Bill Viola, ou la perception du monde à travers le prisme des éléments naturels (1)
Rosine Bénard, docteur en études cinématographiques et audiovisuelles de l’Université Sorbonne-Nouvelle, est ATER en esthétique et histoire du cinéma à l’Université Lumière Lyon 2.
Si l’on veut se rendre présent à la présence de la Nature, ce qui est requis est non pas l’ingéniosité du doute cartésien, mais, au contraire, un supplément de naïveté, par laquelle on revient, en deçà même des évidences communes, à une évidence première, plus immédiate.
Marcel Conche, Présence de la nature.
Au sein des œuvres vidéographiques et des installations de Bill Viola, les références aux quatre éléments naturels sont récurrentes. En écho à l’exposition proposée au Grand Palais jusqu’au 21 juillet 2014 à Paris, cet article est l’occasion de questionner comment l’eau, l’air, la terre et le feu permettent à l’artiste américain de proposer des visions modifiées et déformées du réel, et d’engager ainsi une réflexion sur la nature, sa représentation artistique et son appréhension par l’être humain. On pensera notamment aux effets atmosphériques et aux mirages enregistrés dans le désert saharien pour la vidéo Chott el-Djerid (1979), à l’installation He weeps for you (1976) pour laquelle le spectateur est invité à regarder à travers une goutte d’eau, ou encore aux déformations aquatiques des visages des deux protagonistes de Surrender (2001).
Voir à travers
Pour la vidéo Chott el-Djerid (sous-titrée A Portrait in Light and Heat), Bill Viola a utilisé un téléobjectif 800mm couplé à une caméra pour enregistrer des images du désert saharien. Ce procédé lui permet de se tenir à une distance telle qu’elle rend possible l’enregistrement du phénomène atmosphérique du mirage sur la bande magnétique de la vidéo. Durant vingt-huit minutes, différentes images du désert alternent : les vibrations de l’air chaud nous laissent entrevoir des dunes d’où surgissent de rares arbres, des camions ondulants, de frêles silhouettes évoquant des spectres frémissants. L’effet d’optique, dû à la température élevée de l’air, procure une certaine épaisseur à l’image. Le grain de l’image vidéo, couplé à celui créé par le mirage, semble fournir à la fois un relief et une profondeur à l’image. Celle-ci apparaît comme douée d’une matière, d’une densité qui pourrait relever de la perception haptique développée par Deleuze[1]. Ici, comme dans beaucoup d’autres œuvres du vidéaste, il nous est donné à voir des objets « banals » sous un nouvel angle. Les personnages et les paysages ne sont accessibles que par le biais du filtre du mirage. Les limites de la perception humaine sont mises à mal. On touche aux limites mêmes de l’image, aux limites de la représentation.
Par le biais d’un montage alterné, Bill Viola fait correspondre aux images du désert des plans sur des scènes hivernales tournées dans l’Illinois. Si, thématiquement (ou plutôt climatiquement), les images semblent s’opposer, le parti pris esthétique reste le même : ces deux régions offrent au vidéaste la possibilité de capturer des images que nous qualifions d’atmosphériques, à savoir des images « défini[es] selon un critère principal : la présence au premier plan d’un élément (eau, terre, feu), qui, couplé à l’air, confère un caractère flou et vaporeux au plan (dans sa totalité ou en grande partie) et rend la vision des événements et des personnages imprécise »[2]. En ce sens, les plans sur les habitations de l’Illinois prises au piège d’une tempête de neige répondent à celles des mirages du désert : la vision du spectateur est flouée et celui-ci pénètre ainsi dans une dimension onirique, quasi hallucinatoire. Une citation de Gilles Deleuze, tirée de son ouvrage L’Image-Temps, permet d’envisager le phénomène qui se déroule devant les yeux du spectateur : « c’est comme si le réel et l’imaginaire couraient l’un derrière l’autre, se réfléchissaient l’un dans l’autre, autour d’un point d’indiscernabilité. »[3] Les conditions normales de vision étant faussées, le spectateur est, en effet, soumis à une réévaluation constante de sa perception de la réalité, ce qui l’amène irrévocablement à une redéfinition intime et sensible du monde réel et de son image. Pour Bill Viola, la caméra vidéo devient alors un véritable instrument d’investigation du réel. Elle lui permet de matérialiser une vision différente de notre monde, à l’instar du projet de ciné-œil de Vertov :
« Je suis un œil
Un œil mécanique
Moi, c’est-à-dire la machine, je suis la machine qui vous montre le monde comme elle seule peut le voir
