Un individu numérique chez Spinoza et Wiener
Un individu numérique chez Spinoza et Wiener : étude croisée des concepts de ratio et de pattern
Damien Caille, professeur de philosophie et doctorant ENS Lyon (IHRIM – UMR 5317)
Résumé : L’informatique n’est jamais que l’aboutissement d’un travail de formalisation qui caractérise toute démarche philosophique. C’est ainsi que l’ontologie déterministe de Spinoza et la cybernétique de Wiener se rencontrent pour s’enrichir mutuellement. Au travers de leur concept respectif de ratio et de pattern, ils esquissent les contours d’un individu numérique qui permet de mieux comprendre le dynamisme des mécanismes qui constituent son identité. Or, à l’heure de la dématérialisation, la nécessité de cette approche semble d’autant plus prégnante.
Mots-clés : Spinoza, Wiener, identité, corps, informatique
Abstract : Computer science is the culmination of a formalization work, characteristic of any philosophical approach. Thus the deterministic ontology of Spinoza and the cybernetics of Wiener can meet and enrich one another. Through their respective concepts of ratio and pattern, they sketch the outlines of a digital individual that allows a better understanding of the dynamic and the mechanisms that constitute its identity. Yet, in the era of dematerialization, this approach seems even more significant.
Keywords : Spinoza, Wiener, identity, body, computing
Introduction
Entre le stockage massif des données personnelles qui nous identifient et les intelligences artificielles qui, pour ainsi dire, s’humanisent progressivement, la question de l’individualité numérique est devenue un enjeu philosophique majeur du monde contemporain. Pourtant, la mathématisation de l’individu, traduit par un ensemble de chiffres et d’algorithmes aujourd’hui informatisables, ne fait pas partie des dernières nouveautés. L’histoire de la pensée laisse entrevoir en ce sens des propositions originales, à l’instar de Spinoza qui a révolutionné notre compréhension de l’individu en abolissant les frontières du corps et de l’esprit qu’il considère non pas comme deux entités distinctes mais comme deux attributs d’une même substance, ou comme les deux faces d’une même pièce[1]. Au croisement du matérialisme et du rationalisme, il définit ce dernier par « le rapport de mouvement et de repos » qui régule les parties du corps individuel, un ratio à la fois physique et mathématique, sur la base du modèle géométrique qui fonde son Éthique. Étonnamment, cette schématisation du corps et de l’individualité elle-même n’est pas sans faire écho au pattern que Norbert Wiener conceptualise trois siècles plus tard en s’adossant sur les principes de l’homéostasie biologique. En effet, celui pour qui « Spinoza était un saint[2] » envisage la possibilité d’un « homme télégraphié » que l’on pourrait restituer à la manière d’une succession de messages, puisque l’individu, pour le cybernéticien, n’est en rien une substance mais un « modèle » que l’on peut perpétuer sous d’autres formes[3]. Car sous le flux informationnel, ce pattern conduit la logique des mécanismes d’autorégulation propre à l’individu, ce en quoi il constitue dans une certaine mesure son identité. Malgré le caractère anachronique de ce rapprochement, les ressemblances avec les principes de l’affectivité individuelle chez Spinoza semblent alors manifestes : malgré sa mutabilité et la diversité de ses changements, l’individu est un, non parce qu’il est substantiellement le même mais parce que le ratio qui définit sa structure géométrique et mécanique perdure. Schéma affectif ou schéma numérique, la frontière entre l’intelligence humaine et l’intelligence artificielle s’en trouve d’autant plus ténue et questionne le caractère disruptif de l’évolution à laquelle aspirent les idéologues du posthumanisme. Car la transformation, si elle induit nécessairement un passage, une transition, n’implique aucunement une dénaturation si le progrès technique incarne la singularité de l’essence humaine[4]. Dès lors, l’avènement de l’individu numérique ne serait-il plus qu’une affaire de technologie et surtout implique-t-il véritablement une rupture ontologique ?
