieure » qui existe entre deux êtres. Dans la section VII des Problèmes, on se demande cependant : « Pourquoi quand nous voyons quelqu’un à qui l’on coupe un membre, que l’on brûle, que l’on torture, ou qui subit quelque autre traitement cruel, participons-nous en pensée à sa douleur […] ?[12] ». Ici, clairement, est évoquée cette aptitude à se mettre dans la peau de celui qui souffre (et dont le sort pourrait être le nôtre ou celui de nos proches) et qui questionne, avec Aristote, notre participation directe à une « communauté de nature », à une connivence entre les vivants. La compassion aristotélicienne naît d’une concordance naturelle qui unirait tous les hommes, la souffrance à distance étant un acte naturel, spontané, involontaire.
Au cours du millénaire médiéval, le patronage d’Aristote autorisera les nombreux commentateurs des Problèmes – Pietro d’Abano (1250-1316), Henri-Corneille Agrippa de Nettesheim, dit Cornelius Agrippa (1486-1535) – à établir une connexion étroite entre deux catégories de phénomènes, ceux qui relèvent de la transmission des maladies, et ceux, d’un plus haut intérêt, qui décrivent le transfert d’un mouvement émotionnel qui s’effectue involontairement et à distance. Le tout fut placé, comme le suggère l’historienne Béatrice Delaurenti, « sous l’étiquette [unificatrice] de ‘compassio’[13] ». Sous une forme complexe et éclectique, la compassion englobe, sous la plume des commentateurs, aussi bien la contagion (des infections), l’imitation, que la ressemblance ou la « fascination » (la possibilité d’agir à distance par un mode naturel). Sous la forme d’un « désaveu[14] », l’histoire de la compassion au Moyen Âge signe l’insuccès des commentateurs à faire connaître leur emploi polysémique du terme de « compassio » qui ne sera pas repris par leurs contemporains. Dans les écrits d’Augustin ou ceux de Thomas d’Aquin, la compassion désigne bien (encore de nos jours) ce sentiment qui incline chaque chrétien à partager les maux et les souffrances d’autrui. Synonyme de miséricorde, de pitié, d’apitoiement ou de commisération, la compassion incarne en particulier une valeur à laquelle doit se conformer le chrétien – par imitation de la souffrance du Christ.
Les différentes « hésitations » autour du concept d’empathie dans l’histoire antique et médiévale n’ont été clarifiées que tardivement. L’empathie n’est pas la compassion (qui elle est orientée vers le soulagement d’autrui). Elle se différencie également de l’imitation, de la contagion ou du mimétisme, dans lesquels le sujet et l’autre sont peu différenciés. En évoquant la bienveillance (David Hume), la « sympathie[15] » (Adam Smith), mais aussi la part d’humanité qui nous permet de penser du point de vue de n’importe quel autre (Emmanuel Kant), les philosophes des Lumières apporteront une pierre centrale à l’édifice de construction du concept d’empathie.
Sur le plan étymologique, tout commence vraiment cependant lorsqu’un élève britannique du psychologue allemand Wilhelm Wundt, Edward Bradford Titchener, formule le terme d’« empathy » dans une tentative de traduire le mot allemand « Einfühlung » – signifiant « ressentir de l’intérieur » – qui circulait déjà au xixe siècle dans la littérature consacrée à la philosophie de l’art et de l’esthétique. L’empathie esthétique désignait à cette époque, avec le philosophe Robert Vischer en 1873, le mode de relation d’un sujet avec une œuvre d’art permettant d’accéder à son sens. Dans la lignée de son père (Friedrich Theodor Vischer), Robert Vischer cherche à comprendre comment nos sensations excitées par les impressions du monde qui nous entoure suscitent des sentiments que nous attribuons aux objets même du monde extérieur. Selon Vischer, les phénomènes naturels et les formes architecturales résonnent en nous pour autant qu’ils (ou elles) symbolisent nos sentiments. L’Einfühlung, « c’est le transfert inconscient de la forme de notre propre corps, ainsi que de l’âme à la forme de l’objet[16] », « c’est le sujet qui prête ses sentiments à l’objet, qui se met au service de l’objet pour qu’à travers lui ce dernier exprime son être le plus profond. Ainsi, lorsque par empathie on se transpose à l’intérieur d’un arbre, on permet à sa force ligneuse d’exprimer à travers soi un sentiment d’élévation.[17] » Ce sont les phénomènes naturels qui accèdent par notre médiation au monde des sentiments. Le rapport harmonique entre l’objet et le sujet, à l’origine de l’émotion esthétique, est déterminé par les caractéristiques de l’objet (sa proportion, sa régularité, sa symétrie) mais aussi par les propriétés corporelles du sujet qui en sont le pendant, à savoir, de façon équivalente, la régularité, la symétrie ou la proportionnalité. Nous avons, nous dit Robert Vischer, « du plaisir dans toutes les formes régulières parce que notre organe visuel et ses formes fonctionnelles le sont aussi.[18] » A contrario, « des murs anciens et courbés peuvent gêner et offenser la sensation fondamentale de notre statique corporelle.[19] »
