Le genre comme catégorie utile en philosophie
Cornelia Möser est chargée de recherche au CNRS et directrice adjointe du Cresppa-GTM
Résumé :
Cette contribution propose de présenter le genre comme une catégorie utile à la recherche en philosophie. Pour ce faire, il revient dans un premier temps sur l’histoire de l’épistémologie féministe, la longue histoire des questions féministe posées dans et à la philosophie. L’article décrit ensuite ledit tournant de genre dans cette épistémologie et les enjeux philosophiques déconstructivistes qu’il implique. Comment critiquer la place complexe de la femme et du féminin en philosophie sans conférer à cette catégorie une valeur ontologique ? L’article discute ensuite des interventions dans le monde anglophone sous le nom de « philosophie féministe » qui est défendue par les unes et critiquée par les autres. Si certaines y voient une intervention importante pour dénoncer les biais androcentriques dans la philosophie, d’autres craignent par la création d’un tel sous-champ disciplinaire une marginalisation des questions féministes au sein même de cette discipline. Dans la troisième partie, cet article discute les continuités et ruptures d’une éventuelle philosophie du genre par rapport à cette philosophie féministe. Comment faire évoluer un courant de pensée qui existe à peine en France ? L’article conclut sur une discussion de travaux récents en épistémologie et philosophie féministes qui, pour certaines, souhaitent rompre avec la philosophie en favorisant la pratique de « théoriser » en féministe, tandis que d’autres proposent des pistes utiles d’une pratique philosophique en études de genre.
Mots clés : épistémologie féministe, études de genre, France, histoire de la philosophie, déconstructivisme
Abstract :
This paper promotes gender as a useful category in philosophy. In order to do so, it first returns to the history of feminist epistemology, the long history of feminist questions asked in and to philosophy. The article then goes on to describe the gender turn in feminist epistemology and its deconstructivist philosophical implications. How can you criticize the complex place of ‘woman’ and the feminine in philosophy without giving these categories ontological value? The article then discusses anglophone textbooks in feminist philosophy that do not exist in France in order to understand the themes and methodologies of the emerging field of feminist philosophy. While some see in it a forceful intervention against an androcentric bias in philosophy, other fear a self-marginalization of feminist questions in the creation of a sub-discipline. In the third section of the article, the continuities and ruptures of a gender philosophy with regard to feminist philosophy are discussed. How can you make evolve a field of research that barely exists in France? The article concludes in discussing recent works in feminist philosophy and epistemology of which some decided to break with philosophy and suggest theorizing in a feminist style instead. Others suggest useful and practical examples for what a gender philosophy might look like.
Keywords: feminist epistemology, gender studies, France, history of philosophy, deconstructivism
Introduction
Cette contribution propose de présenter le genre comme une catégorie utile à la recherche en philosophie. Cela peut paraître surprenant trente-cinq ans après le célèbre texte de Joan Scott (1986) et vu que les études de genre connaissent aujourd’hui une forte production théorique et épistémologique. Mon propos se justifie néanmoins en raison de deux constats : en France, le genre n’a pas sa place dans la philosophie, tout au contraire, l’essentiel de la recherche se fait toujours dans l’exclusion massive d’une perspective critique sur le genre. Deuxièmement, les tentatives de proposer des perspectives féministes en philosophie ont ouvert un vaste champ de thèmes et de questions, mais elles n’ont pas réussi à défier fondamentalement les pratiques de pensée androcentriques en philosophie. Or, la motivation de cette intervention réside dans la profonde conviction que le genre comme catégorie critique de la pensée peut non seulement apporter des éléments importants aux divers champs et questions de la philosophie, elle permet d’en ébranler des prémisses fausses et biaisées, d’en défier des traditions problématiques et, enfin, de construire de meilleures bases pour une philosophie critique.
Même avant Simone de Beauvoir, mais au plus tard depuis les années 1970, les femmes ont massivement participé au travail de la pensée. Les féministes ont, d’une part, tenté de dénicher les penseuses oubliées par l’histoire de la philosophie, de jeter un nouveau regard sur les philosophes femmes[1], et, d’autre part, elles ont défié le biais androcentrique de la philosophie existante (par exemple les œuvres de Luce Irigaray (1974), Iris Marion Young (1990), Linda Alcoff (1993))[2]. La recherche féministe utilisait essentiellement ces mêmes deux stratégies dans toutes les disciplines (basée sur une critique des sciences traditionnelles comme partiales et fausses dans les mots de la philosophe Cornelia Klinger (1990), halb plus falsch). Depuis Hypatia, Diotima, Hipparchia, en passant par Christine de Pisan, Mary Astell et Hildegard von Bingen mais aussi Mary Wollstonecraft pour arriver à ce que certains appellent la modernité, les femmes n’ont pas seulement prouvé qu’elles aussi savaient penser, elles ont activement défié les catégories dominantes de la pensée comme la modernité, le sujet ou la rationalité.
