2024Recensionsune

Compte rendu critique – Le second âge de l’individu : Pour une nouvelle émancipation.

Print Friendly, PDF & Email

Se dépêtrer de l’individualisme libidinal

Ancien élève-ingénieur des Ponts et chaussées, Lucas Depierre poursuit un doctorat à l’University of Chicago en métaphysique médiévale. Ses recherches portent sur la transmission et la réappropriation de la pensée antique au Moyen-Âge, et plus particulièrement sur la question de l’individuation. Auteur de Une philosophie en archipel (2022), Lettres d’ailleurs (2024), ainsi que d’articles de recherche.

Mark Hunyadi, Le second âge de l’individu : Pour une nouvelle émancipation (Paris : Presses Universitaires de France, 2023), 188 pp.

L’ouvrage est disponible ici.

Résumé

Mark Hunyadi montre d’abord comment s’est tissée l’emprise de l’éthique des droits à partir de l’émergence du nominalisme médiéval : la volonté a été érigée en faculté maîtresse de l’homme, garante de sa liberté, et a instauré un nominalisme des droits individuels qui reste sans réponse devant les défis climatiques et numériques (partie I de ce compte rendu). L’inauguration d’un nouvel âge pour l’individu sera permise par la découverte de « communs de conviction », tels que l’esprit, qu’il s’agit de protéger comme on protège certains fonds marins (partie II).

Le propos est clair, il interpelle et inspire, et seules deux critiques – certes fondamentales – nous semblent y résister. D’abord, la reconstruction historique de cette ambitieuse histoire mentale de l’Occident manque hélas de précision, frôlant l’anachronisme conceptuel et ignorant la rupture cartésienne (partie III). Ensuite, la solution proposée paraît encore toute conditionnée par l’éthique des droits dont elle prétendait se départir. Comme le numérique dont elle veut nous défendre, elle abstrait l’esprit des conditions culturelles où il s’incarne en substituant à un individualisme plat un universalisme idéalisé (partie IV).

Mots-clés : nominalisme, individualisme, volonté, droits naturels, numérique, esprit, commun, philosophie médiévale.

Abstract

Mark Hunyadi first expounds how the influence of the ethics of rights unfolded from the emergence of medieval nominalism: the will was established as the dominant faculty of humans, safeguarding their freedom. It instituted a nominalism of individual rights, devoid of a response to the climate and digital challenges (part I of this article). The inauguration of a new era for the individual will be allowed by the discovery of “communalities of conviction (communs de conviction),” such as the mind (l’esprit), which must be protected as we do for some seabed (part II).

The argument of Mark Hunyadi is clear, thought-provoking, and inspiring, with only two critiques – although fundamental – appearing to resist it. At first, the historical reconstruction of this ambitious mental history of the West unfortunately lacks precision, verging on conceptual anachronism and overlooking the Cartesian rupture (part III). Then, the proposed solution seems still entirely conditioned by the ethics of rights which it sought to depart from. Like the digital it aims to defend us from, this solution abstracts the mind from the cultural conditions in which it is embodied, substituting an idealized universalism for a simplistic individualism (part IV).

Keywords: nominalism, individualism, will, natural rights, digital, mind, communality, medieval philosophy.

Pour citer cet article : Lucas P. Depierre, « Se dépêtrer de l’individualisme libidinal. Compte rendu critique de Mark Hunyadi, Le second âge de l’individu », Implications philosophiques, 2024. https://doi.org/10.5281/zenodo.13144133


 

Mark Hunyadi, professeur de philosophie sociale, morale et politique (Université catholique de Louvain), prolonge avec cet ouvrage l’intuition fondamentale déjà perceptible dans ses précédents textes : faire servir la philosophie appliquée à une théorie critique de l’individualisme contemporain, tel qu’il s’exprime notamment dans le libéralisme. Après avoir dernièrement étudié les révolutions technologiques contemporaines et futures dans Le temps du posthumanisme (2018) et proposé une théorie originale de la confiance dans Au début est la confiance (2020),[1] avec cet ouvrage, Mark Hunyadi se donne pour tâche d’approfondir l’assise historique de son analyse des sociétés contemporaines en décrivant le développement de l’emprise de l’éthique des droits dans celles-ci (partie I de ce compte rendu). Avec un souci louable de ne pas en rester aux analyses théoriques, il propose par la suite de tirer les conséquences concrètes de ses constats (partie II).

Le style clair, concis, direct et inspirant de Mark Hunyadi captive. Les références sont variées et les exemples judicieusement choisis. Bref, le lecteur ne peut rester indifférent devant un texte engageant, ambitieux, et qui ne dédaigne pas de prendre le risque d’une visée pratique et optimiste. Après avoir proposé une série de nuances à la reconstruction d’histoire des mentalités que l’ouvrage échafaude et synthétise (partie III), nous indiquerons les failles que nous semble présenter sa notion d’esprit comme commun de conviction (partie IV).

I. Le premier âge de l’individu

L’ouvrage repose sur la description d’une rupture historique dans le paradigme mental occidental : à savoir, au 14e siècle, le passage du cadre aristotélicien, « une morale sans liberté, et sans volonté » qui imprégnait l’Antiquité et le Moyen Âge (p. 7), à une ère de l’éthique des droits individuels qui caractérise la modernité. La volonté individuelle qui fonde le choix libre devient la faculté suprême de l’homme, et tout problème éthique est par là-même relégué à une discussion sur les droits individuels.

Afin d’assoir son propos sur une caractérisation claire de cette éthique des droits, Mark Hunyadi démontre d’abord dans une analyse tranchante en quoi les paradigmes éthiques contemporains – « libéralisme » (p. 12-13), « minimalisme » (p. 14-16), « libertarianisme » (p. 16-20), « wokisme » (p. 20-23) – se réduisent plus ou moins manifestement à une forme particulière d’individualisme. Ces enfants de l’éthique des droits et du libéralisme ne se proposent pas de finalité positive sinon celle négative de l’absence de tort infligé à l’individu. Il expose ensuite, parmi les mécanismes qu’engendre cette éthique, un triple effet néfaste.

