Dénoncer la radicalisation, reconstruire un ordre moral et politique (2/2)
Caroline Guibet Lafaye est directrice de recherche au CNRS, directrice adjointe du Centre Maurice Halbwachs, et membre de l’équipe GRECO.
(Ndlr: Il s’agit de la deuxième partie du texte, publiée le 1/05/17. La première partie a été publiée le 28/04/17.)
Depuis les attaques revendiquées par l’État islamique en France initiées en 2015, la référence à la radicalisation inonde l’espace public ainsi que les discours politiques. L’inflation de ce vocabulaire n’a pas pour seule vocation d’alimenter la lutte contre le terrorisme. La dénonciation de « l’ennemi de l’intérieur » se double de la réaffirmation d’un ordre intérieur, à la fois moral et politique. Mettant en scène une attaque des valeurs de la démocratie, faisant écho au « choc des civilisations » inauguré aux États-Unis, l’exécutif français s’appuie sur la lutte contre la radicalisation pour réinstituer un ordre de valeurs dans lequel la laïcité devient cardinale. De façon ultime, l’atteinte à la laïcité, dans le cadre scolaire notamment, se voit interprétée comme un signe de radicalisation.
Mots clefs : Radicalisation, ennemi intérieur, laïcité, école, choc des civilisations.
Since the attacks in France in 2015, references to radicalization have flooded the public space and political speeches. The inflation of this vocabulary is not only aimed at reinforcing the fight against terrorism. The denunciation of the “enemy within” doubles as the reaffirmation of a domestic order, both moral and political. Encouraging an attack on democratic values, echoing the clash of civilizations that germinated in the United States, the French Executive is using the fight against radicalization to reinstate a system of values in which secularism becomes fundamental. Ultimately, acts against secularism, specially at school, will be interpreted as a sign of radicalization.
Keywords: Radicalization, enemy within, secularity, education, clash of civilizations.
2. La redéfinition politique de l’identité nationale
2.1 La redéfinition identitaire des communautés
Toutefois l’investissement par le politique d’un discours sur les valeurs n’est pas sans conséquences. Ce discours s’articule et produit une cristallisation des oppositions communautaires. Le vocabulaire de la radicalisation est alors mobilisé dans une redéfinition des tensions sociales en termes communautaires et religieux. Cette rhétorique produit une essentialisation des individus et des groupes autour de caractéristiques intrinsèques, substantialisées et définies, en premier lieu, par référence à la religion. Cette assignation efface toutes les autres caractéristiques, à l’exception des délinquants auxquels est affecté le double stigmate : musulman et délinquant. La production de l’altérité en référence à des principes religieux et normatifs, sur l’horizon de la radicalisation, s’est amorcée à partir de 2001 :
Nous devons tout faire pour l’intégration des musulmans qui acceptent nos valeurs et qui respectent nos lois. En même temps, nous devons tout faire pour éliminer des foyers dans certains quartiers, parce que l’on sait que lorsque la violence est là, la radicalisation arrive, et lorsque la radicalisation arrive, le terreau de l’islamisme est là. (Douste-Blazy, 9/10/2001)[1]
« Radicalisation » et « acceptation de nos valeurs »[2] interviennent comme un couple antithétique participant d’une définition, par défaut, du radicalisé, i.e. de celui qui n’accepte pas nos valeurs, sans pour autant qu’il se soit inscrit dans un processus violent[3]. Cette polarisation est à la fois spatiale et normative puisque dans ces territoires[4], les valeurs de la République seraient mises à mal. Cette question n’est pas nouvelle puisque depuis le début des années 1980, l’espace public français est marqué par la construction d’un « problème musulman », devenu une véritable évidence sociale parmi les « élites » (politiques, universitaires, hauts fonctionnaires, intellectuels, journalistes, militants, etc.) (voir Beaugé et Abdellali, 2014). La construction du « problème musulman » s’appuie à la fois sur la sur-politisation et la sur-médiatisation de la question musulmane (Beaugé et Abdellali, 2014, p. 54). Cette « conversation publique sur l’islam et les musulmans » s’articule notamment autour de « la façon dont, en France, la religion des uns, les musulmans, est devenue l’obsession publique des autres » (Amiraux, 2015, p. 84).
