Hannah Arendt, compassion et politique.
« Generally speaking, the role of the ‘‘heart’’ in politics seems to me altogether questionable. »
Dans son ouvrage In Defense of Sentimentality, Robert Solomon affirme que dans la politique contemporaine, la compassion est un sentiment « ridiculisé » voire abhorré[2]. Selon l’auteur, une attitude franchement ambivalente face à la compassion définit non seulement notre vie politique, mais aussi, de façon plus générale, la philosophie morale et politique — où le statut de la compassion serait « anything but obvious »[3]. Cette thèse offre un contraste frappant avec celle de Myriam Revault d’Allones — qui soutient, dans L’homme compassionnel, qu’un violent « déferlement compassionnel » caractérise nos sociétés contemporaines[4]. Le constat de Revault d’Allones rejoint donc, partiellement du moins, celui du philosophe politique Clifford Orwin — qui est l’un des critiques de la compassion les plus chevronnés dans le milieu universitaire aujourd’hui[5]. Ce dernier affirme non seulement que la compassion possède un statut élevé et qui n’est guère controversé, mais aussi qu’elle est aujourd’hui l’objet d’un véritable culte (tant dans nos vies privées que publiques)[6].
Si la compassion est réellement l’objet d’un tel culte, il semble raisonnable de suggérer que le nombre de ses disciples n’a fait que croître dans les dernières années. En effet, si Clifford Orwin pouvait écrire, en 1997, que les « yeux larmoyants et compatissants » étaient un trait caractéristique de la gauche américaine et que les Républicains n’étaient guère affectés de compassion[7], les dernières années semblent avoir brouillé les cartes. De Marvin Olasky à George W. Bush, en passant par le controversé philosophe Roger Scruton, les néoconservateurs tentent désespérément de s’approprier cette vertu. Dans la politique américaine et de plus en plus dans la politique canadienne,[8] la compassion est l’objet d’une lutte troublante entre la gauche et la droite, chaque camp accusant l’autre de faire preuve d’une compassion inauthentique et destructrice pour le vivre-ensemble[9].
Au cœur de cette lutte entre les admirateurs et les critiques de la compassion (que ceux-ci soient à droite ou à gauche de l’échiquier politique), l’autorité d’Hannah Arendt est parfois invoquée — et ce, particulièrement pour les réflexions qu’elle a livrées dans On Revolution[10]. C’est ici, en effet, que l’on trouve une des critiques les plus brutales et célèbres de la compassion dans l’histoire des idées — l’auteure y décrivant la compassion, entre autres, comme « the most powerful and perhaps the most devastating of all passions » (OR 66)[11]. La compassion — comme la plupart des passions — serait, selon Arendt, contraire à la liberté (objet central du projet arendtien, comme l’a bien souligné Francis Moreault)[12] et devrait par conséquent demeurer hors du politique. C’est en grande partie sur la base de cette critique de la compassion (et de sa « forme pervertie », la pitié) que plusieurs interprètes ont affirmé qu’Arendt a tenté de « vider » le politique de son contenu affectif[13]. Or, ce genre d’affirmation ne se trouve pas seulement chez les critiques d’Arendt, mais aussi, chez ses loyaux admirateurs. Par exemple, Deborah Nelson (qui se définit comme arendtienne), affirme qu’il est tout à fait justifié de décrire On Revolution comme « an extended defense of coldness and heartlessness in politics[14] ». Une telle affirmation est-elle tout à fait justifiée ?
Nous tenterons, dans le présent essai, de répondre à cette question, et ce, par le biais d’une analyse détaillée de la critique arendtienne de la compassion. La modeste intention de notre travail est donc d’arriver à mieux comprendre la place et la valeur qu’Arendt assigne aux passions et aux émotions en politique — et plus spécifiquement, à la compassion. Plusieurs ont affirmé que les réflexions d’Arendt sur les émotions, ainsi que celles sur la pauvreté et « le social » (thèmes étroitement liés à la compassion, comme nous le verrons) ont tout simplement été mal comprises[15]. Et pourtant, malgré ce fait, peu de penseurs politiques ont tenté de clarifier l’analyse arendtienne de la compassion (que Georg Kateb considère comme la plus complexe et la plus dérangeante partie de l’œuvre d’Arendt)[16].