Le concept d’Einfühlung, introduit en esthétique par Robert Vischer pour expliquer notre rapport aux objets d’arts, est repris par le philosophe allemand Theodor Lipps, dans le but d’expliquer les relations entre êtres humains. Le terme décrit initialement le processus par lequel un observateur se projette dans les objets qu’il perçoit : il s’agit d’un processus physiologique, un acte d’imitation réflexe, spontané et inconscient, qui met en jeu des mécanismes organiques liés notamment au mouvement des yeux. L’observateur ressent dans son propre corps, la lourdeur, la légèreté ou l’élancement d’une forme matérielle. Le concept d’Einfühlung intègre ensuite une dimension plus affective qui inaugure son sens le plus contemporain : il caractérise le mécanisme par lequel l’expression corporelle d’un individu dans un état émotionnel donné déclenche de façon automatique ce même état émotionnel chez un observateur. Dans les approches contemporaines de l’empathie, le sujet ne ressent cependant pas forcément l’état émotionnel d’autrui à l’identique[20]. Il sait différencier ce qui lui appartient de ce qui est de l’ordre de l’altérité. Il sait « se mettre à la place de l’autre tout en restant soi-même.[21] » Il y a donc, avec l’empathie, une aptitude à créer ou à tenir compte d’une « distance » cognitive, affective, spatiale et/ou temporelle, qui nous sépare consciemment de celui ou celle avec lequel nous « empathisons ». Contrairement à la contagion émotionnelle, dans laquelle le processus d’identification avec l’« autre » est presque total, où à l’imitation dans lequel ce dernier est (souvent) désiré et imparfait, l’empathie joue plus ou moins consciemment sur une forme de jeu et de confusion ontologique dans laquelle l’individu perçoit temporairement les états mentaux et les sentiments d’une personne sans cependant jamais oublier qu’il procède comme s’il était à la place de l’autre.
Au regard de l’histoire, le procédé à l’origine de l’empathie semble donc mystérieux, miraculeux, inquiétant même. Comment peut-il être possible d’adopter le point de vue d’un « autre », de saisir ses intentions et ses motivations ou encore de ressentir ses émotions ? Toute la complexité de l’empathie, la fascination et l’intérêt qu’elle suscite, résident dans cette aptitude au lien, dans ce mécanisme qui à la fois nous permet de nous distinguer de l’autre et de nous en rapprocher, au cœur de l’intersubjectivité. Grâce aux travaux sur les « neurones miroirs », on saisit mieux aujourd’hui que nous réussissons à nous mettre à la place d’autrui parce qu’un groupe spécifique de nos neurones s’active, quand nous voyons les autres en train d’agir, comme si nous étions nous-mêmes sur le point de réaliser de telles actions[22]. Être en empathie, c’est donc, en même temps, sonder son intérieur et être en résonnance affective avec son environnement. Comme le suggèrent Dumouchel et Damiano, nos réactions empathiques ne sont donc pas des « productions privées ou des entreprises solitaires » mais davantage des « œuvres communes auxquelles [nous] participons[23] ». L’empathie renvoie ainsi certes à un organisme individuel mais s’incarne tout aussi bien dans un « corps social[24] ».
Le détour (historique) via l’esthétique a ceci d’intéressant qu’il nous permet d’élargir la portée usuelle de l’empathie en intégrant – au-delà de l’« autre » – notre rapport à l’art, à la musique, à la nature, mais aussi, aux animaux, aux objets transitionnels ou même, de nos jours, aux créatures artificielles et aux robots[25]. Alors que l’on peut s’interroger sur l’aptitude empathique que l’on prête aux humanoïdes, aux robots thérapeutiques (Nao, Pepper, Kaspar ou Keepon) et autres « agents conversationnels » (Eliza, Siri, Jeanne), un préalable est de tenter de saisir comment nous autres humains pouvons nourrir de l’empathie pour des robots.
