La question de la femme chez Hobbes : le pouvoir de la mère
Après un Master 1 et un Master 2 consacrés au thème du stoïcisme et de la maîtrise du destin à l’Université de Reims Champagne-Ardenne (2015-2016) sous la direction d’Anne-Gabrielle Wersinger, Cécile Housset a entrepris un doctorat en philosophie politique à l’Université Paris Cité sous la direction d’Yves Charles Zarka. Sa thèse, intitulée Les moments de la pensée cosmopolitique : évaluation et mutation d’un concept, a été soutenue le 16 décembre 2023. Parallèlement à ses études et recherches, elle a enseigné philosophie au lycée en Vendée de 2020 à 2024. Ses travaux interrogent l’évolution historique et conceptuelle de l’idée de cosmopolitisme, de citoyenneté mondiale avec une attention portée à ses enjeux contemporains. Par ailleurs, plusieurs de ses communications se sont déroulées dans un cadre interdisciplinaire et s’intéressent plus largement à la question de la place de l’individu dans la société.
Résumé
Pourquoi une telle différence dans les lois entre celles s’appliquant aux hommes et celles destinées aux femmes et ce jusqu’à très récemment si l’on place à l’échelle de l’histoire de l’humanité ?
Entre hommes et femmes, y a-t-il une différence de nature ou de culture ? La réponse classique apportée par les philosophes était de théoriser une hiérarchie naturelle transposée dans le droit positif. Les conventions refléteraient les rapports existant à l’état de nature. Thomas Hobbes développe une position unique dans la philosophie classique sur le rapport entre hommes et femmes. Il postule une égalité totale en fait et en droit. C’est ce que se propose d’étudier cet article.
Mots clés : féminisme, maternité, grossesse, philosophie politique, Hobbes
Abstract
Why was there such a difference in the laws applying to men and those applying to women, until very recently, if we look at the history of mankind?
Is there a difference in nature or culture between men and women? The classic philosophical answer was to theorize a natural hierarchy transposed into positive law. Conventions would reflect the relationships existing in the state of nature. Thomas Hobbes developed a unique position in classical philosophy on the relationship between men and women. He postulated total equality in fact and in law. This is the subject of this paper.
Keywords: feminism, motherhood, pregnancy, political philosophy, Hobbes
I. La position singulière de Hobbes
Y-a-t-il une différence de nature entre l’homme et la femme ou celle-ci est-elle culturelle ? La réponse classique apportée par les philosophes[1] était de théoriser une hiérarchie naturelle transposée dans le droit positif. A cette question, Thomas Hobbes (1588- 1679) développe une position unique dans la philosophie classique. Né au XVIe siècle, ayant vécu dans une période politique troublée marquée par la succession des règnes de Jacques VI et Ier, Charles Ier et sa chute, Charles II, l’auteur du Léviathan ou Traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la république ecclésiastique (en anglais :Leviathan, or The Matter, Forme, & Power of a Commonwealth Ecclesiasticall and Civil, 1651) considère une femme tout aussi légitime qu’un homme pour gouverner un pays. Mais, au-delà de la situation exceptionnelle et particulière qu’incarne la monarque, Hobbes insiste sur le caractère conventionnel de la domination d’un sexe sur l’autre. C’est en considérant l’autorité parentale que Hobbes formule son argument sur l’égalité des sexes. Il note dans De Cive, au chapitre IX consacré au « droit des parents sur leurs enfants et [à] la royauté patrimoniale »[2] : « l’enfant qui vient de naître est de prime abord au pouvoir de la mère plutôt que de tout autre, de sorte qu’elle peut soit l’élever, soit l’exposer, comme elle le désire et ce, légitimement »[3]. Il réaffirme sa thèse dans le Léviathan : si la mère « en prend soin, l’enfant lui doit la vie, et se trouve donc obligé de lui obéir plutôt qu’à qui ce soit d’autre »[4]. La différence entre les sexes n’est pas suffisante pour assurer la domination naturelle des hommes sur les femmes. Pourquoi le serait-elle pour garantir la domination dans le mariage ?
Dans les débats théologiques et sociaux de l’époque, la question de savoir si la femme est incluse dans l’idée d’être créé à l’image de Dieu est centrale. Les contemporains de Hobbes affirment une asymétrie de valeur entre l’homme et la femme. Dans son ouvrage publié en 1558, The First Blast of the Trumpet Against the Monstrous Regiment of Women, le théologien écossais John Knox (1514-1572) déclare le pouvoir des femmes monarques contraire aux Saintes Écritures. Dieu n’est-il pas le père de tous les hommes, créateur et conservateur de toutes les créatures, et Abraham le père de plusieurs nations ? Le pouvoir serait une prérogative masculine transmise de père en fils depuis Adam. La question de la place accorder à la femme auprès d’un homme de Foi ou de Lettres illustre les tensions entre les visions conservatrices et celles plus progressistes. Juan Luis Vives (1492-1540), philosophe humaniste espagnol, prône l’éducation intellectuelle et morale des femmes dans L’éducation de la femme chrétienne (De Institutione Feminae Christianae, 1523). Le modèle proposé par Vivès s’inscrit dans le cadre traditionnel et les valeurs chrétiennes, un rôle domestique et pieux dévolu à l’épouse.
Faut-il choisir entre les vertus d’une vie académique consacrée à la seule étude et le mariage ? Avec le protestantisme qui s’ouvre au mariage des religieux, le sujet est crucial au sein de l’Église à l’époque[5]. L’humaniste et érudit néerlandais, Daniel Heinsius s’interroge dans Dissertation épistolaire sur la question de savoir si un homme de lettres doit se marier et quel genre de femme il doit épouser. Selon lui, la solution serait de trouver une épouse qui soit une aide domestique, morale et soutienne l’érudit sans le distraire. L’idée d’une femme soumise à l’homme se retrouve chez Richard Cumberland (1632-1718) dans son Traité philosophique des Lois naturelles (De legibus naturae disquisitio philosophica, 1727) qui donne l’autorité au père seul mais aussi chez Robert Filmer (1588-1653) dans Patriarcha (1680) où le pouvoir des patriarches est conçu héréditaire et de droit divin[6].
