De l’individuation à la stratification (2/2)
La stratification : le matérialisme transcendantal de Deleuze
Si Deleuze considère lui-même que L’Anti-Œdipe et Mille Plateaux marquent, dans son parcours, un « passage à la politique », il importe de comprendre en quoi consiste un tel passage. La première période de la pensée deleuzienne se déploie en effet comme le projet d’une critique transcendantale, qui évite le double écueil du dogmatisme métaphysique comme d’un scepticisme inconséquent. Conçu comme une rupture avec cette première période, le « passage à la politique » de Deleuze risque donc d’hypothéquer la critique politique qu’il engage. Cet article cherche à montrer que la critique politique de L’Anti-Œdipe et de Mille Plateaux ne rompt pas avec le projet d’une critique transcendantale, mais la poursuit, ouvrant ainsi la possibilité d’un matérialisme transcendantal.
If Deleuze himself considers that Anti-Œdipus and A Thousand Plateaus mark, in his thought, a “political turn”, understanding what this turn is does matter. Indeed, the first moment of deleuzian thought appears to be the project of a transcendental critique, avoiding the double danger of metaphysical dogmatism as well as an inconsistent skepticism. Thought as a break with this previous period, Deleuze’s “political turn” risks damaging the political critique which he engages in. This article is trying to show that Anti-Œdipus and A Thousand Plateaus’s political critique doesn’t break with the project of a transcendental critique but continues it – thus opening the possibility of a transcendental materialism.
Stéphane Lléres – UPJV – CURAPP
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Le changement de focale opéré par Deleuze et Guattari à partir de L’Anti-Œdipe consiste à porter le regard sur la genèse des formations collectives plutôt que sur celle des individus. Il n’y a cependant pas d’oppositions entre ces deux approches, comme on oppose traditionnellement l’individuel et le collectif. Comme on l’a vu, l’individualité intensive et toujours déjà multiple, c’est-à-dire collective[1]. Aussi la problématique de l’individuation s’efface-t-elle au profit d’une étude de la genèse des formations collectives, à savoir la stratification. Les formations collectives doivent être comprises comme des strates. D’une part, en effet, stratum, la couche sédimentaire, renvoie à ce qui est couché ou étendu sur le sol, c’est-à-dire à ce qui est extensivement, et donc l’actuel. D’autre part la géologie précise qu’une strate n’apparaît qu’en se différenciant d’une couche inférieure et d’une supérieure. Actuelles, les strates sont donc comme les présents bergsoniens, qui n’apparaissent présents qu’en tant qu’ils se différencient des présents antérieurs. Les strates désignent donc les formations collectives en tant qu’actuelles.
La stratification recueille alors l’essentiel de la genèse transcendantale, portée au niveau des formations collectives[2]. Celle-ci se fait sur la Terre comme Corps sans organes, c’est-à-dire comme plan de « […] matières instables non formées, de flux en tous sens, d’intensités libres ou de singularités nomades, de particules folles ou transitoires[3] » – c’est-à-dire comme plan des singularités perpliquées. Elle ne lui succède pas, mais lui est contemporaine, puisque le plan virtuel insiste dans les strates actuelles. Elle consiste à « […] former des matières, à emprisonner des intensités ou à fixer des singularités dans des systèmes de résonance et de redondance, à constituer des molécules plus ou moins grandes et à faire entrer ces molécules dans des ensembles molaires[4]. » La stratification consiste donc à passer du virtuel, compris comme moléculaire – ou sub-moléculaire – à l’actuel compris comme molaire. Elle se fait selon une double articulation, par laquelle on retrouve le caractère double, ou biface, de la genèse transcendantale. Si le plan du Corps sans organes est un plan de matière pure en tant qu’elle est non formée[5], il faut appeler contenu la matière formée. Or, celle-ci peut-être considérée de deux points de vue : du point de vue des matières, en tant que celles-ci sont choisies ou prélevées – la substance de contenu désigne alors la machine ou coupure-flux ; mais on peut aussi la considérer du point de vue de l’ordre dans lequel la matière est coupée ou prélevée, et qui dessine alors un codage machinique. La stratification a aussi une dimension expressive, par laquelle se déterminent des structures fonctionnelles[6]. L’expression a aussi une forme, qui concerne sa propre organisation, aussi bien qu’une substance, en tant que les structures fonctionnelles forment des composés. Toute strate a une articulation contenu-expression, chacune s’articulant elle-même selon forme et substance. On retrouve ici la genèse transcendantale dans sa duplicité, comme étant toujours à la fois genèse logique et ontologique – reformulée