Projet Corpus La bibliothèque foucaldienne
Le projet Corpus La bibliothèque foucaldienne est un projet de numérisation des notes de travail de Michel Foucault qui devrait permettre de restituer l’ensemble des archives consultées par le philosophe en vue de la rédaction des Mots et les choses. Il est mené à l’ENS Lyon depuis 2007. Ce projet étant un très bon exemple de l’intérêt des nouvelles technologies numériques pour la recherche universitaire, la rédaction d’Implications Philosophiques est allée à la rencontre de l’équipe du projet pour mieux vous le présenter.
Implications Philosophiques : La présentation du projet sur le site de l’ENS Lyon éclaire bien les objectifs techniques et scientifiques mais, avant d’y revenir, pourrait-on en savoir plus sur la naissance de ce projet, ce qui l’a motivé, et pourquoi cet auteur ?
Vincent Ventresque : Le projet ANR Corpus La Bibliothèque Foucaldienne est né dans l’esprit de chercheurs en sociologie et en philosophie qui, connaissant l’essor de nouvelles techniques d’archivage, se sont tournés vers les méthodes archivistiques pour fonder ce projet pluridisciplinaire de numérisation des notes de travail de l’auteur des Mots et des choses. L’enquête sur les pratiques de chercheurs et le champ de l’anthropologie des pratiques culturelles ont donc été au coeur de ce travail :
« “Revisiter” une recherche scientifique, un terrain d’enquête ou une découverte à partir des archives disponibles ne doit pas s’entendre seulement sur un plan théorique, méthodologique ou critique (Laferté, 2006 ; Zonabend, 2011 ; Rochette, 2013). Il s’agit d’abord d’un geste topographique. “Aller” dans les archives, accomplir ce geste qui consiste à voir les documents, a pour premier effet de montrer des pensées “vivantes” qui n’ont jamais cessé de se reprendre, de se réorienter et de bifurquer. Des pensées indisciplinées, pour certaines, qui ont sans cesse été remises en question (par leurs auteurs ou par d’autres) et redéfinies en fonction des urgences et des soubresauts qui affectent le monde. Faire ce geste qui consiste à aller dans les archives, c’est prendre encore la mesure des investigations tâtonnantes qui jalonnent tout parcours intellectuel. C’est voir en acte des pratiques concrètes, comprendre la part du travail documentaire, saisir la place de certains gestes qui ont été patiemment et inlassablement répétés, mesurer l’importance de ces « savoir-faire » nécessaires à tout travail de recherche et qui peuvent se décliner dans plusieurs opérations tant manuelles qu’intellectuelles telles qu’observer, prélever, classer, hiérarchiser, mémoriser, calculer, interpréter, lire, écrire, annoter ou citer[1]… »
Le rapport particulier de Michel Foucault à l’archive était également particulièrement propice à un tel projet. Ainsi :
« …à Raymond Bellour, [Michel Foucault] souligne le fait que, dans sa méthode d’analyse des documents, tout devient source historique : “Il ne doit pas y avoir de choix privilégié. Il faut pouvoir tout lire, connaître toutes les institutions et toutes les pratiques. [. . .] Ce qui fait qu’on traitera dans la même foulée Don Quichotte, Descartes et un décret sur la création des maisons d’internement par Pomponne de Bellièvre.” En regard de cette manière de présenter ses propres recherches, la possibilité est aujourd’hui offerte de reprendre cette question des pratiques réelles de Foucault à partir des nouvelles méthodologies de recherche et d’enquête qui se sont développées autour des archives du travail intellectuel et qui ont été insufflées par Bruno Latour, Roger Chartier (cf. Kraus) et, plus récemment, Christian Jacob et sa notion de pratique savante qui lui permet de regrouper sous cette notion opératoire l’ensemble des opérations manuelles, discursives et intellectuelles mobilisées dans la production ou la réception d’un savoir[2]. »
IP : Ce projet implique la collaboration entre des chercheurs issus de différentes disciplines (philosophes, techniciens, archivistes,…) : comment s’organise le travail au sein de l’équipe de recherche ?