Au contraire, Hobbes pense les inégalités entre les sexes issues de l’institution. Hobbes insiste sur le caractère conventionnel de la domination d’un sexe sur l’autre. Sa thèse le distingue également de ses successeurs, les contractualistes Locke (1632-1704) et Rousseau (1712-1778). Les théoriciens du contrat pensent l’origine de la société et de l’État venant d’un pacte. Les individus acceptent une limitation de leur liberté en échange de lois garantissant la perpétuation du corps social. S’ils s’accordent sur l’égalité et la liberté des hommes à l’état de nature, seul Hobbes affirme l’égalité entre les sexes.
Dans son œuvre majeure, Traité sur le gouvernement civil (Two Treatises of Government, 1690), Locke réfute le pouvoir naturel du monarque sur ses sujets. Les êtres humains sont libres de disposer d’eux-mêmes et de leurs possessions. Chacun possède le pouvoir de mettre la loi de nature à exécution[7]. Selon Évelyne Pisier et Eleni Varikasil, Locke « est censé avoir ainsi apporté le coup de grâce à la logique patriarcaliste du pouvoir naturel des rois et, du même coup, avoir transformé le mariage en une association égalitaire fondée sur le contrat entre individus libres »[8]. La raison donne un droit et un pouvoir égal de la femme et l’homme sur leur enfant[9] mais deux personnes ne peuvent avoir au même temps une autorité souveraine sur quelqu’un. Au nom de ce principe, Locke légitime la domination conjugale du mari sur la femme et les enfants. Locke écrit : « le droit de gouverner et de décider […] est naturellement le partage du mari, la nature le lui donne comme au plus capable et au plus fort »[10].
En 1762, Rousseau théorise, au livre V de l’Émile, qu’il est dans la nature de la femme de se soumettre et d’accepter l’iniquité de traitement : la « femme est faite pour céder à l’homme et pour supporter même son injustice. Vous ne réduirez jamais les jeunes garçons au même point ; le sentiment intérieur s’élève et se révolte en eux contre l’injustice »[11]. La domination ancienne et répandue des hommes sur les femmes sur la surface de la Terre peut laisser penser à une inégalité naturelle entre les sexes. Le sexe masculin serait-il naturellement supérieur au sexe féminin ?
II. Histoire d’une prise de pouvoir
La souveraineté de l’homme est inscrite dans le droit romain à travers le pouvoir attribué au père sur sa famille, du maître sur ses enfants, ses esclaves, sa femme. À Rome, le pouvoir détenu par le pater familias (père de famille) est appelé patria potestas (pouvoir paternel)[12]. Dans le fond comme dans la forme, la famille romaine est la base de l’Etat romain. La puissance paternelle et conjugale du père est absolue. La Loi des douze tables[13] (Lex Dvodecim Tabvlarvm), rédigée entre 451 et 449 avant J.-C., donne au pater familias le pouvoir de vie et de mort (vitae necisque potestas) sur sa femme, ses enfants et ses esclaves. Elle stipule qu’à la naissance de ses enfants, le chef de famille n’est pas tenu de les élever. Le père peut les abandonner, les vendre ou agrandir sa famille par l’adoption. Le père est le maître absolu chez lui[14]. Le père dirige et conduit la famille selon la loi de sa volonté suprême. La fille seule sort de sa dépendance du maître de maison quand elle se marie ; elle quitte alors l’autorité paternelle pour entrer dans la famille de son époux et lui devenir assujettie, comme auparavant, elle l’était à son père. L’inégalité entre les sexes s’inscrit dans la loi et obtient un fondement juridique.
Les interprétations faites du récit biblique légitiment de même la supériorité masculine. Le recours au « pronom masculin pour désigner Dieu, la traduction d’Adam par “homme” procèdent de l’androcentrisme, […] qui voit l’être humain masculin comme générique et normatif »[15]. Le verset 22 de la Genèse décrit une naissance et l’existence de la femme secondaire à celle de l’homme, issue d’une de ses côtes : « L’Éternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise de l’homme, et il l’amena vers l’homme »[16].
La supériorité de l’homme sur la femme aurait donc un fondement autant juridique que religieux. Hobbes ne nie pas la supériorité sociale des hommes sur les femmes et leurs enfants. Il n’émet aucune critique directe des structures sociales de domination masculine ou du statut subalterne de la femme dans l’Angleterre du XVIIe siècle. Néanmoins, l’idée de hiérarchie naturelle entre les sexes est interrogée. Pour Hobbes, le rôle de maître attribué à l’homme, et celui de sujet à la femme, sont établis par des hommes, non par la nature ou une puissance divine mais par le politique.
III. La culture de la domination
Pour Hobbes, la domination masculine et, par voie de conséquence, la soumission féminine viennent de la convention. Il ne s’agit pas pour Hobbes de nier la différence biologique des sexes, ni de remettre en question le fait que la plupart des hommes disposent d’une force physique supérieure à la plupart des femmes. Des critères physiologiques sont observables et mesurables, la masse musculaire plus importante, la stature plus grande, en moyenne. Cependant, de cette supériorité physique relative ne découle pas une domination juridique. Ce ne sont pas les hommes les plus forts physiquement qui dirigent un État ou règnent sur leurs congénères. La domination d’un homme sur l’autre, d’un sexe sur l’autre, relève d’une construction sociale et politique et non de nature.