dans la terminologie de Hjelmslev, pour qui la double articulation contenu-expression/forme-substance définissait des strata. Cette terminologie présente en effet l’avantage d’évacuer la distinction forme-contenu, ou forme-matière, puisque le contenu a une forme aussi bien que l’expression – elle se démarque alors de tout l’hylémorphisme qui imprègne la tradition philosophique, d’Aristote à Husserl, en passant par Kant. Elle se dégage aussi de toute forme de causalisme, en affirmant l’hétérogénéité de l’expression et du contenu – excluant du même coup un matérialisme sommaire qui ferait de l’expression un effet du contenu. Elle se distingue enfin de l’articulation signifiant-signifié, seulement décalquée sur l’articulation mot-chose, qui reste intérieure au langage – elle permet alors de sortir d’une position structurale. C’est par là que Deleuze et Guattari rejoignent les analyses de Foucault. Car Foucault avait souligné le caractère irréductible de la « chose vue » à la « chose dite », au point qu’ « on a beau dire ce qu’on voit, ce qu’on voit ne loge jamais dans ce qu’on dit[7] ». Soit la prison : c’est un contenu qui a une substance – les prisonniers, en tant qu’ils sont « choisis » ou prélevés – et une forme, qui concerne l’ordre dans lequel cette substance est choisie : horaires, répartition dans l’espace, etc. Mais il y a alors sur la même strate une expression correspondante, qui a elle-même une forme – le droit pénal, comme discours sur la délinquance – et une substance, savoir la délinquance elle-même. Le droit pénal n’est pas le signifiant qui renverrait à du signifié, pas plus qu’il n’est une forme qui s’imposerait à la prison comme contenu, ni n’est simplement l’effet de celle-ci[8]. Au mieux y a-t-il présupposition réciproque.
La stratification reformule donc la genèse transcendantale dans la terminologie de Hjelmslev appliquée aux recherches de Foucault[9]. C’est que celle-ci est apte à rendre compte de son caractère biface. Mais elle est réintégrée dans un processus plus large dont le langage ou les formations historiques ne sont que des cas, et qui concerne tous les niveaux, qu’ils soient physiques, chimiques, biologiques, sociaux ou historiques. Ceux-ci sont alors chaque fois traités comme des formations collectives plutôt que d’un point de vue individuel. Et la stratification reprend la genèse transcendantale y compris dans son caractère ambigu. Deleuze et Guattari désignent la stratification comme « un phénomène très important, inévitable, bénéfique à certains égards et regrettable à beaucoup d’autres[10] ». Les strates sont des « jugements de Dieu », et il n’aura pas échappé que la double articulation, propre à la strate, fait explicitement référence au double-bind de Bateson – comme en atteste la figure du homard et de ses deux pinces, qui illustre le chapitre – qui désignait précisément un paralogisme dans L’Anti-Œdipe – bien qu’il soit employé dans Mille plateaux pour décrire l’articulation selon laquelle se fait toute stratification. C’est que, comme on l’a vu plus haut, si l’actuel n’est pas en lui-même illusoire, il est néanmoins nécessairement facteur d’illusions, dans la mesure où il réagit sur le virtuel, qui se représente à travers lui.
La question de savoir pourquoi, à partir de Mille Plateaux, la genèse des formations collectives se trouve reformulée dans un vocabulaire géologique doit être abordée en deux temps. Premièrement, on pourra demander pourquoi c’est seulement à partir de Mille Plateaux que s’opère cette reformulation – alors même que L’Anti-Œdipe fait passer la genèse transcendantale de l’individuation à la genèse des formations collectives, et que Markov et Foucault y sont déjà présents. Sur ce point, une réponse est indiquée par Deleuze dans un entretien de 1980[11] : l’entreprise de L’Anti-Œdipe consistait à se dégager de la psychanalyse œdipienne – celle de Freud, mais aussi de Lacan – de sorte à construire une psychiatrie matérialiste. Aussi cette entreprise s’établissait-elle sur un domaine déjà tracé, à savoir la théorie de l’inconscient[12]. Au contraire, Mille Plateaux ne s’appuie plus sur des domaines déjà établis, mais cherche à tracer ses propres domaines[13]. En d’autres termes, s’il revient à L’Anti-Œdipe de dégager l’inconscient du familialisme œdipien qui le cantonnait à un cadre individuel, ce dégagement présuppose le terrain – la psychiatrie et la théorie de l’inconscient – sur lequel il opère. Ce dégagement ne peut pas encore se formuler dans les termes géologiques d’une stratification, car cela supposerait le traçage d’un domaine qui excède, comme on a pu le voir, la seule théorie de l’inconscient ; or c’est bien Mille Plateaux qui entreprend d’inventer les domaines sur lesquels s’exerce sa propre investigation. C’est pourquoi c’est seulement à partir de Mille Plateaux que la genèse transcendantale peut se reformuler comme stratification.