I. L’individu mathématique : rationaliser et modéliser
Les mathématiques ne constituent pas seulement une science, c’est aussi une méthode d’investigation, une démarche intellectuelle, une approche rationaliste de la réalité qui lie Spinoza et Wiener. Mais l’univers n’est-il pas un livre écrit en langage mathématique depuis Pythagore ? Assurément, puisque le mathématicien déclarait que dans la vie humaine, comme dans le cosmos, le nombre est la règle de toute chose tant du point de vue quantitatif que qualitatif : il fonde le principe intelligible des êtres dans la proportion du corps comme dans la structure de l’âme, l’un résonnant avec l’autre dans une harmonie proportionnelle qui répond aux contraintes numériques de tout objet matériel ou immatériel[5]. Si le dualisme posé par cette physiognomonie ne correspond ni au monisme spinoziste, dans lequel corps et âme sont une même chose du point de vue substantiel, ni même au matérialisme de Wiener, pour qui l’esprit se réduit une structure corporelle, il n’en reste pas moins que le pythagorisme résonne avec leur conception de l’individu. Spinoza, qui rédige son Éthique « more geometrico » au regard d’une Nature dont la nécessité suit l’ordre d’une production logique[6], formule très explicitement que la connaissance de l’individu qu’il souhaite établir est de nature mathématique :
Je traiterai de la nature des sentiments et de leurs forces, de la puissance de l’âme sur eux, suivant la même méthode que dans les parties précédentes de Dieu et de l’âme, et je considérerai les actions et les appétits humains tout comme s’il était question de figures, de surfaces et de solides.[7]
Quant à Wiener, sa cybernétique traduit également la volonté de mathématiser la connaissance des organismes, non pas au sens biologique mais au niveau mécanique d’une structure organisée qui met en jeu une communication entre ses parties. Il s’agit d’abord d’un problème sémantique car les mathématiques, comparées aux mots, favorisent clarté et précision par son symbolisme :
Dès que j’ai commencé à m’intéresser à la cybernétique je me suis bien aperçu que les considérations sur la régulation et la communication, dont j’avais découvert les applications à la construction des machines et à la physiologie, étaient aussi applicables en sociologie et en économie. [Or] la cybernétique n’est rien si elle n’est mathématique…[8]
Par leur méthode de structuration des phénomènes, tous deux dégagent l’individu de sa conception métaphysique pour le rationaliser et le modéliser mathématiquement.
Ainsi les notions de ratio et de pattern se font respectivement écho chez Spinoza et Wiener. Dans l’aparté de la deuxième partie de son Éthique, qui a trouvé de fait le nom de « petite physique », Spinoza conçoit l’individu comme un « certain rapport précis [certa quadam ratione] » de mouvement et de repos qui détermine les mécanismes du corps, une définition géométrique qui se calque sur sa physionomie[9]. Cette approche fait sens au début du XVIIe siècle, puisque c’est durant cette période qu’on voit émerger l’idée que la nature d’un objet peut être définie par un rapport constant de variation qui détermine son essence géométrique. En prenant appui sur ses connaissances de l’anatomie, nourries entre autres par Sténon, et sur une physique parfois approximative quand elle est extérieure au champ de l’optique, l’individu spinoziste rappelle la vision mécaniste de Wiener qui lui permet d’élaborer son concept de pattern. En effet, pour le mathématicien du MIT, « nous ne sommes que les tourbillons d’une rivière intarissable. Non substance qui demeure, mais modèles [patterns] qui se perpétuent [eux-mêmes][10] ». En tant qu’ils s’opposent au chaos généré par la loi générale de l’entropie, les organismes fonctionnent tous sur un modèle individuel qui structure les mécanismes de leur dispositif corporel, maintenu par « cette homéostasie qui est la pierre de touche de notre identité personnelle[11] », à la manière du conatus spinoziste qui les fait persévérer dans leur être. Mais pour l’un comme pour l’autre, cette forme de l’individu n’est pas fixe. En outre, Wiener utilise l’image « de la flamme plutôt que de la pierre » pour caractériser l’individualité du corps qu’il refuse de substantialiser à l’instar de Spinoza. Ce dernier, influencé par la révision des mathématiques par Van Schooten[12], semble considérer la forme comme un mouvement en défendant une géométrie génétique qui seule peut donner une « définition affirmative ou parfaite » de tout objet mathématique, et plus encore d’un individu qui fait partie des « êtres Physiques et réels ». Autrement dit, l’essence ne peut se réduire à des propriétés fixes sans considérer la dynamique qui est à l’origine, car elle enveloppe non seulement sa cause efficiente mais aussi sa cause prochaine[13]. De même, le pattern de Wiener implique le principe dynamique de rétroaction (feedback) sans lequel l’organisme n’existerait pas en tant que tel. C’est pourquoi la forme de l’individu est une abstraction géométrique qui ne se comprend paradoxalement qu’en refusant de se détacher de l’effectivité des mécanismes physiques ; la règle mathématique qui préside au fonctionnement d’un individu, à rebours d’une vision finaliste, est produite par l’activité de cet organisme et non l’inverse. C’est là l’originalité du formalisme des deux penseurs : une physiogéométrie qui ne s’inscrit pas dans l’immuabilité d’une forme transcendante, mais dans le dynamisme d’un système immanentiste.
