Identité personnelle et personnalités multiples : Doctor Who? (1)
Florian Cova (Centre Interfacultaire en Sciences Affectives, Université de Genève)
Suis-je encore la même personne que lorsque j’avais 5 ans ? Probablement, car la question même semble l’impliquer. Cependant, il est clair que j’ai beaucoup changé depuis mes 5 ans : la plupart des cellules de mon corps se sont renouvelées (la puberté est passée par-là) et mes centres d’intérêt se sont légèrement (mais pas trop) modifiés. Pourtant, malgré tous ces changements, je suis la même personne. En vertu de quoi ? Qu’est-ce qui assure l’identité numérique de ma personne à travers tous ces changements ? C’est cette question que les philosophes ont baptisé le problème de l’identité personnelle.
Dès ses premières formulations, le problème de l’identité personnelle a été étroitement lié à des considérations d’ordre pratique. Dans un premier temps, ces considérations ont été des considérations d’ordre personnel[1]. Ainsi, quand Socrate (a.k.a. Platon) aborde la question de l’identité personnelle dans le Phédon[2], c’est dans le cadre d’une discussion sur la possibilité de survivre à la mort physique : si mon identité personnelle n’est pas liée à mon corps, alors une telle survie est conceptuellement possible.
Avec Locke, le problème de l’identité personnelle devient aussi lié étroitement à des questions d’ordre moral : il n’est légitime de punir un homme pour une action que si celle-ci est son action et pas celle d’un autre[3]. De même, quelqu’un n’est tenu par une promesse que s’il s’agit bien de sa promesse. De ce fait, nombre de nos pratiques et de nos interactions morales dépendent d’une certaine conception de l’identité personnelle.
Parce que la question de l’identité personnelle est étroitement liée à ces questions d’ordre pratique, il est monnaie courante de faire appel à nos intuitions sur ces pratiques pour tester et mettre à l’épreuve nos théories de l’identité personnelle. Par exemple, Bernard Williams[4] fait de nos intuitions au sujet de la survie un moyen de tester les théories de l’identité personnelle. Ou encore, Locke fait de nos intuitions au sujet du mérite un révélateur de notre notion d’identité personnelle[5].
Les philosophes qui font usage de ces méthodes semblent considérer que leurs résultats seront convergents, autrement dit que la notion d’identité personnelle qui sous-tend nos intuitions au sujet du problème personnel la survie est la même que celle qui est au cœur de nos pratiques morales. Cependant, il se pourrait bien que ces intuitions finissent par paraître incompatibles parce qu’elles font fond sur des conceptions bien différentes de l’identité personnelle. C’est cette possibilité que met à jour une série britannique culte : Doctor Who[6].
Le(s) Docteur(s)
Doctor Who est une série centrée autour du personnage du Docteur (aucun nom connu à ce jour), un extra-terrestre humanoïde appartenant à la race des Seigneurs du Temps (en anglais : Time Lords). Âgé de plusieurs centaines d’années et doué d’une remarquable intelligence, le Docteur voyage à travers l’espace et le temps à bord du TARDIS, vaisseau spatial censé se transformer en fonction de son environnement, mais malencontreusement figé sous l’apparence d’une cabine de police londonienne bleue des années 1950.
Le Docteur se présente (« 4×00 », Voyage of the Damned)
Jusque-là, rien de très étonnant. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que le fait que le Docteur soit un alien doté d’une excessive longévité a permis à Doctor Who de gagner le titre de série de science-fiction la plus longue. En effet, le premier épisode de Doctor Who a été diffusé en 1963 et de nouveaux épisodes sont encore aujourd’hui en production. Certes la série a été interrompue entre 1989 et 2005, interruption elle-même coupée d’un téléfilm en 1996. Cependant, le redémarrage de la série en 2005 n’a pas constitué un reboot (comme ce fut le cas, par exemple, pour Battlestar Galactica[7]) mais s’inscrit bel et bien dans la continuité de la série classique[8]. Cela fait donc bientôt 50 ans que le Docteur et ses compagnons « squattent » les écrans.
Une telle longévité pose néanmoins un problème technique pour un show centré sur un et un seul personnage : que faire quand un acteur ne peut plus jouer le rôle ? Le spectateur peut-il vraiment accepter qu’un même personnage (culte) change régulièrement de visage ? Les créateurs de la série ont en fait transformé ce problème en élément scénaristique : le Docteur, cet extra-terrestre quasiment immortel se régénère à chaque fois qu’il est sur le point de mourir. Mais cette régénération n’est pas une simple guérison : à chaque régénération, l’apparence du Docteur change du tout au tout. La formule permet donc de prolonger le show en ménageant une place pour la nouveauté.