Pour Hobbes, les rédacteurs du contrat pensent échapper à une incertitude de fait, la paternité. La soumission des femmes a donc objectif de s’assurer que les enfants élevés seront bien les siens. Hobbes élabore ainsi une généalogie de la domination masculine. Il critique l’argument traditionnel de l’assujettissement naturel des femmes basé sur l’idée que le mari soit le plus fort et le plus intelligent. Il insiste sur le caractère politique de cet assujettissement. L’idée répandue selon laquelle les femmes seraient inférieures par nature aux hommes est remise en question et déconstruite. Au chapitre XX du Léviathan, Hobbes écrit :
Sans doute, certains ont attribué la domination au seul père, alléguant la supériorité du sexe masculin : mais c’est là un faux raisonnement. […] Il n’existe pas toujours, entre l’homme et la femme, une différence de force ou de prévoyance telle que le droit puisse être déterminé sans guerre.[17]
Ainsi que le note Sharon A. Lloyd dans Feminist Interpretations of Thomas Hobbes (2012), le pouvoir de la mère dépend du droit civil. La loi peut donner des droits ou en priver : « si un souverain souhaitait rédiger des lois positives qui donnent du pouvoir aux femmes, la théorie de Hobbes ne lui poserait aucun obstacle »[18], sa conception du droit civil est neutre du point de vue du genre. Comment expliquer le passage d’une égalité naturelle à une inégalité sociale entre hommes et femmes ?
IV. L’évidence de l’égalité naturelle
Pour parvenir à penser les êtres humains avant toute socialisation, Hobbes élabore une fiction, l’état de nature. Cette hypothèse envisage un être humain naturellement asocial. Sans pouvoir souverain ni organisation sociale, la liberté est illimitée. Chacun possède un droit illimité sur lui-même qu’aucune contrainte d’ordre juridique ou éthique ne vient limiter. L’inégalité des forces naturelles est trop faible pour assurer à un individu une domination permanente. L’état de nature est un état de guerre et « il ne semble pas y avoir de raison pour qu’une femme (ou un homme) contracte pour devenir un seigneur sur un nourrisson »[19]. L’hypothèse hobbesienne d’une rivalité perpétuelle entre êtres humains est incompatible avec l’idée d’une sujétion naturelle féminine : « Hobbes insiste sur le fait que la sujétion patriarcale est […] un exemple de droits politiques. Il est le seul à le faire »[20]. Les êtres humains ne deviennent sociables que par accident et par intérêt : « [p]ar nature, nous ne cherchons pas […] des associés, mais l’honneur et le bénéfice que l’on en tire »[21].
Vivre avec autrui impose des limites et, de fait, constitue une entrave à notre liberté. Le pouvoir sur l’autre implique une domination, une conquête. L’état de nature précède celui qui instaure un contrat dans lequel les êtres humains acceptent de limiter leur liberté naturelle au profit d’une liberté civile limitée mais pacifiée. Pour vivre en sécurité, chacun accepte de se dessaisir d’une part de sa liberté individuelle pour établir un contrat. Ce pacte est une production de la raison et sans lois, il n’y a pas d’épouses : « à l’état de pure nature, […] il n’existe pas de lois du mariage »[22]. Par conséquent, « les maris et les épouses, n’apparaissent que dans la société civile et inclut le droit matrimonial. Hobbes suppose que, dans la société civile, la soumission des femmes aux hommes est assurée par […] un contrat de mariage »[23].
De manière générale, Hobbes ne considère pas l’égalité comme une valeur morale mais un fait empirique. Tous les êtres humains sont naturellement égaux, dotés d’une intelligence et force à la naissance plus ou moins équivalente :
La nature a fait les hommes si égaux quant aux facultés du corps et de l’esprit, que bien qu’on puisse parfois trouver un homme manifestement plus fort, corporellement, ou d’un esprit plus prompt qu’un autre, néanmoins, tout bien considéré, la différence d’un homme à un autre n’est pas si considérable qu’un homme puisse de ce chef réclamer pour lui-même un avantage auquel un autre ne puisse prétendre aussi bien que lui.[24]
L’égalité signifie que, chacun dispose des moyens pour soumettre ou même tuer l’autre, par la force ou la ruse. Cette thèse fait du consentement un concept central de la philosophie politique moderne : seule la volonté d’une personne légitime sa soumission à autrui. Avant la parution de ses Réflexions sur le mariage (Some Reflections Upon Marriage, 1700) de Mary Astell (1666-1731) où la théologienne dénonce l’assujettissement des femmes[25], Hobbes affirme l’égalité de nature entre hommes et femmes.
La domination masculine n’est pas innée mais résulte d’une construction. La vision hobbesienne ne divise pas hommes et femmes en deux groupes d’essences différentes du genre humain. Hobbes écrit : « par un droit de nature, l’autorité surl’enfant revient de prime abord à qui, le premier l’a eu en son pouvoir »[26]. Les femmes comme les hommes peuvent se procurer les armes nécessaires pour vaincre un ennemi, ou s’allier à d’autres dans la poursuite de ce but. L’état de nature équivaut à une situation où règne l’anarchie.
Cependant, l’argument hobbesien dans De Cive repose principalement sur la force et le postulat d’une égalité et homogénéité entre les êtres mais ignore la perspective des plus vulnérables. Comme l’écrit Yves Charles Zarka, De Cive laisse « la mère dans un état de semi-servitude au père »[27] lorsqu’elle cède « sa domination originelle pour le bien de la société. La domination opère à travers le concept de propriété. La domination d’un individu sur un autre « s’apparente à celle qu’il a sur les choses en sa possession »[28]. La « volonté du père doit donc être interprétée […] en faveur des garçons »[29], les garçons devant être préférés aux filles « parce que souvent (mais non pas toujours) les garçons sont plus capables de s’occuper des affaires importantes, en particulier des guerres ; ensuite, lorsque la coutume s’est installée, pour ne pas y contrevenir »[30].