Mais deuxièmement, il s’agit de comprendre pourquoi cette reformulation doit se faire précisément dans des termes empruntés à la géologie. Sur ce point, difficile de ne pas remarquer que ces réflexions de Deleuze et Guattari prennent place dans un passage intitulé « Géologie de la morale ». Or, quelques années auparavant, Sartre avait critiqué la démarche de Foucault, dans Les Mots et les Choses[14], précisément en ce qu’elle relevait d’une géologie plutôt que d’une archéologie – l’archéologie étudiant les effets de la praxis humaine, alors que la géologie est une science naturelle. Sartre reprochait donc à Foucault d’opérer une confusion entre l’homme et la nature en traitant d’époques historiques comme de données naturelles, élaborant une géologie hors de son domaine d’exercice, en lieu et place d’une authentique archéologie. Comme on le voit, à aucun moment Deleuze et Guattari ne cherchent à réfuter cette critique de Sartre : il s’agit au contraire d’assumer le caractère géologique de la démarche de Foucault, qu’ils reprennent à leur compte en lui appliquant la terminologie de Hjelmslev. Par-là, toute distinction homme-nature se voit récusée, et l’univocité de la production, que L’Anti-Œdipe avait affirmée, est retrouvée. La terminologie géologique doit donc être comprise littéralement, c’est-à-dire hors de toute métaphore :
« Mais, en vérité, l’inconscient est de la physique ; ce n’est pas du tout par métaphore que le corps sans organes et ses intensités sont la matière elle-même[15]. »
C’est donc sans métaphore que la genèse transcendantale doit être comprise de manière géologique, c’est-à-dire physique. Le corps sans organes est alors plan de matière pure, ou plan de la Terre ; le couple moléculaire-molaire se substitue au couple virtuel-actuel, et la stratification remplace l’actualisation. Si, en effet, on définit la matière comme ce qui s’oppose à la forme[16], alors le corps sans organes, comme plan des flux ou des singularités perpliquées, peut-être considéré littéralement, c’est-à-dire sans métaphore, comme plan de matière. De la même manière, l’actuel et le virtuel, compris comme molaire et moléculaire – ou sub-moléculaire – peuvent être compris littéralement comme des termes physiques, ou, si l’on veut, matériels. La mécanique quantique considère l’enregistrement effectif d’une particule comme son actualisation, et en calcule la probabilité en fonction des états de sa virtualité. La virtualité de la particule ne signifie pas la simple possibilité d’apparaître dans telle ou telle position, ce serait refuser au virtuel toute réalité. Tout au contraire, dans sa virtualité, la particule est parfaitement réelle ; mais le fait qu’on ne puisse pas la localiser avec une absolue précision signifie qu’elle occupe virtuellement toutes les positions de l’espace considéré. La virtualité de la particule est son état préindividuel, elle n’est individuée – c’est-à-dire, ici, située précisément dans l’espace et dans le temps – qu’actualisée. Mais précisément, cette actualisation est affaire de probabilités, c’est-à-dire de statistiques et de grands nombres[17]. Actuel et virtuel désignent littéralement des états physiques, correspondants aux états molaires et submoléculaires.
C’est à présent ce matérialisme littéral de Deleuze et Guattari qui pose question. Le matérialisme constitue en effet une position ontologique, qui semble de fait exclue de la démarche critique, comme le notait d’ailleurs Kant, méfiant quant au « nom pompeux d’ontologie[18] ». On remarquera alors que dans l’extrait précédemment cité, si Deleuze et Guattari se réfèrent bien au vocabulaire de la critique kantienne, c’est pour une révolution « cette fois matérialiste[19]. » Dès lors, n’est-il pas abusif de voir L’Anti-Œdipe et Mille Plateaux comme une reprise ou une reformulation du projet deleuzien initial de critique immanente et transcendantale ? Ne faudrait-il pas considérer le tournant matérialiste qui s’y opère – et qui est attesté par le changement de vocabulaire qu’on y constate – comme une rupture, en laquelle consisterait justement le « passage à la politique » de Deleuze ?
La réponse à cette question est complexe et doit donc être détaillée. D’abord, on ne peut pas ne pas remarquer la présence de propositions ontologiques dans les travaux de Deleuze bien avant L’Anti-Œdipe. Différence et répétition affirme en effet l’univocité de l’être, et celle-ci se voit résumer toute la philosophie elle-même, dans Logique du sens :
« La philosophie se confond avec l’ontologie, mais l’ontologie se confond avec l’univocité de l’être (l’analogie fut toujours une vision théologique, non pas philosophique, adaptée aux formes de Dieu, du monde et du moi)[20]. »
Difficile, de ce point de vue, d’appréhender le matérialisme qui s’affirme dans L’Anti-Œdipe et Mille Plateaux comme un tournant ontologique, en quoi consisterait finalement le « passage à la politique » de Deleuze. La situation se complique, même, lorsque l’on aperçoit dans des textes postérieurs à Mille Plateaux, des propositions récusant l’ontologie comme pensée de l’Être. Ainsi dans les Dialogues, Deleuze loue la philosophie anglo-américaine de substituer le et au est[21]. Non seulement le matérialisme de L’Anti-Œdipe et Mille Plateaux ne peut être vu comme un tournant ontologique en rupture avec le projet critique initial de Deleuze, mais encore, le motif ontologique s’efface après Mille Plateaux. Deux questions doivent alors se poser. Premièrement, comment comprendre la coexistence d’une démarche critique et de propositions ontologiques dans la pensée de Deleuze, dès Différence et répétition et Logique du sens, mais aussi dans L’Anti-Œdipe, dont on a vu qu’il reprenait la terminologie kantienne ? Deuxièmement, pourquoi le motif ontologique s’efface-t-il, alors, après Mille Plateaux ?