Ainsi, il ne s’agit pas de traduire un rapport quantitatif mais d’exprimer un modèle qualitatif caractérisé par son dynamisme.La difficulté tient alors à la forme algébrique de ce ratio ou pattern individuel, car le langage mathématique est fixé par des valeurs numériques. Spinoza circonscrit implicitement ce problème dans la lettre XII à Meyer consacrée aux mathématiciens puisqu’il y précise que ces derniers « ont trouvé beaucoup de grandeurs qui ne se peuvent exprimer par aucun nombre […] Ils n’en concluent pas cependant que de telles grandeurs dépassent tout nombre assignable ». Et bien qu’ils tendent à arrondir la suite infinie des décimales, ils sont bien capables de déterminer des rapports sans avoir recours au nombre. En outre, dire que A/B = p/q suffit à comprendre par comparaison la nature du rapportsans y associer aucune quantité. Un ratio, et plus encore un pattern, est moins un nombre qu’une opération, c’est-à-dire une relation logique qu’une fonction mathématique, malgré des inconnus sans valeur, peut tout à fait restituer. A ce titre, Georges Boole, inventeur du langage binaire, fut le premier à réaliser ce rêve leibnizien d’une bissociation de la logique et de l’algèbre ; ses travaux furent ainsi une source d’inspiration pour la cybernétique de Wiener, ou pour la machine universelle d’Alan Turing dont le fonctionnement met au premier plan des fonctions logarithmiques qui concrétisent l’expression mathématique du ratio ou pattern d’un individu. En effet, le logarithme incarne à la fois l’aspect dynamique des mathématiques et la possibilité de rendre compte de l’homéostasie individuelle ainsi que l’entendent Spinoza et Wiener. D’une part, le conatus comprend tant la conservation de l’individu que l’effort pour augmenter sa puissance – ce qui constitue son « essence actuelle[14]. D’autre part, le feedback représente le processus de stabilisation d’un état initial, ou de régulation vers un état acceptable, qui permet à la machine individuelle de répondre à l’action d’un élément extérieur tout en se conservant[15] – la réitération de certaines boucles rétroactives entraîne cependant un mouvement d’amplification. Or, ces deux tendances, conservation et augmentation, paradoxales mais complémentaires lorsqu’elles sont inscrites dans un processus homéostatique, transparaissent dans la causalité cyclique de la fonction logarithmique. Par exemple, log10(1000)=3 car 10×10×10=103=1000. Le logarithme induit la réitération d’une même opération, un dynamisme qui conserve une logique par laquelle un nombre de « base », élevé à une puissance donnée, voit sa valeur augmenter. Ce retour du nombre sur lui-même, origine de son propre dynamisme mathématique et homéostatique, n’est pas seulement de l’ordre de la métaphore : on peut bien imaginer remplacer le cerveau humain par une « machine logarithmique » à l’instar de Gaston de Pawlowski dans Le Voyage au pays de la quatrième dimension. Ainsi, la mathématisation de l’individu, par l’apparente fixité d’une fonction algébrique n’a rien d’incompatible avec le dynamisme des variations de sa courbe, favorise la maîtrise des mécanismes d’individuation.
II. L’individu computationnel : penser comme un ordinateur ?
Comprendre le corps comme une machine n’a rien d’original depuis la Renaissance, mais c’est tout autre chose de concevoir comme tel l’individu, à l’instar du ratio spinoziste ou un pattern wienerien. Sans pouvoir parler de réductionnisme, les deux penseurs tiennent une position anti-dualiste en récusant le recours à un principe métaphysique d’animation au profit d’un repli systématique de l’identité individuelle sur la structure corporelle. La cybernétique, que Wiener lui-même définit comme « la théorie des communications et du contrôle aussi bien dans les êtres vivants, les sociétés et les machines[16] », produit un système qui s’applique aussi bien au biologique qu’au mécanique ; elle repose sur une analogie réciproque entre l’homme et la machine[17], bien que le cybernéticien se refuse toujours à identifier l’homme à une machine pour des raisons éthiques évidentes – ce qui n’est pas le cas sur le plan théorique. A contrario, c’est justement parce que son Éthique repose sur la connaissance de ce que nous sommes que Spinoza participe directement à l’idée qu’il n’y a pasde différence de nature entre organique et inorganique. En effet, en se concentrant uniquement sur les rapports de mouvement et de repos qui déterminent ses mécanismes dans la « petite physique », l’idée d’un corps machine semble aussi prégnante chez Spinoza qu’elle ne l’était déjà chez Descartes. En outre, le scolie de la proposition 2 dans la troisième partie affirme que le corps « dépasse de très loin en artifice toutes celles qu’a fabriquées l’art des hommes ». Lorsqu’il s’agit de considérer sa structure, Spinoza emploie régulièrement le terme fabrica jusqu’à reprendre l’expression qui servit de titre à la physiologie de Vésale : « Corporis humani fabrica ». Cependant, bien que ce corps soit « fabriqué », l’analogie de la machine est à nuancer de par l’Appendice de la première partie qui réfute l’idée cartésienne d’un « art divin ou surnaturel » propre au finalisme pour défendre l’interdépendance causale des corps dans la nature, ce qui relève proprement d’un « art mécanique ». Si « l’homme n’est pas comme un Empire dans un empire », son corps non plus n’est pas une exception dans la nature car son fonctionnement relève des seules lois de la physique. En ce sens, il est plus automate que machine : il n’accomplit pas la volonté d’un mécanicien, mais c’est de manière déterminée, par les seules lois de sa nature, que l’individu effectue les opérations qui lui permettent de conserver son ratio de mouvement et de repos. Spinoza affirme dans la même scolie que « personne jusqu’à présent n’a connu la structure du Corps si précisément qu’il en pût expliquer toutes les fonctions ». Ainsi, notre incapacité à la reproduire ne justifie aucunement la discrimination effectuée par les sciences entre vivant et non-vivants[18] ; il ne s’agit pas d’une différence de nature mais de degré de complexité, puisque « le Corps humain est composé d’un très grand nombre d’individus (de nature diverse), dont chacun est très composé[19] ». Wiener, sur le modèle spinoziste, appréhende également le corps comme un automate puisqu’il fait du cerveau « un meilleur appareil [device] que ceux que nous pouvons fabriquer pour le remplacer » pour l’instant[20]. En abolissant ainsi les frontières du naturel et de l’artificiel, la nécessité d’une âme disparaît au profit d’un individu compris comme dispositif technique, constamment modifié par des boucles rétroactives relatives à son dynamisme homéostatique : il ne cesse de changer, et pourtant son ratio, son pattern, en quelque sorte son logiciel reste le même.
