Insuffisance des droits, ambivalence des obligations : Onora O’Neill et la justice globale
Juliette Monvoisin est une ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, et agrégée de philosophie. Elle est actuellement doctorante à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne au sein du laboratoire NoSoPhi (ISJPS), et affiliée à l’Institut Convergence Migrations. Ses recherches portent sur la philosophie des migrations et les questions de justice globale.
Résumé
L’article examine les principes de la justice globale d’Onora O’Neill à l’aune de sa théorie des obligations. A partir d’un détour par la philosophie kantienne, dont O’Neill est une spécialiste renommée, il analyse la façon dont la proposition d’un renversement du paradigme des droits moraux vers celui des obligations morales intervient en réponse à l’insuffisance des chartes proclamant le caractère universel des droits sociaux. Il procède ensuite à un examen critique de la transposition d’une analyse morale de la détermination des obligations au domaine de la justice globale, où les agents sont souvent collectifs (États, O.N.G.s, entreprises transnationales) et enclins à se décharger de leurs responsabilités. L’article se propose donc de donner un aperçu au lecteur francophone de la théorie des obligations d’Onora O’Neill, tout en contribuant au débat concernant le lien entre droit et morale en politique et la distribution des responsabilités à l’échelle globale.
Mots-clefs: Onora O’Neill – obligations – droits – justice globale – agentivité.
Abstract
This article analyzes Onora O’Neill’s principles of global justice in the light of her theory of obligations. Drawing from Kantian philosophy, of which O’Neill is a well-known scholar, it examines in what sense the proposition to replace the paradigm of moral rights with a paradigm based on moral obligations responds to the inadequacy of the universal declarations of social rights. It then critically examines the transposition of a moral analysis of obligations to the field of global justice, where agents are often collective (States, NGOs, transnational corporations) and inclined to offload their responsibilities onto others. The article thus aims to provide the French-speaking reader with an overview of Onora O’Neill’s theory of obligations, while contributing to the debate on the relation between law and morality in politics and the distribution of responsibilities at a global level.
Keywords: Onora O’Neill – obligations – rights – global justice – agency.
Introduction
Dans Debating the Ethics of Immigration, Phillip Cole interroge la différence de traitement entre émigration et immigration en droit international : si on a théoriquement le droit de quitter n’importe quel État, tous les États n’ont pas l’obligation de nous laisser entrer[1]. L’interprétation classique de cette asymétrie, rappelle-t-il, consiste à dire que le droit de partir impose une obligation à un seul État particulier, de sorte que nous savons d’emblée qui a le devoir de satisfaire ce droit, tandis qu’un éventuel droit universel à immigrer, bien que ne pouvant être revendiqué qu’à l’encontre d’un seul État à la fois, imposerait une obligation à tous les États. Cette différence est cruciale car, alors que la plupart des droits universels imposant des devoirs à tous les agents sont « négatifs », au sens où ils n’exigent des agents obligés que la non-intervention (le droit universel de ne pas être tué impose à tous les agents de ne pas tuer), un éventuel droit à immigrer serait à la fois « négatif », puisqu’il impliquerait de ne pas être empêché de passer, et « positif », puisqu’il exigerait de la part de l’État de destination, quel qu’il soit, un ensemble d’actions liées à l’accueil de l’individu dans la société et à la protection de ses droits.
C’est justement sur ces deux aspects, l’indétermination et le caractère positif, que s’appuie la critique qu’adresse la philosophe Onora O’Neill aux droits sociaux universels : d’un côté, ils nécessitent une intervention positive de la part d’agents particuliers pour fournir des biens et des services, et de l’autre, parce qu’universels, ils ne fournissent pas les instruments nécessaires à l’identification précise de ces agents. En réponse à cette critique, elle propose d’opérer un renversement en considérant les obligations comme plus fondamentales que les droits, et en les fondant sur la capacité d’agir concrète des agents. Or, cette réponse est loin d’aller de soi si l’on considère avec Hohfeld que, dans la sphère juridique, droits et obligations sont les deux termes d’une même relation : les droits ne sont rien d’autre que des relations juridiques corrélés à des obligations et impliquant nécessairement deux parties. Une telle proposition est d’autant plus déroutante que l’idée que les droits impliquent d’emblée des obligations corrélatives est ce qui sous-tend sa critique des droits sociaux universels : c’est parce qu’aux droits sociaux universels ne correspond en réalité aucune obligation qu’on peut remettre en doute leur existence. Dès lors, l’idée du primat des obligations sur les droits ne paraît pas satisfaisante : pourquoi un élément aussi massif du diagnostic d’O’Neill disparaîtrait-il de l’énoncé de la solution ? Que peut bien signifier, dans ce contexte théorique, la nécessité d’un renversement du paradigme des droits au profit d’un paradigme fondé sur les obligations pour penser la justice globale ?
