Appel à contributions – Vision du social
« Je crois que sans formes gestuelles, symboliques et corporelles de l’interaction sociale, notre société ne serait pas à même de se reproduire et de se forger une identité – ces aspects sont au moins autant porteurs de signification que les processus de l’entente langagière[1]. »
En deçà des mots, c’est à travers des gestes et des attitudes et donc en se regardant, que nous identifions l’origine sociale ou communautaire des uns et des autres. Bien plus, c’est à travers eux que nous nous construisons nous-mêmes. En ce sens, la vue est un sens éminemment social.
Mais il faut d’emblée lever l’ambiguïté qui surgit autour de ces notions de sens et d’identification. Leur signification n’est pas seulement symbolique ou sociale, elle prend au contraire racine dans une tendance biologique. Nombreuses sont les études qui montrent l’influence importante de notre tendance naturelle, quasi infra consciente, à l’entre soi dans la constitution de groupes clos sur eux-mêmes et dans différentes formes de discrimination[2]. Comme le notent par exemple Laurence Kauffman et Laurent Cordonier, ceci peut s’expliquer par le fait que :
« D’un point de vue phylogénétique, la société, loin d’être uniquement l’organisation lointaine et artificielle que les esprits humains se seraient mis à inventer une fois libérés des exigences immédiates de la survie, est aussi un produit naturel de l’évolution[3]. »
On devine donc le paradoxe qui habite le sens de la vue. Il est à la fois ce qui nous permet de nous construire comme individu appartenant à tel ou tel groupe et ce qui risque de nous enfermer en lui. La vue peut donc aussi être le sens qui fixe et fige le social.
En effet, si nous nous construisons à travers des processus de reconnaissance croisée au sein d’un groupe, dans quelle mesure ces processus essentiels d’identification-catégorisation peuvent-ils encore être le ressort d’une émancipation ? Si être intégré, c’est toujours déjà être reconnu comme appartenant à tel ou tel groupe d’individus différent d’un autre, l’émancipation ne se joue-t-elle alors que dans les marges ?
L’appel à contributions d’Implications Philosophiques vise à interroger ce paradoxe de la reconnaissance qui habite le sens de la vue et ses conséquences concrètes sur la vie des individus.
Parmi les axes et enjeux contemporains que ce dossier se propose d’explorer, sont plus particulièrement attendus des articles portant sur les questions :
– de l’identité sociale (code sociaux, éducation, inégalité des chances, discrimination à l’embauche, transfuge,…)
– de l’identité de genre (individu et stéréotypes, minorités, communautés,…)
– de l’identité culturelle (républicanisme, multiculturalisme, discrimination positive,…)
Certes, les questions ne sont pas nouvelles mais nous souhaiterions les voir renouvelées par le biais d’une approche pluridisciplinaire qui permette de mieux saisir l’entremêlement du « naturel » et du « culturel », pour montrer à quel point notre compréhension de l’un et de l’autre n’est bien souvent que le reflet d’habitudes de pensée trop rigides pour la réalité vivante.
Informations pratiques
Coordination éditoriale : Stéphanie Favreau
Contact : s.favreau@implications-philosophiques.org
Calendrier :
Date limite de réception des propositions : 30 juin 2014
Notification de la première phase de sélection : 1er juillet 2014
Soumission des articles complets : 15 septembre 2014
Acceptation définitive des articles : 15 octobre 2014
Publication : novembre 2014
Remise des fichiers :
Les propositions ne devront pas dépasser une page et peuvent être accompagnées d’une bibliographie et d’une courte notice biographique.
Elles devront être soumises à la rédaction (redaction@implications-philosophiques.org).
Les articles devront compter entre 15 000 et 35 000 signes.
[1] Axel Honneth, « La Théorie critique de l’École de Francfort et la théorie de la reconnaissance », in La société du mépris. Vers une nouvelle théorie critique, Paris, La Découverte, 2012, p. 162.
[2] Sur ce point on pourra consulter l’article d’Anthony Edo et Nicolas Jacquemet, « Discrimination à l’embauche et entre-soi », paru sur le site La Vie des idées le 18 février 2014, URL : http://www.laviedesidees.fr/Discrimination-a-l-embauche-et.html
[3] Laurence Kaufmann et Laurent Cordonier, « Vers un naturalisme social », SociologieS [En ligne], Débats, Le naturalisme social, mis en ligne le 18 octobre 2011. URL : http://sociologies.revues.org/3595