Les régénérations du Docteur
Cependant, la régénération ne produit pas que des effets physiques : pour mieux renouveler le spectacle, la régénération s’accompagne de changements psychologiques majeurs. Certes, chaque nouvelle incarnation du Docteur conserve tous les souvenirs des incarnations passées, mais subit des changements drastiques de personnalité. Il suffit pour s’en rendre compte de comparer le Neuvième Docteur et le Dixième : d’un côté un homme violent prêt à exterminer le dernier représentant d’une espèce au nom de la vengeance[9], de l’autre un pacifiste hésitant à se saisir d’une arme alors même que sa vie et le destin de l’univers sont en jeu[10]. En plus de cela, chaque Docteur a ses propres goûts (vestimentaires aussi bien qu’alimentaires) et ses propres tics verbaux (ou catchprases) : « Fantastique » pour le Neuvième, « Allons-y » (en français dans le texte) pour le Dixième et…. « Geronimo » pour le Onzième.
Cette situation pose quelques problèmes au Docteur après chacune de ses régénérations. Le voici, « homme » en pleine possession de ses facultés et ne souffrant d’aucune amnésie, se retrouvant à ne pas savoir qui il est. D’où quelques dialogues surréalistes au sortir de sa neuvième régénération[11] :
SYCORAX : Who exactly are you?
LE DOCTEUR : Well, that’s the question.
SYCORAX : I demand to know who you are!
LE DOCTEUR : I don’t know! See, there’s the thing. I’m the Doctor, but beyond that, I just don’t know. I literally do not know who I am. It’s all untested. Am I funny? Am I sarcastic? Sexy? Right old misery? Life and soul? Right handed? Left handed? A gambler? A fighter? A coward? A traitor? A liar? A nervous wreck? I mean, judging by the evidence, I’ve certainly got a gob. And how am I going to react when I see this, a great big threatening button. A great big threatening button which must not be pressed under any circumstances, am I right? Let me guess. It’s some sort of control matrix, hmm? Hold on, what’s feeding it?
(Le Docteur ouvre la base du pilier sur lequel se trouve le bouton.)
LE DOCTEUR : And what’ve we got here? Blood? Yeah, definitely blood. Human blood. A Positive, with just a dash of iron. Ah, but that means blood control. Blood control! Oh, I haven’t seen blood control for years. You’re controlling all the A Positives. Which leaves us with a great big stinking problem. Because I really don’t know who I am. I don’t know when to stop. So if I see a great big threatening button which should never, ever, ever be pressed, then I just want to do THIS.
De la même façon, le tout nouveau Onzième Docteur a un besoin d’un temps de réajustement pour découvrir ce qu’il aime manger[12].
Le Onzième Docteur explore ses nouvelles préférences alimentaires (« 5×01 », The Eleventh Hour)
La question qui se pose maintenant est celle la persistance de l’identité personnelle du Docteur à travers ses régénérations : le Docteur est-il toujours la même personne ? Et si oui, qu’est-ce qui assure sa persistance d’une régénération à l’autre ? Je pense que, à ces deux questions, les tests personnels (comme la survie) et les tests moraux (comme la responsabilité) apportent deux réponses différentes.
La responsabilité morale du Docteur
Les expériences de pensée jouent un rôle crucial en philosophie, et en particulier sur la question de l’identité personnelle. L’avantage des séries télés sur les expériences de pensée pures est néanmoins de susciter des réactions émotionnelles plus violentes, nous permettant ainsi de mieux examiner nos attitudes réactives[13].
Doctor Who permet ainsi d’observer nos attitudes vis-à-vis du Docteur et d’utiliser le test de la responsabilité morale. La question de l’identité personnelle peut donc, à l’aune de ce test, se poser de la façon suivante : chaque nouvelle incarnation du Docteur est-elle, en dépit de tous ces changements tant physiques que psychologiques, responsable de ce qu’ont fait les incarnations précédentes ?