Samantha Saïdi : Après avoir obtenu un financement ANR, les chercheurs ont sollicité les ingénieurs du laboratoire Triangle, au départ pour la mise en place d’une base de données des papiers de travail de Michel Foucault sur Les mots et les choses, en particulier pour les fiches de lecture ayant servi à la rédaction de cet essai. Plusieurs réunions de discussion ont eu lieu autour des objectifs scientifiques, de la nature des archives, du temps imparti (3 années de financement ANR), mais aussi des technologies à utiliser pour la manipulation, la publication et la pérennisation du corpus. Ces discussions ont conduit l’ensemble de l’équipe à penser qu’une description archivistique au format XML EAD était la solution idéale. En effet, simple et rapide à mettre en oeuvre, elle permettait tout d’abord une description fine de cette archive selon un standard pérenne, échangeable et compréhensible au niveau international. De la sorte, si nous n’obtenions pas les droits sur les images, nous pourrions toujours faire connaître l’inventaire partiel des papiers de travail.
Un inventaire au format XML EAD rendait également possibles une gestion des données et des enrichissements via différents outils et différents langages[3], pour la création d’un portail en ligne, aussi bien que d’index et de moteurs de recherche avancée, etc.
Le travail de l’équipe élargie s’est donc toujours organisé autour de l’étude du fonds d’archives (et de ce qu’il était possible d’en extraire) : protocole de numérisation, réunions de discussion, formation technique des chercheurs à l’utilisation d’outils pour le renseignement de l’inventaire (Archivist’s toolkit, éditeur XML Mind), mise en valeur scientifique de l’inventaire via des communications et des publications.
IP : En regard de ses objectifs de départ, où en est le projet aujourd’hui ? En cours d’élaboration, les découvertes elles-mêmes ont-elles suscité des développements inattendus ?
Samantha Saïdi : D’un point de vue technique, les objectifs sont largement atteints, car ils étaient au départ plus modestes : à partir d’un simple projet de base de données contenant les fac-similés numériques des papiers de travail sur Les Mots et les choses, l’équipe est arrivée à un inventaire XML EAD exhaustif, dont chaque notice fournit les facsimilés, accompagnés d’un descriptif détaillé.
L’inventaire pourrait même être considéré comme la bibliothèque virtuelle des Mots et les choses puisqu’il renvoie, chaque fois que les informations données par Foucault le permettent, vers l’ensemble des notices bibliographiques et documents numériques en ligne des ouvrages mentionnés dans les papiers de travail. La bibliographie du dossier préparatoire aux Mots et les choses comptant près de 600 titres, cette bibliothèque virtuelle est constituée de plus de 1000 liens hypertexte : l’internaute a donc accès aux sources de Foucault en même temps qu’il peut consulter les papiers de travail.
D’un point de vue scientifique : les trois principaux axes de questionnement étaient les suivants :
1) Étudier les modes de consultation des sources par Michel Foucault, grâce aux entretiens de témoins de lecture, à l’analyse de sa correspondance avec d’autres philosophes et grâce à la consultation de ses emprunts dans différentes bibliothèques[4].
2) Étudier les modes d’extraction : le projet ANR voulait notamment étudier le passage du nomadisme bibliographique au travail méticuleux de commentaire de texte de Michel Foucault.
3) Étudier les pratiques de restitution des sources par Michel Foucault : quelle pratique de la bibliographie ? Quelle pratique de la citation ? Chaque notice de l’inventaire comporte des champs correspondant à ces modes d’exploitation des sources bibliographiques ; ces champs sont inégalement renseignés dans l’inventaire, mais les publications des chercheurs ont développé ces aspects selon les besoins de leurs problématiques.
IP : Le logiciel Pleade doit permettre aux utilisateurs de naviguer dans l’archive numérique. L’interface web rend-t-elle suffisamment compte de la structuration XML sous-jacente ? Avez-vous eu un retour des utilisateurs ? Savez-vous si l’archive joue aujourd’hui le rôle escompté au départ du projet ?