Envisager l’individu comme un ordinateur apparaît comme une évidence, plus encore au regard des rouages de la pensée, car l’automatisme va bien au-delà des seuls mécanismes du corps chez Spinoza comme chez Wiener. Un ordinateur est un système de traitement de l’information qui repose sur un programme, c’est-à-dire qui fonctionne sur la base d’une série d’instructions qui lui font exécuter des opérations de manière déterminée dans un certain ordre – comme l’indique son étymologie – non-linéaire cependant : « en ce sens, ce n’est pas du tout une machine, c’est un organisme[21]. » Le lien avec la cybernétique est manifeste, mais ce dernier point est tout aussi patent chez Spinoza puisque « l’ordre et l’enchaînement [ordo et connexio] des idées est le même que l’ordre et l’enchaînement des choses[22] », ce qui explique que la mémoire soit conçue comme « un certain enchaînement d’idées qui enveloppent la nature des choses qui sont à l’extérieur du Corps humain, enchaînement qui se fait dans l’Esprit suivant l’ordre et l’enchaînement des affections du Corps humain[23]. » C’est ainsi que l’idée de Pierre, de Paul, et de Siméon sont liées dans le scolie de la proposition 44 de la deuxième partie de l’Éthique et que l’esprit s’imagine l’un « aussitôt [statim] » qu’il s’imagine l’autre. Autrement dit, le décret de l’esprit n’est que l’effet d’une rétroaction de la pensée qu’on appelle la mémoire, elle-même déterminée par les affections du corps, et non d’un libre-arbitre. Par ailleurs, cette mémoire automatique, que l’on retrouve dans les ordinateurs, fonde notre identité pour Wiener, de telle sorte qu’une machine capable d’adapter sa stratégie en fonction de résultats antérieurs donne l’impressions de « développer une sorte de personnalité[24] ». Le cybernéticien va même jusqu’à parler d’une « individualité de l’esprit » de la machine à calculer qui « réside dans la conservation de ses programmes et de sa mémoire, ainsi que dans son développement continu selon des lignes préétablies[25]. » Le cerveau, et plus largement le corps, ne fonctionne pas seulement comme un ordinateur ; il est un ordinateur qui dépasse le cadre de l’analogie comme ont pu le montrer les découvertes du neuroscientifique Benjamin Libet dans les années 1970 sur la prise de décision[26], corroborés par les travaux Lacan pour qui, « même si la machine ne pense pas, il est clair que nous-mêmes ne pensons pas non plus au moment où nous faisons une opération. Nous suivons exactement les mêmes mécanismes que la machine[27]. »
Dans les deux systèmes ontologiques, l’individu apparaît donc comme un automate computationnel, défini par un programme systémique qui le détermine dans son dynamisme de conservation et de régulation. Pour autant, il faut bien distinguer le fait de comprendre l’individu comme un automate de la volonté d’automatisation contre laquelle les deux penseurs se soulèvent au nom d’une même valeur : la liberté. Spinoza conçoit que l’individu soit un « automate spirituel » dans le paragraphe 85 de son Traité de la Réforme de l’Entendement, mais il refuse en même temps dans son Traité théologico-politique que l’Etat « transforme les hommes d’êtres rationnels en bêtes ou en automates [pour] au contraire contribuer à ce que leur esprit et leurs corps accomplissent en sécurité leurs fonctions, et qu’eux-mêmes utilisent la libre Raison[28]. » Cette réflexion n’est pas différente chez Wiener qui lui aussi renvoie le problème de l’automatisation à un problème politique, ou plutôt économique, et non pas technologique. En effet, « le cerveau humain est un système auto-organisateur reposant sur sa capacité à se modifier en une machine nouvelle plutôt que sur une précision à toute épreuve et la résolution de problèmes à grande vitesse[29] » ; car c’est bien l’image cauchemardesque d’une usine dans laquelle le travailleur est automatisé et utilisé de manière proprement inhumaine par le gestionnaire qui hante le discours de Wiener. L’automation est une perfection dès lors qu’elle renvoie à la nécessité du programme spécifique qui détermine l’ordre et l’enchaînement singulier des idées (et des actions) de l’individu, c’est-à-dire sa nature, sa forme, son identité. Aucun des deux penseurs n’autoriserait, du point de vue éthique, l’implémentation d’un programme extérieur qui aliénerait littéralement l’individu au profit d’une politique autoritariste ou d’une économie productiviste. En revanche, la limite à partir de laquelle nous pourrions considérer une machine computationnelle comme un individu égal à l’homme reste indéterminée, et ni l’un ni l’autre ne semble pouvoir écarter cette possibilité, tout comme celle de la numérisation de l’individu.