On peut aisément donner le principe d’une réponse à la première question : c’est seulement du point de vue d’une définition kantienne du transcendantal, comme champ des conditions de l’expérience possible, que l’ontologie s’en trouve exclue, puisqu’elle constitue un discours sur l’être, qui tombe nécessairement en dehors de ces conditions. Or, précisément, la critique transcendantale de Deleuze n’est plus celle de Kant : le transcendantal n’y est plus le champ des conditions de l’expérience possible, mais celui des conditions de l’expérience réelle ; c’est le champ d’une genèse transcendantale, qui montre comment le donné empirique effectif est engendré. Or, on a vu le sens de ce remaniement : sauver le champ transcendantal de la transcendance à laquelle sa définition kantienne le suspendait encore, et permettre ainsi une critique véritablement immanente. Le champ transcendantal de Deleuze est donc un plan d’immanence, un champ qui ne renvoie à rien d’extérieur, à rien qui soit au-delà. Rien en dehors du champ transcendantal, cela signifie que ce champ assume alors le tout de l’être[22]. Dès lors, il n’y a pas contradiction entre la dimension critique du projet de Deleuze et la présence de propositions ontologiques. La philosophie de Deleuze apparaît à la fois comme transcendantale et comme une ontologie, au point qu’on pourrait y voir, au moins dans un premier temps, une ontologie transcendantale sans aucune contradiction[23].
Encore faut-il préciser : dans la pensée de Deleuze, le motif transcendantal et le motif ontologique n’ont pas la même valeur. La problématique critique apparaît, en effet, dès les premières monographies. Deleuze, dès 1953, la résume comme suit :
« De la philosophie en général, on peut dire qu’elle a toujours cherché un plan d’analyse, d’où l’on puisse entreprendre et mener l’examen des structures de la conscience, c’est-à-dire la critique[24]. »
Le problème de Deleuze semble donc, à ce moment-là, de trouver dans les auteurs qu’il étudie la voie d’une critique non-kantienne. Cette critique ne peut donc pas être transcendantale, puisque le motif transcendantal n’a pas encore, à cette époque, fait l’objet du remaniement que nous avons décrit. Mais comme le champ transcendantal kantien se démarque aussi bien du dogmatisme métaphysique que du relativisme sceptique, on comprend que le plan que Deleuze cherche à dégager doive, au fond, tenir le même rôle et assumer la même fonction[25]. De ce point de vue, le livre que Deleuze consacre au bergsonisme[26] en 1966 est particulièrement éclairant. Deleuze trouve en effet dans la philosophie de Bergson une inspiration critique, en ce qu’il s’agit de repérer et de déjouer les faux problèmes et les problèmes mal posés dans lesquels l’intelligence se perd, à cause d’une mauvaise analyse des mixtes qui composent le donné empirique. C’est donc à l’intuition qu’il reviendra de retrouver les éléments différents en nature qui composent un mixte, c’est-à-dire – puisque le mixte est le donné empirique – de remonter aux conditions de l’expérience[27]. Le plan d’une telle critique, c’est donc la durée, à laquelle l’intuition, seule, nous ouvre. De ce fait même, ce plan échappe à toute forme de dogmatisme ; mais ce qui la préserve du relativisme sceptique – prenant la forme d’un psychologisme – c’est qu’il a une valeur ontologique : la mémoire bergsonienne ouvre sur un passé qui n’est pas un souvenir psychologique, mais qui doit être comprise comme une dimension ontologique[28].