  1. La logique démocratique du contrat social se corrompt en une multitude de contrats anti-sociaux que chacun négocie en vue de son intérêt le plus individuel (p. 39-44).
  2. Le sujet contemporain est victime d’un « effet réversif » (p. 44) par lequel l’emprise de l’individu sur le système devient une emprise du système sur lui. Les droits octroyés à l’individu s’accompagnent d’une dépossession et d’aliénations diverses (p. 44-56).
  3. L’éthique des droits se trouve prisonnière de son incapacité fondamentale – pour ne pas dire définitionnelle – à répondre aux torts engendrés sur l’individu par l’individualisme (p. 57-61). En particulier, on trouve trois principaux effets systémiques dont l’éthique des droits est responsable puisqu’elle en favorise le déploiement par l’effet réversif (ii) : l’emprise du capitalisme numérique, la crise écologique, et la globalisation marchande (p. 27).

Afin d’expliciter tangiblement les préjudices de l’éthique des droits, Mark Hunyadi concentre son argumentation sur le défi éthique du numérique dont il est un des experts francophones. Si le développement du numérique trouve dans l’individualisme de la volonté l’écosystème idéal à son développement, sa prétention à l’accroissement des libertés individuelles reste douteuse. Mark Hunyadi concède que Wikipédia constitue un contre-exemple (p. 67), avant de proposer divers exemples : l’obfuscation ou masquage (p. 71), par laquelle les usages véritables d’une application sont dissimulés ; les facettes oppressives du « capitalisme de la surveillance » (p. 69) ; la « dépendance au supermarché » (p. 73) ; ou encore la nécessité d’établir un Règlement général sur la protection des données (RGPD, p.72). En effet, la nécessité de cette dernière régulation (mise en place en 2018) et la difficulté de sa mise en œuvre témoignent d’une structure sournoise du numérique :  la finalité première de l’outil numérique pour l’utilisateur, en dissimule une seconde, celle du concepteur qui vise « la construction d’opaques banques de données » (p. 68-69). Si elle ne prétend pas à l’exhaustivité, son argumentaire n’élude pas la mention d’autres effets préjudiciables du numérique : « la déshumanisation de pans entiers de la vie sociale, la standardisation des comportements et leur contrôle permanent, l’emprise sur l’attention, la perte de sens et de liberté, » et bien d’autres (p. 166-167).

Mark Hunyadi saisit l’occasion de cette analyse pour repréciser la physionomie du nominalisme contemporain qui, en estompant la différence entre volonté et désir, devient un « nominalisme libidinal » (p. 77). Il étend le sens de l’adjectif psychanalytique à « de la manière la plus large et générale possible, la recherche de satisfactions supposées apporter le plaisir, de quelque nature qu’il soit, corporel, matériel, pratique, psychique, affectif, intellectuel ou spirituel » (p. 82). Plus loin, il décrit ces « bulles de libidinalité » (p. 98) dans lesquelles le Je de l’individu n’est plus confronté à la transcendance d’un autre, et où le soi se prélasse, circonscrit aux limites égoïstes que pose « la satisfaction libidinale de l’esprit » (p. 98). Ces solitudes qui fragmentent l’espace social façonné par le nominalisme contemporain, distinguent en quelque sorte ce-dernier d’avec le nominalisme des médiévaux (p. 127).

II. Le second âge de l’individu

Mark Hunyadi n’entend pas en rester aux abstractions et propose une finalité concrète (p. 122-123) pour sortir du nominalisme de la volonté.  De plus, un enjeu pour lui est d’éviter un discours passéiste ou réactionnaire qui verrait dans la restauration des idéaux du passé la seule issue pour échapper à l’hégémonie nominaliste – tel que ce « mode nostalgique » qu’il reproche à Michel Villey et André de Muralt (p. 128). Plus précisément, il s’agit pour lui non pas d’abroger l’éthique des droits mais de lui retirer sa primauté (p. 158) et d’échapper à la mainmise de son cadre (p. 103). La concrétude de sa solution s’exprime à travers une garantie politique et institutionnelle (p. 150-151), mais ne prétend pas pour autant expliciter tous les détails de son implémentation (p. 145) : il s’agit d’abord d’indiquer une direction. Enfin, il ne prétend pas non plus proposer quelque chose de véritablement nouveau : il entend simplement donner sa place « à ce qui était là dès toujours, mais qui se trouve comprimé, réprimé, étouffé, dévalorisé, écarté, […] » (p. 149).

Sa solution invite à passer d’une éthique de l’individu et de ses droits à une éthique de l’esprit qui ouvre un second âge de l’individu (p. 133). L’ « esprit », semble-t-il, désigne pour l’auteur la vie mentale et spirituelle de l’homme en tant que celui-ci se rapporte à lui-même, aux autres, au monde. Une « éthique de l’esprit » entend donc penser l’agir vis-à-vis de l’esprit, mais aussi l’éduquer, le « restituer à sa vie et à sa téléologie propres » (p. 163).  L’esprit humain – et non uniquement l’individu entouré de ses droits individuels – possède son propre écosystème qu’il faut protéger (p. 168) en le laissant se déployer selon ses propres modalités (p. 149) : « le milieu dans lequel baigne l’esprit conditionne sa vie spirituelle » (p. 168). Or ce milieu se transforme sous l’éclosion du numérique qui va jusqu’à compromettre les ressources les plus fondamentales de l’esprit. Il s’agit donc de faire ce que l’Organisation des Nations Unies a établi en 1982 pour les grands fonds marins qui, comme l’esprit, échappaient à toute législation : les déclarer « patrimoine commun de l’humanité » (p. 168-172). Dans cette « écologie de l’esprit » (p. 176) chacun se trouve encouragé à préserver l’esprit, comme on souhaite le faire de la nature, dans « une nouvelle intelligence des limites, » puisqu’il s’agit de notre patrimoine commun – ce que Hunyadi nomme un « commun de conviction » (p. 128). Cette notion lui est propre, tandis que la réflexion éthique et philosophique sur la notion de « patrimoine commun de l’humanité » (au-delà des limites de la discussion sur son cadre juridique) constitue un thème post-colonial classique dès les années 60.[2] Aux « communs d’agrégation » qui fourmillent dans l’éthique des droits dont le paradigme juxtapose des volontés individuelles, Mark Hunyadi oppose les « communs de conviction » qui orientent l’action humaine « de l’intérieur », en proposant une finalité qui transcende la somme des volontés individuelles (p. 128-131). S’inspirant des comités bioéthiques, il faudrait alors créer un « Conseil de la protection de l’esprit » (p. 172) qui, sans censurer (p. 176), laisserait l’esprit évoluer par lui-même à partir de son propre « inépuisable potentiel de contrefactualité [de propension à dépasser le fait] » (p. 179). Une telle institution – « cousin[e] de l’Autorité des fonds marins » (p. 172) – aura à charge de protéger l’esprit devant les atteintes, par exemple, des géants du numérique et autres technologies de l’esprit (p. 173).