Le présent essai vise à souligner deux choses. Premièrement, nous tenterons de démontrer qu’il est incorrect d’envisager Arendt simplement comme une critique implacable de la compassion ou encore comme une ennemie rigide des émotions dans la vita activa. Bien que la philosophe repousse la compassion dans la sphère privée, nous soulignerons aussi le fait que son idéal politique demeure, malgré tout, un idéal affectif. Deuxièmement, nous tenterons aussi d’indiquer brièvement que la critique arendtienne de la compassion est, paradoxalement, assez similaire à l’apologie néoconservatrice de la compassion. Cela ne veut pas dire qu’Arendt devrait être envisagée comme néoconservatrice ; nous sommes plutôt favorables à la thèse de Margaret Canovan[17] qui veut qu’Arendt résiste à toute étiquette politique (comme la philosophe l’avait elle-même suggéré)[18]. Néanmoins, nous croyons qu’il est pertinent d’établir des liens entre la compassion arendtienne et le déploiement néoconservateur de la compassion parce que cela nous permettra de mieux souligner une faiblesse de son projet — une faiblesse qui ne peut simplement être considérée comme une minuscule « erreur » de jugement (comme l’a suggéré Elizabeth Young-Bruel). Hannah Arendt est sans aucun doute une philosophe politique qui a su articuler une apologie de l’action de façon admirablement inspirante. Néanmoins, cette eulogie fut achetée à un trop grand prix et c’est ce prix que nous aimerions souligner à la fin de cet essai[19].
L’insignifiance des émotions
« compassion …. remains, politically speaking, irrelevant and without consequence »
– Arendt, On Revolution, 81
Si Arendt discute brièvement de la compassion dans On Violence et dans ses essais sur Brecht et Lessing, c’est dans On Revolution que l’on retrouve l’analyse la plus soutenue de ce sujet. On y apprend ici que c’est en grande partie l’absence de compassion qui explique le succès (relatif) de la Révolution américaine et « l’échec » de toutes les autres révolutions modernes. Arendt affirme que parce que la pauvreté était plutôt absente en Amérique au 18e siècle, la plus puissante passion qui accompagne la pauvreté (c’est-à-dire la compassion) était aussi absente (OR 66)[20]. Si les Pères fondateurs furent capables de demeurer des « hommes d’action » voués à la cause de la liberté et eurent le bon sens d’embrasser « the age-old rule model of the rule of reason over the passions » (OR 91), les révolutionnaires français virent leur désir de liberté ruiné par leur puissante compassion pour la misère du peuple (OR 249). Depuis lors, déplore Arendt, « the passion of compassion has haunted and driven the best men of all revolutions[21] ».
Si la compassion est la plus destructrice de toutes les passions pour les révolutions, comment Arendt peut-elle simultanément affirmer que la compassion est « politically speaking… irrelevant and without consequence » ? (OR 81) Comment une passion peut-elle être envisagée comme responsable de la Terreur et de tous les échecs révolutionnaires depuis 1789 et, en même temps, être caractérisée comme « sans conséquence » ? Il semble que lorsqu’Arendt affirme que la compassion est « sans conséquence », elle nous présente un énoncé normatif, et non descriptif : l’auteure sait que la compassion peut évidemment avoir de terribles effets, mais que cela ne devrait pas être.