Cet article a deux objectifs. Premièrement, il s’efforce de répondre à cette interrogation à partir d’un détour par la philosophie kantienne, dont O’Neill est une spécialiste renommée. L’hypothèse que je vais défendre consiste à dire que, si d’un point de vue légal, l’idée du primat des obligations sur les droits n’a pas de sens, du point de vue moral, ce renversement ne fait en réalité que décrire la mise en œuvre de n’importe quel principe pratique dans des circonstances particulières. Dire que les obligations morales sont plus importantes que les droits, c’est comme dire que l’impératif catégorique n’a d’importance qu’en tant qu’il donne forme aux maximes de mes actions : c’est affirmer que les droits sociaux, considérés d’un point de vue moral, n’ont de sens qu’en tant qu’ils sont mis en œuvre dans des contextes particuliers. A partir de là, il s’agit de procéder à un examen critique de l’application politique que fait O’Neill de la théorie des obligations qu’elle forge dans un contexte moral, en montrant notamment les limites de la transposition d’une analyse kantienne de la détermination des obligations au domaine de la justice globale, où les agents sont souvent collectifs (États, O.N.G.s, entreprises transnationales) et enclins à se décharger de leurs responsabilités.
I. Une critique des droits sociaux universels
L’hypothèse de départ d’O’Neill, classique du point de vue de la tradition anglo-américaine, consiste à dire que les droits ne sont « qu’un aspect de la relation normative existant entre les porteurs de droits et les porteurs d’obligations » : les droits que personne n’est obligé de respecter doivent être considérés comme nuls et non avenus[2]. Dans cette perspective, il est absurde et vide de sens de proclamer l’existence de droits universels à des biens ou des services sans montrer « ce qui lie chaque porteur de droits à un porteur d’obligations spécifique »[3]. Elle reprend ainsi la conception hohfeldienne des droits juridiques selon laquelle les droits ne sont rien d’autre que des relations juridiques impliquant nécessairement deux personnes ou parties. Droits et obligations sont donc des termes corrélatifs : le corrélatif du droit de X à ce que Y ne franchisse pas le seuil de sa propriété équivaut au devoir de Y de ne pas y entrer. Plus encore : droits et obligations désignent la même chose, d’abord du point de vue d’une personne, puis de l’autre ; lorsqu’il y a atteinte à un droit (au sens restreint de « claim », de réclamation : à distinguer des droits compris comme des « libertés », où la thèse de la corrélation est critiquable), il y a violation d’un devoir (ou d’une obligation, les deux termes étant ici considérés comme synonymes)[4]. C’est pourquoi les droits universels, s’ils existent, doivent pouvoir être traduits en obligations garantissant concrètement la réalisation des droits pour tous.tes. En outre, à des droits juridiques ne peuvent correspondre que des obligations juridiques, et inversement : la corrélation entre droits et obligations doit être « adéquate »[5].
Ce sont ces éléments d’analyse bien connus, impliquant une distinction importante entre droits et obligations juridiques d’une part, droits et obligations moraux d’autre part, qui conduisent O’Neill à critiquer les déclarations ou chartes proclamant l’existence de droits sociaux censés valoir universellement et indépendamment des conventions. En effet, en vertu de la théorie des correspondances, si les droits sociaux humains ne sont pas créés artificiellement par des conventions, les obligations qui leur correspondent ne peuvent pas avoir de portée juridique. D’un autre côté, si on dit que ces obligations sont aussi pré-institutionnelles que les droits, le problème qui se pose est celui de leur répartition. Alors qu’il est aisé de dire que, d’un point de vue pré-institutionnel, tout le monde est tenu de ne pas tuer, il est beaucoup moins aisé de savoir qui est obligé de fournir à tous.tes des biens et des services : la réalisation des droits sociaux suppose par définition l’existence d’institutions socio-économiques et légales spécifiques.
On le voit, les chartes universelles sont porteuses d’une ambivalence fondamentale : la portée des droits qu’elles énoncent est théoriquement universelle, mais leur réalisation dépend de l’appartenance des individus à des institutions particulières (en particulier de leur citoyenneté). Dès lors, les obligations particulières éventuellement mises en œuvre par les États signataires afin de réaliser les droits sociaux de certains individus correspondent non pas aux droits moraux universels proclamés dans les chartes, mais bien à des droits légaux particuliers inscrits dans leur propre code juridique : ce sont des « créatures conventionnelles » relatives aux institutions de l’État concerné[6].
II. Juridiciser les droits sociaux universels ? Un problème d’idéalisation
La question qui se pose alors est celle de la possibilité de fonder des droits moraux universels dont le droit (positif) international pourrait se faire authentiquement le réceptacle : ce serait la seule façon de garantir aux droits sociaux universels des obligations correspondantes, et donc de les faire exister réellement. De facto, les déclarations des droits sociaux universels ne fondent pas d’obligations juridiques ; mais serait-il néanmoins possible, de jure, de les transposer dans le droit positif, par exemple par l’institution de tribunaux internationaux en mesure de punir l’absence de mise en place d’un accès à l’éducation ou à des structures de santé pour tous.tes ? Au-delà des contraintes pratiques, peut-on théoriquement envisager un droit universel à l’éducation ou au logement juridiquement institué ? Ces interrogations sont d’autant plus importantes que, pour O’Neill, il est primordial que les normes pratiques soient capables d’influencer le cours des actions et qu’elles ne se contentent pas de les décrire[7].
