Le goût et la sensibilité pour le sublime
Atsuko Tamada, Maître de conférences, Faculté des lettres, Université Chubu, Aichi, Japon.
[learn_more caption= »Résumé/Abstract »] Au siècle des Lumières, où les définitions de la notion de goût connaissent des changements profonds, l’enseignement rhétorique se consacre à développer la faculté du jugement esthétique à travers la lecture assidue des ouvrages de l’âge classique, devenus littéralement de « nouveaux classiques » du français. Cet article entend montrer que la sensibilité pour le sublime est devenue un des objectifs principaux de cet enseignement, sensibilité sur laquelle les élites cultivées françaises s’appuient pour se distinguer et s’auto-légitimer.
During the Age of Enlightenment, during which the definitions of taste evolved dramatically, rhetorical teaching focused on developing the faculty of aesthetic judgment through assiduous reading of the works of a classical age that became the « new classics » of French literature at that time. This paper investigates how this aesthetic teaching especially tried to explore the sensibility of the sublime, by which the French cultured elites distinguished themselves and made “autolégitimation”.
Introduction
La notion de génie constitue souvent le pendant de celle de goût. Si l’on peut débattre de ces deux dispositions sur le même plan, c’est d’abord parce que, comme le génie, le goût est censé être indispensable à la création d’une œuvre d’art. De plus, ces deux dispositions fonctionnent de façon complémentaire.
Du goût et du génie, c’est le dernier qui est considéré, en général, comme la faculté la plus proche de la notion de sublime. Mais si le rapport qu’entretient le génie avec le sublime paraît depuis toujours plus évident et plus essentiel, c’est d’abord parce qu’ils témoignent, tous les deux, de l’exercice d’une force qui est au-dessus des aptitudes normales de l’homme. Le génie et le sublime sont en effet deux choses énigmatiques que les connaissances humaines ont du mal à expliquer. Comme on le sait, jusqu’au siècle précédent, la force créatrice du génie et l’enthousiasme du sublime ne reçoivent que des explications théologiques ou mythologiques. Ils n’appartiennent pas à une sphère dont la raison des hommes rend compte, mais dépassent hautement sa portée. Or il se passe au XVIIIe siècle quelque chose de nouveau, et qui va remettre en question ce statut exceptionnel du sublime, son inaccessibilité à la raison et à toute prise humaine, dans la mesure où l’on admet peu à peu que la sensibilité pour le sublime puisse elle-même être quelque chose qui s’apprend, dans la mesure, en d’autres termes, où l’on se demande comment le sublime peut devenir à son tour l’objet du jugement de goût. Comment en est-on donc venu à accepter l’idée que le sentiment du sublime peut s’éduquer?
Dans cet article, je me propose, d’abord, de montrer comment les définitions de la notion de goût évoluent et de quelle façon la formation du goût s’impose dans l’enseignement rhétorique du XVIIIème siècle. Par la suite, mobilisant une analyse sociologique de la place du sublime chez les élites cultivées françaises, je souhaite montrer comment cette question a contribué à l’autolégitimation sociale des groupes lettrés.
L’évolution d’un mot
À l’âge classique, la réflexion sur le goût prend souvent la forme d’une définition du « bon goût ». À cette période, cette notion fut répandue en tant que qualité privative et privilégiée de l’honnête homme. D’ailleurs, toujours accompagné du qualitatif « bon », le jugement prononcé avec « bon goût » suppose un critère unique et absolu étroitement lié à la notion de vérité. Dans sa Réflexion, La Rochefoucauld décrit la distinction que doit incarner l’honnête homme :
Il y en a qui, par une sorte d’instinct dont ils ignorent la cause, décident de ce qui se présente à eux et prennent toujours le bon parti. […] Tout agit de concert en eux ; tout y est sur un même ton. Cet accord les fait juger sainement des objets et leur en forme une idée véritable[1].
Selon cette conception, le critère du discernement demeure systématiquement le même, et ce, d’une manière immuable et absolue. De plus, dans le même chapitre, l’auteur signale que ce qu’on appelle le bon goût est indépendant de l’inclination personnelle : « Il y a une différence entre le goût qui nous porte vers les choses et le goût qui nous en fait connaître et discerner les qualités en s’attachant aux règles[2] ».
Or ce qui frappe chez La Rochefoucauld est que, sans citer les autres auteurs de l’époque comme le Père Bouhours ou Saint-Évremond, qui ont également abordé le sujet, on trouve chez lui tous les éléments du débat sur le goût. De plus, comme Roland Mortier le montre fort bien, cette notion n’est pas inventée au fur et à mesure du développement de la philosophie des Lumières. Au contraire, tous les termes qu’on utilise au cours du XVIIIème siècle pour en parler ont déjà fait leur apparition dans les débats des dernières décennies du siècle précédent. Cette idée est, selon Roland Mortier, « fortement imprégnée de classicisme ». Néanmoins, à force d’avoir ainsi attiré l’attention jusqu’à la veille des Lumières, le sujet ne présenterait-il plus rien de neuf dans la période qui nous concerne ?