Après les attaques du 11 septembre 2001 et les résultats du premier tour des élections présidentielles du 21 avril 2002, propulsant Jean-Marie Le Pen au second tour, commence une nouvelle phase de problématisation et de politisation de la question musulmane. Celle-ci devient non seulement un sujet de prédilection des medias (Deltombe, 2005), mais aussi un enjeu des positionnements dans le champ politique. Le vocabulaire de la radicalisation participe de la production de ce « problème » et ce, principalement à partir de 2003[5]. Dans le cadre du débat sur le port de signes religieux à l’école, la radicalisation est envisagée comme inhérente au « problème musulman » :
Je ne cesse depuis plusieurs mois de rappeler dans les établissements les principes de la laïcité républicaine contre la montée des communautarismes. Vous avez vu le rapport de la commission consultative des droits de l’homme, qui fait état d’une montée à la fois du racisme et de l’antisémitisme, un antisémitisme d’ailleurs d’un type nouveau, ne vient plus de l’extrême droite mais qui vient d’une certaine islamisation, radicalisation de certaines communautés musulmanes. Je crois qu’en effet, face à cette montée des communautarismes, du racisme et de l’antisémitisme, il faut réaffirmer, mais très fermement, les principes de la République et de la laïcité. Cela suppose en effet probablement un nouveau texte de loi. (Ferry, 24/04/2003)
À partir de 2006, la norme à partir de laquelle le « problème musulman » est évaluée évolue : la laïcité est redéfinie dans le sens d’une extension du domaine de la lutte contre les signes religieux musulmans non seulement à l’école publique mais aussi dans les entreprises privées. (Beaugé et Abdellali, 2014, p. 45) L’idée d’un « problème musulman » circule dans plusieurs espaces sociaux (Beaugé et Abdellali, 2014) et s’adosse progressivement à la théorie de la radicalisation de l’islam[6]. Suite aux meurtres de Toulouse et de Montauban de 2012, où les cibles ont été en premier lieu des militaires puis des enfants juifs, on souligne les oppositions culturelles, faisant des citoyens de confession juive une cible privilégiée. M. Valls affirme que « la haine du juif est l’un des éléments des processus de radicalisation » (27/11/2012), procédant de façon implicite à une assimilation des actes antisémites au terrorisme mais également à une ethnicisation des rapports sociaux (voir Maurin, 2004 ; Lapeyronnie, 2009)[7].
La radicalisation est appréhendée à partir de traits culturels élaborés dans une approche essentialiste et fixiste, faisant référence à des traditions, à une religion, à des modes de vie qui seraient contraires à ceux de la population nationale (voir Ceyhan, 2001) et implicitement à ceux de Français de parents français. Or « la manière dont les identités essentialisées sont construites politiquement est bien connue. » (Kapustin, 2008, p. 108) L’interprétation essentialiste de la culture enferme les individus dans leur identité religieuse. L’approche différentialiste, fondée sur l’affirmation de différences culturelles, constitue néanmoins un vecteur approprié pour la constitution de communautés exclusivistes, renfermées sur elles-mêmes – comme ce fût le cas en mai 2012 par Nicolas Sarkozy – et porteuses de cultures données pour incompatibles avec la culture nationale (voir Ceyhan, 2001)[8]. L’interprétation de la radicalisation en termes religieux conduit à faire de la communauté musulmane « l’Autre culturel » qui, par sa présence, dérangerait une société culturellement unie, harmonieuse et homogène – ce qu’en l’occurrence la France n’est pas. Le rapport entre les communautés se voit transformé en un conflit culturel, donnant lieu à une représentation de la société en termes antagonistes, opposant le « Nous » et les « Autres », i.e. ceux qui n’accepteraient pas les « valeurs de la démocratie », en premier lieu la laïcité[9].
Le danger de la radicalisation est associé à une religion précise : « de véritables ennemis “de l’intérieur”, de nationalité française, souvent convertis à l’islamisme radical, peuvent passer à l’acte. » (Valls, 25/10/2012) La mise en avant du facteur culturel dans l’explication des conflits, sous-jacente à la théorie du « choc des civilisations », s’appuie sur une vision essentialiste et déterministe de l’histoire (voir Kehailia, 2008). Pourtant il serait fautif de borner l’analyse du déclenchement des conflits armés et des phénomènes de radicalisation à des données culturelles ou religieuses. En revanche en « culturalisant » les conflits, le discours de l’exécutif français contribue à la construction de l’altérité (Kehailia, 2008), dont l’un des effets sera le rejet identitaire.