La réponse est oui. Prenons l’une des astuces scénaristiques qui a profité à la renaissance de la série en 2005. Dans la série dite « classique », le Docteur n’est qu’un Seigneur du Temps parmi d’autres. Mais dans la nouvelle série, le voici le dernier représentant de son espèce (du moins à ce qu’il croit – mais nous y reviendrons). Que s’est-il passé dans l’entre-deux ? La Guerre du Temps est passé là, une guerre qui a opposé les Seigneurs du Temps à une race extra-terrestre aux tendances nazies et en forme de salière appelée les Daleks. Pour mettre fin à cette guerre, le Docteur n’a pas eu d’autre choix que déclencher un appareil destructeur (le Moment) qui a eu pour effet de rayer de la carte Seigneurs du Temps et Daleks (et, accessoirement, de les bloquer dans une bulle temporelle)[14].
Le Docteur a donc éliminé sa propre espèce. Techniquement, cet acte n’a pu être accompli que par sa Huitième ou Neuvième incarnation. Pourtant, il semble que les incarnations suivantes acceptent la responsabilité de cet acte (voire le revendiquent) et que le spectateur moyen ne trouve pas cela absurde. Ainsi, dans l’épisode « 6×04 » (The Doctor’s Wife) de la nouvelle série, le Onzième Docteur assume pleinement cet acte.
Le Onzième Docteur assume le fait d’avoir causé la disparition des Seigneurs du Temps (« 6×04 », The Doctor’s Wife)
De même, quand le Onzième Docteur revendique ses multiples victoires sur les Daleks, qu’il rencontre pourtant pour la première fois, sous cette forme, personne ne trouve cela grotesque[15] :
AMY : Doctor, be careful!
DALEK : Please desist from striking me. I am your soldier.
LE DOCTEUR : (En mettant l’accent sur chaque mot) You — are — my — enemy! — and I am yours! You are everything I despise. The worst thing in all Creation. I’ve defeated you. Time and time again, I’ve defeated you. I sent you back into the Void. I saved the whole of reality from you. I am the Doctor, and you are the Daleks!
(Il donne un coup de pied au Dalek)
DALEK : Correct.
Nos réactions aux attitudes qu’ont d’autres personnages envers le Docteur fournissent aussi des observations allant dans le sens de l’identité. Le créateur des Daleks (Davros) et les Seigneurs du Temps « ressuscités » tentent tour à tour de se venger en punissant le Docteur pour cette décision[16]. Et si nous condamnons effectivement leur décision d’un point de vue moral, il n’en reste pas moins que nous pouvons comprendre leur intention et ne la jugeons pas aussi absurde que celle d’un agent qui voudrait se venger d’un mal qu’on lui a fait sur une personne qui n’y était pour rien.
Suivant le test de la responsabilité morale, il semble donc bien que toutes les incarnations du Docteur soient une seule et même personne. Mais qu’est-ce qui assure la continuité du Docteur entre chaque incarnation ? Et quels facteurs nous conduisent à réidentifier le Docteur comme une seule et même personne d’une incarnation à l’autre ?
Une première possibilité est que le critère soit d’ordre physique : c’est la continuité du corps qui assure l’identité du Docteur. Bien sûr, les régénérations entraînent des transformations physiques radicales, mais c’est toujours le même corps qui a juste subi des modifications : le « nouveau corps » se construit à partir de modifications apportées à « l’ancien ». Cette continuité nous conduirait à reconnaître le Docteur comme restant le même d’une régénération à l’autre.
Cependant, il semble que nous soyons capables de réidentifier un individu sans nous baser sur son corps. Doctor Who propose de nombreux cas dans lesquels un individu « change de corps ». Par exemple, dans l’épisode « 2×01 » (New Earth), l’humaine Cassandra utilise une méthode lui permettant de transférer son esprit d’un corps à l’autre : elle passe ainsi de son corps initial (une sorte de tapis de chair avec une bouche et des yeux) à celui de Rose Tyler (la compagne du Docteur), puis à celui du Docteur. Dans tous ces cas, nous avons tout de même tendance à la considérer comme un même individu changeant de corps plutôt qu’à faire de son corps le réceptacle de son individu.
Autre exemple : dans l’épisode « 4×10 » (Forest of the Dead), le professeur River Song, (qu’il rencontre pour la première fois alors qu’elle le rencontre pour la dernière fois) se sacrifie à sa place. Son corps est alors réduit en fumée. Cependant, son esprit est copié dans le tournevis sonique que lui a offert le Docteur (ou que lui offrira le Docteur, selon le point de vue). Le Docteur s’empresse alors de « transférer » cet esprit dans un monde virtuel où elle pourra vivre privée de corps. Même si cette vie n’est pas très enviable, nous considérons que River Song a survécu à son corps. La preuve en est que, au cours du même épisode, d’autres personnes ont été « téléchargées » dans ce monde virtuel avant d’être retournées dans leur corps d’origine qui avait pu être conservés, et que nous n’avons pas le sentiment que ces personnes soient mortes entretemps.