Si l’on s’interroge sur l’évolution des définitions de ce mot dans le Dictionnaire de l’Académie, les articles « Goût » n’ont subi presque aucun changement qualitatif ou quantitatif durant le siècle, entre la deuxième édition publiée en 1718 et la cinquième parue en 1798. Même si la notation du mot se transforme de « goust » en « goût » à partir de la troisième édition publiée en 1740, la définition de la deuxième édition parue en 1718 se répète fidèlement jusqu’à la cinquième édition, publiée en 1798 :
GOUST signifie figurément le discernement, la finesse du jugement. Avoir du goust pour les bonnes choses, pour les bons ouvrages. Il a le goust délicat, fin, exquis. C’est avoir le goust fort mauvais de trouver de l’esprit à cela. Ce sont des choses de goust[3].
Pourtant, si l’on compare la première et la deuxième éditions, on relève une légère nuance.
À la suite des lignes que nous avons citées, les quatre éditions du XVIIIème siècle dissertent ainsi :
Il se dit aussi, de l’inclination qu’on a pour certaines personnes, pour certaines choses, de l’empressement avec lequel on les recherche, et du plaisir qu’on y trouve. Il n’a nul goust pour les choses du ciel. Il n’a pas de goust pour les vers, pour la musique. Il a beaucoup de goust pour cette personne là[4].
En revanche, dans la première édition, la différence est subtilement affichée. Le paragraphe, mis dans la même position, donne la définition suivante : « Il signifie aussi, Sensibilité. Il n’a nul goust pour les choses du ciel. Il n’a pas de goust pour les vers, pour la musique[5]. » Le simple remplacement du mot « sensibilité » par « inclination, empressement et plaisir » souligne une volte-face d’autant plus éclairante que les exemples donnés par l’article demeurent inchangés.
Ceci dit, tandis qu’en 1694 le goût suppose une position neutre ou indifférente par rapport à un objet, il désigne également depuis 1718 une disposition affective ou un mouvement spontanément orienté vers un objet. De fait, ce que La Rochefoucauld a voulu écarter est bien intégré à cette notion à titre d’élément essentiel et indispensable. Désormais, le caractère sentimental s’impose au détriment du caractère raisonnable du goût. L’amour de l’objet et la sensation que suscite cet amour deviennent des attributs de premier plan. Ainsi, de la même manière que l’idée de clarté — idée toujours dominante, mais qui a fortement évolué entre les deux siècles —, celle de goût se transforme fortement.
Le renouvellement de cet article de l’Académie n’est pas sans fondement. Au cours du XVIIIème siècle, les diverses tentatives pour définir la notion n’ont pas cessé d’évoquer le plaisir qui sous-tend le jugement opéré par le goût. Pour Du Bos, le plaisir apporté par les œuvres dépend d’une opération sentimentale qui dirige tous les jugements esthétiques. En insistant sur l’emprise qu’exerce le sentiment sur la décision, il conteste catégoriquement l’idée reçue de l’âge classique, à savoir que la raison juge objectivement l’œuvre en s’appuyant sur des règles universelles:
Or le sentiment enseigne bien mieux si l’ouvrage touche, et s’il fait sur nous l’impression qu’il doit faire, que toutes les dissertations composées par les critiques, pour en expliquer le mérite, et pour en calculer les perfections et les défauts. La voie de discussion et d’analyse, dont se servent ces Messieurs, est bonne à la vérité, lorsqu’il s’agit de trouver les causes qui font qu’un ouvrage plaît, ou qu’il ne plaît pas ; mais cette voie ne vaut pas celle du sentiment, lorsqu’il s’agit de décider cette question. L’ouvrage plaît-il, ou ne plaît-il pas ? L’ouvrage est-il bon ou mauvais en général ? C’est la même chose. Le raisonnement ne doit donc intervenir dans le jugement que nous portons sur un poème ou sur un tableau en général, que pour rendre raison de la décision du sentiment, et pour expliquer quelles fautes l’empêchent de plaire, et quels sont les agréments qui le rendent capable d’attacher. Qu’on me permette ce trait. La raison ne veut point qu’on raisonne sur une pareille question, à moins qu’on ne raisonne pour justifier le jugement que le sentiment a porté. La décision de la question n’est point du ressort du raisonnement. Il doit se soumettre au jugement que le sentiment a prononcé. C’est le juge compétent de la question[6].
Alors que le credo littéraire de l’âge classique, « plaire pour instruire », cherche toujours l’effet pédagogique ou moral, selon les critères esthétiques de Du Bos, le « plaisir » est devenu une valeur en soi. En outre, il s’impose comme l’effet primordial que suscite l’œuvre d’art. Si, au siècle précédent, l’agrément d’une œuvre n’était qu’un moyen secondaire servant à instruire plus efficacement, la valeur affective est désormais reconnue comme étant l’objectif principal d’une œuvre d’art :
Si le mérite le plus important des poèmes et des tableaux était d’être conformes aux règles rédigées par écrit, on pourrait dire que la meilleure manière de juger de leur excellence, comme du rang qu’ils doivent tenir dans l’estime des hommes, serait la voix de discussion et d’analyse. Mais le mérite le plus important des poèmes et des tableaux est de nous plaire. C’est le dernier but que les peintres et les poètes se proposent, quand ils prennent tant de peines à se conformer aux règles de leur art[7].