Entre De Cive et le Léviathan, la conception politique développée par Hobbes évolue. Dans le Léviathan, les femmes peuvent avoir appartenu à une souveraineté par acquisition avant l’autorisation d’une souveraineté par institution »[31].Grâce aux concepts d’autorisation et d’autorité, de consentement, les « droits sur les personnes deviennent qualitativement distincts des droits sur les choses »[32]. L’autorité relève du transfert de pouvoir et de la légitimation de l’exercice de ce pouvoir sur autrui. L’analogie entre l’autorité et le droit de possession permet à Hobbes de justifier l’autorité du souverain qui repose sur un transfert de pouvoir, légitime et nécessaire pour garantir paix et sécurité dans une société. Hobbes précise que la domination « s’acquiert de deux façons : en engendrant et en subjuguant »[33]. La domination paternelle « dérive du consentement de l’enfant, explicite ou manifesté par des preuves suffisantes »[34]. Celui qui a autorité s’engage à assurer la sécurité et la personne protégée à lui obéir : « le droit de possession est appelé empire sur une chose [dominion], le droit d’accomplir quelque action est appelé AUTORITÉ »[35]. L’autorisation découle d’un accord rationnel : « lorsque l’acteur conclut une convention, il lie par là l’auteur tout autant que celui-ci qui l’avait conclue lui-même, et le soumet, tout autant, à toutes les conséquences de celles-ci »[36].
Par ailleurs, Hobbes rappelle que « l’inégalité des forces naturelles est trop légère pour que l’homme puisse obtenir le pouvoir sur la femme sans guerre »[37]. Les lois de la nature imposent une seule exigence aux contractants, rechercher la paix avec les autres sur un pied d’égalité. Rien ne justifie qu’une femme abandonne de son plein gré tout droit ou tout pouvoir sur son enfant. Elle l’a porté durant neuf mois, le met au monde, lui prodigue les premiers soins. Si la supériorité n’existe pas à l’état de nature, comment expliquer l’inégalité dans les droits et les statuts entre femmes et hommes dans la société ? Pour quelle raison l’homme exercerait son autorité sur l’enfant ? La réponse hobbesienne est sans ambiguïté : « S’il n’y a pas de contrat, la domination appartient à la mère »[38].
V. Soumission féminine et maternité
Qu’est-il arrivé à ces femmes libres, combatives et égales aux hommes pour disparaître du contrat social ? Les lois et la coutume accordent à l’homme des privilèges et des avantages dont il bénéficie, et relèguent la femme dans une position subalterne et de soumission. La source de l’autorité parentale est le bien de l’enfant : le droit d’être obéi par l’enfant revient à la personne qui le protège. Dans une association, il faut un pouvoir ultime de décision qui exclut une égalité entre homme et femme au niveau conjugal ou parental mais avant l’institution d’un Etat, il n’y a pas d’inégalité de droit au moment du pacte. De fait, si la mère prend soin de l’enfant, « il lui doit la vie, et se trouve donc obligé de lui obéir plutôt qu’à qui que ce soit d’autre ; en conséquence c’est à elle qu’appartient la domination de l’enfant »[39].
En effet, pour Hobbes, la domination maternelle sur l’enfant n’est pas sempiternelle. L’enfant, à l’instar de tout être humain, « doit en effet obéir à celui qui préserve sa vie »[40] et « prend soin de lui »[41]. Si la mère l’abandonne, elle perd ce droit sur l’enfant. De même, si elle se soumet à une autre autorité que la sienne, dans le cadre d’un contrat de mariage, sa subordination au père de son enfant s’applique également à celui-ci. Cependant « si le père est assujetti à la mère (par exemple, quand une reine souveraine épouse un de ses sujets) l’enfant est soumis à celle-ci, parce que le père lui est également assujetti »[42], l’argument hobbesien établit une réciprocité entre hommes et femmes que le mariage brise si la femme s’avère n’être pas une monarque à la tête d’un royaume. Le statut et le contrat déterminent la place et le pouvoir de chacun dans la société. L’échange au cœur du système contractualiste est un échange simultané. Hobbes établit que chaque individu est propriétaire et personne n’aliénerait sa propriété à moins que l’échange ne soit égal.
Pourquoi les femmes consentiraient à un contrat de mariage inégal ? Hobbes insiste sur le fait que la sujétion patriarcale est un exemple de droit politique. La politologue anglaise Carole Pateman souligne cette singularité dans The Sexual Contract paru en 1988 : « les théoriciens classiques affirment que les femmes n’ont naturellement pas les attributs et les capacités »[43] des hommes. Ils mettent en avant l’argument de la supériorité de corps et d’esprit de l’homme sur la femme[44]. Les femmes « ne font pas partie du contrat originel par lequel les hommes transforment leur liberté naturelle et leur sujétion »[45].
VI. L’autorité parentale
Selon Hobbes, le pouvoir est indivisible. Ce n’est pas le père qui, en raison d’une supposée supériorité naturelle, obtient l’autorité parentale. L’autorité parentale ne peut être partagée sous peine de conflit et, par conséquent, ne pas assurer la sécurité des personnes sous autorité. Pourtant, pour donner naissance à un enfant : « il y a toujours deux parents, […] la domination de l’enfant devrait donc appartenir aux deux »[46] mais « ceci est impossible, car nul ne peut être soumis à deux maîtres »[47]. Par conséquent, la volonté masculine d’assujettir les femmes viendrait de la volonté de contrôler le pouvoir des femmes, celui de donner la vie : « Si la mère est assujettie au père, l’enfant est au pouvoir de celui-ci »[48]. Le pacte tacite à l’origine de la société entre les hommes et les femmes implique le consentement des femmes à leur asservissement. En se soumettant au pouvoir du père, la mère se déprend de son autorité.
La conjecture la plus plausible pour Hobbes de ce consentement à un contrat inégal vient de la maternité. Durant leur grossesse, les femmes sont vulnérables. Si le fait de porter la vie leur donne un pouvoir, elles se trouvent en position de faiblesse d’un point de vue tant physique que psychologique. Mettre au monde un enfant entraine des répercussions chez la femme enceinte qui dépassent le bouleversement hormonal. Outre la métamorphose du corps, il y a la responsabilité de porter la vie. Être mère est un devoir qui détermine la manière d’être au monde. Par la maternité, la femme s’assure une place dans la société et dans la famille. Il revient à la descendance de pérenniser le nom, la postérité d’une ligne. Aussi, la peur des fausses couches, de mettre en danger l’enfant, d’altérer par mégarde sa constitution exerce sur la femme une pression. Cela amoindrit sa marge de manœuvre et la conduit à rechercher quelqu’un qui la protège. Ce besoin d’être défendue et ce désir de sécurité représentent un désavantage pour les mères. Cela facilite leur conquête. Chacun « a le droit de se servir de sa propre raison, à l’heure du danger, pour sauver sa vie par la fuite ou par la soumission »[49].