Le ciblage de la communauté musulmane apparaît avec d’autant plus d’évidence si l’on considère le prisme sous lequel les réactions au mariage pour tous ont été appréhendées (voir Guibet Lafaye, 2018). La polarisation du vocabulaire de la radicalisation sur la religion musulmane, placée dans une relation agonistique avec le judaïsme et qui se traduit de façon quantitativement et statistiquement signifiante, est d’autant plus manifeste que par ailleurs le mariage pour tous cristallise des tensions. Or cette polémique n’est nullement interprétée comme l’expression de formes de radicalisation sous-jacentes à la droite catholique, y compris lorsque des violences ont lieu[10]. Ainsi le vocabulaire de la radicalisation constitue la dernière des « strates qui, depuis la fin des années 1980, ont lentement édifié le “problème musulman” en France. » (Amiraux, 2015, p. 84)
2.2 La laïcité
Pendent de la traduction du « problème musulman » en une radicalisation religieuse, la laïcité est mobilisée comme pièce centrale du dispositif politique de réinstitution normative. Les enjeux politiques et idéologiques autour de la laïcité, depuis les années 1980 et plus particulièrement 2000, ont été magistralement mis en lumière (voir Amiraux, 2004 ; Abdellali et Mohammed, 2013 ; Beaugé et Abdellali 2014). Nous soulignerons, pour notre part, la façon dont le discours politique use de la référence à la radicalisation comme d’un repoussoir contribuant à une promotion de la laïcité et à la redéfinition de l’identité nationale[11]. La mise en évidence d’un ennemi omniprésent et insaisissable a eu, aux États-Unis, des incidences sur la structuration de la politique mais également sur la (re)définition de l’identité américaine (Ceyhan, 2001). Cette conjonction est également à l’œuvre en France que la violence politique soit à l’origine de la désignation d’un ennemi intérieur (voir Guibet Lafaye, 2018), qu’il soit question de redéfinir l’identité nationale ou d’en déchoir certains – après l’échec des débats sur l’identité portés par le gouvernement Sarkozy en décembre 2009 –, ou qu’une religion soit spécifiquement désignée comme potentiellement suspecte. Il ne s’agit donc pas seulement de produire de la cohésion sociale, comme dans les guerres conventionnelles du XXe siècle, mais bien de redéfinir une identité nationale autour de la valeur cardinale de la laïcité[12] qui permettra de faire le départ entre ceux qui sont avec nous et ceux qui sont contre nous. La citoyenneté elle-même se voit réinstituée à partir de la laïcité (Valls, 29/01/2015).
Le rétrécissement de la radicalisation au champ du religieux et en particulier à l’Islam (voir Guibet Lafaye et Brochard, 2016)[13] induit, dans la traduction politique de cette question en termes normatifs, une promotion sans précédent de la norme de la laïcité. La dénonciation puis la lutte contre ce qui est nommé radicalisation donnent lieu à la réinstitution de la laïcité comme valeur centrale autour de laquelle la cohésion nationale est requise[14]. À partir de 2002, la laïcité est reformulée à partir d’une dichotomie entre sphère privée et sphère publique, jusque-là moins contrastée dans la définition juridique de la laïcité (Poulat, 2003). Dès 2004, le principe de laïcité, dans sa nouvelle définition, devient une valeur nationale (Amiraux, 2015, p. 89)[15].
Les attaques de 2012 à 2016, perpétrées sur fond de référence à l’islam, approfondissent cette évolution et contribuent à faire émerger un nouvel ordre de valeurs principalement axé sur la laïcité. Celle-ci se voit réaffirmée dans toutes les institutions de l’État (voir infra). Elle concurrence la trilogie normative de la devise républicaine. Laïcité et sécurité[16] rivalisent avec liberté. La focalisation du débat public sur la radicalisation contribue à la « mutation de la laïcité comme modalité principale de gouvernance du pluralisme religieux en valeur nationale » (Amiraux, 2015, p. 84) et à la constitution d’un nouveau visage du « problème musulman » en France.
Parce que le pôle de l’altérité est défini en référence à des convictions et à des pratiques religieuses, la laïcité apparaît comme un instrument normatif particulièrement efficace[17]. « En France, le récit de la laïcité a récemment évolué dans deux directions différentes : comme une idéologie officielle, et comme un enjeu identitaire. Vidée de ses finalités, la laïcité est rapidement devenue le réceptacle et le vecteur d’une rhétorique identitaire dont l’ensemble des partis politiques, de la gauche à l’extrême droite, sont désormais les relais : la « laïcité » incarne l’ultime ressort pour préserver les « valeurs communes » constitutives d’une identité nationale. » (Amiraux, 2015, p. 89)
Ces usages de la laïcité ont des précédents dans les années 2000, notamment lors des émeutes urbaines de 2005, au moment desquelles « une instrumentalisation rigide et dogmatique du modèle républicain » a été identifiée (Castel, 2006, voir aussi Sibertin-Blanc et Boqui-Queni, 2015). Au début des années 2000 et dans un contexte où les partisans de la « nouvelle laïcité » sont parvenus à imposer l’idée d’une « prise de pouvoir politico-spirituel sur la jeunesse française de culture musulmane en situation de relégation sociale et économique dans des quartiers abandonnés par les pouvoirs publics » (HCI, 2009, p. 40), la norme laïque est redéfinie pour contenir le « problème musulman ». Aujourd’hui, le vocabulaire de la radicalisation participe de la production de la nouvelle norme laïque et du vocabulaire d’un espace social se construisant autour d’une norme envisagée comme l’antonyme de la radicalisation.