D’ailleurs, si Du Bos affirme que le public, qui ne se préoccupe pas de création, arrive à donner un jugement plus sûr et plus pertinent que les gens de « métiers », c’est que les amateurs n’apprécient une œuvre qu’à raison du plaisir qu’elle donne. Avant de réfléchir en recourant aux règles et aux connaissances, ils peuvent exprimer un jugement qui repose avant tout sur un sentiment :
Non seulement le public juge d’un ouvrage sans intérêt, mais il en juge encore ainsi qu’il en faut décider en général, c’est-à-dire, par la voie du sentiment, et suivant l’impression que le poème ou le tableau font sur lui. Puisque le premier but de la poésie et de la peinture est de nous toucher, les poèmes et les tableaux ne sont de bons ouvrages qu’à proportion qu’ils nous émeuvent et qu’ils nous attachent[8].
Ainsi, d’après les Réflexions de Du Bos, tant s’en faut que le goût soit l’apanage des professionnels : il appartient au public qui juge les œuvres avec plus de liberté. Cet élargissement de la sphère publique témoigne, encore une fois, d’un bouleversement de la notion : alors que le bon goût était, à l’âge classique, une qualité qui distinguait exclusivement l’honnête homme, le goût de l’âge des Lumières est le privilège d’un milieu beaucoup plus large.
Charles Batteux ne tarde pas à dire, dans Les Beaux-Arts réduits à un même principe, que le jugement du cœur l’emporte sur celui de l’esprit. Tout en reconnaissant l’utilité des connaissances générales pour permettre et orienter l’opération de cette faculté, il affirme que le sentiment fonctionne bel et bien tel le pivot de toutes les actions relatives à ce discernement intellectuel :
Le Goût est une connaissance des Règles par le sentiment. Cette manière de les connaître est beaucoup plus fine et plus sûre que celle de l’esprit : et même sans elle, toutes les lumières de l’esprit sont presque inutiles à quiconque veut composer[9].
À propos de cet amour, indispensable dans cette période, à la définition du goût, Batteux va plus loin. Il identifie l’amour qui nous relie à l’objet à l’amour-propre. Si l’on attend des œuvres d’art une certaine perfection, c’est qu’elles ne sont autre que des manifestations de la perfection de notre propre nature. Le plaisir procuré par les Beaux-Arts se définit ainsi comme une découverte de soi-même. En effet, ce plaisir pourrait constituer une partie de la belle nature, qui est, par principe, la composition parfaite des meilleurs éléments de la nature :
Le goût est la voix de l’amour propre. Fait uniquement pour jouir, il est avide de tout ce qui peut lui procurer quelque sentiment agréable. Or comme il n’y a rien qui nous flatte plus que ce qui nous approche de notre perfection, ou qui peut nous la faire espérer ; il s’ensuit, que notre goût n’est jamais plus satisfait que quand on nous présente des objets, dans un degré de perfection, qui ajoute à nos idées, et semble nous promettre des impressions d’un caractère ou d’un degré nouveau, qui tirent notre cœur de cette espèce d’engourdissement où le laissent les objets auxquels il est accoutumé.
C’est pour cette raison que les Beaux-Arts ont tant de charmes pour nous. Quelle différence entre l’émotion que produit une histoire ordinaire qui ne nous offre que des exemples imparfaits ou communs ; et cette extase que nous cause la poésie, lorsqu’elle nous enlève dans ces régions enchantées, où nous trouvons réalisés en quelque sorte les plus beaux fantômes de l’imagination ! L’histoire nous fait languir dans une espèce d’esclavage : et dans la poésie, notre âme jouit avec complaisance de son élévation et de la liberté[10].
Cette définition du goût reporte donc ses opérations vers l’intérieur du sujet. Le plaisir de l’œuvre d’art participe moins d’un amour pour l’objet que d’un amour pour soi-même. C’est ainsi qu’il repose souvent sur une certaine affinité entre l’objet et l’homme qui l’apprécie.
La malléabilité du goût et le sublime
La dimension de l’effet produit par le sublime est souvent censée dépasser la capacité de discernement permise par le goût comme le dit Baldine Saint Girons. Selon un principe de bouleversement, de saisissement, le sublime peut déchaîner l’émoi du lecteur ou du spectateur en gommant brutalement la capacité de discernement que l’éducation scolaire avait contribué à faire acquérir :
Or, autant le terme de goût convient à l’appréciation du beau, autant il semble insuffisant à caractériser l’expérience du sublime qui, étant celle du choc, de l’intensité dérangeante, du trouble, n’exige pas forcément cette fréquentation assidue des œuvres et du monde que suppose “le goût”, avec tout ce qu’il a d’élitiste ou de normatif[11].
Dans les manuels de rhétorique publiés au cours du XVIIIème siècle, le goût suscite bien des débats car le sentiment constitue le fondement du jugement de goût ; toutefois le goût est considéré comme malléable à la condition d’y appliquer une étude assidue. En outre, quoique le sublime et la faculté naturelle du génie se tiennent en un si étroit rapport qu’ils rendent problématique l’idée de former un discernement qui détecte le sublime, toutefois, on peut espérer y atteindre par le travail, dans la mesure où le goût dépend de l’art et des efforts humains.
Ainsi, les manuels scolaires de cette période tentent souvent de rapprocher la question du goût de celle du sublime. Dans De la Manière d’enseigner et d’étudier les belles-lettres, un des manuels les plus réputés et republiés régulièrement après sa première parution en 1732, Charles Rollin consacre une section au « genre sublime ». En fait, cette partie a pour objectif d’apprendre aux élèves ce qui est sublime pour qu’ils puissent détecter cette qualité dans les œuvres littéraires : « Dans l’admirable traité de Longin sur cette matière [le sublime] serait seul capable de former le goût des jeunes gens. Je ne ferai presque ici qu’en extraire quelques réflexions, qui seront pour eux comme autant de règles et de principes[12]. » En effet, dans ce souci d’éduquer le goût, rares sont les traités scolaires qui ne manifestent pas l’intention de rendre les élèves sensibles à la sublimité d’une expression, d’un style ou d’une œuvre.
