Introduction
Par François Carrière.
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Présentation et problématique :
Loin de vouloir défendre certaines conceptions écologiques dont le caractère extrémiste, sectaire et potentiellement dangereux semble évident, cette étude participe d’un mouvement de réhabilitation de l’écologie politique face à certaines attaques procédant par assimilation.
En choisissant de manière résolument idéologique de privilégier l’étude d’une certaine écologie, (la deep ecology dans sa version la plus radicale) et de faire remonter les origines de cette dernière au nazisme, il s’agit par là de discréditer l’écologie politique dans son ensemble en soulignant son caractère anti humaniste; puisque à la base de cette écologie « le brun et le rouge ne cessent de se mêler »[1] (alors même qu’à cette époque des philosophes et des écologistes s’efforçaient de faire cohabiter humanisme et écologie). Et par suite de faire l’éloge de la science et de la technique.
Deux citations pourront le confirmer: « que ce soit par un surcroît de science et de technique que nous parvenions un jour à résoudre les questions qu’aborde l’éthique de l’environnement est plus que probable »[2] ou encore chez Gauchet : «Gageons que les remèdes à ce nouveau grand défi (écologique) sont dans le surcroît de science, de technique et d’industrie qui nous mettra à la hauteur de nos responsabilités envers un milieu irréversiblement devenu artificiel et à la charge de ceux qui l’habitent »[3].
Ou encore celles ci dans un autre registre : derrière l’amour de la nature se cache une haine des hommes s’exprimant « au travers du rêve édénique d’une nature délivrée du fléau des hommes »; et ainsi « l’écologiste se définit d’emblée comme celui qui a le moins la solution au problème qu’il pose»[4].
Il semble clair que ce qui s’exprime, par ces citations, est moins une méconnaissance des auteurs relativement à ce qu’est l’écologie dans sa diversité, qu’une volonté de la disqualifier d’emblée pour des raisons idéologiques.
De plus les problèmes liés à l’environnement ne relèvent, pour nos deux auteurs, que de l’expertise scientifique, laissant ainsi de côté toute interrogation proprement éthique, politique ou sociétale.
Notre propos ne consistera pas à discuter leur théorie, mais bien à souligner plutôt, en nous appuyant sur des auteurs tels que Guattari, Stengers, Serres ou encore Latour (dont certains sont visés par les attaques de Ferry) l’intérêt de la pensée écologique (pensée par référence) à la notion grecque d’OIKOS (habitat).
Comment conçoit elle le rapport à l’expertise, à la science, au débat public? Comment se rapporte-t- elle à la nature?
Non réductible à un « leurre » obligeant les raisonnables à agir sous la pression des passionnés, loin aussi de se limiter au prétendu rêve d’ une nature délivrée du fléau des hommes; l’écologie politique que nous nous proposons d’étudier s’attache bien plutôt à penser de nouvelles relations (entre l’homme et la « nature », les humains et les non humains…), en un mot entre l’homme et son Oikos ; s’attache bien plus à inventer de nouvelles méthodes d’action, créatrices, innovantes, trouvant dans la vie sociale leurs relais ou leur sens.
Bref, elle est à l’opposé d’une certaine écologie politique institutionnalisée (Etat, droit, loi..) dont l’horizon d’action vise davantage à interdire, à empêcher plutôt qu’à proposer.
Ajoutons un dernier point essentiel, il s’agit bien de concevoir l’écologie politique comme le paradigme à construire d’une nouvelle période historique. Voilà surement un point qui dérange nos deux auteurs – le changement de paradigme – , voilà en effet qui oblige à remettre en cause bon nombre d’acquis de la modernité philosophique: la séparation nette entre le sujet et l’objet, entre la nature et la société… .
De plus, si, comme le démontre Latour, nul ne sait quelles associations définissent l’humanité, et que par suite il n’est pas de frontière stable entre l’humain et le non humain, c’est alors toute une tradition philosophique qui se trouve menacée: l’humanisme.
Toutefois en rendant à l’homme « cette autre moitié de lui même, la part des choses » il peut être maintenu comme pôle de référence. Ainsi « tant que l’humanisme se fait par contraste avec l’objet laissé à l’épistémologie, nous ne comprenons ni l’humain, ni le non humain »[5].
S’il s’agit de penser de nouveaux rapports entre le sujet et l’objet, c’est à dire entre les humains et les non humains c’est parce que – et on le voit régulièrement avec les catastrophes naturelles par exemple – les humains n’ont pas le monopole de l’action, les non humains sont en effet actifs tant au niveaux physique, biologique, que social ou politique.
Lire la suite :
[1] FERRY, Luc, Le nouvel Ordre écologique,
[2] Ibid p. 191.
[3] GAUCHET, Marcel, La démocratie contre elle même, p.200 .
[4] Ibid
[5] LATOUR, Bruno, Nous n’avons jamais été modernes, p. 186 .