Deux arguments distincts sous-tendent l’affirmation d’Arendt voulant que la compassion soit « politiquement insignifiante ». Premièrement, la philosophe affirme que la compassion est sans conséquence politique puisqu’elle est une passion « muette » (alogos); elle est, pour utiliser la formule d’Arendt, « awkward with words » (OR 81). Ce que les affects et passions peuvent produire, ce sont des sons et des gestes — pas des discours ou des arguments[22]. Arendt croit que les sentiments intenses sont impossibles à communiquer à autrui (HC 51). Cependant, dans d’autres textes, Arendt semble suggérer que certaines « passions politiques » — par exemple, le « goût de la liberté » et l’amour de la distinction — peuvent être loquaces. Il serait justifié de se demander pourquoi la compassion est nécessairement incapable de se traduire en mots, alors que l’ambition et le courage (tous deux envisagés comme « passions »)[23] peuvent enfanter d’éminents discours ? Une réponse partielle pourrait être proposée à partir d’une énigmatique observation faite par la philosophe dans son essai sur Lessing. Arendt remarque brièvement que les passions liées à la joie (susceptibles d’être soumises au partage et à l’ouverture à l’autre) sont plus aptes au dialogue (et donc, potentiellement au politique ?) que celles basées sur la douleur et la souffrance — ces dernières étant manifestement « muettes ».[24] Puisque la compassion est intimement ancrée dans une expérience de la souffrance — il s’agit de souffrir avec l’Autre (OR 76) —, c’est ce qui semble déterminant pour comprendre son caractère silencieux.
Or, comme tout lecteur de La Condition de l’homme moderne le sait bien, le silence n’est guère politique. En effet, c’est la parole qui est absolument essentielle pour l’action, selon Arendt (on pourrait même suggérer que la parole est l’action)[25]. En l’absence de mots — de verbalisation audible —, la persuasion et le dialogue ne sont guère possibles et donc le domaine public ne peut être. Arendt insiste non seulement sur le fait que sans la parole, le politique est impossible (une affirmation plutôt raisonnable) — mais, de façon plus controversée, que sans la parole, les sentiments ne sont guère significatifs :
However much we are affected by the things of the world, however deeply they may stir and stimulate us, they become human for us only when we can discuss them with our fellows… We humanize what is going on in the world and in ourselves by speaking of it, and in the course of speaking of it we learn to be human (MDT 25)[26].
Afin de mieux illustrer son argument relatif au mutisme de la compassion, Arendt fait référence à la compassion de Jésus pour le Grand Inquisiteur (Dostoïevski) et à l’exemple tragique de Billy Budd (Melville) :
Both Jesus’ silence (and kiss) and Billy Budd’s stammer indicate the same, namely their incapacity (or unwillingness) for all kinds of predicative or argumentative speech, in which someone talks to somebody about something that is of interest to both because it inter-est, it is between them. Such talkative and argumentative interest in the world is entirely alien to compassion, which is directed solely, and with passionate intensity, toward suffering man himself; compassion speaks only to the extent that it has to reply directly to the sheer expressionist sound and gestures through which suffering becomes audible and visible in the world (OR 82).
Mettons de côté, pour un bref moment, l’idée que la compassion est « muette », et ce, afin de relever l’importante affirmation mise en avant par Arendt dans ce passage (une affirmation qui différencie l’auteure de la plupart des critiques contemporains de la compassion). Nous y apprenons que la compassion est orientée vers l’autre — qu’elle est une passion capable de désintéressement ou d’altruisme (contrairement à la pitié)[27]. Arendt insiste sur le fait que l’individu qui est animé de compassion devient totalement absorbé par la souffrance et le lot de l’Autre et ainsi, que l’espace mondain entre les hommes, la pluralité, est détruit[28]. C’est ce genre d’objection qui a mené la philosophe Martha Nussbaum à affirmer que la « vraie » compassion nécessite une claire démarcation entre les individus concernés : « If one really had the experience of feeling the pain in one’s own body, then one would precisely have failed to comprehend the pain of another as other »[29].