Ce rapprochement est fait également dans un manuel à propos de la formation d’une sensibilité au sublime, celui de Séran de La Tour, L’Art de sentir et de juger en matière de goût. Dans les premières lignes d’un chapitre intitulé « Du Sublime considéré en général », l’auteur décrit l’importance de la sensibilité pour le sublime comme l’un des discernements fondamentaux opérés par le goût :
Nous voilà parvenus au chef d’œuvre du Beau, le sublime. Des degrés insensibles nous ont conduit jusqu’au sanctuaire du Goût ; le sublime y repose seul, et le Goût qui lui rend sans cesse ses hommages, lui rapporte la splendeur de tout le Beau subordonné. Osons considérer ce Beau fini, le premier, le plus excellent de tous pour apprendre à le connaître en l’admirant. Ce Beau supérieur toujours, vrai, simple, sensible, unique pour la circonstance, qui étend les facultés de l’âme par le ravissement dans lequel il la jette, ne sera-t-il point l’écueil de celui qui ose en parler ? Il est au moins certain qu’étant la plus belle partie du goût, il est indispensable à cet ouvrage d’en parler[13].
La formation du goût touche donc d’une façon particulière à la notion de sublime, à la fois dans la théorie et la pratique. Cette association s’explique d’abord par le fait que, comme le fait justement remarquer Séran de La Tour, les deux conceptions pourraient chacune renvoyer à l’une des notions clefs de l’époque : celle de « rapidité ». Or, cette temporalité du goût pourrait correspondre à celle de l’expression. Un trait rapide favorise forcément la rapidité du discernement. Quant à la rapidité d’expression, elle se traduit en général dans le sublime par un style concis qui agit sur le lecteur en une durée fortement limitée, avec une succession des différents termes à intervalles rapprochés. Dans le même chapitre, « Du sublime considéré en général », l’auteur associe le sublime à la rapidité en assimilant les traits du sublime aux éclairs :
Trop occupé pour se répandre en expressions, on fait un tableau par un seul trait, un monosyllabe est un éclair de génie. À peine l’âme peut-elle suffire à ce qui se passe au-dedans d’elle-même, comment se prodiguerait-elle au-dehors. Mais tout ce qu’elle emploie alors à la peinture de ce qu’elle sent, porte l’empreinte de sa situation. La précision, la clarté, la force font le caractère de toutes ses couleurs. Le volcan ne s’exhale que par tourbillons ; le sublime paraît au milieu des éclairs. […] Si l’on joint à cette force de concevoir, et de sentir, le talent nerveux de l’expression mâle et pleine de vigueur, celui de peindre sa pensée telle qu’elle est, cette grande image du beau, du vrai, de l’honnête, du grand renfermée d’abord dans le silence absorbé de l’âme, en sort bientôt avec tout son éclat. Rien de plus facile alors que de la faire passer, l’imprimer dans l’esprit de l’auditeur ou du spectateur. Son âme s’élève dans un instant à un degré de force capable de supporter l’action la plus vive et la plus rapide. En un mot, qui sait concevoir, sentir et parler, pénètre à son gré les hommes de l’affection dont il est pénétré. Comment se refuserait-on à ces traits de lumières ? Ils sont si vifs, si éclatants que le plus beau jour semble pâlir devant eux. Voilà la cause, le principe et l’effet du sublime. Qu’une des réflexions qui ont commencé ce chapitre le termine[14].
Cependant, sous l’Ancien Régime, la question du goût a fait souvent l’objet d’une réflexion esthétique, et même au-delà des manuels scolaires. Les fréquentes tentatives pour définir cette notion suggèrent l’attachement et les intérêts qu’elle inspire au milieu littéraire. En regroupant de nombreuses citations sur le sujet, l’article du Dictionnaire européen des Lumières en a bien évalué les enjeux majeurs en affirmant que « la réflexion critique sur le goût est surabondante, ce qui témoigne de son poids culturel dans l’appréciation esthétique[15] ». Parmi les écrivains qui s’attachent à définir ce mot, l’un d’entre eux, Montesquieu, a préparé un long brouillon pour l’Encyclopédie, qui fut publié ailleurs et intitulé Essai sur le goût dans les choses de la nature et de l’art[16]. Dans son article, l’auteur ne manque pas de préciser que le jugement du « goût » est toujours fait par le sentiment et que pour former la faculté, il faut analyser le plaisir procuré par les ouvrages.
La Poésie, la Peinture, la Sculpture, l’Architecture, la Musique, la Danse, les différentes sortes de jeux, enfin les ouvrages de la nature et de l’art, peuvent lui donner du plaisir : voyons pourquoi, comment et quand ils les lui donnent ; rendons raison de nos sentiments ; cela pourra contribuer à nous former le goût, qui n’est autre chose que l’avantage de découvrir avec finesse & avec promptitude la mesure du plaisir que chaque chose doit donner aux hommes[17].