La femme comme objet fantasmé a joué un rôle fondamental dans la constitution de la philosophie comme l’a entre autres montré Irigaray. Elle est à la fois celle qu’on exclut pour être entre soi, entre hommes, mais la femme est aussi celle qui obsède la pensée qui se pense dans cette non-mixité choisie. Cette obsession de la philosophie avec « La femme » est aussi ancienne que la philosophie elle-même (voir par exemple les travaux de Caroline W. Bynum (1996)). Et même les penseur·ses poststructuralistes et postmodernes qui pourtant se sont déjà inspiré·es de la critique féministe de la rationalité réactualisent cette même obsession et reprennent ainsi la tradition androcentrique tout en s’imaginant être en rupture avec la pensée traditionnelle[3].
De la phénoménologie, à l’ontologie, en passant par la métaphysique, l’éthique, la philosophie de la religion, celle du droit, de la logique, de l’action, de l’histoire et du langage, sans oublier la philosophie politique, la théorie de la connaissance et l’épistémologie, les féministes apport(ai)ent des questions à toutes les branches de la discipline. Dans plusieurs collections, elles ont exposé la multiplicité de questions, de thèmes et d’approches dans ce qui a été appelé une philosophie féministe (Alcoff et Kittay 2007; Fricker et Hornsby 2000; Jaggar et Young 1998). Elles résument les résultats de plusieurs décennies de recherche féministe sur la philosophie antique, sur la philosophie de l’esprit, la psychanalyse, la philosophie du langage, mais aussi les apports des perspectives féministes pour la philosophie des sciences et une réécriture de l’histoire de la philosophie. Depuis le début, les implications occidentalistes (Dietze 2009) de la philosophie traditionnelle ont été la cible des critiques féministes. Ainsi on trouve une large section dans le recueil d’Alison Jaggar et d’Iris Marion Young sur les philosophies asiatiques, africaines, sud-américaines et est-européennes. Par une critique de la rationalité comme catégorie contingente qui a historiquement servi à opprimer les femmes et à les exclure des institutions académiques, la critique féministe en philosophie a permis de se rallier aux critiques décoloniales pour questionner les bases de l’organisation de la pensée dans ce qui s’appelle philosophie aujourd’hui. On voit donc que la différence comme catégorie épistémique était présente dès les débuts de la philosophie féministe du fait de la nécessité de nommer les processus d’exclusion.
I – Le tournant du genre
Au début des années 1990, la philosophie féministe comme toute la recherche féministe a été ébranlée par un changement de paradigme fondamental, le dit tournant du genre, c’est-à-dire, une critique radicale de la pertinence de la catégorie « femme » comme base de la recherche et de la politique féministe y compris en philosophie. Aujourd’hui et notamment depuis l’attaque du Vatican et des divers mouvement dits anti-genre, par exemple « La manif pour tous » ou les antisémites des journées de retraits d’école (Birnbaum 2015), le fait que le genre a également fait l’objet de débat vifs et animés au sein même de la recherche féministe (Möser 2013) est souvent oublié. Une large majorité des chercheuses féministe étaient opposées à l’usage du genre comme catégorie de recherche en France, mais aussi dans d’autres pays comme l’Allemagne ou l’Italie (Varikas 2006). La critique féministe était hétérogène (il y avait des féministes républicaines comme Élisabeth Badinter, Françoise Picq ou Mona Ozouf, mais aussi, et d’une autre manière, des féministes matérialistes comme Nicole-Claude Mathieu (1994)). Elles se retrouvaient toutefois sur le rejet du déconstructivisme. Le genre, ce successeur au French feminism, au poststructuralisme français qui avait pris la forme de groupes comme « Psychanalyse et politique » en France était en effet déjà l’épouvantail de ces féministes en France et la provenance étatsuniennes de ces interprétations sous le nom de théories de genre n’arrangeait pas les choses ; les interventions féministes de rejet prenaient des couleurs nationalistes. Ce n’est pas seulement dans ce nationalisme que réside un parallèle avec les attaques plus récentes contre les études de genre venant de « La manif pour tous » etc. En étudiant leur manuel Idéologies du genre (LMPT 2013), on comprend qu’il s’agit comme chez Badinter d’une critique dirigée contre un féminisme qui serait allé trop loin en questionnant la base biologique de la différence entre hommes et femmes (Badinter 2003). Il s’agit de la résurgence de la fameuse « égalité dans la différence », c’est-à-dire que les femmes ne devraient pas être mal traitées tant qu’elles acceptent de se conformer à l’idée d’une différence fondamentalement biologique entre elles et les hommes.