L’être humain « est censé promettre obéissance à celui qui a le pouvoir de le sauver ou de le perdre »[50]. Les femmes se soumettent pour ne pas mourir et garantir la protection de l’enfant à naître. Elles échangeraient leur souveraineté sur elle-même et l’enfant contre sécurité et protection. L’alternative entre la soumission et la mort n’est pas un choix libre. Néanmoins, une convention faite sous contrainte demeure une convention valide, l’état de guerre permanent originel exige la convention et son acceptation par les contractants. Pour Carole Pateman, la « formation de la « famille » à l’état de nature illustre l’hypothèse de Hobbes selon laquelle, lorsque des individus contractent entre eux, leurs motifs ne font aucune différence dans la validité du contrat. Le fait en soi que le contrat ait été « voulu » est suffisant »[51].
Pour que règne la paix, un pacte doit s’élaborer sur lequel se fonde l’autorité de l’État. Le contrat est conclu entre pères de famille et les femmes en sont exclues. Hobbes remarque : « dans la plupart des cas les Républiques ont été fondées par les pères »[52]. Donc, « dans la plupart des cas (pas toujours, cependant) la sentence est favorable au père, parce que dans la plupart des cas les Républiques ont été fondées par les pères, parce que dans la plupart des cas »[53]. Néanmoins, Hobbes observe : « en plusieurs endroits, des femmes détiennent le pouvoir souverain »[54]. Il peut prendre l’exemple du pouvoir politique britannique, étant né sous le règne d’Élisabeth 1ère, reine d’Angleterre et d’Irlande (1558-1603). Hobbes en déduit : « Si un homme et une femme, monarques de deux royaumes distincts, ont un enfant, et qu’ils passent un contrat pour déterminer lequel des deux aura la domination, le droit de domination est transmis par le contrat »[55]. En l’absence de contrat, le lieu de résidence de l’enfant déterminera la personne à qui se soumettre, à laquelle des souverainetés il se soumet, l’autorité maternelle ou paternelle : « le souverain de chacun des deux pays exerce sa domination sur tous ceux qui résident dans celui-ci »[56].
Dans la majorité des situations, la personne détentrice du pouvoir est un homme. La raison semble que ce soit à partir d’un pacte conclu entre hommes que sont édifiés les Etats. Dès lors, les lois ont été écrites par les hommes pour les hommes. Le droit positif inscrit l’autorité paternelle. La mère perd son pouvoir sur l’enfant. Hobbes écrit : « dans un Etat, s’il y a un contrat d’union entre un homme et une femme, les enfants qui naissent appartiennent au père parce qu’en tous les Etats (qui, comme on le sait, ont été fondés par les pères et les mères de famille) le pouvoir domestique appartient à l’homme »[57]. Ce contrat « s’appelle un MARIAGE »[58]. Hobbes ajoute que dans le cadre d’une absence de contrat, lorsque les parents vivent en concubinage, « les enfants appartiennent diversement soit à la mère soit au père, dans la mesure où les lois civiles varient selon les États »[59].
La mère transfère sa domination originelle au père lorsqu’elle se trouve sous la domination d’un autre ou au nom du bien de la société. Epouse et enfants se trouvent donc sous le joug du chef de famille. L’égalité naturelle des sexes se confronte à une inégalité sociale :
Le droit de domination issu de la génération est celui que le parent a sur ses enfants ; on parle de domination PATERNELLE. Ce droit ne dérive pas de la génération, en ce sens qu’il appartiendrait au parent de dominer son seul enfant du seul fait qu’il l’a procréé.[60]
Hobbes ne dénonce pas l’inégalité d’un tel contrat liant l’homme et la femme. Il semble y avoir une contradiction dans la réflexion. S’il considère les femmes comme libres et égales aux hommes dans l’état de nature, il postule sans explication apparente leur soumission au pouvoir masculin dans l’état civil. Dans son article Rethinking the sexual contract: The case of Thomas Hobbes[61], Lorenzo Rustighi déduit trois conclusions de ce paradoxe apparent : pour Hobbes, il y a un « contrat sexuel » mis en lumière par Pateman, le patriarcat est inséparable de la logique de l’autorité politique, une critique du pouvoir patriarcal implique celle de la conception de la politique moderne. La structure théorique hobbesienne fondée sur les concepts de souveraineté et de contrat peut autant servir à perpétuer les hiérarchies de genre qu’être une base pour repenser les relations de pouvoir entre hommes et femmes.
VII. Le modèle des Amazones
Pour nourrir sa réflexion politique, Thomas Hobbes intègre la question des Amazones à deux reprises, dans De Cive et le Léviathan. Il considère ce qui est d’ordinaire appréhendé sous l’angle de la légende ou d’un récit mythologique avec sérieux. Hobbes intègre les Amazones dans son système philosophique et donne en exemple le modèle qu’elles incarnent. Il s’oppose ainsi à une tradition hostile à ces femmes dont les philosophes parlent à peine. Platon mentionne dans Les loisles Amazones. Comme « les femmes Sauromates, qui, comparées aux autres femmes, pourraient passer pour des hommes »[62], le propre des Amazones est leur adresse et leur art de la guerre. Elles savent « se servir de l’arc, […] lancer un trait avec adresse, ou prendre le bouclier et la lance, à l’exemple de Pallas, s’opposer généreusement au ravage de la patrie, et jeter du moins la terreur parmi les ennemis, lorsqu’ils les verront marcher à eux en bon ordre »[63].