Pour répondre à ces questions, posons le problème en sens inverse : qu’est-ce qui pourrait s’opposer à la juridicisation des droits sociaux universels ? Un premier obstacle envisageable est l’incapacité structurelle des chartes universelles à se traduire en obligations particulières du fait d’un excès d’abstraction : les déclarations des droits humains seraient vouées à demeurer lettre morte parce qu’elles omettraient des aspects cruciaux des problèmes à résoudre, tels que les circonstances qui importent dans leur mise en œuvre. C’est notamment l’objection opposée par Edmund Burke aux déclarations des droits humains[8]. Cependant, selon O’Neill, l’abstraction n’est en aucun cas un obstacle à la mise en pratique, au contraire : sa thèse de doctorat, réalisée sous la direction de John Rawls, portait précisément sur le problème de savoir comment accommoder l’universalité des principes, dont l’impératif catégorique de Kant, à la particularité d’actions spécifiques. Dans le livre qui en est issu, Acting on Principle, ainsi que dans le plus récent ouvrage From principles to practice – Normativity and Judgement in Ethics and Politics, elle souligne que, alors que les principes, ou normes universelles, qui formulent des exigences censées informer l’agir, sont indéterminés, les actions à accomplir sont non seulement particulières, mais déterminées dans tous leurs aspects[9]. Il existe selon elle deux raisons à cela. Premièrement, l’abstraction est, prise au sens strict, inévitable dans tout raisonnement articulé (aucun usage du langage ne peut être entièrement déterminé ou coller complètement au réel) : un principe, du fait même qu’il s’exprime par des mots, est par définition abstrait, c’est-à-dire qu’il est voué à « mettre entre parenthèses la référence explicite à certaines caractéristiques de l’objet dont il est question »[10]. Deuxièmement, seules les normes abstraites sont susceptibles d’avoir une large portée. C’est pourquoi aucun principe ne peut préciser toutes les conditions limites ou tous les détails de sa propre mise en œuvre dans des contextes variables : il ne peut offrir qu’une raison d’effectuer un certain type d’action, et non une raison d’effectuer tel acte particulier.
Il n’y a donc rien à objecter à des principes très abstraits ; dès lors, on ne voit pas bien en quoi l’abstraction des droits sociaux universels pourrait empêcher ces derniers d’être inscrits dans un code juridique particulier, pourvu que les institutions productrices de droit existent à l’échelle globale. En revanche, selon O’Neill, la plupart des objections à l’encontre des principes éthiques sont en réalité dirigées non pas contre l’omission de certaines caractéristiques des actions à accomplir, mais inversement contre l’inclusion de certaines hypothèses fausses[11]. C’est plutôt ce procédé, qu’elle appelle l’idéalisation[12], qui pourrait éventuellement empêcher la transformation des droits moraux universels en relations juridiques. Ainsi, O’Neill attribue la défaillance des chartes des droits sociaux universels non pas à un manque, un trop peu, mais à un excès : il y entre des hypothèses fausses qui empêchent le passage de l’universel au particulier.
A quelle sorte d’idéalisation les déclarations des droits sociaux universels ont-elles recours ? L’idéalisation tient avant tout à une erreur d’ordre métaphysique, consistant à faire croire que tous les individus ont naturellement, de façon pré-institutionnelle, des droits sociaux. Pour O’Neill, cette hypothèse est doublement fausse. Premièrement, elle voit mal comment une approche centrée sur l’individu pourrait servir de base à une pensée de la justice dans l’utilisation des biens collectifs et publics. Il paraît en effet difficile de théoriser en termes de droits individuels et impartageables, des problèmes liés à la création et à la préservation de biens sociaux, qui, eux, « ne peuvent pas être attribués à des individus ou divisés entre eux »[13]. Deuxièmement, dire que les droits individuels sont naturels ou pré-institutionnels implique l’existence de faits indépendants des principes du raisonnement pratique, pouvant être exposés sans controverse. Or, selon O’Neill, aucun système métaphysique ni aucune découverte empirique ne fournit les fondements du raisonnement pratique : sa théorie est en cela radicalement constructiviste. D’ailleurs, si ces droits naturels existaient réellement, il serait possible d’identifier des entités à qui il reviendrait naturellement de les réaliser. Or, en ce qui concerne les droits sociaux, il est le plus souvent « impossible de déterminer précisément quelle action de l’individu nuit ou blesse quelles autres personnes, et donc difficile de discerner qui pourrait avoir des droits de recours contre qui »[14].
En somme, tant que les droits sociaux seront pensés comme des droits individuels et naturels, la distribution des obligations correspondantes sera condamnée à demeurer indéterminée. En l’état, il semble impossible non plus seulement d’un point de vue pratique, mais aussi théoriquement, de transformer en droits juridiques corrélés à des obligations légales les droits sociaux tels qu’ils sont énoncés dans les déclarations universelles. L’enjeu est alors de déterminer comment le principe moral selon lequel certains groupes d’individus devraient être pourvus d’un certain nombre de biens sociaux reconnus comme particulièrement fondamentaux peut être réalisé concrètement. Mais la philosophe ne nous laisse pas démuni.es face à ces interrogations : elle considère en effet qu’il existe un moyen de réaliser le but visé par les déclarations universelles des droits sociaux, et que ce moyen nécessite de considérer que les obligations sont premières par rapport aux droits.