Mais si même les féministes ne voulaient pas du genre, d’où nous vient cette catégorie ? C’est une question cruciale à laquelle il faut bien répondre pour pouvoir justifier notre appel à s’en servir en philosophie. Dans Féminisme en traduction, j’ai analysé les récits qui racontent l’origine du genre, d’où nous vient cette catégorie de la pensée (Möser 2013). Le récit le plus répandu décrit le cheminement de la catégorie originaire de la psychiatrie et la psychologie, dans les efforts de John Money et Robert Stoller de distinguer le sexe et le genre pour démontrer la malléabilité de la deuxième catégorie (Fassin 2008). En effet certaines féministes comme Anne Oakley (1972), mais aussi Kate Millett dans Sexual Politics (1970), accueillaient cette approche de manière enthousiaste sans doute car elles y voyaient la sortie d’un fatalisme naturaliste. Mais même si ces motivations sont compréhensibles, il faut reconnaître que les féministes qui s’enthousiasmaient pour la distinction qu’opéraient Money et Stoller entre sexe et genre ne saisissaient pas bien le véritable naturalisme et ses conséquences mortifères et cruelles pour les pratiques médicales de ces docteurs. Ce manque de critique de la part de ces féministes se paie cher aujourd’hui lorsque la droite (Le Figaro 2014) , comme l’extrême droite (Vial 2013), se saisit de l’exemple de John Money et notamment du cas de David Reimers (Joan/John) pour démontrer les résultats néfastes d’une recherche à partir de la catégorie genre (Hechler 2019) car Reimers s’est suicidé après avoir subi le traitement médical de Money. Or paradoxalement celle que Gayle Rubin appelait la reine du genre, Judith Butler (Rubin et al. 2002), non seulement mettait radicalement en question cette distinction entre sexe et genre (Butler 1990) mais aussi faisait partie des critiques les plus radicales du naturalisme et des pratiques brutales de Money et Stoller (2004)[4].
Butler n’était pas la seule à proposer le genre comme catégorie de recherche, avant elle en 1986, c’était Joan Scott qui revendiquait un usage du genre pour l’histoire et sur les mêmes bases poststructuralistes que Butler (Scott 1986). Elle partage avec Butler son recours à la pensée de Michel Foucault pour radicalement repenser l’expérience des femmes non plus comme simple récit de victimes d’une oppression mais plutôt dans un rapport de pouvoir dans lequel les femmes réussissaient également à faire usage d’un contre-pouvoir pour améliorer leurs conditions de vie. Un autre parallèle important entre Scott et Butler est que les deux s’intéressent aux pratiques résistantes, à trouver le moment où la règle échoue. Butler pense depuis la marge, depuis les exclu·es, à partir de l’exception à la règle, des personnes qui nonobstant revendiquent leur existence. Elle veut savoir ce qui se passe quand la règle et la norme échouent, quand la fille ne devient pas femme par exemple, ou n’a jamais été fille.
Se baser sur Butler pour définir une notion de genre utile pour la philosophie est pertinente car Judith Butler est la philosophe du genre. Mais c’est aussi problématique dans la mesure où la traduction culturelle du genre de Butler en France s’est essentiellement faite par une sorte de « philosophication » de son travail, c’est-à-dire son accès au champ académique s’est fait au prix de lui dérober ses implications militantes et queer. Butler revient elle-même dans la préface à l’édition de 1999 de Gender Trouble sur le refus des maisons d’éditions français d’éditer ce livre en le qualifiant d’être trop américain, un livre qui aux États-Unis est appelé son French book du fait qu’elle y discute essentiellement des autrices et auteures français. Les diverses tentatives militantes de faire traduire ce texte ont échoué et seulement quand elle reçoit le qualificatif « philosophe », lorsqu’elle est sortie du contexte queer/féministe et militant et que la première moitié de la journée de lancement du livre en 2005 à l’ENS discute dans un panel essentiellement masculin la question de savoir si Butler est finalement une lacanienne ou pas, qu’elle peut être publiée en français en France (Möser 2013). Un zap lors de cette journée critiquait cette « philosophication » de Butler au lieu de se réjouir qu’enfin le texte allait être accessible en français. Cette réaction s’explique par une méfiance compréhensible envers cette discipline qui comme expliqué en entrée s’est essentiellement construite sur l’exclusion les femmes et n’a pas particulièrement fait de la place aux dissident·es de genre non plus. De plus, en France la tradition philosophique universaliste dominante représente en réalité un contraste fort avec la pensée de Butler, détail qui a été largement passé sous silence dans le projet de sa « philosophication ». Le caractère déconstructiviste de Trouble dans le genre était, en dehors du caractère queer du livre, une des raisons principales pour laquelle pendant si longtemps, il se heurtait aux gardes-frontières éditoriaux[5].