Vincent Ventresque : L’interface fournie par le logiciel Pleade restitue très fidèlement la structuration XML EAD de l’inventaire : ce logiciel a été développé spécifiquement pour mettre en ligne des inventaires encodés dans ce format[5]. Le plan de classement, représenté par un menu arborescent, reproduit la structure hiérarchique des dossiers et sous-dossiers (intercalaires). Quant aux informations encodées dans les champs d’indexation (personnes citées, ouvrages mentionnés dans la fiche de lecture, vocabulaire utilisé par Foucault), elles sont interrogeables via les moteurs de recherche simple et avancée. Ce dernier permet de combiner différents critères : par exemple il est possible de rechercher le terme « définition » seulement dans les titres donnés par Foucault, tout en limitant la recherche au seul dossier « Histoire Naturelle » ; ou encore, de chercher s’il existe des fiches consacrées à l’économiste Adam Smith, qui abordent aussi la question du langage. Évidemment, il faut recourir à un langage d’interrogation comme XQuery pour effectuer des requêtes plus poussées, des tris et des comptages : c’est d’ailleurs cette technique qui a permis, par exemple, de générer la liste bibliographique complète figurant au début de l’inventaire. Pour cela, il faut travailler directement avec le fichier XML EAD, qui peut être mis à disposition sur demande.
IP : La ressource a-t-elle fédéré des chercheurs au niveau inter-universitaire et/ou international ? Sa mise à disposition a-t-elle encouragé de nouveaux chercheurs à vous rejoindre ? De manière générale, diriez-vous que les philosophes restent plutôt réticents face à l’utilisation des ressources numériques ?
Vincent Ventresque : Le projet ANR a été porté par des chercheurs associés à – ou faisant partie de – différentes institutions :
– la Bibliothèque Nationale de France
– le Collège International de Philosophie
– l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine (IMEC)
– le laboratoire Institut Interdisciplinaire d’Anthropologie du Contemporain
(UMR 8177 CNRS EHESS)
– le laboratoire Triangle (UMR 5206, ENS de Lyon)
– l’Université Paris 1
– l’Université de Paris 12
Concernant l’usage des archives par les philosophes et l’interdisciplinarité Jean-François Bert remarque : « qu’il y a toujours une ambiguïté sur la manière dont les philosophes comprennent l’archive, qu’ils réduisent encore trop souvent à l’inédit, à la correspondance ou au manuscrit – avec en toile de fond la génétique textuelle. Il est encore difficile pour eux, mais plus globalement pour des chercheurs qui n’ont pas été concrètement confrontés à des archives – et plus particulièrement ce type d’archives, de se poser les bonnes questions[6]. »
IP : Dans un article vous signalez que « le traitement archivistique des fiches a permis d’envisager de nouvelles hypothèses de travail autour du travail foucaldien et de reprendre la question du renversement des hiérarchies et le choix délibéré de Foucault de choisir certains auteurs dits secondaires quand il s’agit de découvrir un nouveau champ de recherche pour lui ». Pourriez-vous préciser ce point ? Quelles étaient les hypothèses de départ et celles qui ont émergé ? En quoi le traitement archivistique a-t-il joué un rôle dans ces découvertes ?
Vincent Ventresque : L’émergence de nouvelles hypothèses de travail autour des modes de consultation, d’extraction, de restitution, a été facilitée par les outils numériques. On peut rappeler tout d’abord ce que Luca Paltrinieri rapporte de son expérience du traitement archivistique avec le logiciel Archivist’s toolkit : « Ce traitement permet ainsi de créer des correspondances entre des fiches physiquement éloignées du dossier. À travers cet outil, on pourrait alors reconstruire ce que, à la suite de M. Potte-Bonneville, on peut appeler “l’ordre de la recherche” par opposition à l’“ordre d’exposition”. »
Le corpus numérisé des papiers de travail a, par exemple, permis de questionner le rôle des sources dans la méthode de Foucault et dans l’évolution de sa recherche. On peut ainsi s’interroger sur le décalage entre la place donnée aux auteurs dans les papiers de travail et celle qui leur est donnée dans le livre final : certains auteurs lus attentivement sont absents dans le texte final[7], et inversement. Ainsi, Luca Paltrinieri rappelle qu’on a pu taxer Foucault d’un certain dilettantisme en économie[8] : « Ces thèses étaient-elles suffisamment documentées et méthodologiquement admissibles ou relevaient-elles – comme on l’a souvent reproché à Foucault – d’une “idéologie structuraliste” niant le développement historique des savoirs pour ne privilégier que les “ruptures” et les plages synchroniques ? ». Il montre qu’on peut distinguer plusieurs fonctions de la littérature secondaire dans l’élaboration de sa réflexion : tantôt « Foucault se sert de la littérature secondaire pour reparcourir une vaste plage du savoir économique, afin de réinscrire les observations des historiens à l’intérieur du paradigme du passage de l’ordre de la Renaissance à l’épistémè classique » ; tantôt, au contraire, il s’oppose à la tradition de l’histoire de l’économie et la littérature secondaire lui fournit seulement « un “réservoir” de citations sur lesquelles appuyer sa thèse » ; ou encore, elle peut constituer « un appui qui lui permet d’avancer plus rapidement et plus sûrement dans la lecture des sources ». En étudiant les rapports entre la lecture des sources primaires d’une part, et la lecture des historiens de l’économie qui commentent ces sources d’autre part, on voit que l’intérêt de Foucault pour les auteurs considérés comme “mineurs” témoigne en réalité d’une progression de son questionnement sur la valeur : la recherche foucaldienne, d’abord attentive à question du travail, se déplace vers la question de la monnaie. Ainsi l’on peut voir comment un philosophe comme Foucault, chercheur omnivore, se « crée » un savoir d’histoire de l’économie pratiquement en partant de zéro, et en travaillant sur des sources spécifiques disponibles à la BnF.