Or, Hobbes montre les Amazones comme des mères autonomes et indépendantes. Il écrit : « des femmes (à savoir les Amazones) ont autrefois mené des guerres contre leurs ennemis et disposé de leurs progénitures comme bon leur semblait »[64]. Le cas des Amazones est une sorte d’épreuve théorico-pratique pour Hobbes dont l’enjeu concerne le rapport hommes-femmes au sens politique, dans l’organisation de la vie sociale comme sur le plan personnel et intime. Le terme « Amazones » en est venu à décrire tout groupe constitué uniquement.de femmes-guerrières, que leur existence soit confirmée ou qu’elle soit le plus souvent fantasmée.
Dans la mythologie grecque, les Amazones sont un peuple de femmes guerrières à cheval. Elles sont mentionnées dans l’Iliade, en tant que personnages de fiction, par Homère, au VIIIe siècle avant J.-C. Au-delà de l’aspect mythologique, des historiens suggèrent que les Amazones pourraient correspondre aux femmes guerrières des peuples scythes et sarmates. La tradition les situe dans le nord de l’Anatolie, le sud de la Scythie, l’actuelle Ukraine, ou en Afrique du Nord, à l’Ouest de la Libye antique. Elles apparaissent dans le Léviathan, au chapitre XX, consacré la domination paternelle et despotique : « on lit dans les historiens que les Amazones passaient un contrat avec les hommes des pays voisins, auxquels elles avaient recours pour s’assurer une progéniture, contrat selon lequel la progéniture mâle était renvoyée aux pères, alors que la progéniture féminine restait avec elles »[65].
L’autorité de l’homme, le pouvoir du père et du mari, jusqu’alors incontestée et indiscutable est mise à mal par l’exemple amazonien : « à l’état de nature, au cas où un homme et une femme s’unissent en une société telle que nul n’est au pouvoir de l’autre, leurs enfants appartiennent à la mère […] à moins que des pactes ne prévoient autrement »[66]. Hobbes explicite : « [u]ne mère peut en effet, par des pactes, disposer comme elle le souhaite de son droit, à la manière des Amazones, qui jadis remettaient à leurs voisins les garçons qu’elles avaient eus d’eux mais gardaient pour elles-mêmes les filles, selon un pacte qu’elles avaient conclu »[67].
Si elles font figure de minorité politique, les Amazones sont des femmes autonomes, indépendantes, insoumises.
Avec les Amazones, Hobbes démontre que notre société se fonde sur un imaginaire collectif non interrogé, un contrat dont les conditions ne sont pas honnêtes pour tous. Les hommes se sont légalement octroyé le droit de s’approprier cette donnée naturelle qu’est la reproduction en la réglementant et la contrôlant. Le cas des Amazones est exemplaire en ce qu’il met en lumière un autre modèle : « le fait de mettre au monde rend mère et en même temps maîtresse[domina] »[68]. Hobbes récuse l’assertion selon laquelle : « ce n’est pas la mère, mais le père qui devient le maître en raison de la supériorité de son sexe »[69]. Il est catégorique, cela « ne vaut rien »[70]. Hobbes énonce une évidence contre la convention. Durant la grossesse et à l’accouchement, le cordon ombilical relie la mère à l’enfant. La seule chose dont on soit sûre est la mère : « à l’état de nature il n’est pas possible de savoir quel est le père de l’enfant, si ce n’est sur l’indication de la mère. C’est donc la mère qui décide de qui il est l’enfant, c’est donc à elle qu’il appartient »[71]. Ce « ne sont pas alors leurs maris qui disposent des enfants mais elles-mêmes, ce qui se fait en pleine conformité avec le droit de nature, puisque les personnes qui ont le pouvoir souverain ne sont pas tenues par les lois civiles »[72].
De la philosophie humaniste et de l’exemple amazonien se dégagent deux prémisses importantes. Pour Hobbes, il y a une égalité des sexes et les Amazones sont tout autant mères que femmes guerrières[73]. Hobbes se penche, de manière originale et singulière sur la dimension maternelle des Amazones. Elles ne sont pas réduites à l’image de guerrières à cheval. D’ordinaire, elles sont décrites munies d’un arc, de flèches et d’un carquois, un sein en moins pour dégager le mouvement du bras. Elle se sont mutilées pour mieux combattre. L’analyse des Amazones par Hobbes renverse les préjugés perpétués par le droit et la coutume. Le pouvoir est héréditaire[74], il se transmet et si, à la tête de l’Etat ou d’un peuple, se trouve une femme, rien ne différencie celle-ci d’un homme. Pour Hobbes, rien ne s’oppose à ce qu’un Etat ait à sa tête une femme. Le récit des Amazones libres et autonomes interroge la division des rôles au sein de la société ; la force et la politique ne sont pas l’apanage des hommes.
VIII. Retrouver le pouvoir en changeant de contrat ?
En effet, l’histoire des Amazones touche un point sensible d’un système politique gagné à la cause d’un souverain par l’acceptation d’une inégalité de droit. Le contrat n’est pas négocié par tous et toutes. Cela implique que l’inégalité politique constitue la paix et si l’on suit le raisonnement, que l’égalité naturelle est source de guerre. Toutefois, Hobbes dénonce l’arrogance des hommes qui ne se reconnaissent pas égaux une fois posées les conditions de la paix. Les femmes sont cantonnées en leurs foyers par leurs maîtres après l’édification de l’État (Commonwealth). Y-a-t-il eu résistance à cette répartition des tâches et face à cette asymétrie de pouvoir entre femmes et hommes ? Il semble que, pour Hobbes, la majorité des femmes aient accepté d’obéir aux règles des hommes en raison de leur nécessité d’une protection durant la maternité.
La domination paternelle offre des parallèles avec la domination despotique. Une « grande famille […] est une petite monarchie, dont le père de famille, ou le maître de maison, est le souverain »[75]. Cependant, Hobbes montre les limites du parallèle : « la famille n’est pas à proprement parler une république, à moins qu’elle ne possède, grâce au nombre de ses membres ou à d’autres avantages, un pouvoir tel qu’on ne puisse la réduire sans s’exposer aux incertitudes de la guerre »[76].