Si plusieurs étaient tentés d’affirmer que c’est précisément cette expérience de fusion et de partage d’humanité qui rend la compassion appropriée et séduisante pour le vivre-ensemble et la moralité[30], Arendt n’aurait aucune sympathie pour ce genre de logique. Selon elle, la distinction entre soi et les autres est bien trop précieuse pour être ainsi sacrifiée au nom d’une (dangereuse) sentimentalité et communion. Selon Arendt, le monde doit nous assembler, mais aussi nous séparer (HC 52). Or, le grave danger de la compassion, c’est qu’elle échoue misérablement dans l’exécution de cette seconde tâche : la compassion est excessivement intime — sinon, peut-être, excessivement physique (la compassion « strikes one in the flesh », dit Arendt)[31]. Bref, non seulement la compassion est-elle incapable d’arguments et de persuasion, mais pire encore, elle trouve son apogée dans les baisers, les étreintes ou encore, les larmes[32]. Elle doit donc être refoulée dans le cœur de l’homme et dans la sphère privée, loin de la vive lumière du public.
L’éloge prodigué par Arendt à l’endroit de la dignité de l’action est certes séduisant, mais il est accompagné d’un certain mépris (sinon d’une méfiance) par rapport à l’intimité[33] et aux motivations intérieures qui propulsent les acteurs politiques dans le monde — à l’exception de quelques « passions politiques » (c’est-à-dire « le goût de la liberté », l’amor mundi, le désir d’égalité)[34]. Si Arendt croit que les citoyens peuvent montrer leur individualité et leur excellence par des actes et des discours, leurs « qualités psychologiques » et leurs passions ne sont, dans l’ensemble, guère intéressantes[35]. À l’intérieur, Arendt y insiste à maintes reprises, nous sommes tous pareils. Le seul moyen de nous distinguer par notre intérieur (donc, par notre psychologie) serait de souffrir d’une terrible maladie mentale[36]. Voici en fait la deuxième raison invoquée par Arendt pour soutenir l’idée que la compassion est « politiquement sans conséquence » : cette passion (comme la plupart des affects humains) ne permet pas à l’individu de briller, de devenir un héros. Dans The Life of the Mind, Arendt écrit : « Psychology… discovers no more than the ever-changing moods, the ups and downs of our psychic life, and its results and discoveries are neither particularly appealing nor very meaningful in themselves. » (LM 35) Contrairement aux actes, les passions et forces intérieures ne sont « jamais uniques » (HC 206) et donc, ne peuvent être politiques. Alors que le monde psychique décrit par la psychologie est caractérisé par la monotonie et la conformité, le monde de l’action — celui des actes et des gestes — est le seul qui est (potentiellement du moins) caractérisé par la richesse, la virtuosité et la pluralité (LM 35).
En ce sens, on pourrait donc dire qu’Arendt est bien plus machiavélienne qu’aristotélicienne, puisqu’elle place les demandes et les considérations de la gloire, des actes et de la théâtralité[37] bien au-delà de celles de l’âme (ou du souci de l’âme). C’est dans le contexte de ces analyses de la compassion et de l’amour qu’Arendt cite à plusieurs reprises et avec beaucoup d’admiration la célèbre phrase de Machiavel selon laquelle l’homme « doit apprendre à ne pas être bon »[38]. Selon la philosophe, le Florentin avait bien compris que ce qu’il faut dans le monde de la politique, ce ne sont pas les vertus « efféminées » que sont la compassion ou la bonté, mais plutôt une vertu forte et coriace — et surtout, une vertu « démonstrative » (intimement liée au sentiment de bravoure).
Bref, la compassion est « politically irrelevant » selon Arendt parce qu’elle ne peut être entendue, parce qu’elle est trop intime, mais aussi parce qu’elle ne peut être observée : la compassion ne peut se traduire par des signes et des expressions extérieurs qui ont une pertinence politique[39]. Elle ne peut apparaître. Et en fait, si cette « apparition » pouvait se produire par quelconque miracle, la passion serait aussitôt détruite. Comme tout autre acte motivé par la bonté, les gestes de compassions s’évaporent dès qu’ils sont aperçus, selon Arendt : « When goodness appears only, it is no longer goodness… Goodness can exist only when it is not perceived, not even by its author; whoever sees himself performing a good work is no longer good… » (HC 74) Dans son effort pour scinder compassion et politique, Arendt semble en partie motivée par une préoccupation d’inspiration chrétienne — celle qui souhaite que les actes de bonté, de charité et de compassion demeurent secrets et, ainsi, exempts d’orgueil.