La dimension ontologique de la durée n’a donc d’intérêt qu’en ce qu’elle préserve du psychologisme : c’est ce qui la rend apte à assumer le rôle et la fonction du plan transcendantal. C’est dire que l’ontologie n’est abordée par Deleuze qu’à partir et du point de vue d’une problématique critique. « Ontologie transcendantale » ne signifie pas que la démarche de Deleuze pourrait être comprise également comme une ontologie ou une philosophie transcendantale, mais que dans la pensée de Deleuze, l’ontologie n’est abordée que du point de vue et à partir d’une problématique critique[29]. C’est d’ailleurs ce qui permet de comprendre que pour Deleuze, la philosophie ne se confond avec l’ontologie que dans la mesure où l’ontologie se confond avec l’univocité de l’être. Si l’ontologie se voit ainsi réduite à l’une de ses thèses, c’est qu’elle n’est pas abordée pour elle-même, mais à partir d’autre chose, qui la détermine immédiatement. C’est la problématique critique qui détermine l’ontologie comme univociste. Car le projet d’une critique absolument immanente exclut l’analogie, qui suppose un être-Un par excellence dont les étants dérivent leur unité, et qui, du même coup, les transcende. La critique immanente, comme on l’a vu, se déploie sur un champ qui n’est peuplé que de multiplicités, celle-ci devant se comprendre comme « […] une organisation propre au multiple en tant que tel, qui n’a pas besoin de l’unité pour former un système[30]. » Chacun des termes n’y est défini que comme sa différence avec les autres, et c’est cette différence qui les rapporte les uns aux autres sans qu’il y ait besoin de la forme de l’Un. C’est donc bien parce qu’elle n’est abordée qu’à partir d’une problématique critique que l’ontologie est immédiatement déterminée comme univocité ; manière de dire que le projet initial de Deleuze est bien celui d’une critique transcendantale immanente, et que l’ontologie n’y est abordée que de ce point de vue.
On comprend mieux alors qu’entre le projet critique initial de Deleuze et le matérialisme littéral qui se déploie dans L’Anti-Œdipe et Mille Plateaux, il n’y ait pas de contradiction, et donc pas de rupture, au point que ce matérialisme puisse apparaître comme un matérialisme transcendantal[31]. Car cette univocité ontologique sur laquelle ouvre le projet d’une critique immanente est du même coup un matérialisme – pour autant qu’ici, « matière » soit pris dans son opposition à « forme ». La multiplicité qui peuple le champ transcendantal se passe en effet du recours à une forme de l’Un pour faire système[32] ; le champ des multiplicités est donc le champ transcendantal remanié, et il est du même coup un plan matériel – matérialisme transcendantal.
Puisqu’il n’y a pas de de rupture entre le projet critique initial de Deleuze et le moment matérialiste, reste à comprendre la raison de l’effacement du motif ontologique après Logique du sens. En soi, cet effacement est aisément compréhensible, compte-tenu du caractère second de ce motif par rapport au motif critique ou transcendantal : une fois le champ transcendantal remanié comme champ génétique recouvrant le tout de l’être, l’ontologie en tant que telle n’a plus de réelle nécessité. Or, la démarche critique de Deleuze ne se formule de manière ontologique qu’à condition que cette ontologie soit réduite à l’affirmation de l’univocité. Ce n’est pourtant pas de cette manière qu’elle est couramment comprise et pratiquée : elle l’est plutôt à la manière d’une onto-théo-logie qui cherche à rapporter le out de l’étant à un principe qui, du coup, le transcende :
« […] la philosophie, l’histoire de la philosophie, est encombrée du problème de l’être, est. […] c’est toujours le verbe être et la question du principe[33]. »
Sans réelle utilité et, finalement, encombrante, en ce qu’elle porte avec elle du fait de la manière courante dont elle est comprise et pratiquée, on comprend facilement que la formulation ontologique soit vouée à disparaître du discours deleuzien. Cependant, elle a d’abord coexisté avec la critique transcendantale, et sa compréhension courante était déjà celle d’une ontho-théo-logie. Ce caractère ne semblait pas, alors, trop encombrant pour la démarche deleuzienne, qui assumait une ontologie réduite à l’univocité. Pourquoi, alors, le devient-il après Logique du sens ? Le passage cité plus haut donne une indication sur ce point : c’est l’histoire de la philosophie qui se trouve encombrée par l’onto-théo-logie, cette même histoire de la philosophie que Deleuze considère comme agent de pouvoir dans la pensée[34], non seulement en tant qu’elle constitue une entreprise d’intimidation, reculant indéfiniment le moment de penser en son nom[35], mais aussi et surtout parce que l’histoire de la philosophie induit une image de la pensée qui détermine l’acte de penser comme acte de récognition, tourné vers le Même, comme objet autant que comme valeur[36] ; elle présuppose une forme du Même qui assume le rôle de principe de l’unité et de l’identité de chaque chose (le Bien platonicien, le « Je pense kantien »)[37]. Or, une telle image se trouve, d’après Deleuze, empruntée à l’État[38] en tant que celui-ci se pense comme la forme d’unité et d’identité du corps politique, c’est-à-dire comme son principe ; c’est dans cette optique que Deleuze peut considérer que selon cette image, la philosophie se trouve « […] pénétrée du projet de devenir la langue officielle d’un pur état[39]. » On voit comment l’onto-théo-logie prend sa place dans ce dispositif : en tant que pensée de l’Être comme principe transcendant, elle est conforme à l’image de la pensée véhiculée par l’histoire de la philosophie. Nous n’avons pas à poursuivre davantage ces analyses[40]. Il nous suffit de remarquer que l’onto-théo-logie devient encombrante dans la mesure où elle concerne essentiellement l’histoire de la philosophie comme agent de pouvoir[41], c’est-à-dire lorsqu’elle est abordée sous l’angle politique. Et comme c’est la rencontre de Deleuze avec Guattari qui induit son « passage à la politique »[42], on peut comprendre pourquoi, après Logique du sens, le motif ontologique s’efface : envisagé du point de vue politique, il apparaît comme partie prenante d’un dispositif de pouvoir. Deleuze confiait avoir retenu de Guattari qu’ « […] avant l’Être il y a la politique[43]. »
Ces considérations nous permettent donc de comprendre que si le vocabulaire de la stratification signe un matérialisme littéral, celui-ci ne constitue pas une rupture avec le projet critique initial, puisque ce matérialisme est en fait un matérialisme transcendantal, et même seulement transcendantal, une fois tenu compte de l’effacement du vocabulaire de l’ontologie dans l’œuvre de Deleuze.