Plus récemment, l’ouvrage de Philippe Sabot sur Les mots et les choses s’appuie sur le résultat du traitement archivistique, l’archive numérique accessible via le portail, pour faire apparaître « l’ancrage historique et documentaire » de la démarche archéologique et « relativiser des lectures trop rapides de l’ouvrage » :
« En prenant appui sur le travail de numérisation du “Dossier préparatoire aux Mots et les choses”, réalisé dans le cadre du projet ANR Corpus “La bibliothèque foucaldienne. Michel Foucault au travail”, nous nous sommes efforcé de faire apparaître dans notre étude cette seconde dimension de la démarche archéologique, son ancrage historique et documentaire si l’on veut, en soulignant autant que possible la corrélation entre les très nombreuses fiches de lecture contenues dans ce “Dossier préparatoire” et les analyses que Foucault a pu en tirer dans son livre, notamment dans sa réflexion sur la constitution et la configuration du savoir classique. Cette mise en corrélation permet de relativiser des lectures trop rapides de l’ouvrage de 1966 dont on a pu dire ou penser qu’il était le fruit d’une pure et simple idéologie structuraliste, imposant en somme un cadre d’analyse préétabli et des découpages historiques arbitraires (les épistémès) au matériau discursif des époques du savoir étudiées. Elle donne surtout un accès renouvelé au travail archéologique de Foucault, et met en lumière l’usage des sources et des ressources documentaires qui nourrissent de manière continue sa pensée et ses analyses[9]. »
Il faut toutefois réinscrire ces travaux, fondés sur l’analyse du dossier préparatoire des Mots et les choses, dans une perspective plus large, d’analyse des archives de Foucault en général. De cet intérêt témoigne le Portail Michel Foucault[10], qui met à disposition des images numérisées de notes de préparation de cours au Collège de France, de notes de lecture préparant l’Histoire de la folie, d’extraits de la correspondance… De même, pour ne citer que quelques exemples, l’article collectif « Dans l’atelier de Michel Foucault » questionne le contraste entre « un langage sans appui » revendiqué par Foucault pour l’Histoire de la folie, et une pratique des cours au Collège de France[11]. Ou encore, en analysant les manuscrits des cours au Collège de France, Michel Senellart distingue plusieurs manières de préparer les cours et de concevoir leur statut[12]. Philippe Artières étudie les statuts de l’archive dans la méthode foucaldienne : pourquoi Foucault choisit-il de citer tantôt des extraits, tantôt des transcriptions complètes[13] ?
IP : De même, pourriez-vous expliciter en quoi l’analyse systématique des feuillets (les ratures, …) par le biais de l’inventaire XML a permis de mieux cerner la méthode de travail explicite de Foucault ? Quelles sont les « techniques intellectuelles » que l’encodage XML a fait apparaître ?