Il est donc difficile de se baser sur Judith Butler pour proposer une notion de genre utile pour la philosophie même si elle en est la penseuse phare, car cette acceptation de Butler dans la philosophie s’est faite au détriment des implications queer de sa pensée, un fait pour lequel elle ne peut évidemment rien. Or Rosa Luxemburg nous apprenait qu’il ne faut pas comprendre l’histoire comme une fatalité (1909)[6], mais plutôt rappeler et ainsi laisser ou faire survivre les potentialités de l’histoire, tout comme Benjamin rappelle le besoin de penser à partir des perdants de l’histoire (Benjamin 1980). Nous pouvons donc peut-être nous permettre de penser le genre en France et avec Judith Butler non pas indépendamment de cette histoire de sa réception, mais peut-être contre elle. Autrement dit, cela aurait pu se passer autrement. En plus, il n’y a pas une mais des histoires de la réception du genre en France et si en effet le rejet est le plus audible car le plus bruyant, il y a eu d’autres histoires de réception comme le groupe d’historiennes (Riot Sarcey et al. 1988) ou le groupe Le Zoo (Bourcier et Le Zoo 1998), et il y en a toujours aujourd’hui, même s’il faut reconnaître que ça reste une minorité.
II – Le genre comme catégorie utile en philosophie
Une définition provisoire du genre comme catégorie utile en philosophie pourrait donc néanmoins se faire sur la base du travail de Judith Butler et contre la caricature qui en est fait dans la recherche féministe comme à la droite et l’extrême droite. Elle se doit d’aller au-delà d’une philosophie féministes telle qu’elle est revendiquée par Alison Jaggar et Iris Marion Young (Alison et Young, 1997) ou Eva Kittay et Linda Alcoff (Alcoff et Kittay 2007) dans la mesure où elle ne demande pas seulement des comptes sur la place des femmes, de la femme ou du féminin en philosophie, mais pose la question philosophique de ce qu’est une femme (Moi 1999) du point de vue à la fois de celles que cette catégorie désigne et celleux qu’elle exclue. Elle va au-delà de la philosophie féministe aussi dans la mesure où elle ne cherche pas seulement à inclure dans la philosophie des sujets et des vies de femmes, mais elle cherche à savoir quelle pensée structure le monde de la sorte qu’il existe des domaines ou des expériences dont certaines peuvent dire qu’ils concernent davantage les femmes ?
En effet, si Eva Kittay et Linda Alcoff en 2007 demandent, elles aussi, des comptes sur l’exclusion des femmes de la philosophie et questionnent la norme universelle et masculine, elles proposent néanmoins de critiquer la manière dont la raison elle-même a été genrée au masculin. Elles font en quelque sorte le grand écart entre une approche de genre et un programme de philosophie féministe. La question reste intacte de savoir si une philosophie féministe peut se faire avec une approche de genre notamment puisque cette catégorie met fondamentalement en question le sujet politique « femme ». « Il n’y a pas d’accord sur ce que genre veut dire, si le genre est une catégorie légitime, même si on peut vraiment dire des femmes qu’elles existent, c’est-à-dire, s’il y a une catégorie unique qui inclue toutes celles qui devraient être, ou qui généralement sont catégorisées comme femmes » (Jaggar et Young 1998, p. 9, traduction personnelle). Pour elles, le consensus minimal est de dire que la philosophie féministe regroupe celles et ceux qui s’intéressent aux questions de genre et militent pour que la justice soit faite aux femmes (ibid.). Elles poursuivent donc surtout le projet de Young et Jaggar dans la mesure où la base est une rupture avec la philosophie traditionnelle en se servant d’expériences personnelles et d’une écriture à la première personne (Ibid. p. 2 ; Alcoff et Kittay 2007, p. 12). Le rapport des questions féministes à la philosophie reste complexe. Certaines exigent la reconnaissance de la philosophie féministe comme champ propre à l’intérieure de la philosophie qui ne serait pas défini par un objet (les femmes), mais au contraire par une certaine démarche, un peu comme la philosophie politique. Ainsi Allison et Jaggar ne veulent pas comprendre la philosophie féministe comme une application des méthodes philosophiques sur des « thèmes de femmes ». La méthode et l’objet ne peuvent pas être clairement distinguées dans la mesure où certaines questions créent de nouvelles méthodes et de nouvelles méthodes produisent parfois de nouvelles questions, mais en escamotent aussi d’autres ou les rendent inintelligibles.
Le recueil Cambridge Companion to Feminism in Philosophy illustre bien, que ce champ de philosophie féministe est traversé par bien des divergences (Fricker et Hornsby, 2000). Elles prennent toutes leurs distances avec la création d’un champ de philosophie féministe et souhaitent garder intacts les deux éléments, féminisme et philosophie, même s’ils peuvent se rencontrer comme dans le choix du titre. Elles sont farouchement opposées à ce qu’elles appellent une approche radicale et postmoderne jugée comme relativiste. Elles reconnaissent que les philosophies qu’elles appellent « continentales » (et qu’elles opposent aux leurs qu’elles qualifient d’« analytiques ») auraient été plus ouvertes aux questions féministes, mais elles y trouvent justement leur motivation de redresser la balance par leur publication en encourageant des questions féministes concernant la philosophie analytique. Cette opposition interroge et cela non seulement par les termes choisis, mais aussi par exemple lorsque les auteures regroupent la psychanalyse dans leur camp alors que celle-ci joue également un grand rôle, on le sait, pour les philosophies dites postmodernes. Elles prennent clairement position contre les tentatives (des féministes postmodernes) de substituer la philosophie par cette philosophie féministe. Leur programme suggère au contraire de faire évoluer la philosophie en la confrontant aux questions féministes.