II. La relation empathique anthropomorphique de l’humain avec le robot
Dans le langage courant, l’empathie est le procédé par lequel nous sommes capables de « nous mettre à la place d’autrui ». C’est par ce biais que nous parvenons à « saisir » les pensées d’autrui, ses intentions ou encore ses émotions. L’empathie émotionnelle requiert en particulier une aptitude à l’imagination, à la projection, à la simulation, à l’identification, par laquelle nous sommes capables d’éprouver dans notre propre corps les sentiments ou sensations que l’on prête à autrui. Au cœur de la relation que nous entretenons avec les robots se trouve un processus empathique que l’on peut qualifier d’« anthropomorphique[26] ». L’anthropomorphisme est une manière de se représenter les non-humains en les assimilant à des humains, en leur attribuant des perceptions, des croyances, des intentions ou des émotions. Très tôt, les psychologues Fritz Heider et Marianne Simmel ont révélé expérimentalement notre besoin d’interprétation du monde et d’attribution (d’explication) causale, y compris en présence de figures géométriques en mouvement (triangles, ronds, rectangles) a priori dénuées d’intentionnalité[27]. Nous avons généralement tendance à nous modeler sur ce que nous connaissons déjà pour entrer en relation avec les objets, avec les autres humains ou encore avec les animaux. Selon Stewart Guthrie, dans toutes les cultures et tous les milieux, à tous les âges de la vie, nous projetons sur le monde qui nous entoure des schémas d’interprétation qui permettent d’en rendre compte[28]. Comme le souligne l’anthropologue Emmanuel Grimaud, « [B]eaucoup des attachements noués par les humains avec les choses, avec des dieux comme avec des interfaces technologiques, dans les cultures les plus variées, se développent sur le mode du ‘comme si’, autorisant l’ambiguïté, le flou ou une certaine flexibilité qui permet de ne pas trancher une fois pour toutes sur leur identité.[29] » Chez le jeune enfant, c’est par la création d’un univers imaginaire que l’individu rentre en contact avec les objets proches, expérimentant ainsi au fur et à mesure des relations, des sentiments ou des états mentaux. À l’âge adulte, l’individu continue à projeter dans des machines diverses (l’ordinateur, la machine à café, etc.) des croyances ou des intentions[30]. Sur le plan expérimental, il a même été possible de révéler chez les humains une forme de « compassion » pour les avatars virtuels ou pour les robots lorsque ceux-ci sont soumis en laboratoire à des traitements violents similaires à ceux mis en œuvre dans le paradigme de l’obéissance à l’autorité imaginé par Stanley Milgram[31].
Ainsi, l’empathie, qui désigne en règle générale la capacité humaine de se mettre à la place de l’autre afin de comprendre ce que l’autre éprouve, se convertit avec les objets animés ou inanimés en une aptitude anthropomorphique particulière. On pourrait s’attendre en effet à ce que la relation empathique que nous entretenons avec ces objets corresponde à une fonction de type linéaire : plus les objets nous ressemblent (sur le plan morphologique ou comportemental), plus nous aurions vocation à être en empathie avec eux, comme c’est par exemple le cas pour les jeunes enfants dans la relation anthropomorphique qu’ils entretiennent avec leurs doudous. La relation serait alors considérée comme « normale ». Tout l’intérêt de la conjecture formulée par Masahiro Mori dans la « vallée de l’étrange[32] » a consisté cependant à remettre en cause cette forme relationnelle linéaire et à reconsidérer par conséquent la « normalité » de la relation empathique homme/robot.
La « vallée de l’étrange » décrit en effet un espace « où les robots nous ressemblent à la fois trop et pas assez[33] », provoquant la peur et la révulsion. Au-delà d’un certain seuil, une ressemblance excessive de l’artefact à l’être humain, parce qu’elle est malgré tout nécessairement imparfaite, souligne l’aspect mécanique et artificiel du robot, créant un sentiment de malaise et d’anxiété. La forme anthropomorphique qui nous permettait de prêter des intentions, des perceptions, des croyances ou même des émotions à la machine, et d’en bénéficier dans une interaction plaisante, souvent fascinante et même thérapeutique (comme c’est le cas, par exemple, avec « Paro » le robot interactif qui a l’apparence d’un phoque), semble se « renverser » dès lors que la figure humanoïde s’identifie trop à l’humain.