Désormais je serai libéré de l’immobilité humaine. »[4]
Viola propose donc avec Chott el-Djerid une magistrale demonstratio ad oculos[5] (pour reprendre l’expression chère à Benjamin) de la capacité de l’image « à démasquer la réalité, à révéler les identités et surprendre la nature dans des détails jusqu’alors invisibles »[6]. Cette démonstration ne passe pas uniquement par le biais de l’image. Le son est, en effet, un élément essentiel du travail de Bill Viola[7]. Ici, une saturation extrême applique un filtre sonore comme le mirage appliquait un filtre visuel. La bande sonore paraît brouillée. Le vidéaste met donc en scène un parcours semé de barrières optiques et sonores que le spectateur devra franchir en regardant et en écoutant « à travers »[8], pour arriver à sa propre définition de l’image et de son rapport au réel. Comme un piège à regard (et « à oreilles »), cette œuvre vidéographique met en lumière un double mouvement de projection opéré par l’artiste : de son monde interne vers le monde extérieur, et du monde extérieur vers le fictionnel. Dans Chott el-Djerid, la perception visuelle et sonore du monde est ainsi remise en question à travers le prisme de l’art, mais également à travers celui d’un des quatre éléments naturels, l’air en l’occurrence.
De même, l’installation vidéo de Bill Viola intitulée He Weeps For You (1976) propose une vision « à travers » un élément naturel qui, cette fois-ci, est l’eau[9], élément de prédilection de l’artiste américain. Pour cette œuvre, l’image du spectateur, reflétée dans une goutte d’eau, est agrandie aux dimensions d’un corps entier sur un écran de vidéoprojection. Le spectateur assiste alors à la naissance de son image à l’intérieur de la goutte d’eau qui grossit, puis à sa disparition quand la goutte s’écrase sur un tambourin dont le son est amplifié.
« La goutte d’eau joue ici le rôle double de la machine de vision qu’est la caméra vidéo, et en même temps permet de concevoir l’inclusion du microcosme dans le macrocosme, où les informations du tout sont déjà contenues dans le plus petit (le génome). »[10]
Comme nous le verrons pour la vidéo The Reflecting Pool, la fonction médiatique – au sens de medium – de l’eau est exploitée à son paroxysme.
Chez Bill Viola, les éléments naturels acquièrent effectivement un statut particulier ; ils deviennent le moteur d’une véritable réflexion sur la présence au monde et sur la construction de l’image. En partant de matières qui entourent l’homme au quotidien, l’artiste saisit des seuils fragiles entre imaginaire et réalité. Ces images semblent, de plus, relever d’une certaine poétique de l’inachèvement, ou plus précisément d’une poétique de l’incomplétude. Cette dernière a, en effet, un attrait artistique non négligeable dans la mesure où elle laisse le soin au spectateur de chercher, de deviner et d’imaginer. Nietzsche considère, en effet, que l’incomplet est en général plus efficace que le complet :
« Parfois l’exposition incomplète, […] d’une pensée, d’une philosophie tout entière, est plus efficace que l’explication complète : on laisse plus à faire au spectateur, il est excité à continuer […], à achever la pensée, et à triompher lui-même de cet obstacle qui jusqu’alors s’opposait au dégagement complet de l’idée. »[11]
Nietzsche ajoute quelques pages plus loin que :
« L’incomplet produit souvent plus d’effet que le complet, […] on a besoin précisément d’une piquante lacune, comme d’un élément irrationnel, qui fait miroiter une mer devant l’imagination de l’auditeur et, pareil à une brume, couvre le rivage opposé, par conséquent les bornes de l’objet qu’il s’agit de louer. »[12]
Les œuvres de Bill Viola proposeraient ainsi une appréhension du monde par le biais d’un filtre naturel, qui redouble l’écran de projection et souligne ainsi le dispositif vidéographique, aussi bien celui de la création que celui de la réception. Le spectateur est invité à voir à travers le prisme de la matière élémentaire. Le premier plan ne pouvant que difficilement être distingué de l’arrière-plan, le « filtre élémentaire » crée, dans le même temps, un aplatissement et un relief : positionner un élément naturel au premier plan réduit considérablement la perception de la profondeur de champ, tout en conférant à l’image une certaine texture granuleuse. Parée du flou naturel, l’image vidéographique semble s’élancer vers le spectateur comme pour mieux l’inciter à se projeter, à son tour, au sein de ce monde fictif élémentaire qui le rappelle à lui-même.