Le corps ne semble donc pas être le critère par lequel nous établissons l’identité d’un individu à travers le temps. Les critères seraient-ils alors d’ordre psychologique ? Nous avons déjà vu que certains changements psychologiques notoires se produisaient lors de la régénération : l’identité du Docteur ne repose donc pas sur une identité psychologique stricte. Quels sont donc les éléments psychologiques pertinents ?
Une réponse classique, proposée par Locke[17] est que l’identité est fondée sur la mémoire : A est le même que B parce que A peut se rappeler en première personne de ce qu’a fait B. Cette solution a le mérite de s’appliquer particulièrement bien au cas du Docteur : chaque incarnation se souvient en première personne de ce qu’on fait les incarnations précédentes. Ce serait donc cette mémoire qui assurerait l’identité personnelle du Docteur.
Le problème est que la thèse de Locke amène à des conclusions paradoxales dès lors qu’on fait une supposition très naturelle : celle de la transitivité de l’identité personnelle selon laquelle si A est identique à B et B identique à C, alors A est identique à C. Prenons par exemple le cas de Donna Noble, l’une des compagnes du Dixième Docteur. Pour des raisons qu’il serait trop complexe d’exposer ici, le Docteur se trouve obligé d’effacer de la mémoire de Donna tous les souvenirs qu’ils ont formés ensemble[18]. Donna après le « lavage de cerveau » ne se souvient donc plus de ses aventures avec le Docteur, bien qu’elle se souvienne de ce qui lui est arrivé auparavant. Donna après le lavage de cerveau est donc identique à Donna avant le Docteur mais pas à Donna pendant ses aventures avec le Docteur. Mais, la Donna pendant ses aventures avec le Docteur se souvient parfaitement de sa vie avant le Docteur : elle est donc identique à la Donna d’avant le Docteur. Mais, par transitivité, si la Donna pendant le Docteur est identique à la Donna avant et la Donna avant identique à la Donna après, alors la Donna pendant le Docteur est identique à la Donna après, ce qui entraîne une contradiction avec ce que nous avions conclu auparavant[19].
Une solution pour se sortir de cette difficulté est de dire que la mémoire est une condition suffisante pour l’identité personnelle, mais non nécessaire. Ainsi, Donna pendant est la même que Donna avant par mémoire, Donna après est la même que Donna avant par mémoire, et la transitivité permet à Donna pendant d’être la même que Donna après.
Les théories en termes de mémoire comme condition suffisante font partie des théories pour lesquels l’identité s’explique par une continuité psychique fine : nul n’est besoin que toutes les incarnations d’une même personne ait quelque chose en commun, mais il faut que chaque incarnation (ou moment) partage assez avec l’incarnation (ou moment) qui précède, comme les fils d’une corde dont aucun ne coure tout le long de la corde, mais dont tous assure ensemble sa continuité et sa robustesse.
L’identité dans Doctor Who semble se conformer à ce modèle : l’identité est sauve dès lors qu’une partie suffisante du psychisme est transférée d’un moment de la personne à l’autre, que ce soit dans le même corps ou par le biais d’appareils « stockant » l’esprit. Tout ce qui est nécessaire est (i) que la personne ait assez d’états mentaux en commun et (ii) que cette communauté se base sur une transmission (une chaîne causale). Remplir le premier facteur ne suffit pas : dans l’épisode « 4×14 » (The Next Doctor), le personnage de Jackson Lake perd accidentellement sa mémoire et ses souvenirs sont remplacés par des images du Docteur. Cependant, nous ne le considérons pas comme étant le Docteur, mais comme étant toujours Jackson Lake, sa continuité étant assurée par les bribes de souvenirs et de motivations qu’il a gardées de sa vie précédente (ce qui montre que l’identité peut tenir à peu).