La liste des héros d’Arendt ne comprend pas seulement Périclès et Socrate, mais aussi, ne l’oublions pas, Jésus-Christ (le seul être vraiment capable d’une véritable compassion à grande échelle)[40]. Dans le secret et la noirceur de nos vies intimes, la compassion est belle et noble, selon Arendt. Ainsi, logée derrière la véhémente critique de la compassion politique se trouve une apologie (rarement soulignée par les interprètes) de la compassion privée — qu’Arendt désigne comme « the noblest form of passion » (OR 66).
Sophie Bourgault – Université d’Ottawa
[1] Hannah Arendt, The Jew as Pariah, ed. Ron Feldman, New York, grove, 1978, p. 246-247.
[2] Solomon, Defense of Sentimentality, Oxford, Oxford University Press, p. 43.
[4] Mais la philosophe ne rejette pas entièrement la compassion : elle tente de la ‘retravailler’ (à l’aide de Rousseau, Aristote et d’Arendt) afin d’offrir une compassion qui serait respectueuse de la singularité de l’autre. Voir son L’homme compassionnel, Paris, Seuil, 2008.
[5] Voir aussi Richard Boyd, “Pity’s Pathologies Portrayed: Rousseau and the Limits of Democratic Compassion”, Political Theory, vol.32, no.4 (August 2004).
[6] Orwin, “How an Emotion Became a Virtue” and “Moist Eyes—From Rousseau to Clinton”, The Public Interest (Summer 1997), p. 20. (http://www.nationalaffairs.com/public_interest/detail/moist-eyesfrom-rousseau-to-clinton). Pour un traitement plus nuancé du problème de la pitié et de la compassion chez Rousseau, voir Clifford Orwin and Nathan Tarcov, The Legacy of Rousseau, Chicago, University of Chicago Press, 1997.
[8] Rappelons la tentative (à peine dissimulée) de Stephen Harper lors de sa dernière campagne électorale pour remédier à son ‘déficit compassionnel’ par le biais de changements dans sa tenue et par l’adoption de certains arguments épousés par les ‘conservateurs compassionnels’ américains. La compassion a, ainsi, de nombreux admirateurs – tant dans le milieu académique que dans le public de façon générale. Les médias américains se sont récemment intéressés à un soi-disant « Compassion Boom » aux États-Unis, suite à la parution d’un sondage qui concluait la chose suivante : “Compassion counts more than ever” (cf. http://www.parade.com/news/what-america-cares-about/featured/100307-compassion-counts-more-than-ever.html).
[9] E.g. Kathleen Woodward, “Calculating Compassion”, dans L. Berlant ed., Compassion: The Politics and Culture of an Emotion, New York, Routledge, 2004 ou encore Roger Scruton, “Totalitarian Sentimentality”, in The American Spectator (Dec.2009-Jan.2010).
[10] Voir entre autres M. Revault d’Allones, L’homme compassionnel ; Deborah Nelson, “Suffering and Thinking”, in Berlant, Compassion: The Politics and Culture of an Emotion, New York, Routledge, 2004 ; Michael K. Beran, “Conservative Compassion vs. Liberal Pity”, in City Journal (Summer 2003); C. Haroche, “La compassion comme amour social et politique de l’autre au 18è siècle”.