L’image atmosphérique révélerait ainsi une modalité visuelle permettant une certaine résolution de la dialectique du proche et du lointain, tout en soulignant l’impossibilité de notre perception à être complète. Les images de ces vidéos et installations représenteraient alors, comme le propose le cinéaste Andreï Tarkovski avec ses propres œuvres, un moyen d’ouvrir
« à la possibilité d’une relation avec l’infini, qui est la vraie fonction de l’image artistique, dans son sens le plus élevé, nous découvrir l’infini… vers lequel s’élancent en hâte joyeuse et passionnée la raison et les sentiments »[13].
Le double du réel
Avec The Reflecting Pool (1977-1979), considéré par beaucoup comme un manifeste de l’art vidéo, c’est encore l’élément aquatique qui permet au vidéaste de proposer une vision du monde qui va déstabiliser le spectateur. Ce qui se passe à l’écran durant les sept minutes de cette vidéo est encore une fois assez ordinaire. À l’instar d’un Narcisse moderne, un homme sort de la forêt et s’installe debout devant un bassin. Comme pour Chott el-Djerid, du point de vue strictement narratif, il ne se passe rien ou presque. Les prouesses techniques de la vidéo et du montage permettent néanmoins à Bill Viola de proposer une œuvre singulière qui joue avec les métamorphoses de la lumière, de la matière et de l’espace-temps[14]. Deux moments importants sont à mettre plus particulièrement en lumière : premièrement, la disparition du reflet du personnage dans l’eau (01’39″), puis, dans un second temps, sa disparition totale du champ (04’54″) qui coïncide avec l’apparition, à la surface du bassin, de reflets qui ne correspondent pas avec ce que l’on voit en dehors.
Avec les arrêts sur image et la disparition du corps du protagoniste, Bill Viola met en scène des ellipses temporelles surprenantes. Le spectateur est en proie à une succession de situations qui semble illogique et qui l’entraîne vers une remise en question constante de son rapport à la temporalité. La perception de l’espace-temps est troublée, « empêchée » par les fluctuations de la lumière qui font et défont les images à la surface de l’eau. Cette dernière pourrait représenter un lieu où s’inscrivent les actions passées (ou futures ?), en quelque sorte, une archive visuelle que la vidéo permettrait de capturer. En attribuant à l’eau une fonction typiquement humaine (la mémoire), les reflets apparaissent alors comme des traces mnésiques du bassin, mais peut-être également du personnage lui-même. L’image est comme fragmentée en trois niveaux de temps : le présent, le passé et le futur se confondent en créant un anachronisme troublant. Par le biais de cette sculpture temporelle, le vidéaste propose alors une réflexion sur l’existence de l’homme, cette boucle de sept minutes évoquant inlassablement le cycle de la vie et de la mort et résonnant comme un memento mori. L’omniprésence de la nature, en tant que symbole de vie, mais aussi de mort[15], participe également du rendu de cette impression de fuite du temps.
La matière liquide permet également ici à Viola de mettre en évidence une dissociation entre les actions et leurs images reflétées. La surface du bassin n’est plus un miroir, mais plutôt un espace indépendant, une sorte de seconde réalité où les personnages évoluent de manière autonome. L’eau dévoile ainsi un hors-champ qui apparait comme surnaturel. Cette déformation de la réalité remet en question la notion d’image spéculaire et de reflet. L’image sur l’eau ne présente pas le reflet de la réalité, elle instaure un monde parallèle. L’eau, détournée de son pouvoir de réflexion, devient un écran, doué de profondeur, pour la projection mentale du réalisateur et, par la même occasion, du spectateur. Comme une pure extension de la caméra et de l’écran, l’eau devient un medium à part entière sur lequel s’inscrivent les aléas du temps.