III. Le décentrement d’une pensée des droits vers une théorie des obligations
Comme nous l’avons vu, dans le cadre juridique hohfeldien, les droits légaux ne sont rien d’autre que des relations juridiques, impliquant d’emblée des obligations corrélatives. Du point de vue de la théorie du droit endossée par O’Neill, parler d’obligations fondamentales plutôt que de droits universels ne peut donc pas être une solution ; c’est pourquoi le renversement opéré ne peut avoir de sens que du point de vue moral. Pour le comprendre, il nous faut d’abord préciser ce que peut bien vouloir dire l’affirmation selon laquelle les droits sociaux sont construits (non naturels) et non individuels. Les deux caractéristiques sont liées, en réalité. Dire que les droits sociaux sont construits, c’est dire qu’il n’y a pas de description unique des « faits » que seraient par exemple les besoins des êtres humains, mais que toute définition des droits suppose de se coordonner avec d’autres agents rationnels. C’est le résultat d’une telle coordination, réalisée en fonction des capacités et des matériaux dont les agents humains disposent réellement, que devraient exprimer d’éventuelles déclarations des droits sociaux. Elle permet notamment, dans le cas qui nous intéresse, de garantir le choix de principes qu’on peut suivre collectivement, ce qui implique deux choses : premièrement, que le principe en question n’exige pas de l’agent une action qu’il ne peut pas exécuter, et deuxièmement, qu’il soit tel que tous les agents puissent l’adopter ensemble de manière cohérente. Les droits sont alors construits en ce qu’ils sont l’aboutissement d’une délibération pratique, et non individuels au sens où leur détermination est toujours d’emblée collective.
C’est ici qu’intervient selon moi le renversement nécessaire du paradigme des droits au paradigme des obligations. Contre les chartes critiquées par O’Neill, qui prétendent décrire un substrat sous-jacent observable chez tout être humain, il s’agit de déterminer les droits sociaux à partir de ce que peuvent faire concrètement les agents dans le contexte où ils se trouvent. Considérer les obligations comme premières revient alors à s’intéresser aux circonstances permettant de protéger certains intérêts estimés a posteriori (au terme d’une délibération entre agents rationnels) comme plus importants ou plus fondamentaux que les autres, et ce pour un groupe plus ou moins large.
Comment O’Neill opère-t-elle ce renversement ? Pour le comprendre, il nous faut revenir à son interprétation de la philosophie kantienne. En effet, dans le livre issu de sa thèse, elle analyse le concept de maxime, qui est le principe subjectif permettant de « mettre en œuvre (enact) les principes dans des situations particulières »[15]. C’est ce concept qui explique comment on passe de la norme universelle au particulier : contrairement au principe objectif, la maxime se réfère nécessairement « à une personne, et donc à un lieu et à un moment »[16]. Il existe donc deux façons de se rapporter aux principes moraux. Premièrement, d’un point de vue extérieur, on peut ne les envisager que comme des normes universelles : il est alors possible de les accepter dans l’absolu, indépendamment des situations particulières, sans que cette acceptation extérieure constitue en elle-même une raison subjective d’agir. Deuxièmement, d’un point de vue intérieur, ce sont des normes qui nous concernent directement, et que l’on se doit de mettre en œuvre concrètement dans certaines circonstances. Il s’agit bien de la même norme universelle, considérée tantôt objectivement comme un principe valable pour tous les agents à tout moment, tantôt subjectivement comme une prise de position normative, un engagement vers l’action.
Faire primer les obligations implique alors pour O’Neill de s’intéresser à ce point de vue interne, c’est-à-dire à la façon dont les normes morales nous regardent dans un certain contexte social et institutionnel. Cela ne signifie pas que les principes objectifs et généraux (par exemple la conviction qu’un des intérêts fondamentaux de tout enfant est d’aller à l’école) soient faux ; simplement, tant que l’agent porteur de l’obligation morale de les réaliser (d’améliorer l’accès à l’éducation) n’a pas été identifié, ils ne définissent pas réellement de droits. Pas plus que dans le cadre juridique hohfeldien, il n’y a dans la théorie d’O’Neill d’écart entre le droit et l’obligation. Le droit ne contient rien de plus que l’obligation, il se constitue en même temps qu’elle ; mais c’est bien à partir de l’obligation morale, qui elle-même dépend d’une évaluation interne de la capacité d’action des agents, que se construit cette adéquation. C’est en ce sens que la théorie des obligations d’O’Neill fonctionne « dans une perspective d’agentivité (agency) »[17]. Partant d’une prémisse de départ, la capacité d’agir, qui constitue le plus petit dénominateur commun entre tous les agents moraux et qui a suffisamment d’évidence pour que personne ne puisse s’y opposer rationnellement, elle en déduit que les agents « peuvent avoir des obligations si et seulement s’ils ont les capacités adéquates pour remplir ou s’acquitter de ces obligations »[18]. Autrement dit, il n’est possible d’attribuer des obligations spécifiques à des agents que s’ils sont susceptibles de les satisfaire. Mais il ne s’agit pas simplement pour O’Neill de dire que devoir implique pouvoir : les agents ont aussi, symétriquement, l’obligation de « tirer parti des opportunités qui se présentent à eux » pour contribuer à la justice[19]. Le raisonnement est familier : si les Sociétés Trans-Nationales (STN) sont souvent critiquées au motif qu’elles utilisent leurs capacités au profit de l’injustice, c’est parce qu’on suppose justement que, précisément en raison de leur « poids considérable », elles sont sujettes à certaines obligations morales (refus de se rendre complices de certains types de corruption, respect de normes environnementales décentes, etc.)[20].