Hunyadi inscrit cette proposition dans la réflexion de son précédent ouvrage sur la confiance qui expose un rapport ontologique au monde non-nominaliste. Dans la relation originaire de confiance, la volonté découvre ce qui lui échappe (p. 116-117), elle est projetée hors de la maîtrise et du calcul qui font la rationalité nominaliste (p. 112-113 ; 116). La volonté individualiste redécouvrirait ainsi ses propres limites en se donnant les institutions adéquates pour modifier les conditions contemporaines de notre existence, qui « exigent des mesures globales et limitatives » (p. 162). Hunyadi explique que s’ouvrirait alors pour l’humanité, au sortir de « sept siècles de nominalisme triomphant » (p. 112), un âge réaliste (p.162) caractérisé par une double redécouverte des limites – celles de nos conditions d’existence et celles individuelles.

III. Une histoire philosophique ébauchée

III.1 Le nominalisme – un nom vide ?

Le lecteur découvre dans la première partie (p. 11-102) consacrée à l’analyse du problème, un exposé rigoureux de l’éthique des droits et de ses méfaits présents et à venir dans l’histoire mentale, sociale et politique occidentale. Cependant, ce lecteur se voit de surcroît promis d’en découvrir et d’en expliciter « la source philosophique méconnue » (p. 28), ce que confirme le bilan partiel du milieu de l’ouvrage lorsqu’il affirme être parvenu à « remonter aux sources nominalistes de l’individualisme contemporain » (p. 103).

Il faut hélas souligner que Mark Hunyadi n’entre, en réalité, jamais véritablement dans la discussion avec les médiévaux. Si plusieurs auteurs sont mentionnés, aucun texte médiéval n’est proposé ni référencé dans l’ouvrage, ni même aucun texte antique. Ce problème est d’autant plus prégnant que, mal défini et clivant, le vocable « nominalisme » a tout d’un terme fourre-tout dans la littérature contemporaine, une notion susceptible de devenir à son tour un de ces universels abstraits que cette école de pensée justement fustige. Au sens le plus strict et comme l’entendent les médiévistes contemporains, le nominaliste nie la réalité des universaux et n’affirme l’existence que des particuliers.[3] Dans une acception qui se trouve notamment répandue en philosophie analytique, les nominalistes récusent la réalité des entités abstraites en général (et non plus seulement des universaux) et se trouvent être « des réalistes des choses, et des idéalistes des signes » (p. 32n1).[4] Dans un sens différent encore, que l’ouvrage semble plus largement adopter, le nominalisme désigne un individualisme humain qui donne un primat ontologique à l’individu humain devant non seulement les notions abstraites, mais encore les autres individus existants (vivants ou non). Il va de soi qu’à chacune de ces définitions correspond un spectre varié et plus ou moins restreint de corpus et d’auteurs qu’il nous est impossible de détailler à présent. Si, chez Mark Hunyadi, la plupart des grands penseurs semblent nominalistes après Guillaume d’Ockham (vers 1285 – vers 1347), c’est que, en substance, le nominalisme désigne dans sa pensée l’affirmation de l’individu à travers le primat donné à la volonté.

III.2 Les initiateurs de la révolution nominaliste

Employer le vocable « nominaliste », comme le fait valoir Alain de Libera, demande a minima la précision d’un cadre conceptuel.[5] L’absence d’une telle circonscription, ne serait-ce que parcellaire, dans cet ouvrage gêne profondément le lecteur qui approcherait le texte d’Hunyadi dans une perspective d’histoire de la pensée. Par exemple, Jean Duns Scott (vers 1266 – 1308) est décrit comme celui qui « initie la révolution nominaliste » (p. 30) – en omettant le rôle crucial de Pierre de Jean Olivi (1248 – 1298),[6] alors que, dans l’histoire de la pensée médiévale, la paternité du nominalisme se partage entre Jean Roscelin (vers 1050 – 1121), Garlandus le Compositeur (vers 1030 – 1102), et Pierre Abélard (1079 – 1142).[7] Il ne fait aucun doute que le nominalisme ne commence pas au 14e siècle, mais deux siècles plus tôt.[8] Il semble par exemple même retraçable dans certaines discussions carolingiennes, entre autres dans une source cette fois-ci davantage méconnue : dans le second De anima (celui publié en 863) de Ratramne de Corbie (mort vers 870), qui affirme que les universaux ne sont que des concepts dans l’esprit et que les âmes sont donc des particuliers individuels.[9] Quand bien même on s’accorderait autour d’une interprétation qui affirmerait qu’Hunyadi prend le vocable « nominaliste » dans son sens le plus large, ou comme synonyme d’individualisme, des incohérences tenaces perdurent. Par exemple, David Hume (1711 – 1776) décrit comme une figure du nominalisme (p. 40n1 ; p. 158) se trouve au contraire anti-individualiste à certains égards, puisqu’il propose une des premières déconstructions radicales de la notion d’individu et nie l’identité personnelle.[10]