Autour de cette nouvelle norme laïque s’échafaude un espace social, situé à l’intersection de plusieurs champs (administrations, champ médiatique, associations, université, etc.), unifié par les instruments de « prévention de la radicalisation », transmis dans les administrations publiques, le monde médicosocial et de l’enseignement[18]). Cet univers dispose de son propre vocabulaire (« laïcité », « communautarisme », « territoires perdus de la République », etc.), auquel vient s’adjoindre celui de la radicalisation et de sa prévention (voir Beaugé et Abdellali, 2014)[19].
La promotion politique de la laïcité, comme réponse aux phénomènes de radicalisation, participe de la production renouvelée de l’identité nationale[20]. L’édification d’ennemis, fondée sur des trames narratives singulières et un système d’exclusion, contribue à la définition de soi. En la matière, on assiste à un retour des arguments culturels dans l’interprétation de l’identité nationale (voir Lapid et Kratochwill, 1996), s’appuyant sur la référence à la double norme de la laïcité et d’une pratique déradicalisée de la religion. Cette lecture produit une représentation de la société en termes antagonistes, opposant le « Nous » et les « Autres », ceux qui n’accepteraient pas la laïcité par exemple, ceux qui pourraient être soupçonnés de radicalisation. Ces Autres portent le soupçon d’une menace, pouvant mettre en danger la sécurité identitaire des nationaux. L’ennemi, le radicalisé (musulman en l’occurrence) est soupçonné de porter des valeurs contraires aux valeurs françaises, par l’adoption de styles de vie, de croyances et de coutumes jugées étrangères. L’attention placée sur la radicalisation engendre des réflexions sur la compatibilité de valeurs, de normes, de principes religieux avec les valeurs dites de la république.
C’est, rassemblés, que nous devons nous battre contre les extrémismes, les fanatismes, les radicalismes. Aucune division n’est possible quand il s’agit de défendre ce qui constitue les fondements de notre société. […] Ce combat, c’est, en premier lieu, celui de la laïcité. […] La laïcité apaise, protège. Nous devons la défendre et ne jamais plus la laisser aux mains de ceux qui la détournent pour en faire un discours de rejet de l’autre. Le combat que nous devons mener, ici, à Toulouse, comme partout en France, c’est aussi celui de la lutte contre la radicalisation. C’est un enjeu considérable pour notre pays et pour toute l’Europe. (Valls, 27/02/2014)
La promotion de la laïcité au rang de première valeur nationale conduit à la production d’une nouvelle hiérarchie des valeurs sociales tendant à lui subordonner d’autres formes de libertés (liberté d’expression, liberté de circulation). La protection des valeurs françaises et de la laïcité devient ainsi l’un des principaux arguments des discours politiques et sécuritaires, traitant de la radicalisation, bien avant 2015 (voir aussi graphique 3).
Je pense que partout où l’on a une radicalisation de la pensée, partout où l’on ne veut pas reconnaître l’humanisme, qui est la valeur qui met la personne au centre de la société, je pense qu’il y a des dangers. […] C’est cela, la France. Ce sont les valeurs essentielles qui nous rassemblent, c’est notre Pacte républicain. Dans ce Pacte républicain, il y a la laïcité. Tous ceux qui mettent en cause ces valeurs-là mettent en cause l’équilibre républicain. Et moi je les qualifie d’“extrémistes”. Mais des extrémismes, il y en a plusieurs, avec différentes origines ; je ne les mélange pas, mais je reconnais que tous ensemble, ils peuvent être, pour la République, une préoccupation majeure. (Raffarin, 18/02/2004, interrogé sur la montée des extrémismes et le « danger Le Pen »)
La question devient celle du « traitement »[21] des « corps étrangers » dont on suppose qu’ils répugnent à délaisser leurs valeurs jugées contraires aux valeurs (redéfinies) du pays. Cette inquiétude marque toute lecture de phénomènes sociaux au prisme de la radicalisation et repose la question de l’assimilation de populations dont les parents seraient nés à l’étranger. Elle trace la frontière entre qui est « désirable » et qui est « indésirable » dans le cadre national[22], et nourrit la production de « signes » de radicalisation, sur lesquels se fondent les politiques publiques de prévention de la radicalisation.