Le graphique ci-dessus[34], présenté initialement par Masahiro Mori, fait apparaître le lien entre l’apparence humaine des objets et le degré de « familiarité » qu’ils suscitent en fonction de leur caractère mobile (ou non). Un animal en peluche (immobile) ou, autre illustration, le célèbre androïde R2-D2 de la série Star Wars, suscitent la familiarité et l’empathie, et parfois le sourire. Un cadavre ou une main prothétique « trop réaliste » suggèrent a contrario l’étrangeté : nous tombons soudainement, en quittant la familiarité, dans la « vallée de l’étrange ». L’ajout du mouvement transforme l’aspect de la vallée en accentuant ses pics et ses creux. Si, par exemple, nous ajoutons du mouvement à une prothèse de main, le sentiment d’étrangeté va croître considérablement. Si, de même, le cadavre se transforme en zombie, en mort-vivant, on atteint le pic de l’étrangeté.
La conjecture de Masahiro Mori interroge, à partir de la relation que nous entretenons avec les robots, la nature et la spécificité de l’empathie humaine. L’auteur japonais n’en a pas donné, au-delà du lien envisagé avec la question de la « survie de l’espèce » et de la menace, une interprétation précise. Depuis sa mise au jour dans les années 1970, la « vallée de l’étrange » a cependant suscité une abondante littérature, en psychologie, en philosophie ou même en neurosciences[35]. La conjecture du roboticien japonais a été soutenue, au moins partiellement, par une pluralité de travaux réalisés en laboratoire, sur la base de mesures d’attractivité de figures anthropomorphiques (normales ou étranges), qu’il s’agisse d’androïdes, de robots mécaniques, d’avatars, de mannequins, de poupées ou même de formes animales[36]. La reconstruction empirique d’une courbe hypothétique correspondant à la vallée de l’étrange demeure cependant aujourd’hui controversée. Les auteurs identifient également les divers facteurs explicatifs de la « vallée de l’étrange » – la peur de la mort, le sentiment esthétique, le décalage entre une perception visuelle et tactile créant la surprise, etc. – qui révèlent les poids de l’émotion et de la cognition dans l’émergence de ce phénomène. Le premier corps d’hypothèses se focalise sur les aspects physiologiques, sensitifs, en lien avec l’évolution biologique humaine : en particulier, les formes humanoïdes « bizarres » et ressemblantes seraient associées à un risque plus élevé de maladies et nous renverraient également à l’idée de la mort, déclenchant (respectivement) des émotions de dégoût ou de peur. Une autre possibilité évolutionniste est de supposer que la sélection naturelle a conditionné nos préférences esthétiques relatives à la forme humaine adaptative, de telle façon que l’étrangeté d’une réplique humaine est provoquée par sa faible attractivité. Un autre groupe d’hypothèses renvoie à la part cognitive de l’interprétation de la vallée : on peut tout d’abord supposer que c’est le décalage entre les attentes induites par ce que donne à percevoir la vision de la forme robotique et l’information tactile révélée par la main prothétique (dans le cas de l’exemple choisi par Masahiro Mori) qui crée la surprise et le sentiment d’étrangeté ; il peut s’agir également, comme le suggérait le psychiatre allemand Ernst Jentsch, de la « désorientation intellectuelle » et de l’« incertitude » induite par la communication d’une nouvelle information intégrant une forme de malaise, d’hostilité ou de défiance ; on peut enfin penser que les robots humanoïdes rendus trop proches nous renvoient à une image de ce qui nous sépare d’eux et qui constitue notre humanité, notre capacité à sentir les choses et à éprouver une expérience sensible.