Montesquieu commence son Essai sur le goût par une définition synthétique qui met en évidence les grandes lignes. Selon lui, le « plaisir » apporté par l’objet constitue un critère essentiel : le goût « n’est autre chose que l’avantage de découvrir avec finesse et avec promptitude la mesure du plaisir que chaque chose doit donner aux hommes[18]. » Visiblement, chez lui, le goût ne s’appuie plus sur le jugement indifférent et désintéressé de l’objet, mais à l’inverse de La Rochefoucauld, sur la « mesure du plaisir ». Mais comment fonctionne ce plaisir lors de la rencontre de l’objet ? Est-il pertinent de le considérer comme homogène à celui qui est hérité de l’âge classique et qui est le fait de « Plaire pour instruire » ?
Dans son Essai sur le goût, Montesquieu définit ceux qui se réjouissent pleinement de leur propre goût comme des « gens délicats ». Ils sont censés disposer de la faculté d’associer et de dissocier plusieurs phénomènes ou substances qui s’enchevêtrent pour en extraire l’agrément d’un objet. Or, Montesquieu insiste sur le fait que seul l’amour pour l’objet rend capable de ce genre d’analyse raffinée et intellectuelle :
Les gens délicats sont ceux qui à chaque idée ou à chaque goût joignent beaucoup d’idées ou beaucoup de goûts accessoires. Les gens grossiers n’ont qu’une sensation ; leur âme ne sait ni composer ni décomposer ; ils ne joignent ni n’ôtent rien à ce que la nature donne ; au lieu que les gens délicats dans l’amour se composent la plupart des plaisirs de l’amour. Polyxène et Apicius portaient à la table bien des sensations inconnues à nous autres mangeurs vulgaires ; et ceux qui jugent avec goût des ouvrages d’esprit ont et se font une infinité de sensations que les autres hommes n’ont pas[19].
En bref, le niveau de jugement esthétique dépend de la faculté d’organiser et traiter les sensations que l’on éprouve. Il n’est pas suffisant de ressentir la sensation que donne un objet, il faut décomposer la sensation immédiate pour mieux l’analyser et recomposer ce que l’on a déconstruit afin de l’associer finalement aux sensations que l’on connaît déjà. En effet, Montesquieu n’oublie pas de noter que tout ce fonctionnement ne s’opère que dans le cadre d’un amour pour l’objet.
Dans l’article « Goût », Voltaire commence par comparer le goût physique et le goût intellectuel. En étudiant les affinités essentielles des deux termes, il tente de montrer combien la catachrèse qu’ils forment est pertinente. Or, entre autres ressemblances, l’auteur insiste d’abord sur la rapidité du discernement, c’est-à-dire, un jugement qui s’effectue subitement, avant la réflexion :
On a vu dans l’article précédent en quoi consiste le goût au physique. Ce sens, ce don de discerner nos aliments, a produit dans toutes les langues connues, la métaphore qui exprime par le mot goût, le sentiment des beautés et des défauts dans tous les arts : c’est un discernement prompt comme celui de la langue et du palais, et qui prévient comme lui la réflexion […] Rien ne doit échapper à la promptitude du discernement ; et c’est encore une ressemblance de ce goût intellectuel, de ce goût des Arts, avec le goût sensuel[20].
Si le sens littéral et le sens métaphorique du mot peuvent se rapprocher, c’est qu’il s’agit à chaque fois d’un jugement intuitif et immédiat. Aussi est-ce avant tout cette rapidité qui caractérise l’opération effectuée par le goût. D’ailleurs, il faut bien faire remarquer que pour peindre la rapidité du discernement du goût, l’article de Voltaire cite des vers de Corneille, l’un des modèles les plus courants du sublime :
Si le gourmet sent et reconnaît promptement le mélange de deux liqueurs, l’homme de goût, le connaisseur, verra d’un coup d’œil prompt le mélange de deux styles ; il verra un défaut à côté d’un agrément ; il sera saisi d’enthousiasme à ce vers des Horaces : Que vouliez-vous qu’il fît contre trois ? qu’il mourût. Il sentira un dégoût involontaire au vers suivant : Ou qu’un beau désespoir alors le secourût[21].
Par cet exemple, Voltaire montre que seul le goût bien entraîné peut apprécier un accord heureux entre le temps de l’énoncé et le temps de l’énonciation. C’est en effet le goût qui peut saisir, en un éclair, cet accord en discernant cette rapidité d’expression. Ce qui est mis alors en valeur est une sorte de système ternaire unissant rapidité de l’énoncé, rapidité de l’énonciation et discernement.