Ici encore, par le biais de la vidéo et en se jouant des propriétés optiques d’un élément naturel, Bill Viola suggère l’idée que les événements de ce monde sont éphémères et que la réalité n’est jamais perçue directement. La surface du bassin de The Reflecting Pool pourrait alors être rapprochée des parois de la caverne de Platon, car comme l’indique Bachelard : « la connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. Elle n’est jamais immédiate et pleine. » [16]
De plus, cette œuvre met également en lumière le dispositif artistique des images en mouvement. En effet, la vidéo et, par extension, le cinéma n’opèrent-ils pas, par essence, un dédoublement du réel ? Jean-Louis Baudry, dans son article « Le dispositif : approches métapsychologiques de l’impression de réalité », définit le cinéma comme « un appareil à simulation »[17], « un dispositif susceptible de fabriquer […] une impression de réalité »[18] et, pendant la projection, ce serait à l’écran qu’il revient d’endosser ce rôle de seuil, de « truchement entre la réalité et nous »[19].
Comme l’écrit également Christian Metz, le cinéma présente au spectateur « son ombre, son fantôme, son double, sa réplique dans une nouvelle sorte de miroir »,[20] mais aussi la reproduction, plus ou moins fidèle, du monde qui l’entoure. L’image cinématographique est donc, par essence, double, à l’instar de l’image-cristal définie par Deleuze : « l’actuel et le virtuel coexistent, et entrent dans un étroit circuit qui nous ramène constamment de l’un à l’autre »[21]. C’est bien ce perpétuel échange que semblent célébrer les différentes vidéos et installations de Bill Viola.
Ses œuvres proposeraient alors, en quelque sorte, un dévoilement de l’« énantiomorphisme du réel » qui sous-tend le principe même de l’art vidéo. Ce terme scientifique est formé de deux mots issus du grec ancien : enantios (ἐναντίος) qui signifie « opposé » et morphé (μορφή), « forme ». Il désigne une symétrie en miroir, une symétrie inversée par rapport à un plan. On qualifie alors d’énantiomorphes les deux constituants d’une paire d’objets qui se reflètent, mais ne sont pas superposables. Le monde réel et le monde vidéographique, en se rejoignant sans jamais pouvoir se confondre complètement, ne pourraient-ils pas alors être considérés comme énantiomorphes ? La fascination provoquée par le dispositif vidéographique (et cinématographique) tiendrait alors à ce phénomène de spécularisation, qui sous-tend l’« impression de réalité », telle que Baudry l’a théorisée.
Dans une œuvre telle que Surrender (2001), où deux écrans vidéo présentent, l’un au-dessus de l’autre, les reflets troublés de deux protagonistes, les « formes vacillantes et ondoyantes »[22], qui proposent des images déformées à l’extrême, participent du même rendu. Ces deux vidéos se faisant face démontrent (et démontent) véritablement le dédoublement du réel qui est à l’œuvre aussi bien au cinéma que dans le cadre d’une installation vidéographique – la caméra, au moment de la création, et l’écran, au moment de la réception, matérialisant un axe de symétrie entre univers diégétique et univers « réel ». De même, l’installation The Veiling (1995), composée de deux projections vidéo qui se font face et qui se fondent l’une dans l’autre en traversant neuf grands voiles en tissu translucide, met en lumière les notions de répétition et de dédoublement qui constituent, selon nous, les fondements mêmes du processus cinématographique et vidéographique. L’écran devient alors point, à la fois, de limite et de rencontre, un pivot, une articulation qui fait correspondre inlassablement réalité et fiction.