De nombreuses pistes interprétations de la vallée ont donc été mises en avant : la crainte de la mort, le rapport à l’incertitude, le goût esthétique, le différentiel entre nos attentes et notre perception, etc. Il manque, cependant, comme le souligne Catrin Misselhorn, une explication plus générale de ce phénomène qui réside à un niveau d’abstraction plus élevé et qui permette de comprendre les mécanismes cognitifs et émotionnels à l’origine de l’émergence de la vallée[37]. Pour quelle raison la relation empathique harmonieuse (ou plaisante) homme/robot se convertit-elle soudainement en affect négatif à proximité d’une zone de ressemblance et d’imperfection ? La question centrale posée par l’existence de la « vallée de l’étrange » semble donc être celle du moment de « rupture » qui caractérise la relation empathique entre le robot et l’homme. La relation d’attachement et d’attraction initiale se transforme, à un moment donné, en une relation de déplaisir qui peut aller jusqu’à la révulsion ou le rejet. De « normale », la relation homme/robot devient « pathologique », au sens où elle traduit une forme d’anxiété ou de stupéfaction que le sujet lui-même ne parvient pas à saisir et à interpréter. C’est ce moment de rupture que nous tentons d’explorer maintenant.
III. La « rupture » de la relation empathique entre le robot et l’humain
Le moment de « rupture » qui ouvre les portes de la vallée est un mélange de nouveauté et de familiarité associé à une sensation de menace, d’inconfort ou d’inadéquation. S’il est impossible au sujet de discerner précisément l’objet de son trouble, c’est que l’étrangeté « affleure » à sa conscience et demeure en grande partie insaisissable. Nous avons accès à la sensation physique provoquée par l’étrange mais non à son contenu qui reste inaccessible, non apparent. Bruce Mangan rappelle ainsi, en évoquant les travaux du psychologue pragmatiste américain William James, qu’une expérience phénoménologique située « à la frontière de la conscience » se caractérise à la fois par la perception de son imminence et par la propriété évaluative de son adéquation ou de sa justesse[38] : tel est le cas, par exemple, lorsque nous n’arrivons pas à nous souvenir d’un mot que nous avons pourtant « sur le bout de la langue ». L’expérience de mémorisation nous confronte à quelque chose de « déjà vu » qui demeure pourtant inconnu tant que le processus de révélation ne nous livre pas, inconsciemment, avec surprise et contentement, le mot en question. Au cours du processus créatif, par exemple dans l’expérience esthétique ou dans le cadre d’une recherche scientifique, on observe également ces moments de « révélation » (« Eureka ! ») au cours desquels quelque chose d’indicible se dévoile avec justesse sans que l’on sache nommer précisément les raisons d’être de ce qui apparaît adéquat. Dans l’Art comme expérience, un autre auteur pragmatiste, John Dewey, a illustré le rôle majeur de l’émotion au cours de l’expérience esthétique[39]. L’émotion intervient initialement lorsque surgit une « situation problématique » : elle est donc à l’origine de l’expérience, de la « rupture » avec le comportement habituel. Elle induit la mise en route d’un processus « d’enquête ». Chez Dewey, l’émotion est également ce qui guide l’enquête de façon à rétablir l’harmonie entre l’organisme (l’artiste) et son environnement (le tableau, la sculpture).
Dans le cas de la « vallée de l’étrange », la « délivrance » s’accompagne d’un affect négatif : la vallée est dérangeante. Certains auteurs ont ainsi fait le lien entre la « vallée de l’étrange » et la conception de l’« étrangeté » décrite par Sigmund Freud au cours de ses travaux[40]. Freud interroge, comme le psychiatre berlinois Ernst Jentsch, l’étrange impression que produisent les doubles humains que sont, à son époque, les personnages de cire, les poupées artificielles et les automates[41]. Selon Freud, le caractère de l’étrangeté est lié à une « anxiété morbide » et procède de quelque chose de « familier » qui a été réprimé et enfoui inconsciemment. Dans l’expérience de l’étrange, ce sont des affects qui affleurent à la conscience, sans que pour autant les contenus menaçants qui les ont suscités émergent consciemment. La sensation d’étrangeté peut être plus ou moins intense mais elle nous frappe toujours et nous surprend. Perçue sans ambiguïté, elle demeure, cependant, inexpliquée par le sujet, mystérieuse, indéfinie. Son mystère est d’autant plus grand qu’elle surgit au cœur d’une relation empathique humaine avec l’artefact robotique qui, jusqu’à un certain point, semblait harmonieuse. Comme dans le célèbre exemple, repris par Catrin Misselhorn[42], extrait de Vertigo d’Alfred Hitchcock – dans lequel James Stewart recompose, dans un état second et