Ainsi, l’expression sublime partage un des caractères qui sont définis comme communs au goût physique et intellectuel. Lorsque le goût intellectuel, bien cultivé, rencontre une expression « rapide », il perçoit de façon instantanée. La rapidité de l’énonciation fonctionne en même temps sur les trois niveaux : dans le récit, l’écriture et le discernement de l’homme. De toute façon, c’est le jugement, dirigé par le goût, qui garantit et domine l’effet de rapidité chez le lecteur. Rappelons que dans l’article « Sublime » de l’Encyclopédie, Jaucourt cite le même passage de l’œuvre cornélienne dans lequel, selon lui, l’idée de rapidité s’impose d’une manière toute particulière :
Le sentiment qu’exprime Horace le père, a la même sorte de beauté ; quand par bonheur un mot, un seul mot peint énergiquement un sentiment, nous sommes ravis, parce qu’alors le sentiment a été peint avec la même vitesse qu’il a été éprouvé ; et cela est si rare, qu’il faut nécessairement qu’on en soit surpris, en même temps qu’on en est charmé[22]
Cette analogie entre goût sensuel et goût esthétique s’enrichit, chez Voltaire, d’une comparaison entre homme et animal. Tandis que, déterminé par un instinct de défense, le goût physique est peu susceptible de changer, le goût intellectuel est, lui, un attribut essentiellement propre à l’homme qui ne peut se développer qu’à travers des contacts fréquents avec les meilleures œuvres. Pour comprendre le plaisir qu’elles procurent, il faut prendre l’habitude d’entretenir ces contacts. Or, ceux-ci favorisent une évolution intellectuelle dans la mesure où ils se répètent avec un vrai amour pour l’objet, amour qui éveille le plaisir de la pratique des œuvres d’art. La formation du goût est donc impossible chez les gens qui sont impassibles ou qui ne se soucient pas de ce plaisir :
On dit qu’il ne faut point disputer des goûts, et on a raison quand il n’est question que du goût sensuel, de la répugnance que l’on a pour une certaine nourriture, de la préférence qu’on donne à une autre ; on n’en dispute point, parce qu’on ne peut corriger un défaut d’organes. Il n’en est pas de même dans les Arts ; comme ils ont des beautés réelles, il y a un bon goût qui les discerne, et un mauvais goût qui les ignore ; et on corrige souvent le défaut d’esprit qui donne un goût de travers. Il y a aussi des âmes froides, des esprits faux, qu’on ne peut ni échauffer ni redresser : c’est avec eux qu’il ne faut point disputer des goûts, parce qu’ils n’en ont aucun[23].
Diderot évoque, lui aussi, la rapidité de l’expression dans son traité De la poésie dramatique :
Je ne connais rien de si difficile qu’un dialogue où les choses dites et répondues ne sont liées que par des sensations si délicates, des idées si fugitives, des mouvements d’âme si rapides, des vues si légères, qu’elles en paraissent décousues, surtout à ceux qui ne sont pas nés pour éprouver les mêmes choses dans les mêmes circonstances[24].
Or, pour lui, cette rapidité repose sur un coup d’enthousiasme qui se transmet dans tout le corps en frisson spontané : « Le poète sent le moment de l’enthousiasme ; c’est après qu’il a médité. Il s’annonce en lui par un frémissement qui part de sa poitrine, et qui passe, d’une manière délicieuse et rapide, jusqu’aux extrémités de son corps[25]. »
Cette vision sensualiste semble témoigner d’un caractère fondamental de la sensation humaine : la fugacité[26]. Néanmoins, l’intention de saisir le fuyant et l’insaisissable et de faire coïncider le moment de la conception et celui de l’énonciation s’impose clairement. Ce qui s’exprime n’est plus une pensée qui réside, immobile, dans le cœur de l’auteur ; mais bien une sensation ou une idée dans un rythme perpétuel d’apparition et de disparition. Or, dans l’article de l’Encyclopédie, Voltaire fait de cette temporalité une caractéristique majeure de cette faculté : « Le goût se perd, on est entouré de nouveautés qui sont rapidement effacées les unes par les autres[27]. » Ainsi, dans cette perspective la promptitude de l’expression devient une notion centrale au regard de la création artistique[28].
L’affinité principale entre le goût et le sublime est donc à chercher dans la durée de leur opération qui est proche de zéro. C’est cette instantanéité qui les rapproche. Si ces deux conceptions se rappellent souvent l’une à l’autre, c’est qu’elles correspondent toutes les deux à un désir qui hante l’époque : celui de la succession de plaisirs nouveaux et instantanés. Or, tout le mystère de ces facultés consiste dans le fait que le discernement y opère instantanément comme une intuition impossible à maîtriser par la raison. Si la formation du goût impose au préalable celle de la sensibilité à l’égard du sublime, c’est que ce dernier exige un jugement immédiat et que seul un jugement immédiat peut saisir pleinement la rapidité de l’énonciation.
L’ « autolégitimation» des élites cultivées et la sensibilité pour le sublime
Peut-on maintenant rendre compte de cet intérêt pour le sublime ? Nous développerons ici l’idée que ce que la notion convoque ne peut être isolé de l’émergence, au même moment, du groupe des philosophes des Lumières, et en particulier de leur rapport à la langue. C’est par ces vecteurs que les Philosophes se forment en tant que groupe et auto-légitiment leur position. Au XVIIIème siècle, en effet, le français, alors objet de consécration, n’était pas une langue destinée à être utilisée par tous, mais créait une évidente « distinction » entre les classes sociales. C’est le pouvoir de l’écriture et l’échange de textes écrits, qui garantissent un statut privilégié dans cette société de l’Ancien Régime à l’intérieur de laquelle les membres de la République des Lettres constituent une communauté véritablement exclusive de toute autre.
En effet, cette divinisation du français que les élites cultivées préconisent, fonctionne comme une justification de leur hégémonie intellectuelle en Europe. À mesure que la langue française est consacrée comme étant la plus parfaite et la plus aboutie, non seulement les Français, mais aussi l’élite des autres pays d’Europe lui assignent le rôle que jouait jadis le latin. Ainsi la langue française commence à fonctionner en tant que « marque » de distinction, à l’égal de la langue latine.
