Le saint moral – présentation
Nous avons le plaisir de vous présenter la première traduction française de l’article de Susan Wolf, « Moral Saints », publiée grâce à l’aimable autorisation du Journal of Philosophy. Nous souhaiterions remercier l’auteure elle-même, Susan Wolf pour son soutien, ses encouragements et sa grande disponibilité.
Nous espérons que la lecture de cet article, désormais un classique de la philosophie morale outre-atlantique, vous apportera de nouveaux angles de réflexion.
Télécharger l’article ( en pdf – 850Ko)
NB : Pour des raisons de copyright, l’impression est désactivée par défaut. Si vous souhaitez l’imprimer dans le cadre d’un usage privé, vous pouvez prendre contact avec la rédaction.
Qu’est-ce qu’un saint moral ?
Le saint moral dont Susan Wolf dresse le portrait se définit comme une personne parfaite moralement parlant.
Par saint moral, j’entends une personne dont l’action est aussi moralement bonne que possible, c’est-à-dire une personne qui possède le maximum de valeur morale possible
et elle s’emploie à montrer que cette perfection le conduit à être relativement désagréable à fréquenter.
Un saint moral doit être très, très gentil. Il est important qu’il ne soit pas agressif. L’ennui c’est que, par voie de conséquence, il devra être obtus, fade et sans humour.
Le saint moral qu’elle examine est avant tout une expérience de pensée. Il a pour tâche de rendre perceptible l’achèvement ultime des théories morales. Le saint moral, tel qu’il est présenté ici, est un résultat. Il importe de préciser ce point : il ne traduit pas une réalité transcendante ou la finalité ultime de l’humanité dont les théories morales tendraient tant bien que mal de rendre compte. Cela tient avant tout au fait que Susan Wolf ne s’avance pas sur le terrain glissant de la nature réelle de la morale. Son esprit critique ne s’exerce que sur les productions humaines, c’est-à-dire les théories morales et leurs inscriptions dans le monde humain.
Perspectives : la figure de l’honnête homme.
A la figure du saint moral, Susan Wolf oppose, en filigrane, une figure plus humaine qui évoque celle de l’honnête homme. Cela est particulièrement patent lorsque, contre le saint moral qualifié de « disgusting goody-goody » elle met en avant les vertus de sociabilité et le plaisir d’être avec les autres que Illich nomme « convivialité ». L’ensemble de l’entreprise de Susan Wolf cherche à établir la légitimité d’une sphère d’action à côté de la morale. En cela son projet rejoint celui d’un des pères fondateurs de la figure de l’honnête homme, Della Casa. Ce dernier, à la suite de Castiglione, avait entrepris de contourner l’omniprésence de l’Église en charge du salut des âmes, en investissant le domaine de la quotidienneté et du vivre ensemble basé sur la non-incommodation. Contre l’aspect téléologique des théories morales, Susan Wolf réactualise ce contournement et cherche à son tour à limiter la morale en changeant d’échelle et en intégrant la dimension morale dans le tout de la vie humaine. A cet égard la notion extrêmement riche de « non-moral virtue » en est sans doute le trait le plus stimulant et déterminant pour notre époque.