La non-conformité à ces ordres de valeur ou principes d’action civique incarne la menace et ce sont bien des exigences de conformité morale qui sont collectivement exprimées, dans les manifestations, les rassemblements et dans certaines décisions politiques. (Amiraux, 2015, p. 87)
Ainsi la laïcité, comme antidote de la radicalisation, est investie d’une fonction répressive et tend à devenir une norme étatique, légitime et universelle, devant s’appliquer de manière universelle (voir Beaugé et Abdellali, 2014, p. 53). La prévention de la radicalisation est instituée en domaine d’action publique dont les « cibles » sont non seulement les citoyens mais également les agents de la fonction publique. Dans la mesure où elle fait partie intégrante de la « pensée d’État » (Bourdieu, 1993), nombre de situations sociales sont appelées à se plier aux exigences de la nouvelle norme laïque et de l’attention aux signes de la radicalisation : les services publics[23], les établissements d’enseignement hors contrat[24], les professions libérales[25] et les entreprises publiques[26]. Ainsi ont été élaborés un « kit de prévention de la radicalisation », « charte de la laïcité à l’école » ainsi que d’innombrables formations à la prévention de la radicalisation ainsi qu’à sa détection. Dans l’ensemble de ces espaces, des campagnes de « prévention de la radicalisation » et des formations sont menées. Les politiques publiques se redéfinissent en référence à la radicalisation et à la laïcité[27].
2.3 L’école, rempart contre la radicalisation
Dans cette redéfinition de l’identité nationale autour de valeurs comme la laïcité, censée faire barrage aux phénomènes de radicalisation, l’école est investie d’une fonction cardinale. Celle-ci a toujours été convoquée dans la mission de transmission des « valeurs républicaines » (voir Hajjat, 2012, p. 250-262 ; Hachimi-Alaoui, 2012) et des symboles aux futurs citoyens (voir HCI, 2009, p. 16). Néanmoins entre 2003 et 2012, puis depuis 2015 la question religieuse est devenue une préoccupation majeure pour les enseignants (voir Obin, 2004) et les responsables ministériels (Lorcerie, 2005 ; Tévanian, 2005, p. 19-26). Dans le contexte contemporain, elle est placée au premier plan des politiques de lutte – et pas seulement de prévention – contre la radicalisation[28]. L’institution scolaire a le devoir de « constituer un corps social homogène autour des principes de liberté d’opinion et d’expression dans le respect de la laïcité des services publics » (2011, p. 101). » (Beaugé et Abdellali, 2014, p. 52)
Dès 2014, la ministre de l’éducation nationale assume un rôle spécifique dans cette promotion de la laïcité, comme outil de lutte contre la radicalisation.
La laïcité garantit un cadre propice à la transmission des savoirs et des compétences, à leur apprentissage et à leur appropriation. L’enjeu est de promouvoir une école qui transmette une appartenance républicaine autour d’une culture commune et partagée, qui respecte les différences tout en se protégeant des irruptions identitaires et en prévenant les logiques de radicalisation. […] Il ne faut pas seulement développer la laïcité à ou dans l’école, mais faire en sorte que l’école délivre une pédagogie de la laïcité, qu’elle ancre ce principe dans les esprits comme dans les pratiques. (Najat Vallaud-Belkacem, 21/10/2014[29])
Suite au 11 janvier 2015, le gouvernement dessine trois sites prioritaires d’action publique dans le dispositif de lutte contre le terrorisme et de prévention de la radicalisation des musulmans[30]. Le deuxième concerne l’école publique, lieu historique depuis 2004 de l’intervention politique en matière d’encadrement des gestes des populations croyantes. Annoncé le 22 janvier par la ministre de l’Éducation nationale, le plan de mobilisation de l’école pour la République comporte 16 mesures destinées à renforcer la citoyenneté et l’enseignement de la laïcité à l’école avec un budget de plus de 250 millions d’euros sur trois ans, mais également la création d’un « livret laïcité » (Vallaud-Belkacem, 22/01/2015)[31] comme de la semaine d’éducation contre le racisme et l’antisémitisme[32]. Une « pédagogie de la laïcité » doit permettre de prévenir la radicalisation. Elle est ainsi décrite par la ministre :
la pédagogie de la laïcité, faite de dialogue, de développement de l’esprit critique et de temps forts, l’enseignement moral et civique plus largement, doivent constituer les leviers d’une citoyenneté durable. Ces leviers, nos professeurs doivent être en mesure de les actionner au mieux. C’est à cette fin, comme vous le savez, que 300.000 enseignants doivent être formés à cette pédagogie de la laïcité d’ici fin 2015 par les experts qui ont rapidement été mobilisés (Vallaud-Belkacem, 30/06/2015).
La lutte contre la radicalisation apparaît comme un réel enjeu pour ce ministère puisque ce sont dans les discours de Najat Vallaud-Belkacem que le syntagme « radicalisation » revient le plus souvent après ceux de M. Valls. Sur la période étudiée (1980-avril 2016), ce dernier prononce 485 discours dont 60 évoquant la question de la radicalisation, i.e. 12,4 %. Les chiffres sont respectivement pour François Hollande de 1192 pour 26, i.e. 2 %, pour Najat Vallaud-Belkacem de 290 pour 20, i.e. 6,9 % et pour Christiane Taubira de 182 pour 10, i.e. 5,5 %. La ministre de l’Éducation nationale déplace sur le terrain moral – et pas exclusivement sur le terrain des valeurs – la problématique de la radicalisation. Celle-ci est abordée comme un problème de la jeunesse.