Or, si les élites s’identifient ainsi par leur capacité à maîtriser leur langue commune, elles se distinguent également par leur goût qui est formé au cours de leur scolarité. Comme nous l’avons montré plus haut, le fait que la pratique de la langue s’appuie sur une importante culture littéraire semble soutenir la proclamation d’une qualité réservée aux esprits cultivés : la sensibilité au sublime. En ce sens, la recherche d’une éducation au sublime sous le règne du Roi Soleil apparait fortement homogène.
Dans son Eloge de Racine, La Harpe distingue ainsi « deux sortes de beauté » : « Les unes ont un effet aussi infaillible qu’universel » et « les autres sont moins aimables, d’un effet moins sûr et moins étendu, beaucoup plus dépendantes du mérite de l’exécution, des combinaisons de l’art, et de la sagacité des juges : tels sont les ouvrages dont l’objet est plus éloigné de la classe la plus nombreuse des spectateurs, dont le but est plus détourné et plus réfléchi » qui demandent « plus de temps pour être aperçues et senties, et diffèrent surtout de la première ». La Harpe classe Britannicus dans la deuxième : « Le crime et la vertu, représentés, l’un par Narcisse, l’autre par Burrhus, et se disputant l’âme de Néron, formaient un tableau sublime, mais qui devait d’abord échapper aux regards de la foule ». Et il ajoute : « les esprits sages, les âmes élevées aiment mieux le quatrième acte de Britannicus que des tragédies passionnées, parce qu’elles préfèrent ce qui élève et agrandit l’homme, à ce qui le charme et l’amollit[29] ».
En effet, c’est ainsi que beaucoup d’élites cultivées estiment le sublime des auteurs français du XVIIème siècle et déclarent qu’elles ont un goût qui les rend à même de reconnaître cette valeur. On trouvera souvent, dans les éloges des œuvres considérées comme classiques, un système circulaire d’autolégitimation : « La capacité de comprendre le sublime des auteurs de l’âge classique est un privilège de l’élite cultivée». Si « je peux le comprendre » alors « je suis un homme véritablement cultivé, plein de sensibilité ». En alléguant ainsi la valeur établie des ouvrages du siècle dernier, ces élites s’appliquent à se donner le titre de « lettré ».
Il faut d’ailleurs souligner que cette distinction, opérée par les élites, s’appuie sur l’idée que la compréhension d’un texte est une opération fortement intellectuelle réservée exclusivement aux hommes de culture. Dans son Cours de belles-lettres, Charles Batteux formule, lui aussi, des remarques qui assurent cette fonction d’autolégitimation. Il commence par montrer que seule une intelligence bien développée peut espérer réaliser cette opération. Pour lui, le processus de réception littéraire n’est pas une activité passive, mais exige une capacité intellectuelle qui permette une appréciation basée elle-même sur une analyse profonde :
Ce n’est pas, comme on le croit communément, quand on ne le considère pas de près, un feu violent qui emporte l’âme et la mène au hasard : ce n’est point une puissance aveugle qui opère machinalement et par instinct ; une source qui jette ses flots et qui les abandonne. C’est une puissance éclairée qui s’exerce avec art sur un objet, qui en examine avec soin toutes les faces réelles, tous les possibles, qui en dissèque les parties les plus fines, en mesure les rapports les plus éloignés ; enfin qui fouille, creuse, perce sourdement. Le géomètre inventeur a autant de génie et peut-être plus que le poète, quoiqu’il ne fasse point d’usage de l’imagination ni de ses feux. Ainsi quand le génie travaille, c’est en silence, sans trouble, sans désordre, sans transports violents etc.[30]
Utilisant des termes techniques de rhétorique — « antithèse », « interrogation » ou « métaphore », Batteux témoigne qu’il est capable d’analyser et de décrire « intellectuellement » les beautés d’une œuvre de Virgile :
Son élocution est aussi vigoureuse que son héros : ce sont, non des étincelles, mais des traits de feu et d’un feu continu ; ce sont les choses mêmes qui se présentent, et non les images des choses. On n’y voit point d’antithèses pétillantes, d’interrogations artificielles, de petites métaphores furtives qu’on glisse pour être remarquées ; tout tend au bon sens, à la raison, au vrai. Sa narration marche toujours d’un pas égal dans plus de seize mille vers : pleine de force, de feu et de grâce, elle met les objets sous les yeux de celui qui lit ou qui écoute. Elle est si naturelle et si bien liée, qu’on dirait que le poète n’a fait qu’écrire ce que les muses lui dictaient[31].
Pour finir, Batteux souligne ainsi l’enthousiasme qu’il ressent pour cette œuvre : « Je déclare que personne n’est plus charmé que moi de la lecture de Virgile ; que ses vers, ses tours ses tableaux me sont un plaisir au-dessus de toute expression[32]. » Mais cette déclaration de sensibilité personnelle ne repose-t-elle pas sur une culture formée par l’enseignement rhétorique ?
Or, l’admiration du sublime des auteurs de l’âge classique par l’élite cultivée française revient également à affirmer qu’existaient un grand nombre de ces génies qui méritaient ces éloges en France. L’élite cultivée manifeste la prépondérance de sa langue, en donnant aux grands génies du siècle précèdent le qualitatif de sublimes. Par conséquent, ce dernier est en un sens la manifestation d’une montée du nationalisme parmi les élites cultivées qui étayent leur hégémonie sur l’univers des Lettres en Europe. Bourdieu caractérise ce phénomène comme « l’allongement des circuits de légitimation[33] ».