Vincent Ventresque : Concernant la complétion de l’inventaire lors de la production de sa deuxième version, on notera que pour reconstituer les parcours de lecture de Foucault, il a fallu rechercher systématiquement les éditions mentionnées dans les fiches. La difficulté était double : d’une part les ouvrages mentionnés sont souvent évoqués dans plusieurs éditions – ici dans une liste de références bibliographiques que Michel Foucault projette d’explorer, là dans une note de bas de page d’un commentateur, ailleurs dans une fiche de lecture entièrement consacrée à l’ouvrage. D’autre part, les informations bibliographiques sont dispersées : il est rare que les cotes de catalogues soient données ; telle fiche signale le lieu de publication, telle autre la date ou le traducteur, ailleurs on trouve une indication de numéro de page, un signe représentant un saut de page… Le fait de pouvoir opérer des recoupements d’informations, grâce aux outils d’interrogation des données XML, a été déterminant pour ce travail de reconstitution des parcours de lecture : sans ces outils numériques, et sans les ressources bibliographiques disponibles sur le web, il aurait été très difficile de déterminer quels ouvrages avaient été lus par Foucault, comme l’explique Daniel Defert : « Foucault avait en effet une manière de prendre des notes très spéciale : une citation par page, qu’il rangeait thématiquement. Or, corréler ces références au livre qu’on publie est pratiquement impossible. Les éditeurs […] sont souvent obligés de retourner en bibliothèque, à la recherche des références de Foucault […]. »
IP : De façon plus générale, est-ce que l’expérience montre que ce travail d’édition scientifique et numérique pourrait être intéressant à mener sur d’autres grands auteurs de l’histoire de la philosophie contemporaine ? D’autres unités de recherche envisagent-elles de mener un tel projet similaire ?
Vincent Ventresque : On peut évoquer à titre d’exemple l’archive numérique Jean-Toussaint Desanti[14] : elle présente également des fac-similés des papiers de travail de Desanti, des transcriptions au format XML TEI, l’ensemble étant accessible via un inventaire au format XML EAD. Une réflexion sur les différentes possibilités de restitution de la structure complexe de l’archive a été menée, notamment autour du développement d’un logiciel d’aide au classement[15]. En outre, ce travail de diffusion des archives s’accompagne d’un effort de mise à disposition des sources utilisées par le philosophe, à travers un projet de constitution de la « bibliothèque idéale » du philosophe : « Il s’agit de faire en sorte que les chercheurs aient accès à tous les ouvrages, tant récents qu’anciens, qui nourrissent leurs travaux – travaux qui eux-mêmes sont inscrits dans le prolongement de la pensée de Desanti. L’idée est donc, à terme, de faire du fonds Desanti un pôle de documentation spécialisé dédié à la philosophie des sciences et aux sciences humaines. »
Ces travaux reflètent un intérêt croissant pour les archives de chercheurs[16], mais leur réalisation est sans doute souvent compliquée par des limitations d’ordre juridique, ou par des difficultés d’accéder aux archives. On peut constater qu’il existe d’un côté des catalogues d’archives consultables en ligne sans mise à disposition des documents, et de l’autre des collections de documents mis à disposition sans inventaire systématique. Par exemple, les papiers de Derrida liés à son activité aux États-Unis sont inventoriés et le catalogue détaillé est consultable sur le web, mais l’internaute ne peut consulter les papiers[17]; de même, le fonds Ricoeur[18] a été inventorié en EAD, et l’inventaire publié en ligne avec Pleade, mais les papiers ne sont pas accessibles en ligne. Inversement, il existe des initiatives comme webdeleuze.com[19], qui mettent à disposition des ressources numériques, sans toutefois proposer d’inventaire structuré ni de moteur de recherche, et sans ambition d’édition critique. Le travail d’édition scientifique et numérique d’une part et la mise à disposition en ligne d’autre part ne peuvent s’associer qu’à la condition de bénéficier, comme cela été le cas pour la Bibliothèque Foucaldienne, d’une autorisation de diffusion[20].
[1] Jean-François Bert, Qu’est-ce qu’une archive de chercheur ?, Marseille, OpenEdition Press, 2014 : http://books.openedition.org/oep/723.
[2] Philippe Artières, Jean-François Bert, Samantha Saïdi, « Archives d’un lecteur philosophe. Le traitement numérique des notes de lecture de Michel Foucault », Codicology and Palaeography in the Digital Age, Schriften des Instituts für Dokumentologie und Editorik, (2011).