fébrile, l’apparence de la femme qu’il a aimée et qu’il croit morte (Madeleine) en habillant « Judy » – la relation que nous tissons avec les robots frôle le faux-semblant, attise le malaise, dès lors que ce que nous projetons chez les humanoïdes est entretenu par une confusion mimétique. Une plus forte ressemblance entre l’humain et le robot facilite notre capacité empathique de projection de ce que nous sommes dans l’interface humanoïde jusqu’à ce que, cependant, la confusion ontologique fasse apparaître une dissonance entre l’humain et son double mécanique. En l’absence d’une mise à distance nette et marquée, la relation empathique est en proie au « doute » – à une « situation problématique » au sens de Dewey – et rend difficile l’exercice distinctif qui vise « à se mettre à la place d’autrui tout en restant soi-même ». On peut ainsi voir dans la « peur des robots[43] » qui nous ressemblent trop – mais dont on décèle malgré tout l’artificialité à partir de quelques détails dissonants (les intonations de la voix, l’expression faciale, la posture, etc.) – les conséquences d’une aptitude empathique « excessive » ou « défaillante » : dès lors que les robots nous ressemblent vraiment, nous sommes incités à engager avec eux une relation que l’on perçoit (faussement) comme « humaine » en nous identifiant, en tissant des liens affectifs et en projetant sur eux notre part d’ombre et d’anxiété. La confusion entre l’humain et la machine – qui est qui ? – est ainsi elle-même entretenue par les développeurs, comme l’illustre le roboticien japonais Hiroshi Ishiguro et son double facial déroutant, le robot « Germanoïd[44] ». Les roboticiens savent que plus une machine suscite des réactions anthropomorphiques, plus intense semble être l’attente implicite des utilisateurs de la voir réagir comme un humain : plus grande peut être cependant leur déception et leur impatience lorsque la machine ne tient pas ses promesses.
La vallée de l’étrange est donc le moment de rupture où, confronté à une interface humanoïde si proche et pourtant si différente, le rapport à notre « identité humaine » se pose de façon aigüe. Contrairement aux robots, les êtres humains auxquels nous sommes confrontés sont considérés comme des personnes sensibles capables de faire l’expérience du vivant. Face à un robot proche et pourtant dissemblable, la dissonance qui survient nous confronte à la façon dont nous projetons des émotions sur des robots qui ne sont pas dotés eux-mêmes d’émotions mais qui sont capables de les simuler de façon crédible. Soit nous « adhérons » à ce que le robot feint d’éprouver et en ce cas celui-ci peut apparaître dangereux parce qu’en lui prêtant des émotions, des sensations ou des intentions, on l’autorise à l’expression d’émotions négatives et virulentes, comme la colère, la rancune, la jalousie ou même l’orgueil[45]. Soit, au contraire, on prend de la distance vis-à-vis de ce qu’il fait semblant d’éprouver et le robot devient alors effrayant parce qu’il nous renvoie plus ou moins consciemment à cette part mécanique, rationnelle, inhumaine, sans affects, qui, sans être complètement la nôtre, nous guette dans une société qui sacralise aujourd’hui l’intelligence artificielle. Dans ce cas, les robots apparaissent de ce fait « déshumanisés[46] ».
Conclusion
Dépourvu d’humanité, le robot est (pour cette raison) l’objet d’un processus d’anthropomorphisation qui le rend attractif tant que la distance qui le sépare de l’humain est claire et tranchée (à l’instar de Paro, le robot thérapeutique ou de Neo et Pepper, les fleurons de l’industrie robotique). Dans la vallée de l’étrange, cependant, lorsque cette frontière est ténue et que l’humanoïde n’est plus perçu (seulement) comme un robot mécanique, le robot est le réceptacle (et la projection) d’une apparence humaine étrange qui à la fois, manque d’humanité (via un excès de rationalité) ou qui pourrait témoigner au contraire de ce qui en nous est inhumain (via un excès d’émotions). « Normale » ou « pathologique », la relation empathique que nous entretenons avec le robot apparaît donc comme un révélateur de notre humanité et de notre capacité à être ému.
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[4] KIRMAN, Alan et TESCHL, Miriam. Selfish or selfless? The role of empathy in economics. Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, 2010, vol. 365, no 1538, p. 303-317.
[5] BEKOFF, Marc. The emotional lives of animals: A leading scientist explores animal joy, sorrow, and empathy—and why they matter. New World Library, 2010.
[6] DEVILLERS, Laurence. Des robots et des hommes. Plon, 2017 ; ROBINSON, Peter et EL KALIOUBY, Rana. Computation of emotions in man and machines. Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, 2009, vol. 364, p. 3441-3447.