III. L’individu numérisé : transfert, simulation, dématérialisation
En appréhendant les organismes vivants, non pas comme des machines, mais comme des ordinateurs pilotés par des programmes naturels – le code ADN en est la première manifestation ? –, l’informatique nous force à penser une ontologie digitale pour comprendre le « théologiciel »[30] de la Nature et des êtres qui la composent. Car si cette Nature est un Ordinateur, ou Dieu comme le suggère Wiener, au sens propre comme au sens figuré, la cybernétique permet non seulement de décrire ses lois mais également de reproduire sur le mode informatique l’ordre et l’enchaînement automatique des individus. Ainsi, la perspective de se télécharger est un élément central dans le posthumain contemporain. Pourtant, entre la nouvelle Schematic Man de Frederik Pohl qui décrit un programme reproduisant les façons de penser de l’homme en simulant sa pensée, et plus récemment la série romancière Altered Carbon de Richard Morgan dans laquelle les données de l’individu sont stockées sur des piles que l’on peut transférer et brancher de corps en corps, la numérisation de l’individu est bien différente. Cette divergence fondamentale se trouve aussi dans les théories du futurologue Hans Moravec, mais elles s’inspirent très largement de l’homme télégraphié de Wiener dont la résonnance avec l’individu spinoziste n’est plus à démontrer. En effet, pour le cybernéticien, « il n’existe pas de distinction absolue entre les genres de transmission utilisables pour envoyer un télégramme d’un pays à l’autre et les modes de transmission théoriquement possibles pour un organisme vivant tel que l’être humain. » Une fois mathématisé, ce que le concept spinoziste de ratio explicite, le pattern de l’individu, « le modèle entier du corps humain, du cerveau humain avec ses souvenirs et ses connexions croisées », peut être transmis de sorte « qu’un récepteur instrumental hypothétique pourrait réorganiser convenablement ces messages et serait capable de poursuivre les processus qui préexistent […] le processus d’homéostasie ». Or, entre ce passage du chapitre V de Cybernétique et société et God and Golem, il expose deux dispositifs bien différents tant dans leur forme que dans leurs implications.
Dans le premier modèle, le corps de l’individu est parcouru « par une sonde qui passe dans toutes ses parties et, en conséquence, tend à lentement détruire les tissus sur son chemin ». On perçoit d’emblée le problème majeur de cette opération puisque la destruction de l’individu sur le plan matériel et biologique ne peut avoir pour conséquence qu’une rupture dans son existence, dont il n’est pas certain qu’elle puisse être réactualisée de cette façon. Car si le corps individuel est analysé, décomposé, puis recomposé, c’est uniquement sur le plan structurel et non fonctionnel dès lors que le schéma dynamique qui organise le corps est rompu par le passage de la sonde. En d’autres termes, c’est un individu que l’on assassine pour restituer un corps qui demeurera sans vie. On pourrait certes imaginer que cette analyse se fasse par le biais d’un scanner et non d’une sonde comme le propose Ray Kurzweil[31], et en dehors du fait qu’il limite ce scan au seul cerveau, un tel dispositif semblerait pouvoir palier ce premier problème. Néanmoins, si elle évite la vivisection, cette numérisation implique le séquençage de l’individu en données, une division qui, encore une fois, manque tout autant l’idée du ratio qui définit l’individu chez Spinoza, ou même du pattern comme modèle dynamique chez Wiener, car elle fait de l’individu un stock de data dont la division ne restitue en aucun cas les rapports interactionnels qui définissent son identité. L’individu n’est pas un contenu segmentable mais un flux continu dont la juxtaposition des données, même si elle respecte un certain ordre, ne constituera jamais qu’une imitation visuelle pixelisée de l’individu, une « image picturale [pictorial image] » comme le dit Wiener. On retrouve cette idée chez Spinoza concernant la mémoire qu’il renvoie à des traces (vestigia), des impressions laissées par la rencontre avec des corps extérieurs : les traces n’ont rien d’un contenu matériel mais leur rémanence – concept que l’on retrouve également en informatique – s’intègre pleinement dans les mécanismes physiques de l’affectivité et de l’imagination, déterminant ainsi « l’ordre et l’enchaînement des images », des souvenirs, comme procède « l’entendement avec ses démonstrations »[32]. Par conséquent, cette ontologie structuraliste du cybernéticien du philosophe nous fait comprendre l’individu non comme un contenu numérique mais comme un flux analogique, ce pourquoi Wiener imagine un second dispositif de numérisation.