Conclusions
Ce que nous enseigne l’examen de l’actualisation du virtuel dans l’œuvre de Deleuze, c’est que son « passage à la politique », au moment de sa rencontre avec Guattari, ne constitue pas une rupture avec le projet initial d’une critique transcendantale immanente. L’Anti-Œdipe en réinvestit les analyses en opérant un changement de focale, qui peut même être considéré comme salutaire au projet critique lui-même, et Mille Plateaux la reformule dans le vocabulaire géologique de la stratification, marquant par-là un matérialisme littéral qui est en réalité un matérialisme transcendantal. Nous trouvons là un gain important : le « passage à la politique » de Deleuze reste ainsi marqué du sceau critique, ou si l’on veut, transcendantal. Comme tel, il est préservé aussi bien du dogmatisme que du relativisme sceptique, puisque telle est la fonction, comme on l’a vu, du thème transcendantal. Une telle orientation assure donc une philosophie politique débarrassée de ce double écueil.
Nier qu’il y ait une rupture avec le projet initial ne signifie pas pour autant affirmer une pure et simple continuité conceptuelle, sur le mode de l’application, démentie par le simple examen de l’œuvre elle-même ; c’est encore moins suggérer, non seulement contre le discours explicite de Deleuze, mais aussi contre le fond de toute sa pensée, que l’ensemble de la philosophie de Deleuze ne serait que le développement d’une pensée entièrement donnée préformée dans sa première formulation. C’est la philosophie de Deleuze elle-même, et précisément la manière dont y est conçue l’individuation, qui indique comment il faut considérer ces évolutions. Comme on l’a vu, l’individuation est la solution d’un problème constitué par la coexistence de dimensions hétérogènes, consistant dans l’intégration de leurs singularités dans une dimension supplémentaire qui subsume les premières. Ainsi, Deleuze-Guattari est une dimension qui intègre les singularités de Deleuze et celles de Guattari[44], comme il peut y avoir un Deleuze-Parnet ou un Deleuze-Bene. Deleuze-Guattari se trouve intégrer le travail de Deleuze avant sa rencontre avec Guattari, mais repris dans une autre perspective, plus large, dans une perspective qui n’était pas contenue dans ce premier travail : c’est ce que nous avons repéré comme le changement de focale qui marque la différence de L’Anti-Œdipe avec la première problématique de l’individuation, c’est aussi l’effort opéré par Mille Plateaux pour tracer ses propre domaines d’investigation, plutôt que se tenir sur celui, déjà connu, de la théorie de l’inconscient. C’est dire que des premières monographies de Deleuze à Mille Plateaux, en passant par Différence et répétition et Logique du sens, le projet d’une critique transcendantale subsiste et n’est jamais abandonné – c’est ce en quoi le « passage à la politique » de Deleuze ne peut en aucun cas être considéré comme une rupture ou un renoncement. Mais dans sa rencontre avec Guattari, ce projet se trouve repris dans une perspective plus large – de l’individuation à la genèse des formations collective, puis à la stratification, sans métaphore. C’est la raison pour laquelle il est également impossible de parler de continuité. Plutôt que chercher rupture ou continuité, il faut bien plutôt voir le « passage à la politique » de Deleuze à la manière d’un présent bergsonien[45] : comme une nouvelle dimension, qui intègre les précédentes du fait même qu’elle s’en différencie.
[1] Cf., sur ce point, L’Anti-Œdipe, IV, p. 333.
[2] C’est ce qu’exprime J.-C. Martin, op. cit., IV, p. 72, lorsqu’il définit une époque comme « […] un mode d’individuation qui ne relève pas vraiment des éléments durs qui l’habitent. Elle a un dispositif collectif. Un agencement collectif d’individuation plus large que les individus qui l’occupent. »
[3]Mille plateaux, 3, p. 54.
[4] Ibid.
[5] Cf. Mille Plateaux, 3, p. 58.