Ainsi, les éloges du sublime chez les auteurs de l’âge classique ne sont pas des commentaires innocents : ils ont pour les élites cultivées du XVIIIème siècle une fonction de double autolégitimation. Il s’agit d’afficher sa sensibilité envers ces œuvres de qualité qui exigent la possession du « bon goût » et de consolider les « mythes du grand siècle » qui favorisent la prépondérance de la langue française. Les études de rhétorique fondent ainsi véritablement les rapports de pouvoir dans la société de l’époque en permettant aux élites cultivées françaises de maîtriser ces pouvoirs par rapport à leurs compatriotes « illettrés » et par rapport aux lettrés des autres pays européens.
[1] La Rochefoucauld, Réflexions ou sentences et maximes morales et réflexions diverses, éd. Laurence Plazenet, Paris, Champion, 2002, p. 262-263.
[2] Ibid., p. 262.
[3] « Goust », Nouveau Dictionnaire de l’Académie française, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1718, t. I, p. 735.
[4] Id.
[5] « Goust », Dictionnaire de l’Académie française, Paris, Veuve Jean-Baptiste Coignard et Jean-Baptiste Coignard, 1694, t. I, p. 529.
[6] Du Bos, Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, t. II, (Première édition 1719) Pissot, 7ème édition, 1770, Genève, Slatkine Reprints, 1993. p. 340-341.
[7] Ibid., p. 347.
[8] Ibid., p. 340.
[9] Charles Batteux, Les Beaux-Arts réduits à un même principe, Durand, 1746, p. 97-98.
[10] Ibid., p. 77-78.
[11] Baldine Saint Girons, Fiat lux, Une philosophie du sublime, Paris, Quai Voltaire, 1993, p. 29.
[12] Charles Rollin, De la manière d’enseigner et d’étudier les belles-lettres par rapport à l’esprit et au cœur, Paris, Jacques Estienne, 1726, p. 100.
[13] Séran de La Tour, L’Art de sentir et de juger en matière de goût, Paris, Pissot, 1762, t. I, p. 195-196.
[14] Ibid., p. 203-204.
[15] Roland Mortier, art. « Goût », Dictionnaire européen des Lumières, Paris, PUF, 1997, p. 511.
[16] Dans l’Encyclopédie, rares sont les articles écrits par autant d’auteurs, comme est l’article « Goût » : tandis que Jaucourt rédige pour l’article « Goût » la partie de « Physiologie », le point de « Grammaire, Littérature et philosophie » est rédigé par Voltaire, Montesquieu et D’Alembert. L’article est d’ailleurs complété par trois petits articles : « Goût en Architecture » de Blondel, « Goût du chant, en Musique » de Rousseau, et « Goût, se dit en Peinture » de Landois (Voir Annie Becq, « Introduction » de « Essai sur le goût (1753-1755) », Œuvres complètes de Montesquieu, éd. par la Société Montesquieu, t. IX, « Œuvres et écrits divers. II », texte établi par Pierre Rétat, Oxford, Voltaire Foundation, p. 461 et Celine Spector, « Essai sur le goût », Dictionnaire Montesquieu, Catherine Volpilhac-Auger dir., http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr.)
[17] Montesquieu, « Essai sur le goût », op.cit., p. 488.
[18] Id.
[19] Ibid., p. 501.
[20] Voltaire, art. « Goût », Encyclopédie, Samuel Faulche, Neufchâtel, t. VII, 1757, Friedrich Frommann Verlag, Stuttgart-Bad Cannstatt, 1988, p. 761a.
[21] Id.
[22] Chevalier de Jaucourt, art. « Sublime », Encyclopédie, éd. cit., 1765, t. XV, p. 567b.
[23] Id.
[24] Diderot, « De la poésie dramatique », Œuvres esthétiques, éd. Paul Vernière, Paris, Garnier, 1968, p. 254.
[25] Diderot, « Entretiens sur le Fils naturel », Œuvres esthétiques, éd. cit., p. 98.
[26] Michel Delon évoque les intérêts portés, de la fin du XVIIIème siècle au XIXème siècle, sur un autre sens qui partage ce caractère fugitif avec le goût : « L’originalité de notre demi-siècle est peut-être d’insister dans ce processus sur le sens le plus ténu, le moins intellectuel, à savoir l’odorat. Condillac reconstruisait la pensée de sa statue à partir de ce sens, jugé traditionnellement le moins noble. Les générations rousseauistes bâtissent de la même façon la richesse d’une vie intime sur de fugitives odeurs. L’énergie humaine donne sens et beauté à ce qui semblait voué à l’éphémère » (Michel Delon, L’Idée d’énergie au tournant des Lumières (1770-1820), Paris, P.U.F., 1988, p. 343).
[27] Voltaire, art. « Goût », op.cit., p. 761b.
[28] Voir Jean Starobinski, L’Invention de la liberté 1700-1789, Genève, Skira, 1994, p. 10-11.
[29] La Harpe, « Éloge de Racine », Œuvres de La Harpe, Genève, Slatkine Reprints, 1968. t. IV, p. 138-140.
[30] Charles Batteux, Cours de belles-lettres distribué en exercices, Paris, Desaint et Saillant. t. IV, 1750, p. 111.
[31] Ibid., p. 169.
[32] Ibid., p. 191.
[33] Pierre Bourdieu, La Noblesse d’État, Paris, Minuit, 1989, p. 548-549.