Dans God and Golem, le pattern qu’il s’agit d’encoder n’est plus une structure isolée dont l’algorithme est de toute manière caché dans cette « boîte noire » que représente l’individu, c’est un rapport « entre messages entrants et messages sortants[33] ». En d’autres termes, c’est la différence mathématique entre le signal reçu par l’individu et le signal-réponse qu’il renvoie qui permet de définir son modèle dynamique, son programme. Cette « image opérative » (operative image), à rebours du séquençage numérique, saisit l’individu comme un système fonctionnel que l’on peut traduire sous une forme algorithmique pour la transférer, la reproduire, ou la démultiplier[34]. Comme le présente Xavier Lambert, les algorithmes « permettent non pas de modéliser le vivant ou l’intelligence en tant que systèmes finis, mais à travers les processus qui les caractérisent[35]. » On n’est plus dans l’imitation mais dans la simulation, ce qui néanmoins ne donne pas moins de réalité à l’individu reproduit. N’est-ce pas ce qu’exprime d’ailleurs l’expression oxymorique réalité virtuelle ? Pour ce faire, le sujet est soumis à une multiplicité de situations tests afin d’enregistrer ses réponses et d’en faire la synthèse. C’est donc la dimension affective de l’individu que Wiener prend en compte dans son identité, et en ce sens il est bien plus proche du mode spinoziste que de la monade de Leibniz, sans porte ni fenêtre, philosophe duquel on le rapproche habituellement. Spinoza sait parfaitement que l’on ne peut concevoir un individu en dehors de son intrication affective, son rapport à l’extériorité, puisque son ratio est nécessairement déterminé de l’extérieur en tant que « tout corps en mouvement ou en repos a dû être déterminé au mouvement ou au repos par un autre corps […] et ainsi à l’infini », d’après le lemme III de la « petite physique ». En outre, ce n’est pas un hasard s’ilse définit d’abord comme un rapport de communication – le terme revenant à plusieurs reprises dans ce même aparté – et il faut rappeler que cette dernière constitue le cœur de la cybernétique. C’est bien dans et par son « aptitude à agir et pâtir de plus de manière à la fois», c’est-à-dire son aptitude à communiquer, que l’individu se singularise. Ses interactions affectives révèlent également la plasticité de sa forme matérielle, sa capacité à se transformer radicalement tout entier à la manière de la chenille en papillon comme l’imagine Wiener, mais jamais l’éventualité d’une dématérialisation.
L’individu vu comme une « machine désirante », pour reprendre le concept deleuzien[36], peut bien prendre n’importe quelle forme puisque « l’identité physique de l’individu ne consiste pas dans la matière dont il se compose[37] ». La matière est changeante et toutes les parties du corps individuel peuvent être remplacées tout en conservant son rapport, ainsi que nous le laissait déjà supposer Spinoza. Néanmoins, malgré l’éternité d’une partie de notre âme, il n’en reste pas moins que notre mémoire, elle, disparaît dans la mort physique[38]. L’esprit n’a rien d’une entité immatérielle séparable du corps dont il est l’idée, comme il le rappelle dans la deuxième partie de l’Éthique, et Wiener ne peut soutenir une chose différente dans sa cybernétique puisque, depuis les découvertes de Shannon, on sait que l’information ne peut être détachée du signal dont elle est la traduction[39]. C’est pourquoi, dans Cybernétique et société, la restitution du pattern ne s’envisage pas sans un dispositif qui « réincarne ces messages dans une matière appropriée ». Dans le champ informatique, le structuralisme algorithmique, quel que soit son degré d’abstraction ou de virtualité, est indissociable d’un structuralisme électronique, d’une réalité physique. Le logiciel n’existe pas sans le support qui l’actualise, ou pour le dire en termes spinozistes comme lorsqu’il s’agit du corps et de l’esprit, le software et le hardware sont l’expression du même individu sous deux attributs différents. Loin du cognitivisme dualiste, l’individu numérique ne sera jamais un individu sans corps.