Mais le lien entre agentivité et obligations morales se noue aussi d’une autre façon, peut-être plus inattendue. A partir du constat que tous les agents ont une capacité d’agir limitée, et ce à des degrés divers, O’Neill déduit que ce qui compte comme coercition, manipulation, destruction, varie aussi selon les personnes : il peut être plus facile de blesser celles dont la santé et/ou les capacités sont fragiles[21]. Dès lors, les obligations envers les autres doivent aussi « varier en fonction de leurs capacités »[22] – lesquelles peuvent être limitées non pas seulement en raison d’une contrainte active de la part d’autrui, mais pour des raisons aussi diverses que la pauvreté, le handicap, l’âge, etc. Les obligations auxquelles sont soumis les agents qui en sont capables consistent alors à « mettre en place des stratégies et des politiques qui leur permettent de devenir et de rester des agents »[23]. Ainsi, alors que les théories des droits partent du principe que tous les êtres humains naissent avec des droits égaux, et voient leur non-respect comme un préjudice causé par quelqu’un (ce qui rend très difficile le traitement de maux tels que la pauvreté, « dont la causalité est complexe et obscure »), la conception d’O’Neill part des inégalités de fait, et s’interroge sur la façon de les traiter sans qu’elles deviennent des injustices ou pour qu’elles cessent de l’être. Ce faisant, elle permet d’identifier à la fois l’objet et le contenu des obligations.
Une approche fondée sur les obligations permet ainsi de partir d’une caractérisation banale des capacités des agents et des conditions d’action. Pour savoir quoi faire, il suffit de se poser la question : quel agent a la capacité de faire quoi pour augmenter la capacité d’agir de qui ? En outre, en s’adressant directement à ceux qui peuvent, elle prend acte du fait que ce sont eux qui « peuvent produire ou refuser des changements »[24] : autrement dit, s’interroger sur les obligations (morales), c’est commencer par se demander ce qui doit être fait, et ainsi « privilégier l’action et la production »[25]. Par contraste, selon elle, une attention exclusive portée aux droits (moraux) va à l’encontre de la nature fondamentalement active des êtres humains, et échoue à les considérer pleinement comme des agents : en privilégiant la réception et la revendication, elle « détourne l’attention des capacités d’action »[26].
En admettant le bien-fondé de cette critique, probablement trop rapide si l’on se réfère par exemple au cadre de la « choice theory of rights », qui stimule au contraire le choix individuel puisque le porteur de droits a entre ses mains le pouvoir de demander son dû ou de plutôt lever l’obligation[27], une telle approche ne va pas sans susciter certaines interrogations. En effet, si O’Neill parle bien d’obligations morales et non juridiques, il reste la question de savoir par quel procédé concret il est possible de déterminer le contenu d’obligations dont aucune voie procédurale n’identifie les spécificités. Comment faire la part entre incapacité objective et mauvaise volonté ? Et quel rapport au futur implique une telle conception de la potentialité ? Faut-il comprendre la capacité comme une latence, une possibilité dormante mais prête à être actualisée à tout moment, ou comme une possibilité abstraite, qu’un agent serait théoriquement en mesure d’acquérir à force d’efforts prolongés ? On peut également interroger le lien entre obligations morales telles qu’on vient de les définir, et ordre juridique. S’agit-il d’identifier des obligations morales pour pouvoir ensuite fonder des relations juridiques garanties par le droit ? Après tout, le propos d’O’Neill prétend résoudre des problèmes de justice globale, où les enjeux d’application des obligations sont encore plus cruciaux qu’ailleurs : on ne voit pas pourquoi elle chercherait à critiquer les chartes des droits sociaux universels pour leur inadéquation et leur incapacité à influencer le réel, si la théorie des obligations qu’elle propose n’était pas censée réussir sur ce même plan.