Ce faisant, le personnel éducatif, au nom de la lutte contre la radicalisation, est investi de la mission de « transmission du sens de la laïcité » (Vallaud-Belkacem, 24/08/2015) ainsi que du signalement non seulement d’indices de radicalisation mais également d’atteinte à la laïcité[33]. Dans le cadre scolaire – mais plus largement aussi – la mise en question de la laïcité, dans sa nouvelle interprétation fondée sur la séparation des espaces privés et publics, est interprétée comme un « signe de radicalisation »[34]. Or à travers la laïcité, se trouve convoquée « la religion en tant que catégorie idéologique autoritaire propre à juger et à déclasser certains groupes et la critique de sa pertinence à définir un certain nombre de comportements sociaux et culturels » (Mondher, 2003). L’évocation incantatoire de la laïcité présente des effets pervers, dont « le “monolinguisme” nationalo-laïque » (Amiraux, 2015)[35] et le « renversement actuel des principes libéraux et anti-discriminatoires de la laïcité en leur application répressive : un « méta-laïcisme » (Sibertin-Blanc et Boqui-Queni, 2015).
Conclusion
Le discours politique sur la prévention de la radicalisation et la lutte contre le terrorisme a une dimension performative. Il s’adresse, tout à la fois, aux citoyens. La construction du danger intérieur, présenté comme condensé en une religion, induit une réponse survalorisant une interprétation de la laïcité, s’éloignant du sens qui était le sien dans la loi de 1905. D’autres options auraient pu être privilégiées, telles le dialogue entre les cultures, la tolérance, la solidarité, le renforcement des politiques d’égalité des chances, de cohésion sociale ou d’insertion mais le cœur du problème ayant été traduit en termes religieux, la réponse d’une République se présentant comme attaquée dans ses valeurs ne pouvait être que la promotion d’un surcroît de laïcité. Le choc des civilisations, annoncé par S. Huntington et repris par l’exécutif américain au début des années 2000, trouve une actualité dans le contexte européen, présentant la lutte contre le terrorisme en termes de combat pour la défense des valeurs des démocraties européennes. La référence à la radicalisation sert d’opérateur de conversion en termes moraux d’enjeux politiques, géopolitiques et sociaux. Les lectures manichéennes du monde imputées aux acteurs violents sont également assumées par une part de l’exécutif français qui gomme les enjeux politiques sous-jacents aux décisions qui ont porté ces derniers à devenir les têtes de pont occidentales de conflits, dont le terrain principal se situe au Moyen-Orient.
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Annexes
Graphique 3 : Courbes d’évolution des occurrences des termes « radicalisation » et « laïcité » dans les discours politiques.
[1] Rappelons qu’à cette époque Ph. Douste-Blazy est maire de Toulouse.
[2] Voir aussi après janvier 2015, Valls 13/01/2015 et 16/11/2015. La question de l’adhésion aux « valeurs de la République » permet de réintroduire le débat sur l’intégration, en la matière plutôt dépourvu de sens, puisque les individus auxquels il est fait allusion en filigrane sont des Français nés en France.
[3] Ce couple évoluera vers le binôme « prévention de la radicalisation » et « promotion de nos valeurs » (voir Désir, 4/02/2015), faisant de la promotion normative le premier outil de lutte contre la radicalisation dans des discours intentionnellement déployés à l’attention des citoyens. L’arsenal normatif s’explicite ainsi : « Nous devons aussi diffuser des « contre-discours » facilement accessibles aux publics cibles, notamment les jeunes. Il faut promouvoir la vérité contre la propagande mensongère – le Gouvernement a lancé le site « stop djihadisme » –, mais aussi défendre les valeurs de tolérance, de démocratie, de liberté, de non-discrimination et de solidarité. » (Désir, 4/02/2015)
[4] L’altérité décriée est située dans l’espace des banlieues (voir Guibet Lafaye, 2016).
[5] Le vocabulaire de la radicalisation participe, de façon récurrente au cours de l’histoire politique française contemporaine, de la désignation de l’adversaire politique. Nous avons toutefois montré, en d’autres lieux (Guibet Lafaye et Brochard, 2016), à partir d’une étude systématique de la presse notamment, qu’il désigne désormais, de manière privilégiée, les pratiques religieuses liées à l’islam plutôt que des idéologies politiques et, à partir des années 2010, le terrorisme lié à l’islam. En dépit de cette spécialisation du vocabulaire de la radicalisation, l’attribution du label radical demeure un outil de disqualification politique de la contestation et des luttes sociales ainsi que de courants politiques extrémistes, en particulier à la gauche de l’échiquier politique. Nous privilégions ici l’analyse de la construction de la radicalité autour de la question religieuse pour mettre en évidence la réorganisation normative dont elle est porteuse.