III.3 La thèse de la perpétuation du nominalisme

À mon sens, l’apport d’Hunyadi à travers son appropriation des sources secondaires justifiant son propos se situe dans sa façon d’exprimer que l’individualisme moderne n’est pas seulement issu du nominalisme médiéval, mais correspond à son tour à un nominalisme. Ce qui, d’après lui, constitue le trait d’union entre ces nominalismes ne se situe pas véritablement dans la négation du statut ontologique des universaux, mais dans la primordialité octroyée à la volonté dans la personne humaine (p. 34.77-78, etc.) : « l’individu contemporain, devenu occamien à la petite semaine, ne tolère plus les limitations que l’on veut imposer à sa volonté » (p. 104).[11] Le tout pouvoir de la volonté individuelle libre fonderait le nominalisme contemporain. Pour justifier cela, deux lignes argumentaires peuvent être identifiées dans l’ouvrage :

  1. L’éthique des droits prédomine dans le monde contemporain. Puisqu’elle se fonde historiquement sur un primat de la volonté individuelle, cette dernière doit à son tour toujours tenir un rôle prépondérant dans nos mentalités.
  2. Le culte de la liberté individuelle dans le monde contemporain assujetti à un libéralisme mondialisé suppose par sa nature même un culte de la volonté individuelle.

À nouveau, une seconde discussion sur l’histoire de la philosophie mériterait d’être ouverte sur ce problème de la continuité du nominalisme volontariste puisque, à l’évidence, un nominaliste médiéval – si l’expression a un sens – ne dit ni n’écrit pas « volonté » comme Rousseau (1712 – 1778) le fera, ni encore comme Nietzsche (1844 – 1900), ou comme un sociologue du libéralisme contemporain. Hunyadi évoque certaines nuances dans l’évolution du rapport de l’être humain à sa volonté, spécialement lorsqu’il souligne un passage du vouloir au désir (p. 79) et qu’il explique : « la volonté a perdu sa vaillance des débuts ; son sens de la transcendance s’est émoussé, se repliant progressivement sur la recherche de satisfactions plus immédiates » (p. 79). L’abolition de la faculté rationnelle de décider explique, d’après lui, l’effacement de la distinction entre volonté et désir chez l’individu contemporain (p. 83). Lecteur et traducteur de Jürgen Habermas (1929 – ) qui est lui-même l’auteur d’une critique fort consistante du postmodernisme philosophique, Mark Hunyadi ne manquerait certainement pas d’outils conceptuels dans son cadre théorique pour étayer davantage les conséquences de cette discussion selon laquelle la modernité offre un individualisme de volontés anémiées. Dans cette perspective, son propos pourrait éventuellement être prolongé en affirmant une rupture postmoderne dans le rapport de l’être humain à sa volonté. Il y aurait ainsi non plus une continuité héritée du nominalisme médiéval, mais une rupture entre « le nominalisme médiéval tardif et l’individualisme libidinal contemporain » fondée sur un rapport intrinsèquement différent à la volonté. Comme Hunyadi l’esquisse déjà, il faudrait alors développer la rhétorique d’une crise de la volonté individuelle dans nos sociétés postmodernes : une volonté affaiblie car gavée par ses propres libertés, une volonté devenue incapable de s’engager, en proie aux addictions, manipulée par les médias de masse… De même que, la liberté individuelle poursuivie se retourne contre l’individu en l’aliénant, une volonté hypertrophiée s’affaiblit en ne rencontrant aucune résistance, aucune altérité.

En parallèle, l’insistance sur une telle rupture s’applique à la notion d’individu qui se trouve fragmenté, déraciné, dévalué, dans les sociétés de masse qui l’anonymisent. Il y a un siècle déjà, Ortega y Gasset (1883 – 1955) montrait en quoi la modernité, en dépouillant l’individu de ce qui fait sa spécificité, lui substitue « l’homme-masse »[12]. La culture de masse où s’est échoué l’individualisme conduit à une indifférenciation des individus comme le montrent de multiples exemples : anonymisation du tissu social urbain, métiers interchangeables, robotisation, problèmes liés à l’anonymisation en ligne, succès d’influenceurs générés par les intelligences artificielles, etc. Lorsque le citoyen est réduit à un consommateur, il s’anonymise. Dans le post-modernisme, l’individu avec sa volonté souveraine – dont l’auteur déplore l’hégémonie – n’est peut-être qu’un idéal abattu, que ce soit pour le meilleur et pour le pire. Hunyadi ne semble pas récuser cette ambiguïté de l’individualisme contemporain puisqu’il ne soutient jamais que le tournant volontariste octroierait à l’individu singularité et originalité. Dans une telle mesure, cet aspect pourrait s’intégrer aisément à son propos.

Notre insistance sur une révolution dans la conception même de volonté se trouve étayée par le fait que la volonté des médiévaux n’est pas non plus aussi « littéralement débridée » que le décrit l’auteur (p. 108). Dans l’esprit médiéval tardif, elle est aussi le lieu du salut, en tant que faculté du choix quotidien entre le bien et le mal. Chez Ockham même, elle est intrinsèquement finie et « déficiente (defectibilis) »,[13] mais aussi « obligée par le précepte de Dieu d’aimer Dieu ».[14] Parce qu’elle est sous le coup d’une telle obligation, explique Ockham, elle peut pécher – puisque pécher signifie pour lui contrevenir à un tel type d’impératif. C’est d’ailleurs avec cette raison que le Doctor invincibilis justifie que Dieu ne peut point pécher, puisque sa volonté infinie attachée au seul bien, elle, n’est tenue par aucune obligation à laquelle déroger.[15] Contrairement à l’imaginaire contemporain, dans ce système de pensée, le péché n’est pas conçu comme une transgression de la volonté qui prouve sa toute-puissance, mais comme, au contraire, une déficience de celle-ci qui atteste de sa finitude. Hélas, l’ouvrage néglige cet appel pressant à une réflexion plus fine sur la volonté qui retentit à travers les successives reconstructions et reformulations de cette notion dans la philosophie moderne et contemporaine.