Conclusion :
Notre manière de définir l’individu, et plus spécifiquement l’humain, est toujours liée à un contexte épistémique, un ensemble de discours aussi bien scientifiques que littéraires qui rendent possible sa conceptualisation. Ainsi, la posthumanité numérique est d’abord un changement de paradigme au regard du développement de l’informatique, et non une modification de notre espèce par la technique. Le déterminisme spinoziste a enterré depuis bien longtemps le libre-arbitre cartésien qui servait encore à distinguer les hommes des animaux ou des machines et Wiener se fait en quelque sorte l’héritier du philosophe en comparant l’humain à l’ordinateur, non pas pour mieux l’automatiser et le contrôler, mais pour mieux comprendre les causes qui le déterminent. Entre l’individu biologique et l’individu numérisé, il n’y a guère de différence de nature mais une différence d’expression d’un même pattern. C’est parce que ce modèle dynamique peut être traduit sous la forme d’un ratio mathématique que les algorithmes informatiques apparaissent comme un moyen de numériser l’individu en restituant les processus qui font l’ordre et l’enchaînement singuliers de ses idées, ainsi que les actions qui en découlent. Ainsi, l’individu de Spinoza et de Wiener n’est autre qu’un automate computationnel qui suit les lignes de son programme dans ses interactions avec une extériorité qui le modifie, de manière rétroactive, sans nuire à son intégrité. Par conséquent, il ne faudrait pas voir dans la cybernétique la menace d’une déshumanisation supervisée par un système économique qui n’envisage que la productivité, un usage inhumain de l’être humain contre lequel Wiener s’indigne. Quant à la numérisation de l’individu, elle n’a rien d’une pâle imitation virtuelle dès lors qu’elle restitue l’image operative, c’est-à-dire l’ensemble des processus physico-mathématiques qui le constituent, sur un support matériel dont l’infini variabilité révèle un individu fondamentalement plastique. L’individu numérique n’est pas et ne sera jamais dématérialisé, mais son existence est intrinsèquement liée à celle d’un corps indéfiniment ouvert et évolutif, une existence transcorporelle qui renvoie à une effectivité éthique, au sens spinoziste du terme. Car si la numérisation participe directement au conatus individuel, à l’effort de chacun pour persévérer dans l’être dans ses modifications, elle s’inscrit également pour Wiener dans la lutte tout être vivant contre l’entropie naturelle. « Autrement dit, il faut imaginer que ce langage organique qu’est l’informatique est peut-être le langage de la vie elle-même », pour reprendre les mots de M. Alizart.[40] Conservation de soi mais aussi augmentation de notre puissance, l’individu numérique incarne donc l’aptitude de l’homme à se communiquer sous diverses formes ainsi que sa capacité à s’unir aux autres pour constituer – idéalement ? – comme un seul et même cyber-individu.
[1] Nous reprenons l’expression à Chantal Jaquet, Les expressions de la puissance d’agir, Paris, Editions de la Sorbonne, 2005, p. 7.
[2] Archives Wiener, lettre à Herbert Simon, 5 octobre 1953, boîte 12, dossier 1979. Citée par Pierre Cassou-Noguès, Les rêves cybernétiques de Norbert Wiener, Paris, Seuil, coll. Science ouverte, 2014, p. 52.
[3] Norbert Wiener, Cybernétique et société. L’usage humain des êtres humains [1954], Paris, Seuil, coll. Points Sciences, 2014, p. 125.
[4] C’est entre autre l’idée majeure d’Henri Bergson qui conçoit l’homme comme homo faber. Henri Bergson, L’Évolution créatrice (1907), chap. II, PUF, « Quadrige », 1996, p. 138. A noter que l’on retrouve également cette idée chez Spinoza, Traité de la réforme de l’entendement, trad. Appuhn, Paris, GF Flammarion, 1964, p. 189. Au paragraphe 26, Spinoza retrace le perfectionnement des « instruments naturels » à l’homme et compare la production des « instruments matériels » (pour forger le fer) avec le progrès des « instruments intellectuels ».
[5]Aristote, Métaphysique, A V, 985b : « Comme, enfin, toutes les autres choses leur [les pythagoriciens] paraissaient, dans leur nature entière, être formées à la ressemblance des nombres, et que les nombres semblaient être les réalités primordiales de l’Univers : dans ces conditions, ils considérèrent que les principes des nombres sont les éléments de tous les êtres, et que le Ciel tout entier est harmonie et nombre. » Sur l’harmonie proportionnelle du corps et de l’âme, voir le discours du pythagoricien Simmias dans le Phédon de Platon (86b-d) : « L’âme est un mélange et une harmonie des éléments du corps, quand ils ont été combinés dans une mesure convenable et juste. »
[6] Ohad Nachtomy, « Spinoza et les normes de la logique 23-32 », in Jacqueline Lagrée (dir.), Spinoza et la norme, Presses universitaires Franc-comtoises, Annales littéraires n°727, 2002, p. 27-28. « Les séries, les fonctions mathématiques et le concept d’algorithme illustrent en effet la nature d’une production logique. […] Et c’est précisément par analogie avec une telle figure de production logique (qui procède nécessairement de concepts mathématiques ou géométriques) que Spinoza pense l’activité nécessaire de Dieu comme la puissance productrice à l’œuvre dans la Nature. »
[7] Spinoza, Éthique, III, Préface, trad. B. Pautrat, Paris, Éditions du Seuil, On trouve une modélisation géométrique du désir, dont la variabilité dépend de la constitution de l’homme (Éthique, III, déf. des affects I, explication), sous la forme d’une courbe qui, en l’occurrence, rappelle la fonction f(x)=x², dans la dernière partie du livre de Françoise Barbaras, Spinoza. La science mathématique du salut, Paris, CNRS éditions, 2007. On y trouve aussi des figures réalisées par le mathématicien Van Schooten dont Spinoza a lu les Exercices mathématiques à en croire sa bibliothèque, et dans lesquels, au livre III, le mathématicien explique que toutes ces figures peuvent être considérées comme une seule du fait de l’égalité de leur rapport géométrique.