[6] Sur ce point, Deleuze et Guattari citent, dans Mille Plateaux, 3, en note de la page 58, François Jacob, « Le Modèle linguistique en biologie », Critique, mars 1974, p. 202 : « Le matériel génétique a deux rôles à jouer ; d’un côté il doit être reproduit pour être transmis à la génération suivante ; de l’autre il doit être exprimé pour déterminer les structures et les fonctions de l’organisme. »
[7] M. Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, cité par Deleuze et Guattari, Mille plateaux, 3, p. 87.
[8] L’exemple est donné par Deleuze dans Foucault, Paris, Éd. de Minuit, 1986, p. 92.
[9] Cf. Deleuze, Foucault, Paris, Minuit, 1986, p. 55 : « Les strates sont des formations historiques, positivités ou empiricités. «Couches sédimentaires », elles sont faites de choses et de mots, de voir et de parler, de visible et de dicible, de plages de visibilité et de champs de lisibilité, de contenus et d’expressions. Nous empruntons ces derniers termes à Hjelmslev, mais pour les appliquer à Foucault en un tout autre sens, puisque le contenu ne se confond plus avec un signifié, ni l’expression avec un signifiant. »
[10]Mille plateaux, p. 54.
[11] « Huit ans après : entretien 80 », entretien avec C. Clément, in L’Arc, n°49, repris dans Deux régimes de fous, Paris, Minuit, ch. 22 p. 162.
[12] Cf. ibid. : « L’Anti-Œdipe traitait d’un domaine familier, reconnu : l’inconscient. Il proposait de remplacer le modèle théâtral de l’inconscient par un modèle plus politique : l’usine au lieu du théâtre. »
[13] « […] Mille Plateaux est plus compliqué parce qu’il essaie d’inventer ses domaines. Les domaines ne préexistent plus, ils sont tracés par les parties du livre. » Ibid.
[14] « Jean-Paul Sartre répond », in L’Arc, 1966, pp. 87-96.
[15]L’Anti-Œdipe, op. cit., p. 336.
[16] Cf., sur ce point, F. Tarby, Matérialismes d’aujourd’hui, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 15 : « Une philosophie du multiple est nécessairement matérialiste en ceci qu’elle récuse la primauté des opérations cognitives du sujet, et la prétendue puissance synthétique de la catégorie même de sujet, celle qui ânonne moi=moi et croit le monde unifié par la grâce d’un Je-pense, d’un Esprit à la fin. »
[17] Cf. J.-M. Salanskis, « Conjugaisons de Heidegger avec la science », in Pierre Wagner (dir.), Les Philosophes et la science, Paris, Gallimard, 2002, ch. IX, pp. 463-470.
[18] Cf. François Zourabichvili, « L’Ontologique et le transcendantal », in François Zourabichvili, Anne Sauvagnargues, Paola Marrati, La Philosophie de Deleuze, Paris, P.U.F., 2004.
[19] C’est nous qui soulignons.
[20] Logique du sens, Paris, Minuit, 1969, p. 210. C’est sur cette proposition qu’A. Badiou se fonde pour nier toute dimension critique de la pensée de Deleuze. Cf. A. Badiou, Deleuze, Paris, Hachette Littérature, 1997, p. 33 : « De ce point de vue, la philosophie de Deleuze n’est aucunement une philosophie critique. Non seulement la pensée de l’Être est possible, mais il n’y a de pensée qu’autant que l’Être vient à la fois s’y décliner et s’y prononcer. »
[21] Cf. G. Deleuze et C. Parnet, Dialogues, Paris, Flammarion, 1996, p. 71 : « Penser avec et, au lieu de penser est, de penser pour est : l’empirisme n’a jamais eu d’autre secret. » F. Zourabichvili, à l’inverse d’A. Badiou, pouvait s’appuyer sur ces déclarations pour nier une quelconque ontologie de Deleuze. Cf. F. Zourabichivili, « L’Ontologique et le transcendantal », op. cit., p. 6 : « Il n’y a pas d’ontologie de Deleuze ». Ni au sens vulgaire d’un discours métaphysique qui nous dirait ce qu’il en est, en dernière instance, de la réalité […]. Ni au sens plus profond d’un primat de l’être sur la connaissance. »
[22] Cf. nos développements sur ce point dans notre ouvrage, La Philosophie transcendantale de Gilles Deleuze, Paris, L’Harmattan, 2010, ch. III.
[23] C’est la raison pour laquelle V. Bergen peut parler à la fois d’une « surface ontologique » et d’une « surface transcendantale », et même d’une « surface ontologique transcendantale », dans L’Ontologie de Gilles Deleuze, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 16.