Il est difficile de savoir comment la critique féministe peut faire évoluer la philosophie notamment compte tenu du sexisme structurellement inscrit dans les fondements de la discipline et qui peut être tenu pour responsable de son imperméabilité à la critique féministe depuis des décennies sinon des siècles (Irigaray 1974). Les féministes ont soulevé la contradiction dans laquelle la philosophie se pose lorsqu’elle se veut être une discipline hautement autoréflexive tout en réfutant en bloc les questions féministes ou ne serait-ce la participation de femmes ou d’autres exclu×es à leurs activités (Le Doeuff 1989). C’est pour cela que je propose d’aller au-delà d’une philosophie féministe et de saisir le genre comme catégorie utile en philosophie afin de changer de stratégie épistémologique.
III – Philosophie féministe ou philosophie de genre ?
Que peut alors le genre pour la philosophie aujourd’hui ? Il ne faut pas forcément mettre en opposition une philosophie féministe et une philosophie de genre, notamment puisque la philosophie féministe en France est loin d’être établie ; en 2008, Elsa Dorlin parlait d’un stade embryonnaire. Qu’est-ce qui a changé depuis Michèle Le Doeuff (1989), Luce Irigaray (1974), Julia Kristeva (1975) et Hélène Cixous (1975) ? On trouve dans des travaux comme ceux d’Houria Benthouami (2015), Elsa Dorlin, Nassira Hedjerassi (2016) ou Jules Falquet (2020), par exemple, des tentatives de questionner l’universel pensant en dévoilant son caractère socialement situé. Les travaux d’Eleni Varikas (2006) ou de Rada Ivekovic (1997, 2003) essaient d’historiciser et de contextualiser la pensée. Ceux d’Estelle Ferrarese (2018), Sandra Laugier (2020), Julie Mazaleigue-Labaste (2014), Anne Berger (2013) ou Marie Garrau (2018), par exemple, enquêtent sur les implications politiques de la pensée[7].
Contrairement à la femme ou aux domaines qui concerneraient davantage les femmes, le genre n’est pas un objet, mais une perspective y compris en philosophie. Cette perspective interroge les conditions de production économiques, politiques, sociales historiques et inégalitaires de la pensée. Le cerveau étant un organe, la pensée se fait par des corps et ne peut exister indépendamment des corps qui vivent forcément d’une manière ou d’une autre en société, des corps qui sont vulnérables et ont besoin de soins qu’ils ne peuvent pas toujours pratiquer sur eux-mêmes. Il n’y a pas uniquement rupture entre la philosophie féministe et une philosophie de genre dans la mesure où les philosophes du groupe DIOTIMA en Italie prononçaient déjà une critique radicale des conditions de production des savoirs (Diotima 1999).
La question de savoir si la philosophie peut être féministe ou s’il peut y avoir du féminisme dans la philosophie est effectivement aussi une question disciplinaire et qui n’a jamais trouvé une réponse univoque dans la recherche féministe. Elle pose également le thème de l’interdisciplinarité car si le féminisme n’est pas de la philosophie (critique de la philosophie féministe) mais qu’il peut y en avoir dans la philosophie (féminisme en philosophie), est-ce que cela équivaut à dire que le féminisme serait une discipline scientifique (Kahlert 2001; Knapp et Landweer 1995) ? Il ne faut pas trop en vouloir à la recherche féministe de ne pas avoir su répondre à cette question compte tenu du fait que l’histoire des sciences montre bien les difficultés que rencontrent les disciplines à être reconnu. On pense à l’économie, la sociologie, mais aussi toutes les studies etc. (Guenot et Rouge 2017). De plus, une partie de la pensée féministe et déconstructiviste ne cherche pas forcément à discipliner les savoirs.
Si dans le contexte anglophone la discussion sur la possibilité de fonder une philosophie féministe est discutée depuis la fin des années 1990, en France Elsa Dorlin tente en 2008 de créer une philosophie féministe. « A côté » de Michel Foucault (Dorlin 2008, p. 6), Dorlin identifie deux traditions dans le monde francophone : celle qui s’intéresse aux femmes, à la différence des sexes, au différend des sexes, à la place faite aux femmes ou au féminin dans le corpus philosophique ou psychanalytique d’une part (Luce Irigaray, Sara Kofman, Françoise Collin, Michèle Le Doeuff) ; et deuxièmement, celle qui s’intéresse à la philosophie des femmes et plus largement aux philosophies de l’égalité des sexes dans une perspective d’histoire de la philosophie (Michèle Le Doeuff).