[8] Norbert Wiener, God and Golem, Cambridge (Ma), MIT Press, 1964, p. 87-93. On retrouve cette idée d’un individu mathématisé par la cybernétique dans plusieurs textes de Claude Lévi-Strauss qui fait directement référence à Wiener, en outre dans son article « Les mathématiques de l’homme », Bulletin international des sciences sociales, Unesco, 6 (4), 1954, p. 643-653.
[9] Spinoza, Éthique, II, Lemme III, Axiome 2, def. « Plus sont grandes ou petites les surfaces suivant lesquelles les parties d’un Individu, ou d’un corps composé, s’appuient les unes sur les autres, plus il est difficile ou facile de les forcer à changer de place, et par conséquent plus il est difficile ou facile de faire que l’Individu revête une autre figure. »
[10] Norbert Wiener, Cybernétique et société, op. cit., p. 125.
[11] Ibid.
[12] Van Schooten définit le cercle par le mouvement d’un segment autour de l’une de ses extrémités, c’est-à-dire par sa cause efficiente. Sur le lien avec Spinoza, voir F. Audié, Spinoza et les mathématiques, Paris, PUPS, 2005, p. 41-52.
[13] Spinoza, Traité de la Réforme de l’Entendement, §95-96. Voir la lettre LX à Tschirnhaus.
[14] Spinoza, Éthique, III, prop. 6 et 7.
[15] Influencé par James Watt, Wiener prend souvent l’exemple de la soupape qui régule la pression dans la machine à vapeur ; il tient de la petite pièce de ce mécanisme appelée « gouverneur » (du grec κυβερνήτης) le concept de cybernétique.
[16] « Le professeur Wiener répond à nos questions sur la cybernétique », Atomes, septembre 1951, p. 291.
[17] Pierre Cassou-Noguès, Les rêves cybernétiques de Norbert Wiener, op. cit., p. 92 sq.
[18] Alain Beaulieu, « L’expérience deleuzienne du corps », Revue internationale de philosophie, n°222, 2002.
[19] Spinoza, Éthique, II, postulat I.
[20] Norbert Wiener, « Epilogue« ,Collected Works, P. Masani (ed.), Cambridge (Ma), MIT Press, 1985, t. IV, p. 431.
[21] Mark Alizart, Informatique céleste, Paris, PUF, coll. Perspectives critiques, 2018, p. 54.
[22] Spinoza, Éthique, II, prop. 7. Voir aussi le scolie de la prop. 2 dans la troisième partie : « tant le décret que l’appétit de l’Esprit, et la détermination du Corps, vont de pair par nature, ou plutôt sont une seule et même chose. »
[23] Spinoza, Éthique, II, prop. 18, sc.
[24] Norbert Wiener, « Man and the Machine« , Collected Works, op. cit., p. 714.
[25] Norbert Wiener, Cybernétique et société, op. cit., p. 130.
[26] Benjamin Libet prouve que nos décisions conscientes viennent après l’initiation du mouvement dans le cerveau et que cette prise de conscience n’a lieu qu’environ 300ms après. Or, cette période correspond au temps d’activation du champ de la mémoire, comparable au ping informatique qui désigne le temps de traitement de l’information.
[27] Jacques Lacan, Séminaire, II, cité par Ronan Le Roux, Structuralisme(s) et cybernétique(s), Lévi-Strauss, Lacan et les mathématiciens, Paris, Cetcopra, 2010.
[28] Spinoza, Traité théologico-politique, chap.XX, §6. Voir l’article de Laurent Bove, « « Bêtes ou automates », la différence anthropologique dans la politique de Spinoza » in Pierre-François Moreau et al. (dir.), Lectures contemporaines de Spinoza, Paris, PUPS, 2012, p. 157-178.
[29] Norbert Wiener, « Some Moral an Technical Consequences of Automation« , Collected Works, op. cit., p. 720.
[30] Jacques Derrida, Circonfession, in Geoffrey Bennington, Jacques Derrida, Paris, Seuil, 1991, p. 30.
[31] Ray Kurzweil, The Singularity is near, Londres, Penguin, 2005, p. 198-199.
[32] Spinoza, Lettre XVII à Blyenbergh. Voir aussi Éthique, II, prop. 18.
[33] Norbert Wiener, God and Golem, op. cit., p. 32.
[34] A ce titre, Wiener insiste souvent sur l’ubiquité de son homme télégraphié. Mais comme pour des jumeaux dont les expériences finissent par les singulariser, il ne voit aucun problème à ce que le même pattern se dédouble (voir Cybernétique et société, chap. V).
[35] Xavier Lambert, « Le posthumain : perspective ou impasse », in Élaine Després et Hélène Machinal (dir.), PostHumains. Frontières, évolutions, hybridités, Rennes, PUR, coll. Interférences, 2014, p. 195-204.
[36] Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe, Paris, Editions de Minuit, 1972, p. 43-48
[37] Norbert Wiener, Cybernétique et société, op. cit., p. 130.
[38] Spinoza, Éthique, V, prop. 23 et sc.
[39] Voir Mathieu Triclot, Le Moment cybernétique, Grenoble, Champs Vallon, 2008, p. 229-230.
[40] Mark Alizart, op. cit., p. 57.
Super, une très belle analyse