Les doubles que propose Bill Viola au sein de Surrender et de The Veiling dévoileraient ainsi la frontière poreuse qui sépare monde fictif et monde réel et qui conditionne la croyance en la diégèse. Metz remarque, dans son essai Le Signifiant imaginaire, l’attitude paradoxale du spectateur de cinéma qui repose sur un déni – la Verleugnung freudienne, en quelque sorte – tel que le définit la célèbre formule d’Octave Mannoni : « Je sais bien, mais quand même… »[23]. Compte tenu de leurs conditions spécifiques de réception, le cinéma et l’installation vidéo favorisent une expérience par procuration. Pendant la durée d’« exposition », le spectateur serait comme en proie à un dédoublement de personnalité, à une hallucination autoscopique. Il sait bien que ce n’est qu’une histoire qu’il voit défiler devant ses yeux, mais le phénomène d’identification le pousse à y croire et même à s’y projeter.
De plus, l’entrée dans la fiction, toujours possible par le biais de l’identification au(x) personnage(s), se voit, chez Viola, démultipliée par l’apparition de doubles élémentaires, qui partagent, fantasmatiquement, les mêmes propriétés que l’être humain[24] et deviennent, en cela, des objets transitionnels au sens psychanalytique du terme. Nous considérons ici que l’union fantasmatique avec un double élémentaire évoquerait un narcissisme primaire, antérieur à la différenciation Moi/non-Moi, dont la vie intra-utérine serait le prototype. Renouer avec ce double mènerait, d’une certaine façon, à accomplir le « travail de monadisation [qui] permet la création d’une interface individu/environnement en lieu et place de l’ensemble individu/environnement »[25]. Les éléments naturels proposeraient alors à l’intérieur de l’image vidéographique un espace transitionnel qui, paradoxalement, unit et sépare simultanément l’individu et l’environnement, car dans l’espace transitionnel, comme le suggère Winnicott, il y a une « coexistence conjonctive du oui et du non » : l’objet est et n’est pas la mère[26]. Les éléments constitueraient alors chez Bill Viola de nouveaux points d’entrée vers l’univers fictif, propices, comme nous allons le voir, à une adhésion sensible et quasi cénesthésique[27] du spectateur.
[1] « Haptique est un meilleur mot que tactile, puisqu’il n’oppose pas deux organes des sens, mais laisse supposer que l’œil peut lui-même avoir cette fonction qui n’est pas optique. » Gilles Deleuze, Mille plateaux, Paris, Éditions de Minuit, 1980, p. 614.
[2] Rosine Bénard, Poétique des quatre éléments dans le cinéma contemporain. Prolégomènes à une esthétique du retour, 336 p. Thèse : Études cinématographiques, Paris, Université Sorbonne-Nouvelle, 2014, p. 92. Voir également, Rosine Bénard, « Du sfumato en peinture à l’image atmosphérique au cinéma », in Irène Salas et Yves Hersant (dir.), Renaissance & Cinéma, Paris, Garnier, à paraître fin 2014.
[3] Gilles Deleuze, L’Image-Temps, Cinéma 2, Paris, Éditions de Minuit, 1985, p. 15.
[4] Dziga Vertov, « Le Ciné-œil », L.E.F. n° 3, 1923, p. 138.
[5] Le terme vient du linguiste Bühler auquel Walter Benjamin consacre un long passage de son essai sur « La sociologie du langage », dans Œuvres III, Paris, Gallimard, p. 30.
[6] Muriel Pic, « Leçons d’anatomie. Pour une histoire naturelle des images chez Walter Benjamin », in Images Re‑vues, histoire, anthropologie et théorie de l’art [en ligne], HS n° 2, 2010, consulté le 27/02/2012. URL : http://imagesrevues.revues.org/409.
[7] Voir, par exemple, la bande sonore de The Anthem (1983) exclusivement composée à partir du cri d’une jeune fille que Bill Viola a bouclé, distordu, saturé jusqu’à le rendre méconnaissable.
[8] Des œuvres telles que Two Women (2008), Three Women (2008) et Acceptance (2008), parmi beaucoup d’autres, mettent en scène explicitement cette « traversée » de l’élémentaire : comme un rite initiatique, plusieurs personnages avancent vers la caméra et rencontrent un « rideau d’eau » qu’il leur faudra traverser afin de continuer leur voyage.
[9] Cette installation peut également être vue à la fin de la vidéo Migration, réalisée la même année.