Insatisfaite avec ces deux traditions, Dorlin propose de fonder une philosophie féministe inspirée du féminisme marxiste, de l’épistémologie et l’éthique féministe, de la philosophie féministe des sciences, du black féminisme, du féminisme dit postmoderne et de la théorie queer. Elle souhaite faire dialoguer ces traditions très diverses avec le « féminisme matérialiste à la française » et avec les travaux féministes francophones en sciences sociales, humaines et politiques (Dorlin 2008, p. 6). Il s’agit donc d’une unique tentative de créer une philosophie féministe là où les autres textes francophones en effet se limitait à dénoncer le sexisme, l’hétéronormativité et l’exclusion des femmes. Le projet de Dorlin est une sorte de quadrature du cercle dans la mesure où elle souhaite combiner deux approches opposées : avec une approche déconstructiviste elle souhaite interroger le sujet unifié « femme », tout en dénonçant, avec le « féminisme matérialiste à la française » les inégalités structurelles entre hommes et femmes. Ainsi elle souhaite tenir compte de l’intersectionnalité intrinsèque à la catégorie femme tout en préservant la puissance du féminisme matérialiste français qui lui sert à dénoncer l’exploitation et la domination structurelle et économique des femmes par les hommes. Or, pour Dorlin la sexualité précède le genre qui précède le sexe (Dorlin 2008, p.55). Ainsi la sexualité devient une forme sociale dont l’origine n’est pas explicitée mais dont l’inscription dans le modèle du « féminisme matérialiste à la française » porte à croire qu’il s’agit bien de l’exploitation économique des femmes par les hommes. Comme l’avait déjà remarqué Sam Bourcier, il y a toujours les femmes et les hommes comme catégories préexistantes (Bourcier 2005), même si les autrices de ce courant ne cessent de proclamer que ces catégories résultent de l’hétérosexualité, de l’exploitation sexuelle des hommes par les femmes. Or, comment les hommes peuvent-ils exploiter des femmes (sexuellement ou pas) sans exister préalablement est la question taboue du féminisme matérialiste et qui en fait finalement une logique circulaire[8].
Bien qu’il soit publié deux ans avant le texte de Dorlin, on pourrait voir dans Penser le sexe et le genre d’Eleni Varikas une critique de l’opposition de textes américains et français, mais aussi du statut que Dorlin donne à l’expérience et que Varikas qualifierait peut-être de positiviste (Varikas 2006. p. 53).
Si Varikas comme Dorlin s’attaque à la naturalisation du genre comme stratégie politique, Varikas dénonce le caractère unilatéral du rapport entre le langage et le sujet parlant chez Judith Butler (Ibid., p. 120). Il me semble que Butler constate surtout que peu importe si cette matérialité existe en dehors ou au-delà de ce que perçoivent les humains, on ne peut se référer qu’à celle que nous percevons, un fait difficile à réfuter. La critique varikassienne du textualisme de Butler s’étend également à Scott (1991) : si en effet les sujets sont produit par les discours, Varikas voudrait savoir qui est-ce qui produit ces discours ? Cette question est en effet cruciale pour toute tentative d’esquisser les formes de subversion ou même de résistance (Ibid. p. 117). C’est dans ce contexte qu’elle propose son concept de langage comme pratique sociale qui lui permet de conclure sur ce rapport dialectique entre individu et société qu’on lui connaît :
« De sorte que, si l’action du sujet ne se produit pas dans un vide idéologique et social, si elle est structurée et orientée par des sens qui lui préexistent, elle est, au moment même où elle a lieu, créatrice d’autre sens qu’il convient de décoder précisément parce qu’ils ne sont pas forcément tous donnés dans ce que son auteur avait déjà appris. Parce qu’une partie importante des conditions déterminants notre existence, aussi puissamment que les contraintes naturelles, sont constamment produites par nos propres actions, parce qu’il s’agit d’actions au pluriel qui s’affrontent et se confrontent, il ne peut y avoir d’ordre unifié et prévisible de détermination. C’est dans cette pluralité et cette imprévisibilité de ce qui conditionne l’existence humaine que s’enracine le potentiel heuristique de l’expérience, ce champ où le devenir-sujet des femmes et des hommes s’inscrit tantôt en conformité tantôt en opposition à l’ordre existant », (Ibid. p. 128).
La question reste de savoir si cette vision du langage comme pratique sociale est vraiment si loin de la réitérabilité et de la performativité de Butler, question à laquelle je répondrais par la négative. Or grâce à sa critique des conditions de production du savoir féministe et notamment de la disciplinarisation du savoir académique, Varikas rappelle implicitement les principes forts d’une éventuelle philosophie féministe et qui devrait aussi intéresser les études de genre.