[6] Voir Libération, 14/03/2016, le débat Kepel vs. Roy.
[7] Le Législateur distingue pourtant ces deux qualifications. La loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 réprime tout acte raciste, antisémite ou xénophobe et loi n° 2003-88 du 3 février 2003 aggrave les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe. Lorsqu’il est interrogé sur les dispositifs de lutte contre les actes antisémites, à l’Assemblée nationale, M. Valls s’engage dans une même assimilation. Dans ce discours, M. Valls élargit le spectre du danger en assimilant droit commun et terrorisme. Il fait sortir les délits de racisme et d’antisémitisme du droit commun pour les introduire dans le champ du terrorisme ce qui va contre les dispositions juridiques nationales. La logique de partition des citoyens français en fonction de leurs convictions religieuses se poursuit lorsque M. Valls est premier ministre : « au sein de l’islam nous devons aider les musulmans qui ne supportent pas d’être confondus avec ces discours, pas uniquement avec les jihadistes, pas seulement avec des terroristes mais avec l’intégrisme, le conservatisme, le radicalisme, il faut combattre. » (9 février 2015)
[8] « Qu’est-ce qui s’est passé depuis 10 ans ? On a une montée des tensions communautaires extravagante. On a une radicalisation et une pression – disons les choses comme elles sont – d’un islam de France alors que nous voulons un islam en France. Je considère comme irresponsable de proposer un vote communautariste et un vote communautaire alors que nous sommes face à des tensions communautaires et identitaires extraordinairement fortes. » (Sarkozy, 2/05/2012)
[9] Voir supra Valls, 16/02/2015 et 25/06/2015 ; Cazeneuve, 15/06/2015.
[10] Si le gouvernement a réagi aux mobilisations suscitées par l’opposition au mariage pour tous, les critiques formulées à l’encontre de ce mouvement ne se sont pas exprimées dans le vocabulaire d’une radicalisation imputée à ces opposants.
[11] Voir la superposition, en termes d’évolutions du recours aux termes « laïcité » et « radicalisation » dans les graphiques 1 et 2.
[12] « le caractère ad hoc des mesures [concernant la prévention de la radicalisation] ne doit pas faire oublier les effets de cadrage plus généraux qui ont, par exemple, depuis 2004 traduit la mutation du principe de laïcité en valeur nationale. » (Amiraux, 2015, p. 89)
[13] La « stratégie guerrière » du « terrorisme, globalisé, nomade » est présentée comme « visant à instaurer un nouvel ordre mondial “religieux” » (Valls, 29/04/2015).
[14] En son sens historique le principe de laïcité renvoie aux institutions publiques la charge de la neutralité.
[15] « [l]a laïcité s’identifie à ce point à la République, dans notre pays, qu’on ne conçoit pas d’intégration à la communauté nationale sans acceptation pleine et entière de ses exigences » (HCI, 1992, p. 35).
[16] Voir Valls, 25/02/2013, 13/04/2015 ; Cazeneuve, 12/02/2016.
[17] La constitution d’une altérité à ce qui serait l’authentique identité nationale se place sous le paradigme du religieux.
[18] Création en 2016 de chaires d’islamologie et de six postes dédiés à l’étude de la radicalisation.
[19] Voir de Villepin, 9/11/2004, Sarkozy, 11/09/2005 : lorsque le contexte est celui du terrorisme, on parle d’islam radical, en revanche, lorsque N. Sarkozy envisage la création du conseil représentatif de l’islam de France, il parle de fondamentalisme ; Valls, 16/10/2012, 1/08/2013, 27/02/2014 ; Cazeneuve, 22/04/2014 (« l’islam de France ce n’est pas un islam radical et bien entendu tous ceux qui dans les milieux associatifs au sein de l’islam peuvent nous aider à ramener ces jeunes à la raison pourront être mobilisés dans le respect des principes de la laïcité, ce qu’il faut c’est prévenir ces comportements. ») ; Vallaud-Belkacem, 21/10/2014, 13/01/2015 ; Valls, 13 et 29/01/2015 ; Fabius, 14/01/2015 avec une nuance ; Hollande, 5/02/2015 ; Valls, 16/02/2015 ; Cazeneuve, 25/02/2015 et 12/05/2015 ; Le Drian, 18/03/2005 ; Cazeneuve, 15/06/2015 ; Valls, 2/10/2015 ; Vallaud-Belkacem, 4/11/2015 ; Hollande, 5/01/2016 ; Vallaud-Belkacem, 27/01/2016. L’idée qu’il faille développer des « contre discours » pour parer aux tentations radicales est apparue tardivement dans le débat (voir Taubira, 8/01/2015), bien après l’injonction à la laïcité.