Le fait que Mark Hunyadi ne référence aucun texte médiéval, ni aucun écrit avant le Leviathan de Hobbes (1651) et le Traité du gouvernement de Locke (1690)[16] implique l’omission du bouleversement cartésien dans ce compte rendu des sources de l’individualisme. Si elle a pu être exagérée sous l’égide de la lecture heideggérienne, il est toutefois regrettable de passer entièrement sous silence l’influence de Descartes (1596 – 1650) dans le déploiement d’une métaphysique du sujet fer de lance de l’individualisme contemporain. Chez Descartes, la volonté n’est pas une faculté dotée d’un primat d’honneur sur les autres : entendement, imagination et volonté (volontés ou affections) marchent de concert. Mais, la volonté humaine cartésienne apparaît infinie (4e Méditation) et intimement liée au libre-arbitre – contrairement à l’entendement qui est une faculté finie. Puisqu’il est échafaudé sur des références à des lecteurs de Descartes (Locke, Hume, Hobbes,[17] etc.), le propos de Mark Hunyadi sur un nominalisme de la volonté gagnerait beaucoup à ne pas faire l’économie du tournant cartésien. La réaction contre Descartes du mouvement post-cartésien a bien exprimé un refus de faire du sujet individuel quelque chose de clair et de distinct. Nous avons mentionné Hume et c’est déjà le cas de Blaise Pascal (1623 – 1662) quelques années à peine après les Méditations :[18] il entend contrecarrer directement la vision cartésienne volontariste du sujet humain en décrivant la nécessité pour la volonté particulière (individuelle) de se conformer au corps collectif dont elle n’est que la partie.[19] Bien avant le postmodernisme, on est contre Descartes depuis Descartes.

Comme ces brefs exemples l’illustrent, même sans aborder la technicité des débats médiévaux sur les nominales ou les développements complexes sur la notion de volonté dans l’Allemagne du 19e siècle, l’affirmation de l’auteur que nous sommes au bout de « sept siècles de nominalisme triomphant » (p. 112) n’est certainement pas suffisamment étayée. Telle qu’elle est présentée, elle simplifie l’histoire de la pensée moderne avec les bouleversements dont elle a été le siège quant aux notions d’individu, de volonté, de liberté, de sujet pensant.

IV. Universel, trop universel

Les remarques de Vincent Aucante qui soulignent le caractère « courageux » ou « utopique » des propositions de Mark Hunyadi dans cet ouvrage nous semblent légitimes,[20] mais plutôt que d’entrer dans la discussion pratique dans laquelle l’auteur lui-même refuse de s’enliser, proposons une critique qui discute les principes de ces solutions.

IV.1 L’idéal de « l’esprit » ou une abstraction de plus

Mark Hunyadi reproche au nominalisme de la volonté, « qui a certes réussi à faire voler des avions, » de « réduire le monde à un aéroport » (p. 120). Cependant, la notion même d’esprit chez Hunyadi est a-culturelle : elle néglige que l’esprit ne s’exprime pas d’abord comme une entité abstraite de son ancrage culturel mais comme une faculté incarnée dans une culture, une langue, des modes de vie, des paysages et des climats. Si le danger du numérique est précisément une désincarnation de l’esprit, que Mark Hunyadi lui-même dénonce comme le paradigme d’un monde-aéroport, la création d’une instance internationale de plus ne ferait que corroborer ce mouvement. En ce sens, l’individualisme contemporain et l’emprise du numérique ont plus à voir avec une désincarnation de l’esprit – elle-même héritée d’une lecture du cartésianisme sur lequel Hunyadi est silencieux – qu’avec un nominalisme médiéval.

De même, en présentant la « contrefactualité » de l’esprit – sa capacité à dépasser ce qui simplement est, les faits (p. 146) – comme une vertu à laquelle s’oppose l’individualisme numérique, Mark Hunyadi ne souligne pas que le numérique est justement la technique de la promesse de contrefactualité. L’ouverture à un monde des possibles qu’il souhaite voir rendu à l’esprit est précisément la représentation mentale qui préside à la promesse des mondes virtuels. Plus l’esprit est désincarné, abstrait de ses limites dans un mouvement cartésien, plus il est impersonnel, plus il se laisse happer par la suprématie du numérique sur la vie spirituelle de l’être humain.

À cet égard, le choix de la comparaison avec la « Zone », fonds marins hors de toute juridiction nationale,[21] est révélateur puisqu’il s’agit des espaces sur Terre les moins propices à la vie humaine, de lieux si éloignés de l’humain qu’ils sont synonymes de mort pour lui et qu’il ne peut se prétendre des droits à son égard. Est-ce sur ce modèle, perpétuant à sa manière la déshumanisation de l’esprit que la technique opère, qu’il faut concevoir l’esprit humain ? La notion d’esprit élaborée dans l’ouvrage tombe alors sous le coup de la critique nominaliste la plus acerbe, celle médiévale, qui rétorquerait qu’une telle conception de l’esprit avec ses accents hégéliens n’est qu’un nom vide, privé de tout lien avec la réalité humaine concrète dont elle prétend parler.

Cependant, il faut reconnaître que là n’est pas l’intention d’Hunyadi qui souhaite voir l’esprit se recontextualiser une fois protégé et rendu au loisir de sa propre liberté, afin d’envisager « une relation [plus] naturelle avec le monde » (p. 173). Sa réflexion attentive sur l’éducation, à savoir « le milieu contextuel qui concourt à faire de l’esprit ce qu’il est » (p. 139), illustre son souci de voir l’esprit s’incarner dans un contexte et ses circonstances pratiques. Le mot d’ordre de son analyse des besoins de l’éducation est d’éveiller l’esprit aux possibles au-dessus « de ce qui est simplement le cas » (p. 144). L’auteur n’ignore pas le désarroi potentiel pour l’esprit pragmatique devant « un programme aussi indéterminé » et « un horizon aussi indéfini » (p. 145), mais il s’agit avant tout d’une direction et, ajoute-t-il, « l’indication d’une direction générale suffit à s’orienter dans le monde, quitte à se tromper à l’occasion » (p. 145).