IV – Conclusion
Le genre comme catégorie utile en philosophie questionne la disciplinarisation de la recherche et de la pensée. Les historiennes des sciences comme Ilana Löwy ou Delphine Gardey ont démontré que l’histoire des disciplines n’est pas innocente et qu’il s’agit ici d’enjeux de pouvoir tout à fait en lien avec une certaine économie politique, mais aussi coloniale et hétéronormative (Gardey et Löwy 2000). Revendiquer l’utilité du genre en philosophie ne peut donc pas non plus revenir à cautionner sans réserve cette discipline et simplement vouloir l’améliorer, boucher les trous, rectifier ses failles. L’histoire violente des preuves scientifiques de la sorcellerie, des preuves scientifiques des races humaines ou de l’infériorité physique et intellectuelle des ouvri×ères est profondément inscrite dans la pratique, dans les objets et dans les méthodes de la philosophie. C’est un manque de reconnaissance pour ces crimes qui est responsable de l’imperméabilité de cette discipline aux questions féministes et décoloniales dans les décennies passées. Une philosophie qui souhaite prétendre à une objectivité du moins approximative (Haraway 1992) doit se confronter à son histoire, doit scruter ses pratiques et la fabrication de ses objets.
Le genre comme catégorie utile en philosophie a déjà contribué à des questionnements importants qui permettent de défier la partition du monde en culture et nature. La notion de nature même est depuis les années 1990 revisitée après une phase d’anti-naturalisme fortement marquée dans la recherche féministe qui réagissait aux arguments naturalistes justifiant la domination masculine (Genel et al. 2020). Dès lors et notamment avec Haraway et Butler, mais aussi avec la tradition écoféministe et plus récemment le néomatérialisme, cette partition même entre nature et culture est fortement remise en question ce qui implique également que non seulement un autre regard peut et doit être porté sur le monde qui nous entoure, sur les ressources naturelles dont dépendra la survie de l’espèce humaine, mais aussi sur notre propre naturalité, de ne plus nous penser exclusivement comme fatalement exposé×es aux dangers de la nature (y compris la nôtre), mais comme nature agissant dans l’anthropocène, comme irrémédiablement lié×es à notre entourage sans que cela doive forcément être un constat angoissant, au contraire.
Ce sont essentiellement tous les travaux féministes sur le care qui pensent le corps comme vulnérable et contre un idéal d’un corps autonome qui ont défié des tradition philosophiques d’une dualité du corps et de l’esprit (Garrau 2018; Ibos et al. 2019). Reconnaitre que se sont bien les corps qui pensent et que ces corps sont eux-mêmes nature autant que culture, que donc ce partage ne dit plus grand-chose pour les décrire ou en expliquer les besoins et le fonctionnement, est certainement plus instructif que rester figé dans ce partage. Les corps sont (inter-)dépendants et c’est pour cette raison qu’il faut penser une société à partir de ce constat et l’organiser pour répondre à ces besoins. Si le genre permet de penser bien au-delà et en deçà des catégories homme et femme, il montre également que même à l’intérieur de ces catégories limitées, il faut constater une énorme hétérogénéité qui relativise fortement leur valeur explicative.
Last but not least, que veut dire critique et que veut dire savoir à partir d’une perspective du genre en philosophie ? Les publications plus récentes montrent qu’une nouvelle génération dans la recherche féministe se sent plus proche du terme féministe que du terme genre, plus proche de la théorie que de la philosophie et semble donc ne plus tenter d’enfoncer les portes de la maison gardée de la philosophie mais au contraire construire d’autres lieux de réflexion (Choulet et al. 2021). Il serait erroné d’y voir un découragement devant la critique nécessaire qu’il faut faire à la philosophie. L’effort d’aller voir Michèle Le Doeuff en conclusion montre qu’elles souhaitent poursuivre la critique féministe de la philosophie ainsi qu’un travail féministe en philosophie. La liste des contributrices montre par ailleurs qu’elles répondent au programme de Dorlin d’engager un dialogue avec les travaux féministes francophones en sciences sociales, humaines et politiques et d’ouvrir les travaux francophones aux lectures de la philosophie féministe anglophone. « Théoriser en féministe, c’est non seulement déclarer son appartenance à une communauté, mais c’est aussi chercher une forme de radicalité pour lutter contre la violence du système, qu’il soit social, politique ou philosophique ». Or en rupture avec le programme appelé par Dorlin, les éditrices prennent clairement position contre le projet d’une philosophie féministe et présente le « en féministe » plutôt comme une posture que peut ou ne peut pas prendre une personne qui « théorise » (Choulet, Clochec et Frasch 2021). La question de savoir ce que théoriser veut dire n’est pas abordée dans l’anthologie mentionnée.