Une guerre des sexes non terminée reconduirait à un état de nature auquel chacun doit vouloir échapper. Le contractualisme ne suffit pas. Il faut aussi se donner les moyens conceptuels pour penser une égalité sans que celle-ci mène à l’affrontement entre les contractants, hommes et femmes.
IX. Conclusion
En définitive, sur la question du rapport hommes/ femmes, la contribution de Hobbes est majeure et avant-gardiste. Il se déprend des stéréotypes et refuse la supériorité d’ordinaire attribuée à l’homme. L’apport théorique de Hobbes apporte une réponse à l’un des problèmes que pose notre héritage philosophique : que faire des présupposés et propos sexistes dont regorgent les œuvres classiques ? Faut-il les interdire pour s’en affranchir et faire table rase de ce qui a précédé ? Ce n’est pas ce que suggère Hobbes. Comme le prouve son recours au mythe des Amazones, l’histoire comme l’art ou la politique ouvre un champ de réflexion. A nous de les interpréter.
Pour Hobbes, à l’état de nature il n’y a pas plus de domination masculine que de soumission féminine. La subordination des femmes aux hommes qui donne le rôle de maître à l’homme et de sujet à la femme résulte de l’origine de l’édification des Etats, le plus souvent masculine. L’inégalité entre les sexes résulte non de caractéristiques innées. La sujétion des femmes est due à des lois matrimoniales issues de décisions politiques. Le contrat montre que les lois humaines ne sont pas des commandements divins. Loin d’être gravées dans le marbre, elles sont écrites avec de l’encre et, dès lors, soumises aux changements et aux évolutions.
Hobbes n’appelle pas au relativisme mais à la compréhension des mécanismes à l’œuvre dans la société et les êtres. En démontrant l’égalité naturelle entre êtres humains et l’inégalité entre hommes et femmes instituée par le droit, il amène à réfléchir sur le rapport hommes / femmes dans la société civile et pose les bases d’une renégociation d’un tel pacte. Dans sa logique, il suffit de remplacer les dispositions préjudiciables aux femmes par l’institution par des structures favorables aux deux sexes et inscrire dans la Loi la souveraineté de chaque être sur lui-même pour qu’hommes et femmes soient égaux en fait et en droit.
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[1] Descartes, en dissociant l’âme du corps, n’opère pas de hiérarchie entre les hommes et les femmes comme en témoigne sa correspondance avec Elizabeth de Bohême, et à ce titre peut être considéré en faveur d’une égalité. Cependant, Descartes, parlant de son Discours de la méthodeainsi que de la Dioptrique et des Météores à un père jésuite, confie que « c’est un livre où il a voulu que les femmes mêmes pussent entendre quelque chose » (voir Adam Charles, « Descartes et sa correspondance féminine », Revue internationale de l’enseignement, n° 91, 1937, p. 5-16).
[2] Thomas Hobbes, Du citoyen, Paris, Flammarion, 2010, IX, p. 208.
[3] Ibid., IX, 2, p. 209.
[4] Thomas Hobbes, Léviathan, Paris, Dalloz, 1999, XX, 12, p. 209.
[5] Dans De la foi en Dieu, ou si les moines qui prennent femme gardent la foi en Dieu, le théologien catholique Martin Becan (1563-1624) explore les implications du mariage pour les membres du clergé, la capacité de femme en tant qu’épouse de clerc à influencer ou renforcer la foi de son époux.
[6] « Kingly Power is by the Law of God, so it hath no inferiour Law to limit it. The Father of a Family governs by no other Law than by his own Will; not by the Laws and Wills of his Sons or Servants » (Robert Filmer, Patriarcha, or the Natural Power of Kings, London, R. Chiswell, 1680, III, 1, p. 78).
[7] Voir John Locke, Traité du gouvernement civil, 2ème éd. corrigée, Paris, Garnier-Flammarion, 1992, II, 13, p. 22.
[8] Evelyne Pisier et Eleni Varikas, « De l’invisibilité du genre dans la théorie politique. Le débat Locke/Astell » dans Janine Mossuz-Lavau, Christine Bard et Christian Baudelot (dir.), Quand les femmes s’en mêlent. Genre et pouvoir, Paris, La Martinière, 2004, p. 65.
[9] Voir John Locke, Traité du gouvernement civil, VI, p. 52. Dans Du droit de la nature et des gens (en latin : De jure naturae et gentium, 1672), Samuel von Pufendorf (1632-1694) distingue l’indépendance de l’état de nature et la société civile. Dans le premier cas, l’enfant est à la mère. Dans l’autre cas, les stipulations de la convention passées entre le père et la mère déterminent lequel a autorité sur l’enfant.
[10] John Locke, Traité du gouvernement civil, VII, 82, p. 56.
[11] Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l’éducation, Paris, Flammarion, 2009, V, p. 407.
[12] Voir Yan Thomas, « Vitae necisque potestas. Le père, la cité, la mort », dans AA.VV., Du châtiment dans la cité. Supplices corporels et peine de mort dans le monde antique. Table ronde de Rome (9-11 novembre 1982), Rome, École française de Rome, 1984, p. 499-548.
[13] Elles constituent le premier corpus de lois romaines écrites.
[14] Loi des XII tables (vers 451-449 av. J.-C.), table V,1 : « Les Anciens voulurent que les femmes, même majeures, restassent en tutelle en raison de leur légèreté d’esprit […] à l’exception des vierges vestales » (en latin : […] feminas, etiamsi perfectae aetatis sint, in tutela esse […]exceptis virginibus Vestalibus).
[15] « The use of the male pronoun for God, the translation of Adam as “man”, and the question “is woman included in the image of God in man?” proceed from androcentrism, the masculine perspective of viewing the male human being as generic and normative » (Maryanne Cline Horowitz, « The image of God in man—is woman included? », The Harvard Theological Review, vol. 72, n° 3/4, 1979, p. 176).