IV. Entre droit et morale: l’ambiguïté des obligations de justice
On peut chercher une réponse à ces questions dans la distinction que fait O’Neill entre obligations de justice de premier et de second ordre, que l’on trouve dans ses analyses de la justice globale. Les obligations dites de premier ordreconsistent à appliquer directement les normes de justice ; les obligations de second ordre, elles, exigent de mettre en place, généralement à l’aide de moyens de coercition, des structures capables de répondre aux exigences des principes de justice[28]. Dans cette perspective, les agents moraux, quels qu’ils soient, peuvent être investis de deux types d’exigences différentes : soit celle de se plier aux obligations qui les concernent, soit celle de mettre en œuvre les structures institutionnelles permettant de répartir les obligations.
Cette distinction permet à la théorie des obligations d’O’Neill telle que nous venons de la décrire d’émettre un diagnostic sur la politique globale : pour elle, la division du travail moral qui règne à l’échelle globale est fondée sur l’hypothèse fausse selon laquelle les États seraient toujours les « meilleurs agents de justice disponibles »[29]. Selon le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC), notamment, adopté par les membres de l’ONU en 1966, les États parties de la convention sont censés à la fois « garantir » les droits reconnus pour tous les individus sur leur territoire et sujets à leur juridiction, c’est-à-dire assigner librement les obligations de premier ordre aux agents de justice, s’assurer de leur respect, et sanctionner leur éventuel non-respect au moyen de la coercition (obligations de second ordre) ; et les « respecter », autrement dit réaliser effectivement les obligations de premier ordre qui leur correspondent[30]. Dans le cas du droit au logement, par exemple, un État devrait à la fois se charger de fournir des logements à tous.tes les citoyen.nes (c’est-à-dire construire des logements sociaux en quantité suffisante, financer la mise à disposition des abris d’urgence de qualité acceptable, limiter les procédures d’expulsion, etc.), et se sanctionner lui-même en cas de non-respect.
O’Neill ne nie pas qu’idéalement, les États devraient être les agents de justice en charge de mettre en œuvre les deux types d’obligations. Le problème, c’est que depuis la rédaction du PIDESC, il est devenu clair qu’un grand nombre d’entre eux n’ont développé la capacité ni « de s’acquitter (…) des obligations de justice » (de premier ordre), ni « d’assigner efficacement des obligations » (de second ordre)[31]. En outre, certains pays, même parmi les pays riches, parce qu’ils sont dotés de gouvernements « voyous (rogue) », n’ont pas manifesté la volonté de rendre les droits sociaux effectifs. Enfin, le pouvoir des acteurs non étatiques, comme des entreprises transnationales, ou celui des agents au sein de l’État usurpant leurs prérogatives (cartels de drogue ou militaires de haut rang), a parallèlement grandi au détriment de celui des acteurs étatiques, privant ces derniers de la capacité de satisfaire leurs obligations[32].
Le point de vue selon lequel les États auraient à la fois la volonté et les capacités de s’acquitter ou d’assigner à d’autres toutes les obligations de la justice, est donc dû à une idéalisation des États. Si on prend au sérieux le lien entre obligations morales et capacités établi par O’Neill, il devrait s’agir au contraire pour chaque agent de déterminer ce qu’il peut faire, et donc ce qu’il est obligé de faire, afin d’améliorer l’agentivité des personnes qui sont dans sa sphère d’influence. Ce qui veut dire par exemple que des Organisations Non-Gouvernementales (O.N.G.), dont le rôle est limité sur le territoire d’États dotés de capacités importantes et bien coordonnées, peuvent se retrouver soumises à des obligations de justice aussi bien de premier que de second ordre dans des États faibles, dès lors que leur action n’y est pas limitée par les contraintes qui restreignent habituellement les acteurs non étatiques[33]. Lorsque le pouvoir est dispersé et en partie privatisé, les acteurs non étatiques tels que les O.N.G. ou même les sociétés transnationales peuvent se trouver en mesure d’assumer beaucoup d’aspects des obligations de justice d’ordinaire endossés par les États lorsqu’ils fonctionnent bien[34]. Ce qu’il faut alors prendre en compte, ce n’est pas leur motivation supposée, qui est le plus souvent opaque, mais bien « ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire »[35].
Outre qu’il soit curieux de justifier moralement une situation de fait pour le moins problématique, il me semble que ce passage de l’analyse morale à l’analyse politique est peu convaincant, en ce qu’il joue d’une certaine confusion entre droit et morale à travers la notion même de « justice ». En effet, si les obligations dites de second ordre ne semblent entrer dans aucun ordre juridique déterminé, et peuvent être rangées dans la catégorie des obligations morales, celles de premier ordre comprennent à la fois des obligations morales et des obligations juridiques. Certes, pour O’Neill, le cadre juridique étatique peut constituer un moyen de coercition efficace pour faire appliquer les normes de justice. Mais elle précise qu’il n’y a « aucune raison pour que les institutions en réseau ne participent pas elles-mêmes à la négociation et à la réglementation » des normes internationales, ce qui fait que les agents de justice peuvent tout aussi bien être des sociétés transnationales[36]. Puisqu’il ne peut s’agir pour elles de produire de la norme juridique, O’Neill entérine l’existence d’obligations de premier ordre non juridiquement imposées ; ce faisant, elle rejette de fait la possibilité de sanctionner les agents de justice qui n’assument pas leurs obligations de premier ordre.