[7] DICK, Philip Kindred. Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques?. Paris, JC Lattès, 1979.
[8] RIDLEY Scott, Blade Runner, The Ladd Company, Warner Bros, 1982.
[9] GANASCIA, Jean-Gabriel. L’Intelligence artificielle: idées reçues sur l’intelligence artificielle. Le Cavalier Bleu Editions, 2015.
[10] DUMOUCHEL, Paul et DAMIANO, Luisa. Vivre avec les robots. Essai sur l’empathie artificielle: Essai sur l’empathie artificielle. Le Seuil, 2016.
[11] MORI, Masahiro (traduction d’Isabel Yaya). La vallée de l’étrange. Gradhiva. Revue d’anthropologie et d’histoire des arts, 2012, no 15, p. 26-33.
[12] Cité dans PINOTTI, Andrea. L’empathie. Histoire d’une idée. De Platon au posthumain. Vrin, 2016, p. 54.
[13] DELAURENTI, Béatrice, La Contagion des émotions. Compassio, une énigme médiévale, Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 15.
[14] Ibid., p 293.
[15] FORMAN-BARZILAI, Fonna. Adam Smith and the circles of sympathy: cosmopolitanism and moral theory. Cambridge University Press, 2010.
[16] VISCHER Robert, Sur le sentiment optique de la forme. Contribution à l’esthétique, cité dans TALON-HUGON, Carole, L’expérience empathique des formes architecturales : Prolégomènes à une psychologie de l’architecture de Wölfflin (p. 361), in : GEFEN, Alexandre, VOUILLOUX, Bernard, Empathie et esthétique. Paris, Hermann, 2013.
[17] JORLAND, Gérard et THIRIOUX, Bérangère. Note sur l’origine de l’empathie. Revue de métaphysique et de morale, 2008, no 2, p. 269-280 (p. 275-276).
[18] Cité dans JORLAND, Gérard et THIRIOUX, Bérangère. Note sur l’origine de l’empathie, op. cit., p. 273.
[19] Ibidem.
[20] JORLAND, Gérard et THIRIOUX, Bérangère. Note sur l’origine de l’empathie, op. cit.
[21] TROUVÉ, Jean-Noël. Quelle empathie pour les autistes? Empathie et identifications. Cahiers de PréAut, 2015, no 1, p. 9-54 (p. 12).
[22] RIZZOLATTI, Giacomo et CRAIGHERO, Laila. The mirror-neuron system… op. cit.
[23] DUMOUCHEL, Paul et DAMIANO, Luisa. Vivre avec les robots. Essai sur l’empathie artificielle… op. cit., p. 153
[24] DUMOUCHEL, Paul. Emotions: essai sur le corps et le social. Institut Edition Synthelabo, 1995.
[25] Même dans l’expérience esthétique, finalement, l’empathie ressentie avec l’œuvre serait une façon indirecte de nous mettre en contact avec l’intentionnalité de l’auteur (ou de la nature) et avec ses états d’âme.
[26] DEVILLERS, Laurence. Des robots et des hommes… op. cit. ; GRIMAUD, Emmanuel. Androïde cherche humain pour contact électrique. Les cinétiques de l’attachement en robotique. Gradhiva. Revue d’anthropologie et d’histoire des arts, 2012, no 15, p. 76-101 ; VIDAL, Denis. Vers un nouveau pacte anthropomorphique!. Les enjeux anthropologiques de la nouvelle robotique. Gradhiva. Revue d’anthropologie et d’histoire des arts, 2012, no 15, p. 54-75 ; BECKER, Joffrey. Le corps humain et ses doubles. Sur les usages de la fiction dans les arts et la robotique. Gradhiva. Revue d’anthropologie et d’histoire des arts, 2012, no 15, p. 102-119.
[27] HEIDER, Fritz et SIMMEL, Marianne. An experimental study of apparent behavior. The American journal of psychology, 1944, vol. 57, no 2, p. 243-259.
[28] GUTHRIE, Stewart. Faces in the clouds: A new theory of religion. New York, Oxford University Press, 1993.
[29] GRIMAUD, Emmanuel. Androïde cherche humain pour contact électrique… op. cit., p. 78.
[30] COVA, Florian, DUTANT, Julien, MACHERY, Edouard, et al. La philosophie expérimentale. Paris, Vuibert, 2012.