Cependant, les théories en termes de continuité psychologique se heurtent à un problème : les cas de « branchage », et Doctor Who en fournit au moins deux exemples. Ainsi, dans l’épisode faisant le joint entre la première et la deuxième saison de la nouvelle série[20], le Docteur perd sa main droite dans un duel à l’épée (celle-ci repoussera aussitôt). Cette main sera récupérée par Jack Harkness, fera un détour par le spin-off Torchwood[21] et finira par réintégrer le TARDIS à la fin de la troisième saison[22]. Or, il se trouve que, à la fin de la quatrième saison, le docteur, touché par un rayon Dalek, va commencer à se régénérer[23]. Afin d’échapper à la mort sans pour autant changer du tout au tout (une perspective qui, comme nous le verrons, l’effraie), le Dixième docteur va déverser son trop plein d’énergie dans cette main. En conséquence, cette main va donner naissance à un double du Docteur qui lui ressemble et partage les mêmes souvenirs, même si sa physiologie est différente (il n’a qu’un cœur au lieu de deux) ainsi que son caractère (contrairement au Dixième Docteur, il n’hésitera pas à exterminer les Daleks)[24].
Ce docteur remplit les deux critères pour l’identité personnelle : (i) il partage nombre d’états psychologiques avec le Docteur et (ii) ces états proviennent d’un transfert d’informations entre le Docteur et lui. Il devrait donc être identique au Docteur : mais cela voudrait dire que deux personnes clairement différentes sont la même personne. De plus, nous n’avons pas l’intuition qu’il soit correct de dire qu’il s’agisse vraiment du Docteur[25].
Un problème similaire se posera dans le double épisode « 6×05 » (The Rebel Flesh) / « 6×06 » (The Almost People), dans lequel un double du docteur est créé en copiant ses données psychiques et physiologiques : là encore, le double remplit les critères, mais nous n’avons pas envie de dire qu’il s’agit du Docteur. Cela montre que nous utilisons un critère supplémentaire : quand deux entités se disputent le titre d’être identique à une même personne, nous tranchons en faveur de celle qui a le plus de continuité. Ce critère peut paraître arbitraire et peu apte à fonder une conception métaphysiquement valide de l’identité personnelle, ce n’est pas notre problème ici. Je veux juste décrire la conception de l’identité personnelle qui sous-tend nos réactions face à un épisode de Doctor Who.
[1] D’ordre « prudentiel », dirait-on dans le langage technique de la philosophie.
[2] Platon, Phédon (traduction Monique Dixsaut), Paris, Garnier-Flammarion, 1999.
[3] Locke, Essai sur l’Entendement Humain (traduction Pierre Coste), Livre de Poche, 2009.
[4] Bernard Williams, « The self and the future », in The Philosophical Review, vol.79, n°2, 1970, pp.161-180.
[5] Locke, op.cit.
[6] Doctor Who (BBC, 1963-1989, 2005-)
[7] Battlestar Galactica (Sci-Fi, 2004-2009).
[8] Cependant, la numérotation des saisons a été réinitialisée, de telle sorte que « saison 1 » fait ici référence à la saison diffusée pendant l’année 2005.
[9] Voir « 1×06 » (Dalek).
[10] Voir « 4×18 » (The End of Time, Part 2).
[11] Voir « 2×00 » (The Christmas Invasion).
[12] Voir « 5×01 » (The Eleventh Hour)
[13] Peter Strawson, « Freedom and resentment », in Proceedings of the British Academy, vol.48, 1962, pp.1-25.
[14] Voir « 4×17 » et « 4×18 » (The End of Time).
[15] Voir « 5×03 » (Victory of the Daleks)
[16] Respectivement dans « 4×13 » (Journey’s End) et dans « 4×18 » (The End of Time, Part 2).
[17] Locke, op.cit.
[18] Voir « 4×13 » (Journey’s End).
[19] Ceux qui n’aiment pas Donna peuvent faire le même raisonnement avec Amelia Pond (cinquième et sixième saisons) et les épisodes où celle-ci affronte le Silence (une race d’extra-terrestres qui ont pour particularité qu’on oublie les avoir croisés dès lors qu’on ne les regarde plus) (sixième saison) : si la mémoire est une condition nécessaire pour l’identité, alors Amy après sa rencontre avec le Silence n’est pas la même que pendant, mais la même qu’avant. Mais celle d’avant est la même que celle pendant et la même qu’après (toujours selon le critère de la mémoire). Donc par transitivité, Amy pendant est la même que celle d’après.
[20] « 2×00 » (The Christmas Invasion).
[21] Torchwood (BBC, 2006-).
[22] « 3×11 » (Utopia).
[23] Voir « 4×12 » (The Stolen Earth).
[24] Voir « 4×13 » (Journey’s End).
[25] Comme le dit bien Rose Tyler au Docteur à la fin de « 4×13 » : « But he’s not you ! ».