La reconnaissance : conclusion et perspectives
La réification des relations sociales nous indique ce qu’une société exempte de toute pathologie doit être. Cette normativité est véhiculée par la reconnaissance qui, si elle est maintenue ou objectivée selon les cas (Honneth ne développe pas la thèse de l’objectivation dans La réification), mène à une organisation optimale de la société – et à une connaissance fondée. Il y a là deux pans de la pensée honnethienne où la reconnaissance est à la fois un fondement social et un fondement épistémologique. La théorie de la reconnaissance que l’on distingue à travers la thématisation de la réification a une prétention universelle de fondement normatif, et des interactions sociales et de la connaissance.
La longue analyse qu’Honneth consacre au développement de l’enfant dans sa relation avec sa mère, que l’on retrouve également dans La lutte pour la reconnaissance ou La société du mépris doit nous faire comprendre l’importance du phénomène de la reconnaissance dans une perspective anthropologique. La corporalité et plus généralement la matérialité joue un rôle encore inavoué dans La réification, mais est clairement affirmée dans La société du mépris. Finalement, le désaccord avec Habermas tient surtout à ce que celui-ci ne prend pas en compte le jeu du corps mais se situe à un niveau encore trop intellectuel des relations sociales. Honneth ira même jusqu’à dire que nos relations sociales sont également liées à la matérialité, ce qui le rapprocherait davantage d’une analyse foucaldienne du corps. En bref, le discours sur la réification contient les prémisses d’une théorie générale normative qui indique les clefs d’une émancipation humaine :
Peut-être n’est-il pas tout à fait faux de parler ici d’« intérêts quasi-transcendantaux » de l’espèce humaine et peut-être est-il même justifié de parler à ce propos d’un intérêt à « l’émancipation » dirigé vers l’abolition des dissymétries sociales et des formes d’exclusion.[1]
Marine Dhermy
Bibliographie
Bergson Henri, « Matière et Mémoire » in Oeuvres, chap. 1, éd. du Centenaire, coll. « P.U.F », Paris, 1959
Habermas Jürgen, La technique et la science comme « idéologie », éd. Gallimard, coll. « Tel », Francfort-sur-le-Main, 1968
Habermas Jürgen, Théorie de l’Agir communicationnel, T.2, « Pour une critique de la raison fonctionnaliste », éd. Fayard, Paris, 1987
Hegel G.W.F, « La philosophie de l’esprit » in Encyclopédie des sciences philosophiques, Tome III, trad. B.Bourgeois, Paris, Vrin, 1988
Honneth Axel, La société du mépris, éd. La découverte, coll. « poche », Paris, 2006
Honneth Axel, La réification, petit traité de théorie pratique, éd. Gallimard, coll. « nrf essais », Paris, 2007
Honneth Axel, La lutte pour la reconnaissance, éd. Cerf, Coll. « Passages », Paris, 2000
Honneth Axel, « Reconnaissance et justice », in Le passant ordinaire, n°38, 2002, http://www.passant-ordinaire.com/revue/38-349.asp
Vandenberghe Frédéric, Une histoire critique de la sociologie allemande. Aliénation et réification, T.2, éd. Editions La Découverte, coll. « Bibliothèque Du Mauss », Paris, 1998
[1] Axel Honneth, « Reconnaissance et justice », in Le passant ordinaire, n°38, 2002, http://www.passant-ordinaire.com/revue/38-349.asp