[20] Voir Valls, 3/10/2014, 13 et 29/01/2015 ; Désir, 4/02/2015 ; Conseil des ministres, 18/02/2015 ; Cazeneuve, 25/02/2015 ; Valls, 13/04/2015 ; Girardin, 15/04/2015. Cette tendance omet le fait qu’une large part des individus « radicalisés » sont des Français de parents français, convertis à l’islam, comme le « gang de Roubaix » en attestait déjà dans les années 1990.
[21] Voir Alliot-Marie, 30/09/2008 ; Cazeneuve, 15/09/2014.
[22] « notre défi, pas en France, mais dans le monde, c’est de faire cette démonstration : la République, la laïcité, l’égalité hommes / femmes sont compatibles avec toutes les religions sur le sol national qui acceptent les principes et les valeurs de la République. Mais cette République doit faire preuve de la plus grande fermeté, de la plus grande intransigeance, face à ceux qui tentent, au nom de l’Islam, d’imposer une chape de plomb sur des quartiers, de faire régner leur ordre sur fond de trafics et sur fond de radicalisme religieux, un ordre dans lequel l’homme domine la femme, où la foi, oui madame la présidente Pompili, vous avez eu raison de le rappeler, l’emporterait sur la raison. » (Valls, 13/01/2015).
[23] Voir le plan de lutte contre la radicalisation du 23 avril 2014, mobilisant « police, gendarmerie, Éducation nationale, PJJ, Pôle Emploi, Mission locale… » ; la création d’un comité de pilotage national ; la diffusion d’un document de « Prévention de la radicalisation en milieu scolaire », envoyé par le ministère de l’Éducation nationale aux Académies ; la proposition le 4 mars 2016 de « création d’une commission d’enquête sur le phénomène de radicalisation dans le milieu du sport amateur » et le 17 mars 2016 par le député G. Collard d’une même « commission d’enquête sur la radicalisation communautariste au sein des forces armées, de la gendarmerie et de la police ». Le ministère de la justice a défini un plan de lutte contre la radicalisation en prison. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) est mobilisée. La Caisse Nationale des Allocations Familiales (CNAF) a désigné dans chaque caisse un référent radicalisation. La fédération des associations de protection de l’enfance (CNAPE) a proposé une formation « Prévention de la radicalisation violente » en 2015.
[24] Voir Hollande, 5/01/2016.
[25] Le conseil de l’Ordre des médecins a pris des positions pour aménager le secret professionnel.
[26] La RATP est également désignée dans la prévention de la radicalisation (voir Valls, 9/12/2015).
[27] « Il nous faut donc agir. Redonner toute sa force à la citoyenneté, à la laïcité. Cela passe évidemment par l’école, mais aussi par des politiques publiques qui réinvestissent les quartiers, les zones périurbaines, les villes moyennes, partout où la République – disons-le – a reculé ces dernières années. » (Valls, 29/01/2015)
[28] Voir Valls, 17/11/2015.
[29] Voir aussi Vallaud-Belkacem, 9/12/2014, 22 et 28/01/2015 ; Hollande, 5/02/2015, Vallaud-Belkacem, 23 et 26 /11/2015.
[30] Le premier s’attache à la prison, le troisième s’appuie sur les politiques de la ville.
[31] S’y adjoint la création un diplôme universitaire consacré à la laïcité et aux valeurs de la République (Valls, 13/06/2015).
[32] Voir Conseil des ministres, 13/05/2015, les Assises de l’école pour les valeurs de la République.
[33] « La formation de nos équipes – je vous rappelle que 300 000 personnes doivent être formées d’ici la fin de l’année 2015 – est indispensable, de même que votre vigilance et celle des référents académiques face à tout signalement d’atteinte au principe de laïcité ou toute dérive liée à la radicalisation. » (Vallaud-Belkacem, 24/08/2015) « La prévention et la détection de la radicalisation passent autant par la formation des enseignants et des personnels pour repérer les signes avant-coureurs, avec notamment le livret diffusé en février 2015 sur le site internet du Ministère, que par les enseignements, comme l’histoire-géographie, l’histoire des faits religieux, ou l’Enseignement Moral et Civique et l’Éducation aux Médias et à l’Information. […] L’école a donc un rôle à jouer dans la détection en amont des signes avant-coureurs d’un processus de radicalisation et elle entend l’assumer pleinement. Les signalements, la circulation des informations entre les différents services sont essentiels pour empêcher l’issue fatale que recèle toute radicalisation. […] Oui, nous avons rompu avec la culture de l’excuse. » (Vallaud-Belkacem, 4/11/2015)
[34] « Le rôle de l’État est d’apporter à tous les acteurs de la société civile le soutien de la puissance publique, dans chacune des situations difficiles de contestation de la laïcité. » (Valls, 9/12/2015).
[35] Ce dont se défendait L. Ferry, en disant vouloir éviter « une radicalisation intégriste de la laïcité » (6/02/2004).