[3] Logiciel de gestion de base de données XML BaseX, portail de publication en ligne Pleade ; transformation de la structure des données et de leur mise en forme avec le langage XSLT, interrogation de la base avec le langage Xquery.
[4] Notamment : http://lbf-ehess.ens-lyon.fr/pages/infos-temoins.html.
[5] Pleade est d’ailleurs largement utilisé ; voir notamment le site BnF archives et manuscrits de la Bibliothèque Nationale : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/.
[6] Pour des développements sur ce point : cf. op. cit. http://books.openedition.org/oep/726.
[7] Judith Revel évoque ainsi « une bibliographie par le vide » : cf. Judith Revel, « Les grands absents. Une bibliographie par le vide », in Michel Foucault, Cahier de l’Herne. Éditions des cahiers de l’Herne, 2011.
[8] Paltrinieri, Luca, « L’analyse des richesses dans les Mots et les choses », in Michel Foucault, Cahier de l’Herne, Éditions des cahiers de l’Herne, 2011.
[9] Philippe Sabot, Le même et l’ordre. Michel Foucault et le savoir à l’âge classique, Paris, ENS Éditions, 2015. La citation vient des pages 16-17 de l’introduction. Introduction disponible en ligne : http://catalogueeditions.
Ens-lyon.fr/fr/resources/download.cfm?GCOI=29021100169610&thefile=352_Sabot_EXTRAIT.pdf .
[10] http://portail-michel-foucault.org/. Réalisation collective des chercheurs du Centre Michel Foucault, ayant obtenu un financement de la Fondation de France.
[11] Philippe Artières, Jean-François Bert, Pascal Michon, Mathieu Potte-Bonneville, Judith Revel, « Dans l’atelier de Michel Foucault », in Christian Jacob (dir.), Les Lieux de savoir II. Les mains de l’intellect, Paris, Albin-Michel, 2011.
[12] Michel Senellart, « Le cachalot et l’écrevisse. Réflexion sur la rédaction des cours au Collège de France », in Michel Foucault, Cahier de l’Herne, 2011.
[13] Philippe Artières, « L’exactitude de l’archive », in Michel Foucault, Cahier de l’Herne, 2011.
[14] Réalisée par l’Institut Desanti (ENS Lyon) : http://archive.desanti.huma-num.fr/.
[15] La plate forme philologique Dinah, qui permet de représenter plusieurs systèmes de classement concurrents, dans une démarche de description collaborative : http://institutdesanti.ens-lyon.fr/spip.php?article45.
[16] Sur ce regain d’intérêt et les problématiques archivistiques, voir Jean-François Bert, Qu’est-ce qu’une archive de chercheur ?, chap. 1 : http://books.openedition.org/oep/723. Voir également l’ouvrage de Jean-François Bert et Marc Ratcliff (dir.), Frontières d’archives (Paris, Archives contemporaines, 2015) sur la question des archives des savoirs : http://pub.lucidpress.com/FrontiereArchives/.
[17] Voir l’inventaire sur le site Online Archive of California : http://www.oac.cdlib.org/findaid/ark:/13030/tf3q2nb26c/. Il est à noter qu’une autre partie des archives de Derrida se trouve conservée à l’IMEC – tout comme les archives de nombreux philosophes contemporains ; toutefois la consultation des fonds se fait sur demande, et les inventaires détaillés ne sont pas accessibles en ligne.
[19] http://www.webdeleuze.com : le site met à disposition essentiellement des transcriptions de cours de Deleuze ; on y trouve quelques images de manuscrits (http://www.webdeleuze.com/php/manuscrit.html). À noter : le site http://www2.univ-paris8.fr/ propose dans la rubrique « La voix de Deleuze » des enregistrements audio et des transcriptions des cours de Deleuze à Vincennes. Voir également la page sur Gallica des enregistrements audio de Deleuze : http://gallica.bnf.fr/html/und/enregistrements-sonores/gilles-deleuze-cours-donnes-luniversite-paris-8-vincennes-saint-denis-1979.
[20] Daniel Defert, légataire des manuscrits de Michel Foucault, a mis à disposition temporairement le dossier préparatoire aux Mots et les choses et autorisé la numérisation ainsi que la diffusion des images numériques.