[11] Nous utiliserons les abréviations suivantes dans notre essai : The Human Condition (HC), 2nd ed (Chicago, University of Chicago Press, 1998 ; Men in Dark Times (MDT), London, Lowe & Brydone, 1970 ; On Revolution (OR), New York, MacMillan, 1963 ; Between Past and Future (BPF), New York, Penguin, 2006 ; Life of the Mind (LM), New York, Harcourt Brace, 1978 ; On Violence, New York, Harcourt Brace, 1970.
[12] Voir ‘What is Freedom?’ (BPF) et OR 249. Francis Moreault, Hannah Arendt, l’amour de la liberté. Essai de pensée politique, Saint-Nicolas,: PUL, 2002.
[13] Nous pensons ici, entre autres, à George Kateb, Hannah Arendt. Politics, Conscience, Evil, Totowa, Rowman & Allanheld, 1983 et Hannah Pitkin, The Attack of the Blob.
[14] Nelson, “Suffering and Thinking”.
[15] E.g. Michael Gottsen, The Political Thought of Hannah Arendt, New York, SUNY, 1994. Ou encore Anne Amiel, Hannah Arendt. Politique et événement, Paris, PUF, 1996.
[16] George Kateb, Hannah Arendt, 27.
[17] Canovan, “Arendt as a Conservative Thinker”, in Hannah Arendt: Twenty Years Later, Larry May & Jerome Kohn ed., Cambridge, MIT Press, 1996.
[18] Lors d’une entrevue, Arendt a fait la remarque suivante (qui est désormais célèbre) : “You know the left think that I am conservative, and the conservatives sometimes think I am left or I am a maverick or God knows what. And I must say I couldn’t care less.” Cité dans Canovan, “Arendt as a Conservative Thinker”, 11.
[19] Ainsi, il serait presque juste d’affirmer que le présent essai est une critique du ‘culte d’Arendt’ identifié par Walter Laqueur dans “The Arendt Cult: Hannah Arendt as Political Commentator”, in Journal of Contemporary History, vol.33 (4), 483-496.
[20] La pitié est peut aussi découler de la pauvreté, comme nous le verrons plus loin.
[22] OR 81, 82 ; HC 51. Dans son essai sur Lessing, elle écrit: “The decisive factor is that pleasure and pain, like everything instinctual, tend to muteness, and while they may well produce sound, they do not produce speech and certainly not dialogue.” (MDT 16)
[25] Voir le début du chapitre 5 de HC.
[28] “To live together in the world means essentially that a world of things is between those who have it in common, as a table is located between those who sit around it; the world, like every in-between, relates and separates men at the same time.” (HC 52)
[29] Nussbaum, “Compassion, the basic social emotion”, 35.
[30] Comme l’a suggéré Lawrence Blum, « Compassion », dans A. Rorty ed., Explaining Emotions.
[32] La violence est aussi possible—celle-ci, on le verra, est le résultat de la pitié (une perversion de la compassion selon Arendt).
[33] Seyla Benhabib, Hannah Pitkin and George Kateb par exemple.
[34] OR 280 & HC 41. Pour l’importance de l’amour de la liberté chez Arendt, voir entre autres Francis Moreault, “Hannah Arendt : Erôs de la liberté de penser et amour de la liberté politique”, Horizons philosophiques, vol.11, no.2 (Printemps 2001), 109-129.
[35] Et ce, peu importe leur pureté et intensité. Dans What is Freedom?, Arendt écrit: “Action, to be free, must be free from motive on one side, from its intended goal as a predictable effect on the other.” (BPF, 150)
[37] La polis est définie comme “a kind of theatre where freedom could appear.” (BPF, 152) Pour la gloire, voir entre autres HC 76.
[38] HC 75. “Goodness… is not only impossible within the confines of the public realm, it is even destructive of it. Nobody perhaps has been more sharply aware of this ruinous quality of doing good than Machiavelli, who, in a famous passage, dared to teach men ‘how not to be good’.” (HC 77). Voir aussi MDT 236.
[39] “The inner feeling, since it is without manifestation, is by definition politically irrelevant” (What is freedom?, BPF 145).