IV.2 Les comités, parangons de l’éthique des droits

La désincarnation de l’universalisme dont l’esprit est porteur donne à sa promulgation comme « commun de conviction » des accents arbitraires. Dès lors, une institution universelle de plus ne fait que prolonger la mentalité de l’éthique des droits. Certes, il ne s’agit plus de la volonté individuelle mais d’une volonté universelle qui navigue entre deux écueils : s’arroger plus de légitimité qu’elle n’en peut prétendre en passant outre le fonctionnement démocratique des États ; se montrer, au contraire, trop faible et voir ses avis consultatifs balayés par la vigueur des rapports de forces internationaux. L’exemple du « Comité pour la mer » montre que ces institutions ne sont pas le lieu de discussions désintéressées, hors de la logique de « calcul » (p. 112 ; 116), comme l’auteur le laisse entendre, ou bien dans une priorité normative de « la chose » sur les acteurs (p. 171). Bien au contraire, les États-Unis – première puissance maritime mondiale et qui se conçoit comme telle[22] – refusent encore à ce jour de ratifier cette charte de 1982 et rien ne les y fait plier. Ces dernières années, les pressions sur les matières premières sous-marines augmentent, et les discussions de ce Comité sont plus géopolitiques et « calculatrices » que jamais, au milieu d’accusations de conflits d’intérêts.[23]

Mark Hunyadi décrit l’institution d’un « Comité de protection de l’esprit » comme une porte de sortie hors de l’esprit de l’éthique de droits. Or, cette intuition d’une « sorte d’ONU du bien-commun » (p. 156), qu’il appelle de ses vœux, semble précisément ce que l’éthique des droits produit en masse. Difficile de ne pas imaginer un tel comité reprendre justement le vocabulaire de l’éthique des droits et affirmer que l’esprit aussi possède son droit d’exister, son droit de se déployer, son droit d’être protégé… Tout ce narratif dont Mark Hunyadi souhaitait nous libérer revient en masse dans la création de ce type d’instances internationales. En ce sens, la solution proposée ne ferait qu’injecter davantage d’éthique de la subjectivité dans une société qui s’en trouve gavée.

Conclusion

Le propos de l’auteur ne manque pas de souffle et parvient effectivement à interroger le cadre mental de notre époque, notamment à travers son expertise des enjeux éthiques du numérique. Il propose une solide reconstruction des enjeux éthiques contemporains à l’aune de l’éthique des droits nourris de présupposés individualistes. La thèse qui décrit le 14e siècle nominaliste comme source de la modernité s’inspire des travaux d’André de Muralt[24] et de Michel Villey,[25] que Mark Hunyadi résume moins qu’il ne les retranscrit. Souvent victime du prisme de ses sources secondaires, l’ouvrage n’atteste pas de l’épaisseur historique nécessaire pour convaincre qu’il remonte à « la source philosophique méconnue » (p. 28) qui serait dissimulée dans le nominalisme du Moyen Âge tardif, pas moins que pour convaincre qu’il dévoile la continuité de « sept siècles de nominalisme triomphant » (p. 112). La notion d’esprit invoquée pour redonner une primauté à la chose (p. 171), à l’inverse tend à s’en abstraire. La promesse de s’extraire d’un rapport de possessivité dans la relation éthique que l’individu entretient avec le monde se dissout dans une description universaliste de l’esprit, dans laquelle, comme l’écrit Hegel : « la catégorie contemplée, la chose ordinaire trouvée, entre dans la conscience comme l’être pour soi du Je ».[26] L’esprit d’Hunyadi évoque en ce sens l’universalisation qu’en fait Hegel, pour qui la réalité incarnée s’évanouit dans la raison qui, en devenant l’esprit, comprend qu’elle est à elle-même son propre monde[27] dans l’individualisme le plus radieux.

Bibliographie

  • Mark Hunyadi (autres textes cités)

Hunyadi, Mark. Au début est la confiance. Lormont : Le bord de l’eau, 2020.

———. Le temps du posthumanisme ; Un diagnostic d’époque. Paris : Les Belles Lettres, 2022.

  • Sources premières

Guillaume d’Ockham. Quodlibeta septem. Dans Opera philosophica et theologica. Vol. 9. Édité par C. Joseph Wey. New York : Franciscan Institute, 1980.

———. Quaestiones uariae : De compossibilitate actus uirtuosi et intellectus erronei. Dans Opera philosophica et theologica. Vol. 8. Édité par G. I. Etzkorn, F. E. Kelley, Joseph C. Wey. New York : Franciscan Institute, 1984.

———. Quaestiones in librum secundum Sententiarum (reportatio). Dans Opera philosophica et theologica. Vol. 5. Édité par G. Gal et R. Wood. New York : Franciscan Institute, 1981.

Hegel, G. W. F. La phénoménologie de l’esprit. Traduit par Jean-Pierre Lefebvre. Paris : Flammarion, 2012.

Hume, David. A Treatise of Human Nature. Édité par David Fate Norton et Mary J. Norton. Oxford : Oxford University Press, 2007.

Lambot, C., éd. Ratramne de Corbie : Liber de anima ad odonem bellovacensem. Namur : Godenne, 1952.

Ortega y Gasset, José. La rebelión de las masas. Barcelona : Editorial Planeta, 2019.

Pascal, Blaise. Pensées. Édité par Philippe Sellier. Paris : Bordas, 1991.

———. Pensées. Dans Œuvres complètes. Édité par Michel Le Guern. Vol. 2. Paris : Gallimard, 2000.

  • Sources secondaires

André de Muralt, L’unité de la philosophie politique ; De Scot, Occam et Suarez au libéralisme contemporain. Paris : Vrin, 2002.