[24] Empirisme et subjectivité, Paris, P.U.F., 1953, V, p. 92. Le souci critique est aussi présent dans Nietzsche et la philosophie, en 1962, dont le chapitre central est justement consacré à la critique. Deleuze y déclare : « Finalement, il en est de Nietzsche par rapport à Kant comme de Marx par rapport à Hegel : il s’agit pour Nietzsche de remettre la critique sur ses pieds, comme pour Marx la dialectique. » Cf. Nietzsche et la philosophie, Paris, P.U.F., 1962, III, 7, p. 101.
[25] Raison pour laquelle le transcendantal sera repris et remanié à partir de Différence et répétition plutôt que simplement abandonné.
[26] Le bergsonisme, Paris, P.U.F., 1966.
[27] Cf. Le bergsonisme, pp. 12-13 : « L’intuition comme méthode de division n’est pas sans ressemblance avec une analyse transcendantale : si le mixte représente le fait, il faut le diviser en tendances ou en pures présences qui n’existent qu’en droit. On dépasse l’expérience vers les conditions de l’expérience (mais celles-ci ne sont pas, à la manière kantienne, les conditions de l’expérience possible, ce sont les conditions de l’expérience réelle). »
[28] Cf. Ibid. pp. 50-51 : « Ce que Bergson appelle « souvenir pur » n’a aucune existence psychologique. […] En toute rigueur, le psychologique, c’est le présent. Seul le présent est « psychologique » ; mais le passé, c’est l’ontologie pure, le souvenir n’a de signification qu’ontologique. »
[29] Dans nos développements sur ce problème, nous avons pu parler, à ce sujet, d’une ontologie seconde. Cf. La philosophie transcendantale de Gilles Deleuze, op. cit., III.
[30] Différence et répétition, op. cit., p. 236.
[31] Nous reprenons l’expression d’E. Alliez, dans « La philosophie de Deleuze : une entrée en matière. », in Immanence et vie, collectif, Paris, P.U.F., 1998, p. 51.
[32] F. Tarby, dans Matérialismes d’aujourd’hui, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 15, considère ainsi l’univocité comme l’ontologie matérialiste par excellence : « L’être univoque est l’être du matérialisme. L’affirmation de l’univocité peut paraître, à première vue, étonnante, s’il s’agit bel et bien de restituer au monde son caractère intégralement multiple. Mais précisément : s’il n’y a que des multiplicités, et si tout multiple est à son tour multiple de multiples, alors l’être se dit en un même sens, une même valeur, de toutes ses multiplicités. »
[33] Dialogues, op. cit., p. 70.
[34] Cf. ibid., p. 19 : « L’histoire de la philosophie a toujours été l’agent de pouvoir dans la philosophie, et même dans la pensée. »
[35] Cf. ibid., pp. 19-20 : « Elle a toujours joué le rôle de répresseur : comment voulez-vous penser sans avoir lu Platon, Descartes, Kant et Heidegger, et le livre de tel ou tel sur eux ? Une formidable école d’intimidation qui fabrique des spécialistes de la pensée, mais qui fait que ceux qui restent en dehors se conforment d’autant mieux à cette spécialité dont ils se moquent. »
[36] Cf. Deleuze, Différence et répétition, III, p. 174 : « La récognition se définit par l’exercice concordant de toutes les facultés sur un objet supposé le même : c’est le même objet qui peut être vu, rappelé, imaginé, conçu. »
[37] Cette image de la pensée n’est pas nécessairement celle des penseurs ou des philosophes eux-mêmes, mais c’est la manière dont l’histoire de la philosophie universitaire, telle que Deleuze la connaît, les aborde : voir, dans les Dialogues, le cas de Hume et de l’empirisme, que l’histoire de la philosophie tente de dériver entièrement d’un principe.
[38] Cf. Dialogues, op. cit., p. 20 : « C’est que la pensée emprunte son image proprement philosophique à l’État comme belle intériorité substantielle et subjective. »
[39] Ibid., p. 20.
[40] Cf. nos développements sur ce sujet, dans La philosophie transcendantale de Gilles Deleuze, op. cit., I.
[41] Cf. Dialogues, op. cit., p. 19 : « La « question Heidegger » ne me paraît pas : est-ce qu’il a été un peu nazi ? (évidemment, évidemment) – mais : quel a été son rôle dans cette nouvelle injection d’histoire de la philosophie ? »
[42] Il est vrai que les rapports entre l’image traditionnelle de la pensée et l’État ont été remarqués très tôt par Deleuze (cf., par exemple, Nietzsche et la philosophie, III, 15, ou Différence et répétition, III). Mais c’est seulement à partir de Mille plateaux, 12, que celle-ci est appréhendée à partir de sa relation à l’État, c’est-à-dire dans une perspective directement politique.
[43] Dialogues., p. 24.
[44] Cf. Les premiers mots de Mille Plateaux : « Nous avons écrit L’Anti-Œdipe à deux. Comme chacun de nous était plusieurs, ça faisait déjà beaucoup de monde. »
[45] Cf. L’Evolution créatrice, op. cit., p. 2.