[31] SLATER, Mel, ANTLEY, Angus, DAVISON, Adam, et al. A virtual reprise of the Stanley Milgram obedience experiments. PloS one, 2006, vol. 1, no 1, p. e39. BARTNECK, Christoph, ROSALIA, Chioke, MENGES, Rutger, et DECKERS, Inèz. Robot abuse—a limitation of the media equation. In: Proceedings of the interact 2005 workshop on agent abuse, Rome. 2005.
[32] Voir aussi PARÉ, Z., MINATO, C., et GRIMAUD, E. Le Bouddha dans le robot, Rencontre avec Masahiro Mori, Gradhiva. Revue d’anthropologie et d’histoire des arts, no 15, p. 142-161.
[33] DUMOUCHEL, Paul. La vie des robots et la nôtre. Multitudes, 2015, no 1, p. 107-113.
[34] https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mori_Uncanny_Valley_fr.svg?uselang=fr (consulté le 02 juin 2020).
[35] Voir, par exemple, MACDORMAN, Karl F., GREEN, Robert D., HO, Chin-Chang, et al. Too real for comfort? Uncanny responses to computer generated faces. Computers in human behavior, 2009, vol. 25, no 3, p. 695-710; MACDORMAN, Karl F. et CHATTOPADHYAY, Debaleena. Reducing consistency in human realism increases the uncanny valley effect; increasing category uncertainty does not. Cognition, 2016, vol. 146, p. 190-205; ROSENTHAL-Von DER PÜTTEN, Astrid et WEISS, Astrid. The uncanny valley phenomenon does it affect all of us. Interaction Studies, 2015, vol. 16, no 2, p. 206-214 ; pour une revue de la question, voir WANG, Shensheng, LILIENFELD, Scott O., et ROCHAT, Philippe. The uncanny valley: Existence and explanations. Review of General Psychology, 2015, vol. 19, no 4, p. 393-407.
[36] WANG, Shensheng, LILIENFELD, Scott O., et ROCHAT, Philippe. The uncanny valley: Existence and explanations… op. cit.
[37] MISSELHORN, Catrin. Empathy with inanimate objects and the uncanny valley. Minds and Machines, 2009, vol. 19, no 3, p. 345-359.
[38] MANGAN, Bruce. The uncanny valley as fringe experience. Interactions Studies, 2015, vol. 16, no 2, p. 193-199.
[39] DEWEY, John, L’art comme expérience. Paris, Gallimard, 2005.
[40] TONDU, Bertrand. Fear of the death and uncanny valley: A Freudian perspective. Interaction Studies, 2015, vol. 16, no 2, p. 200-205; SZOLLOSY, Michael. Why are we afraid of robots? The role of projection in the popular conception of robots. In: ROMPORTL, J., ZACKOVA, E., et KELEMEN, J. Beyond artificial intelligence – the disappearing human-machine divide. Topics in intelligent engineering and informatics.2015,Springer, Cham, (p. 121-131).
[41] On peut remarquer que l’instinct chez Freud est très proche de la conception de l’émotion de Dewey au sein de l’expérience. La différence centrale, cependant, est que chez l’individu freudien, la personne réagit à une disruption par de l’anxiété, alors que chez Dewey, la personne cherche en permanence à restaurer son équilibre interne (voir, Hohr, Hansjörg, The concept of experience by John Dewey revisited: Conceiving, feeling and “enliving”, Studies in Philosophy and Education, 2013, vol. 32, no 1, p. 25-3 (p. 259, note de bas de page n°2)).
[42] MISSELHORN, Catrin. Empathy with inanimate objects and the uncanny valley… op. cit.
[43] SZOLLOSY, Michael. Why are we afraid of robots? The role of projection in the popular conception of robots, op cit.
[44] Voir GRIMAUD, Emmanuel et PARÉ, Zaven. Le jour où les robots mangeront des pommes. Conversations avec un androïde. Paris, Petra, 2011.
[45] On a ainsi le souvenir glaçant, dans 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, de la façon dont le système avancé d’intelligence artificielle, Hal 9000, gère, avec une subtile ambiguïté, sa relation « affective » (de l’orgueil à la peur) avec les membres de l’équipage.
[46] WANG, Shensheng, LILIENFELD, Scott O., et ROCHAT, Philippe. The uncanny valley: Existence and explanations, op. cit.