La catégorie genre en philosophie peut servir à critiquer le cloisonnement des disciplines académiques et à mieux raconter les histoires misogynes et colonialistes de leurs émergences. Une grande utilité du genre, c’est qu’il pointe une sortie pour la pensée et la pratique féministe de l’impasse du positivisme, du naturalisme et d’une dérive identitaire qui ont marqué les critiques républicaines, matérialistes et d’extrême droite contre les théories de genre ces dernières décennies. Le courage de sortir de la case femme, de ne pas demander une protection spécifique pour notre fragilité spécifique, mais de pointer et de questionner la fragilité réelle de la catégorie même de femme comme l’ont fait Denise Riley (Riley 1988), Judith Butler, Donna Haraway et d’autres, c’est bien cela, la force de frappe du genre comme catégorie utile en philosophie.
Les notions de genre de Varikas et de Butler se rencontrent dans le fait de saisir une tension dialectique entre le pouvoir subjectivant des discours et des structures sociales d’une part, et la réitération ou participation à la construction de ces mêmes discours et structures par chaque personne (même si de manière différente), de l’autre. La fragilité du discours phallogocentrique qui dépend de sa réitération et qui peut donc être détérioré par les libertés prises dans la manière d’interpréter ces réitérations, donc par exemple la manière d’être homme ou femme, est chez Varikas la pluralité et l’imprévisibilité de nos actions face à ce monde, un monde structuré par nos actions et ceux des autres qui ouvrent un champ des possibles et d’un changement social potentiel qui ne peut jamais être entièrement étouffé, même s’il peut paraître plus ou moins limité ou réduit. Et un tel changement potentiel se situe également au sein de l’académie, y compris en philosophie et il peut être investi par le genre comme catégorie critique en vue de produire et de rechercher ces voix dissidentes dont parle Varikas et qui élargissent l’horizon de ce qui est dicible, ce qui est pensable, de ce qui est faisable et par là aussi créent et élargissent les formes de se projeter et donc d’exister[9].
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[1] Par exemple les numéros des Cahiers des GRIF consacré à Hannah Arendt (1986, no. 33) et Sarah Kofman (1997, hors-série no.3), mais aussi les réflexions sur la provenance de la pensée (Cahiers des GRIF 1992, no.46). Pour le contexte québécois, notons deux numéros thématiques de la revue Philosophiques sur les aspects philosophiques du féminisme (1985, no. 12/01) ou alors les horizons du féminisme dans la philosophie (2017, no.44/02).
[2] Plus tard, ce travail était systématisé dans l’ouvrage Varikas, Collin et Pisier (2000).
[3] Alice Jardine fait une analyse de cette philosophie du (devenir) féminin dans Jardine (1991). On peut porter la même critique au Désir homosexuel de Guy Hocquenghem dont une forte inspiration lui vient de sa rencontre avec les militantes du MLF, mais exclut lesbiennes et autres femmes complètement de sa pensée ou ne serait-ce de sa bibliographie (Hocquenghem 2000).
[4] Paul Preciado aussi en fait la critique (Preciado 2000). Paradoxalement Éric Fassin qui est souvent présenté comme traducteur culturel de Butler en France ne partage pas cette critique et s’inscrit plutôt dans la lignée d’Oakley et Millet dans son enthousiasme pour les travaux de Money et Stoler (Fassin 2008).
[5] Pour comparaison : En Allemagne il a été traduit en 1991, soit une année après sa parution originale. Or cette comparaison se relativise si on la compare à sa traduction en espagnol (2006) ou en italien (2013) en portugais (2017).
[6] Negri et Hardt développent cet argument dans Hardt et Negri (2000), p. 96. Ils s’y réfèrent à Luxemburg (1976).
[7] Il faudra dans ce contexte peut-être mentionner la tentative de quelques personnes de fonder un journal nommé Revue des femmes philosophes avec Barbara Cassin, Françoise Collin, Hourya Benis et Geneviève Fraisse (https://fr.unesco.org/themes/transformations-sociales/womenphilosophersjournal). Si Cassin évoque dans sa contribution au numéro 2/3 le fait que les deux catégories (philosophe et femme) restent indéterminées pour elle, il n’empêche que le choix du nom comme de l’orientation de la revue et des évènements qui l’ont accompagné (comme une journée d’étude sur « Ce que les hommes pensent des femmes philosophes ») semblent partir sans problème de ces catégories. Dans le même texte, Cassin pose la question de savoir ce que « la différence des genres » ferait aux catégories fondamentales de la philosophie. Malheureusement elle n’explique pas du tout cet usage des catégories « genre » et « différence » qui semble lui être propre.
[8] Un autre indice que Dorlin est au fond inscrit dans ce courant de pensée est le fait qu’en contre-stratégie à la domination masculine, elle propose avec Wittig le marronnage, donc le devenir lesbien. Wittig développe cette stratégie sur la base d’une analyse en termes de classes de sexe dont la classe des hommes exploiterait la classe des femmes par la contrainte à l’hétérosexualité, ibid. p. 75.
[9] « Si tous les hommes naissent libres, comment se fait-il que toutes les femmes naissent esclaves ? » Mary Astell citée par Varikas (2006), p. 125.