[16] « Et l’homme dit : voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair ! On l’appellera femme, parce qu’elle a été prise de l’homme » (Genèse 2 : 22-23, trad. Louis Segond).
[17] Thomas Hobbes, Léviathan, XX, 9, p. 209.
[18] « If a sovereign desired write positive laws that empowered women, Hobbes’s theory would pose no barrier to doing so. […] His theory is, with respect to civil law, gender neutral. The law can empower them, or disempower them » (Sharon A. Lloyd, « Power and Sexual Subordination in Hobbes’s Political Theory », dans Nancy J. Hirschmann et Joanne H. Wright (dir.), Feminist Interpretations of Thomas Hobbes, University Park, Penn State University Press, 2012, p. 58).
[19] « Hobbes’ assumption that all individuals are completely self-interested, there seems no reason why any woman (or man) would contract to become a lord over an infant » (Carole Pateman, The Sexual Contract, III, p. 49, notre traduction).
[20] « Hobbes insists that patriarchal subjection is […] an example of political rights. He stands alone in this » (Carole Pateman, The Sexual Contract, III, p. 50, notre traduction).
[21] Thomas Hobbes, Du citoyen, I, 2, p. 96.
[22] Thomas Hobbes, Léviathan, XX, 12, p. 209.
[23] « Marriage, and thus husbands and wives, appear only in civil society includes the law of matrimony. Hobbes assumes that, in civil society, the subjection of women to men is secured through contract; not an enforced “contract” this time, but a marriage contract » (Carole Pateman, The Sexual Contract, III, p. 48, notre traduction).
[24] Thomas Hobbes, Léviathan, XIII, 1-3, p. 121.
[25] En 1694, son ouvrage Serious Proposal to the Ladies for the Advancement of their True and Greatest Interest présente un plan pour un collège exclusivement pour femmes. Elle est l’une des premières femmes anglaises à promouvoir l’idée que les femmes méritent tout autant une éducation que les hommes.
[26] Thomas Hobbes, Du citoyen, IX, 2, p. 209.
[27] James Griffith, « Les trois modes de domination », dans Yves-Charles Zarka et Liang Pang (dir.), Hobbes. Le pouvoir entre domination et résistance, Paris, Vrin, 2022, p. 57.
[28] Ibid., p. 42.
[29] Thomas Hobbes, Du citoyen, IX, 16, p. 216.
[30] Ibid., IX, 16, p. 216-217.
[31] Ibid., IX, 16, p. 216.
[32] Ibid., IX, 2, p. 209.
[33] Thomas Hobbes, Léviathan, XX, 7, p. 208.
[34] Ibid, XX, 7, p. 208.
[35] Ibid., XVI, 13-14, p. 163.
[36] Ibid., XVI, 16-18, p. 163.
[37] Thomas Hobbes, Du citoyen, IX, 3, p. 210.
[38] Thomas Hobbes, Léviathan, XX, 12, p. 209.
[39] Thomas Hobbes, Léviathan, XX, 13, p. 209.
[40] Ibid., XX, 13, p. 210.
[41] Ibid., XX, 14.
[42] Ibid.
[43] Carole Pateman, The Sexual Contract, Stanford, Stanford University Press, 1988, I, p. 6.
[44] Carole Pateman, The Sexual Contract, III, p. 51
[45] « With the exception of Hobbes, the classic theorists claim that women naturally lack the attributes and capacities of “individuals”. Sexual difference is political difference between freedom et subjection. Women are not partly to the original contract through which men transform their natural freedom and subjection » (ibid., notre traduction).
[46] Thomas Hobbes, Léviathan, XX, 8, p. 209.
[47] Thomas Hobbes, Léviathan, XX, 8, p. 209.
[48] Ibid., XX, 13, p. 210.
[49] Ibid., XX, 62, p. 215.
[50] Ibid., XX, 13, p. 210.
[51] « The formation of the “family” in the state of nature illustrates Hobbes’ assumption that, when individuals contract with one another, their reasons for doing so make no difference to the validity of the contract; the fact that the contract has been “willed” into being is sufficient » (Carole Pateman, The Sexual Contract, III, p. 61-62).
[52] Thomas Hobbes, Léviathan, XX, 9, p. 209.
[53] Ibid.
[54] Ibid.
[55] Thomas Hobbes, Léviathan, XX, 15, p. 210.
[56] Ibid.
[57] Thomas Hobbes, Du citoyen, IX, 6, p. 212.
[58] Ibid.
[59] Ibid.
[60] Thomas Hobbes, Léviathan, XX, 7, p. 208.
[61] Voir Lorenzo Rustighi, « Rethinking the sexual contract: The case of Thomas Hobbes », Philosophy & Social Criticism, vol. 46, n° 3, 2020, p. 274-301.
[62] Platon, Les lois, Paris, Pichon, 1832, livre VII, 806b, p. 46.
[63] Ibid.
[64] Thomas Hobbes, Du citoyen, IX, 3, p. 210.
[65] Thomas Hobbes, Léviathan, XX, 11, p. 209.
[66] Thomas Hobbes, Du citoyen, IX, 6, p. 211-212.
[67] Ibid., IX, 6, p. 212.
[68] Ibid., IX, 3, p. 210.
[69] Ibid.
[70] Ibid.
[71] Ibid.
[72] Ibid.
[73] Voir Cécile Voisset-Veysseyre, Hobbes philosophe redoutable ? Des Amazones et des hommes, ou le contrat selon Hobbes, Paris, L’Harmattan, 2008.
[74] « Celui qui exerce la domination sur l’enfant l’exerce sur les enfants de l’enfant, et sur les enfants de ceux-ci. […] Sans cela, la domination ne […] recouvrirait aucune réalité » (Thomas Hobbes, Léviathan, XX, 16, p. 210).
[75] Ibid., XX, 58-59, p. 214.
[76] Ibid., XX, 61, p. 214.