Ardron, Jeff A. « Transparency in the Operations of the International Seabed Authority: An Initial Assessment. » Marine Policy 95 (2018) : 324-331.

Aucante, Vincent. « Fiche de lecture de Mark Hunyadi, Le second âge de l’individu. Pour une nouvelle émancipation. » Dans Observatoire Foi et Culture 38 (Octobre 2023). https://eglise.catholique.fr/sengager-dans-la-societe/culture/observatoire-foi-culture/545821-mark-hunyadi-le-second-age-de-lindividu-pour-une-nouvelle-emancipation/. Consulté le 3.01.2023.

Boehner, Philotheus. « The Realistic Conceptualism of William Ockham. » Dans Traditio 4 (1946) : 307–35.

Brown, Stephen F., et Flores, Juan Carlos. Historical Dictionary of Medieval Philosophy and Theology. Lanham, MD : The Scarecrow Press, 2007.

Burgess, John P., et Gideon Rosen. A Subject with No Object. Strategies for Nominalistic Interpretation of Mathematics. Oxford : Oxford University Press, 1997.

Ebbesen, Sten, et Yukio Iwakuma. « Logico-Theological Schools from the Second Half of the 12th Century : A List of Sources. » Vivarium 30, no 1 (1992) : 173‑210.

Halper, Evan et Todd Woody. « A gold rush in the deep sea raises questions about the authority charged with protecting it. » Dans Los Angeles Times. 19 Avril 2022. https://www.latimes.com/politics/story/2022-04-19/gold-rush-in-the-deep-sea-raises-questions-about-international-seabed-authority. Consulté le 12.1.2024.

Iwakuma, Yukio. « Twelfth-Century Nominales. The Posthumous School of Peter Abelard. » Vivarium 30, no 1 (1992) : 97‑109.

Libera, Alain de. La querelle des universaux. De Platon à la fin du Moyen Âge. Paris : Seuil, 1996.

Marenbon, John. The Philosophy of Peter Abelard. Cambridge : Cambridge University Press, 1997.

McVeigh, Karen. « Seabed regulator accused of deciding deep sea’s future ‘behind closed doors’ » Dans The Guardian, 1e Avril 2022.

https://www.theguardian.com/environment/2022/apr/01/worlds-seabed-regulator-accused-of-reckless-failings-over-deep-sea-mining. Consulté le 04.02.2024.

Moran, Dermot. The Philosophy of John Scottus Eriugena ; A Study of Idealism in the Middle Ages. Cambridge : Cambridge University Press, 1989.

Smouts, Marie-Claude. « Du patrimoine commun de l’humanité aux biens publics globaux. » Dans Patrimoines naturels au Sud : Territoires, identités et stratégies locales (2005). http://books.openedition.org/irdeditions/4056. Consulté le 12/01/2024.

Tierney, John J. Jr. « Maritime Power. » Dans Institute of World Politics (October 2022). https://www.iwp.edu/articles/2022/10/05/maritime-power. Consulté le 11.01.2024.

Villey, Michel. La formation de la pensée juridique moderne. Paris : Presses universitaires de France, 2013.

 

[1] Mark Hunyadi, Le temps du posthumanisme ; Un diagnostic d’époque (Paris : Les Belles Lettres, 2022) ; Mark Hunyadi, Au début est la confiance (Lormont : Le bord de l’eau, 2020).

[2] Voir, par exemple, un aperçu du contexte de la réflexion sur cette notion en Marie-Claude Smouts, « Du patrimoine commun de l’humanité aux biens publics globaux, » dans Patrimoines naturels au Sud : Territoires, identités et stratégies locales (2005). http://books.openedition.org/irdeditions/4056. Consulté le 12/01/2024.

[3] Voir les deux thèses fondamentales des Positiones nominales. Un exposé des sources médiévales sur le sujet dans la deuxième moitié du 12e siècle peut être trouvé dans : Sten Ebbesen et Yukio Iwakuma, « Logico-Theological Schools from the Second Half of the 12th Century: A List of Sources », Vivarium 30, no 1 (1992): 173‑210. Voir aussi, Alain de Libera, La querelle des universaux. De Platon à la fin du Moyen Âge (Paris : Seuil, 1996), 138‑41; John Marenbon, The Philosophy of Peter Abelard (Cambridge : Cambridge University Press, 1997), 108‑9.

[4] Sur la réception analytique dans ce contexte, voir, par exemple, John P. Burgess et Gideon Rosen, A Subject with No Object ; Strategies for Nominalistic Interpretation of Mathematics (Oxford : Oxford University Press, 1997). Sur l’extension que prend le sens du terme nominalisme au 14e siècle et la difficulté consécutive de le définir, voir Stephen F. Brown et Juan Carlos Flores, Historical Dictionary of Medieval Philosophy and Theology (Lanham, MD : The Scarecrow Press, 2007), 130. Voir aussi l’article « Nominalism », dans Brown et Flores, 199.

[5] Libera, La querelle des universaux. De Platon à la fin du Moyen Âge, 20‑24.

[6] Celui-ci rompt avec le schéma de la volonté passive aristotélicienne en décrivant la volonté comme active.

[7] Les pistes pour défendre l’idée d’Hunyadi d’une révolution nominaliste de la fin du 13ème siècle semblent vouées à l’échec. Pour Abélard, il serait éventuellement possible de rétorquer que sa position se caractérise plutôt par un conceptualisme – selon l’interprétation qu’en donnait le 19e siècle. Voir Marenbon, The Philosophy of Peter Abelard, 111n37. John Marenbon, principal spécialiste de la philosophie abélardienne, récuse le qualificatif « conceptualiste » pour Abélard, en particulier s’il est entendu comme une sorte de compromis avec des positions réalistes. De plus, cet argument ne permet pas de sauver la proposition d’Hunyadi puisque, si l’on accepte cette distinction conceptualiste/nominaliste, Guillaume d’Ockham (vers 1285 – vers 1347) décrit dans l’ouvrage comme nominaliste (p. 43n1 ; 104) pourrait à son tour tout aussi légitimement être rangé parmi les conceptualistes. Voir par exemple, Philotheus Boehner, « The Realistic Conceptualism of William Ockham, » Traditio 4 (1946) : 307–35.