[10] Françoise Parfait, Vidéo : un art contemporain, Paris, Éditions du Regard, 2007, p. 119.
[11] Friedrich Nietzsche, Humain trop humain, Paris, Denoël/Gonthier, 1973, t. 1, p. 171. Notre italique.
[12] Ibid., p. 178. Notre italique.
[13] Andreï Tarkovski, Le Temps scellé, Paris, Cahiers du Cinéma, 2004, p. 127.
[14] Pour une analyse plus détaillée de cette œuvre, voir Jean-Paul Fargier, The Reflecting Pool de Bill Viola, Liège, Yellow Now, 2005.
[15] Nous ne développerons pas ici cette notion, car il ne s’agit pas de notre propos principal. Nous pouvons néanmoins renvoyer, notamment, au travail de Marcel Conche qui, en s’appuyant sur les théories antiques, mais aussi sur les ouvrages d’Heidegger, met en évidence les liens philosophiques qui associent la Nature, la phusis, et la mort : « Dire que l’étude de la Nature porte ‘sur la génération et la destruction’ des êtres, c’est dire qu’elle a pour objet, pour tout ce qui est, la venue à être et la cessation d’être : la vie et la mort. Penser la nature comme φύσις, c’est, suivant l’étymologie, penser la Source génératrice, l’origine et la naissance, la croissance ; mais c’est aussi penser le déclin et la mort. L’évidence de la Nature et l’évidence de la mort ne sont qu’une seule et même évidence. » Marcel Conche, Présence de la nature, op. cit., p. 12.
[16] Gaston Bachelard, La Formation de l’esprit scientifique, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 1970, p. 13.
[17] Jean-Louis Baudry, « Le dispositif : approches métapsychologiques de l’impression de réalité », in Communications, n° 23, 1975, p. 68.
[18] Ibid., p. 62.
[19] Claude Mauriac, L’Amour du cinéma, Paris, Albin Michel, 1954, p. 197.
[20] Christian Metz, Le Signifiant imaginaire, Paris, Christian Bourgeois, 2002, p. 32.
[21] Gilles Deleuze et Claire Parnet, Dialogues, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1996, p. 184.
[22] Bill Viola, in Jérôme Neutres (dir.), Bill Viola. L’album de l’exposition, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2014, p. 18.
[23] L’article « Je sais bien, mais quand même… » (1964) est repris dans Octave Mannoni, Clefs pour l’Imaginaire ou l’Autre Scène, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points », 1969, p. 9-33.
[24] Nous nous référons ici aux conceptions antiques et plus particulièrement à celles d’Aristote et d’Empédocle d’Agrigente, selon lesquelles le corps humain serait formé à partir des quatre éléments. Si ces théories peuvent sembler de nos jours obsolètes d’un point de vue scientifique, l’importance symbolique des quatre éléments primordiaux se retrouve tout au long de l’histoire des arts et des civilisations. De plus, concernant les éléments aquatique et aérien, il n’est pas totalement faux de les considérer comme des éléments constitutifs du corps humain.
[25] Wilfrid Reid, « De l’ensemble individu/environnement à la troisième topique : la pulsion, le narcissisme, l’emprise et la relation d’objet », in Revue Française de Psychanalyse, t. 70, n° 5, 2006, p. 1544.
[26] Voir à ce propos les ouvrages : Jeu et réalité : l’espace potentiel et Les Objets transitionnels de Donald Winnicott.
[27] Le vocable « cénesthésie » vient du grec ancien koinόs (κοινός, « en commun ») et aísthêsis (αἴσθησις, « perception ») et signifie donc littéralement une « perception commune ». Il faut noter cependant que la cénesthésie, selon les études psychologiques de Théodule Ribot notamment, est relative à une perception spécifique, à une perception liée à l’intérieur du corps, aux organes et non aux cinq sens. La perception cénesthésique serait ainsi liée à une « rumeur des viscères » qui exacerbe le souvenir d’une correspondance ontologique entre le corps et les éléments du monde, et éveille la conscience d’une appartenance à un rythme cosmique.
Merci pour cette mise en lumière et la richesse de ce document qui nous ouvre des perspectives…