Une autre ambiguïté réside dans le rapport entre les deux ordres d’obligations : d’un côté, cette apparente hiérarchie donne l’impression d’une interdépendance, les obligations de premier ordre étant définies et réparties par les agents chargés des obligations de second ordre (et c’est en effet le cas « le plus souvent »[37]) ; mais de l’autre, des agents tels qu’une société transnationale peuvent décider de leur propre chef, au vu de leurs capacités d’agir, d’accomplir des obligations de premier ordre.
Ces ambiguïtés amènent à une première objection d’ordre pratique, qui concerne l’efficacité de cette assignation des obligations morales à partir d’une évaluation interne des capacités d’agir des agents. En effet, si c’est aux divers agents qui peuplent la sphère internationale, tels que les États, les O.N.G.s, les entreprises transnationales, qu’il appartient de définir leurs propres obligations de premier ordre en fonction de leurs capacités, rien ne les empêche en pratique de se dégager de la nécessité de fournir des biens et des services en faisant valoir leur incapacité d’agir. Ainsi, le cas des États riches mais voyous, rétifs à augmenter l’accès aux biens sociaux de leurs citoyen.nes, ou celui des sociétés transnationales cherchant à accorder des protections moindres en matière de sécurité sociale au motif d’une concurrence supposée avec d’autres entreprises, sont des exemples évidents de la difficulté qu’il y a à indexer des obligations morales à l’évaluation des capacités d’agir des agents de justice si celles-ci sont sujettes à une évaluation interne des agents ; et O’Neill ne fournit pas d’échelle ou de critère objectif rendant possible leur évaluation externe. Cette difficulté est renforcée par la confusion qu’elle instaure entre porteurs de droits et bénéficiaires : si les droits ne sont plus individuels, on peut tout à fait soutenir que le porteur du droit stricto sensu n’est pas la personne au bénéfice duquel le droit est octroyé. Dans ce cas de figure, les individus dont les capacités d’agir doivent être augmentées ne sont plus nécessairement les « adressataires » des obligations, c’est-à-dire ceux à l’égard de qui les obligations sont dirigées. Or, s’ils en sont les simples bénéficiaires, c’est-à-dire ceux qui en tirent un bienfait, ne peut-on pas reprendre contre elle-même la critique adressée par O’Neill contre les théories des droits, en disant que c’est la philosophie d’O’Neill qui échoue à considérer la capacité d’action de ces individus ?
Une deuxième objection est davantage d’ordre théorique, et concerne la possibilité pour des collectifs de constituer des agents capables d’obligations morales. S’il est possible d’admettre que les États, de même que les entreprises ou les O.N.G.s, sont des personnes morales au sens juridique, et peuvent à ce titre être sujets à des obligations juridiques, la possibilité qu’ils soient des agents moraux pose davantage question. En effet, il a souvent été argué qu’il manquait pour cela aux institutions les aptitudes cognitives et décisionnelles nécessaires pour influencer normativement le cours des actions autrement que par le biais des agents individuels[38]. Si l’on en croit O’Neill, cette objection est destinée à tomber. Selon elle, de nombreuses capacités individuelles « ne naissent que de l’action d’autrui et de la participation à des institutions et à des pratiques » : il y a un sens, nous dit la philosophe, dans lequel on peut dire que « les personnes physiques ont des capacités artificielles »[39]. Les exemples les plus évidents de telles capacités sont celles qui sont liées à des statuts sociaux, qui n’existent qu’en raison d’un rôle attribué par la société, comme le pouvoir de rendre la justice du/de la juge ; mais la plupart des actions, même parmi celles qui ne sont pas directement sociales, ne pourraient être réalisées sans l’existence d’institutions. Autrement dit, les capacités institutionnelles sont autant déterminées par les actions individuelles, que les capacités individuelles le sont par des pouvoirs institutionnels déterminés. Dès lors, il est tout à fait possible de concevoir les États comme des agents moraux capables d’obligations ; et le passage de l’individuel au collectif, s’il constitue un saut, ne semble pas changer la façon qu’a O’Neill d’envisager les obligations morales.
Cette réponse n’est pas tout à fait satisfaisante, dans la mesure où le lien entre capacités et obligations morales implique un rapport à la conscience morale que les agents collectifs ne peuvent par définition entretenir. Si l’on veut rendre plausible une théorie des obligations telle que forgée par O’Neill, qui ne dépende pas d’une instance supérieure productive de norme juridique, il faut prendre au sérieux le fait que les obligations ne deviennent accessibles que d’un point de vue interne et subjectif : mais qu’est-ce que le « point de vue intérieur » d’organisations ou d’États ?