[8] Il faut souligner qu’Abélard ne propose pas une série d’intuitions sans lendemain mais qu’il initie une véritable tradition. Voir par exemple Yukio Iwakuma, « Twelfth-Century Nominales The Posthumous School of Peter Abelard, » Vivarium 30, no 1 (1992) : 97‑109.

[9] Voir en particulier, C. Lambot, éd., Ratramne de Corbie: Liber de anima ad odonem bellovacensem (Namur : Godenne, 1952), 52‑67. La position de Ratramne sur le statut des universaux et l’existence des particuliers est résumée et brièvement contextualisée en Dermot Moran, The Philosophy of John Scottus Eriugena ; A Study of Idealism in the Middle Ages (Cambridge : Cambridge University Press, 1989), 22‑23.

[10] David Hume, A Treatise of Human Nature, éd. par David Fate Norton et Mary J. Norton (Oxford : Oxford University Press, 2007), 164‑71; part. 4; section 6.

[11] Si la volonté est un trait d’union dans son histoire du nominalisme, cela ne signifie pas pour autant que Hunyadi affirme que l’individu humain se pense de la même façon dans ces différentes périodes. Voir p. 105.

[12] José Ortega y Gasset, La rebelión de las masas (Barcelona : Editorial Planeta, 2019), 117.

[13] Selon le principe « voluntas creata est defectibilis » formulé en Guillaume d’Ockham, Quodlibeta septem, dans Opera philosophica et theologica, vol. 9, éd. par Joseph C. Wey (New York : Franciscan Institute, 1980), Quolibet 2, question 9, 154.

[14] « […] voluntas creata obligatur ex praecepto Dei ad diligendum Deum. » Voir Quaestiones in librum secundum Sententiarum (reportatio), dans Opera philosophica et theologica, vol. 5, éd. par G. Gal et R. Wood (New York : Franciscan Institute, 1981), question 15, 353.

[15] Guillaume d’Ockham, Quaestiones uariae : De compossibilitate actus uirtuosi et intellectus erronei, in Opera philosophica et theologica, vol. 8, éd. par G. I. Etzkorn, F. E. Kelley, Joseph C. Wey (New York : Franciscan Institute, 1984), question 8, 435.

[16] Ils sont respectivement cités en p. 19n1 et p. 34n1.

[17] Locke est mentionné p. 14n2, 19 ; Hume, p. 40n1, 158 ; Hobbes, p. 34n1, 36n1, 40.

[18] Pascal montre que le moi échappe aux critères cartésiens de clarté et de distinction. Voir les paragraphes du « moi » dans les pensées qui sont les cinq fragments : Guern125/Sellier167 ; G509/S494 ; G582/S567 ; G758/S743 ; G771/S773. Voir Blaise Pascal, Pensées, dans Œuvres complètes, éd. Michel Le Guern, vol. 2 (Paris : Gallimard, 2000) ; Blaise Pascal, Pensées, éd. Philippe Sellier (Paris : Bordas, 1991).

[19] Voir entre autres, G353-354/S405-406.

[20] Vincent Aucante, « Fiche de lecture de Mark Hunyadi, Le second âge de l’individu. Pour une nouvelle émancipation. » Dans Observatoire Foi et Culture 38 (Octobre 2023). https://eglise.catholique.fr/sengager-dans-la-societe/culture/observatoire-foi-culture/545821-mark-hunyadi-le-second-age-de-lindividu-pour-une-nouvelle-emancipation/. Consulté le 3.01.2023.

[21] Et non pas forcément aussi « sous mille mètres de profondeurs » comme l’affirme Mark Hunyadi p. 168. L’article 1, 1, définition (1) of the Law of the Sea Convention (Montego Bay : 1982), page 2 du texte en langue anglaise du traité original stipule en effet : « ‘Area’ means the sea-bed and ocean floor and subsoil thereof, beyond the limits of national juridiction. »

[22] John J. Tierney Jr., « Maritime Power, » Dans Institute of World Politics (October 2022), https://www.iwp.edu/articles/2022/10/05/maritime-power. Consulté le 11.01.2024.

[23] Todd Woody, Evan Halper, « A gold rush in the deep sea raises questions about the authority charged with protecting it » dans Los Angeles Times, 19 Avril 2022. https://www.latimes.com/politics/story/2022-04-19/gold-rush-in-the-deep-sea-raises-questions-about-international-seabed-authority. Consulté le 12.1.2024. Karen McVeigh, « Seabed regulator accused of deciding deep sea’s future ‘behind closed doors’ » dans The Guardian, 1.04.2022. https://www.theguardian.com/environment/2022/apr/01/worlds-seabed-regulator-accused-of-reckless-failings-over-deep-sea-mining. Consulté le 04.02.2024. Voir quelques années plus tôt, Jeff A. Ardron, « Transparency in the Operations of the International Seabed Authority: An Initial Assessment, » Marine Policy 95 (2018) : 324-331.

[24] André de Muralt, L’unité de la philosophie politique ; De Scot, Occam et Suarez au libéralisme contemporain (Paris : Vrin, 2002).

[25] Michel Villey, La formation de la pensée juridique moderne (Paris : Presses universitaires de France, 2013).

[26] G. W. F. Hegel, La phénoménologie de l’esprit, trad. par Jean-Pierre Lefebvre (Paris : Flammarion, 2012), 379.

[27] « La raison est esprit dès lors que la certitude d’être toute réalité est élevée à la vérité, et qu’elle est consciente d’elle-même comme de son monde, et du monde comme d’elle-même. » Chapitre « L’esprit » de la Phénoménologie de l’esprit. Cité d’après Hegel, 379.

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

More in:2024

Next Article:

0 %