Conclusion
En réalité, le passage du niveau individuel au niveau collectif implique un saut que la méthode constructiviste kantienne ne permet pas totalement d’effectuer. En effet, l’analyse kantienne implique une définition « de bonne foi » des capacités fondant nos obligations morales, sous l’autorité commune de la raison ; or, à partir du moment où l’on transpose ces enjeux en politique, il devient difficile de s’en remettre à la conscience morale des agents. Dès lors, en l’absence de critères permettant d’évaluer la capacité d’agir de chaque entité, on risque de légitimer purement et simplement le désengagement des acteurs de la justice globale, à commencer par les dirigeants corrompus, estimant que les États qu’ils gouvernent sont incapables d’instaurer des structures sociales efficaces. Il semble donc manquer à la théorie des obligations d’O’Neill la construction d’un protocole rationnel, analogue à la position originelle rawlsienne, permettant de définir collectivement les obligations de chaque agent de justice à l’échelle globale. En outre, même si l’on parvenait à rendre effectif le lien entre capacité et obligation pour des agents collectifs, le risque serait d’entériner la privatisation de fait des droits humains, dans des pays où la défense des intérêts fondamentaux des plus vulnérables est déléguée à la bonne volonté des O.N.G.s nationales et internationales. Le problème des chartes universelles, qu’O’Neill critiquait à juste titre, demeure donc, à ce stade, irrésolu.
[1] Phillip COLE et Christopher H. WELLMAN, Debating the ethics of immigration: is there a right to exclude?, New York City, Oxford University Press, 2011, p. 199-200.
[2] Onora O’NEILL, « The Dark Side of Human Rights », International Affairs, vol. 81, no. 2, Sub-Saharan Africa, 2005, p. 430.
[3] Onora O’NEILL, Towards Justice and Virtue, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 131.
[4] Wesley Newcomb Hohfeld, Fundamental Legal Conceptions as applied in judicial reasoning and other legal essays, New Haven, Yale University Press, 1923, p. 38-39.
[5] Onora O’NEILL, « The Dark Side of Human Rights », op. cit., p. 431-432.
[6] Ibid.
[7] Ibid, p. 427-428 ; voir aussi Onora O’NEILL, Acting on Principle – an essay on Kantian Ethics [deuxième édition, 1975], Cambridge, Cambridge University Press, 2013, p. 44.
[8] Edmund BURKE, Reflections on The Revolution in France and on the Proceedings in Certain Societies in London Relative to that Event in a Letter Intended to have been sent to a Gentleman in Paris [1790], Londres, Penguin Classics, 1982, 416 p.
[9] Onora O’NEILL, Acting on principle, op. cit. ; et From principles to practice – Normativity and Judgement in Ethics and Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 2018, 226 p.
[10] Onora O’NEILL, Justice across boundaries: whose obligations?, Cambridge, Cambridge University Press, 2016, p. 142.
[11] Ibid.
[12] Onora O’NEILL, « Justice, Gender and International Boundaries », British Journal of Political Science, vol. 20, no. 4 (Oct., 1990), p. 446.
[13] Onora O’NEILL, « Rights, Obligations, Priorities », op. cit., p. 166.
[14] Onora O’NEILL, Bounds of Justice, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 199.
[15] Onora O’NEILL, Acting on Principles, op. cit., p. 11.
[16] Ibid, p. 62.
[17] Onora O’NEILL, Justice across boundaries: whose obligations?, op. cit., p. 56.
[18] Onora O’NEILL, « Global Justice: whose obligations? », in Deen Chatterjee (ed.), The Ethics of Assistance: Morality and the Distant Needy, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 251.
[19] Ibid, p. 254.
[20] Onora O’NEILL, « Agents of justice », op. cit., p. 193.
[21] Onora O’NEILL, « Rights, Obligations, Priorities », op. cit., p. 170.
[22] Ibid, p. 170.
[23] Onora O’NEILL, Justice across boundaries: whose obligations?, op. cit., p.40.
[24] Ibid, p. 37.
[25] Onora O’NEILL, « Rights, Obligations, Priorities », op. cit., p. 164.
[26] Onora O’NEILL, Justice across boundaries: whose obligations?, op. cit., p. 55.
[27] Je remercie Nicolas Nayfeld d’avoir attiré mon attention sur ce point.
[28] Onora O’NEILL, « Agents of justice », Metaphilosophy, Vol. 32, No. 1/2, 2001, p. 181-182.
[29] Ibid, p. 182.
[30] Onora O’NEILL, Justice across boundaries: whose obligations?, op. cit., p. 140.
[31] Onora O’NEILL, « Global Justice: whose obligations? », op. cit., p. 246.
[32] Onora O’NEILL, Justice across boundaries: whose obligations?, Cambridge, Cambridge University Press, 2016, p. 147 ; voir aussi « Agents of justice », op. cit., p. 182.
[33] Onora O’NEILL, « Agents of justice », op. cit., p. 192.
[34] Onora O’NEILL, « Global Justice: whose obligations? », op. cit., p. 254.
[35] Onora O’NEILL, « Agents of justice », op. cit., p. 193.
[36] Onora O’NEILL, Bounds of Justice, op. cit., p. 185.
[37] Onora O’NEILL, « Agents of justice », op. cit., p. 181-182.
[38] Lire par exemple Bill WRINGE, « Global Obligations and the Agency Objection », Ratio, 23, 2010, p. 217-231.
[39] Onora O’NEILL, « Global Justice: whose obligations? », op. cit., p. 249.